La Bascule du souffle

La Bascule du souffle (Atemschaukel) est un roman de Herta Müller (1953-), publié en allemand en 2009 et traduit et édité en français en 2010.

La Bascule du souffle
Auteur Herta Müller
Pays Allemagne
Genre Roman
Version originale
Langue Allemand
Titre Atemschaukel
Lieu de parution Munich
Date de parution 2009
Version française
Traducteur Claire de Oliveira
Éditeur Gallimard
Lieu de parution Paris
Date de parution 2010
Nombre de pages 310
ISBN 9782070128839

Contenu

De janvier 1945 à 1949, pendant cinq ans, des milliers d'habitants d'origine allemande quittent, malgré eux, en trains fermés, la ville d'Hermannstadt en Transylvanie (nom allemand de la ville de Sibiu en Roumanie) et d’autres régions, pour rejoindre divers camps de travail forcé en URSS.

Le récit accompagne un groupe de jeunes du camp de Novo-Gorlavska, sans doute Horlivka, près de Dniepropetrovsk, actuelle Dnipro (Ukraine), dans un grand bassin industriel dévasté par la guerre, et qui recrute du personnel gratuit déporté. Mais peu importent les noms de lieux, et même celui de l'usine, Koksochim-Zavod.

Le camp abrite quelques milliers de travailleurs, répartis en baraques de 68 châlits et en (cinq) bataillons de travail forcé (Otdelny Rabotchi Balalion, ORB), comprenant chacun entre 500 et 800 internés. Le commandement appartient au commandant Chichtvanionov. Les petites décisions (répartition des tâches, des équipes) appartiennent au kapo Tur Prikulitch.

Le matricule 1009 756, Léopold Auberg (p. 45), est le narrateur principal. Le livre commence alors que, à 17 ans, il prépare sa valise-phonographe, presque content d'échapper à son destin. Il est accompagné principalement de Trudi Pelikan, (Ar)Tur Prikulitch, Béa(trice) Zakel. La « société interlope » se compose également d'Oswald Enyeter l'homme au rasoir, Konrad Fonn l'accordéoniste, Karli Halmen, Albert Gion, Sarah Kauntz, Sarah Wandschneider, Irma Pfeifer, Annamarie Berg, Lommer la cithare, l'avocat Paul Gast et sa femme Heidrun Gast, le batteur Anton Kowatsch, Katharina Seidel, Peter Schiel, Ilona Mich, M. Reusch le tailleur, et même la Roumaine Corina Marcu. Et de centaines d’anonymes…

Le quotidien, c'est la faim, la peur, le froid, l'appel, les miradors, les excréments, la diarrhée, la vermine, les rats-taupes, les poux. Au travail, c'est la boue, le charbon, la chaux, le ciment, les pelles, les scories. Ils sont employés surtout à charger et décharger des wagons, des camions, pour construire des bâtiments, vider des chaudières : « Une pelletée = un gramme de pain ». La nourriture se réduit à du pain (khleb) et à de la soupe aux choux, et le peu qu'ils arrivent à mendier auprès des locaux contre la fourniture de bouts de charbon et autres petits larcins. Les contacts sont rares avec les Russes ou Ukrainiens : seul ressort Kobelian le chauffeur, auquel sont affectés parfois Léopold et Trudi.

Pas de plaintes, mais un quotidien trié, presque enjolivé (« Faces de vieillardes et sourcils de givre », p. 73), par le refus d'une pensée critique, pour ne pas accueillir le désespoir : tracas d'habillement et de chaussures, échanges symboliques, dépouillement des morts, souvenirs du temps d'avant, humiliations, rêves, fantasmes, dérives, ennui. Avec, pour Léopold, les dernières paroles de sa grand-mère : « Je sais que tu reviendras ». Se raconter en groupe les recettes est un remède : « les recettes sont les histoires drôles de l'ange de la faim ».

Les titres de certains chapitres sont assez éloquents : Le ras-le-bol du bonheur, Époque palpitante, Les peupliers noirs, La pelle en cœur, Eau-de-vie de houille, Les douleurs fantômes du coucou, L'affaire criminelle du pain, Que les secondes traînent, L'ange de la faim, Intoxication à la lumière du jour, L'homme patate, L'ennui au pluriel, Le mal du pays, comme si j'en avais besoin, Un jour, je serai dans un coin élégant, Le bonheur au camp, Chiens noirs, L'avachissement, Le lièvre blanc, Au fond des choses, comme le silence...

Et, à leur libération, à leur retour au pays (ou ailleurs), cinquante années à ne pas pouvoir exprimer ces cinq années perdues, pour les survivants.

Réception

La critique francophone s'est encore peu manifestée[1],[2],[3].

Origine

La postface précise que la déportation (de 213 000 personnes) est resté un sujet tabou en Roumanie communiste, « dans la mesure où elle évoquait le passé fasciste de la Roumanie » (p. 305).

« Aucun de nous n'avait fait la guerre, mais pour les Russes nous étions responsables des crimes d'Hitler, étant allemands » (p. 46).

La mère de l'auteure a vécu une telle expérience de cinq ans, de même que beaucoup de germanophones de leur village. Oskar Pastior (1927-2006), poète germano-roumain, membre de l'Oulipo, également déporté, a confié à l'auteure ses souvenirs. Sa mort en 2007 a « paralysé » Herta Müller et l'a amenée à modifier son projet d'écriture.

Récompenses

  • 2009 : Prix du livre allemand (finaliste, liste courte)
  • 2013 : Prix de la meilleure traduction littéraire en anglais (en) (finaliste)
  • 2013 : Prix de traduction Oxford-Weidenfeld (en) (récipiendaire)

Citations

« Dans notre maison de campagne à la Wench, tout au fond du verger, il y avait un banc en bois sans dossier. On l'avait appelé l'oncle Hermann, car on ne connaissait personne de ce nom. L'oncle Hermann enfonçait dans la terre ses deux pieds ronds faits de troncs d'arbre. ... Plus haut, sur la colline herbeuse, il y avait tante Luia. Elle avait un dossier et quatre pieds ; moins grande et plus mince que l'oncle Hermann, elle était son aînée... » (p. 206)

« Il y a l'ennuyeuse mégalomanie du ver élastique dans le coucou, le coude noir du tuyau du poêle. Et, par terre, l'ombre de la petite table usée. Quand le soleil tourne, elle a une nouvelle ombre. Il y a l'ennui de l'eau, à la surface du seau en fer-blanc, sans parler de l'eau de mes jambes gonflées. L'ennui de la couture béante de ma chemise, celui de l'aiguille qu'on m'a prêtée, l'ennui tremblotant de la couture qui fait descendre le cerveau sur les yeux, et l'ennui du fil qu'on coupe avec les dents. Chez les hommes, il y a l'ennui des dépressions larvées, quand ils jouent aux cartes sans passion, en bougonnant. Avoir un bon jeu devrait vous donner envie de gagner, mais les hommes abandonnent la partie avant qu'elle ne soit gagnée ou perdue. Les femmes ont l'ennui du chant, des chansons nostalgiques lors de l'épouillage, avec l'ennuyeuse robustesse des peignes à poux en corne et en bakélite. » (p. 210)

« Je regarde à l'intérieur de ma tête comme par la fente éclairée d'une porte. »

Notes et références

  1. « Müller raconte la déportation des Roumains », LExpress.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  2. « La bascule du souffle Herta Müller », sur critiqueslibres.com (consulté le ).
  3. « Herta Müller, coupée en deux », Télérama.fr, (lire en ligne, consulté le ).

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