La Cour du Lion

La Cour du Lion est la sixième fable du livre VII de Jean de La Fontaine situé dans le deuxième recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678. Elle est inspirée des isopets de Marie de France du XIIe siècle, qui a été elle-même inspirée par les fables de Phèdre[1]. Cette fable est une critique de la cour et du Roi. En effet, le Lion est la représentation du roi Louis XIV[2] et les autres animaux de la cour. À la question du Lion, l'Ours et le Singe font dans l'excès : le premier est trop sincère, lorsque le second est trop flatteur. Le Renard, quant à lui, fait preuve de ruse en répondant « en Normand », c'est-à-dire évasivement[3]. Le Roi est donc considéré comme sévère, punissant les personnages ne disant pas ce qu'il veut[2].

Dessin de Grandville (1838-1840)

La Cour du Lion

Gravure de Martin Marvie d'après un dessin de Jean-Baptiste Oudry (1756)

Auteur Jean de La Fontaine
Pays France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1678
Illustrateur J.B Oudry
Nombre de pages 98

Version classique[4]

LA COUR DU LION

[Guéroult]

Illustration de Benjamin Rabier (1906)
Gravure de François Chauveau (1613-1676)
Illustration de Gustave Doré (1876)

Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître,
De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture,
Avec son sceau. L’écrit portait
Qu’un mois durant le Roi tiendrait
Cour plénière, dont l’ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita.
Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l’odeur se porta
D’abord au nez des gens. L’Ours boucha sa narine:
Il se fût bien passé de faire cette mine,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L’envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité ;
Et flatteur excessif il loua la colère
Et la griffe du Prince, et l’antre, et cette odeur :
Il n’était ambre, il n’était fleur,
Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encor punie.
Ce Monseigneur du Lion là,
Fut parent de Caligula.
Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
Que sens-tu ? dis-le-moi : Parle sans déguiser.
L’autre aussitôt de s’excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat ; bref il s’en tire.
Ceci vous sert d’enseignement.
Ne soyez à la Cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère ;
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.

 Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Cour du Lion


Vocabulaire

(1) Sa Majesté Lionne : ici, adjectif, s'accorde avec le mot Majesté

(2) une circulaire écriture : une circulaire

(3) Cour plénière : "les rois tenaient autrefois leur cour plénière, quand ils mandaient les principaux de leur État auprès d'eux" (dictionnaire de Furetière)

(4) Fagotin : singe savant, dressé par le montreur d'animaux et marionnettiste Brioché, que l'on pouvait voir sur le Pont-Neuf et à la foire Saint-Germain.

(5) D'abord : aussitôt

(6) Il se fût bien passé : il eût mieux fait de ne pas...

(7) Pluton : dieu des morts....

(8) Et flatteur excessif il loua la colère : le vers ne rime avec aucun autre...

(9) Caligula : empereur Romain (12-41) particulièrement extravagant et meurtrier : on rapporte qu'à lla mort de sa sœur Drusilla, il fit exécuter successivement ceux qui ne pleuraient pas pour insensibilité, et ceux qui pleuraient, parce qu'ils ne croyaient pas qu'elle soit devenue déesse.(Caligula, impopulaire par ses extravagances et ses crimes, mourut assassiné)

(10) il ne pouvait que dire : il ne pouvait rien dire

(11) répondre en Normand : " On dit aussi qu'un homme répond en Normand, lorsqu'il ne dit ni oui, ni non, qu'il a crainte d'être surpris, de s'engager." (Dictionnaire de Furetière)

Il faut noter que cette fable est souvent reproduite avec une faute, y compris dans les manuels scolaires : au vers 25, l'orthographe "encor" s'impose, sans quoi le vers comporterait 13 syllabes au lieu de 12 et ne serait plus un alexandrin. En effet, si "encor" comprenait un e final, celui-ci, étant placé avant une consonne devrait être décompté, selon les règles classiques de versification.

Références

  1. Jean-Marc Bassetti, « La Cour du Lion », sur lafontaine.net (consulté le )
  2. « La cour du lion - Jean de La Fontaine », sur bacdefrancais.net (consulté le )
  3. « REPONDRE EN NORMAND », sur expressions-francaises.fr (consulté le )
  4. Jean de La Fontaine, Fables (lire sur Wikisource)

Liens externes

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