L.H.O.O.Q.

L.H.O.O.Q. est une œuvre d'art de 1919 de Marcel Duchamp, parodiant La Joconde de Léonard de Vinci. Son titre est à la fois un homophone du mot anglais look[1] et un allographe[2] que l'on peut ainsi prononcer : « elle a chaud au cul ».

Description

De Vinci, La Joconde.

Le support consiste en un format portrait proche de celui de l'estampe (19,7 × 12,4 cm)[3] reproduisant La Joconde que Duchamp a surchargé d'une moustache, d'un bouc et des lettres qui donnent le titre à l'œuvre (L.H.O.O.Q.).

Le fait qu'il s'agisse d'une simple reproduction de La Joconde est toutefois contesté par Rhonda R. Shearer, qui y voit une adaptation au propre visage de Duchamp[4].

Esthétique

L.H.O.O.Q. s'inscrit dans le courant des ready-made créés par l'artiste et participe de sa volonté de questionner l'art.

L'œuvre ayant d'abord été réalisée à titre privé, Francis Picabia en a réalisé en 1920 une reproduction approximative pour sa revue 391, oubliant de dessiner le bouc[5]. En effet, Duchamp avait donné à Picabia l'autorisation de reproduire son œuvre, mais étant à New York avec l'original, il avait envoyé celui-ci à Picabia, qui ne le reçut pas à temps pour l'impression de la revue[6].

Duchamp parle à son égard d'une combinaison de ready made et de « dadaïsme iconoclaste »[7]. Picabia fait de l'œuvre le manifeste du mouvement Dada, dont l'implantation à Paris est en effet contemporaine. Marcel Duchamp, déjà reconnu à cette époque, démontre qu'un simple « gribouillage » fait de la carte postale une œuvre à part entière. Le côté dadaïste vient principalement de la désacralisation de La Joconde, insultée (L.H.O.O.Q. = Elle a chaud au cul, en épelant les lettres) et peinte, sans compter le côté humoristique du jeu de mots propre aux dadaïstes.

Le geste de Marcel Duchamp se comprend en rapport à la publication en 1910 de l'essai Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci[8] dans lequel Sigmund Freud parle de l'incapacité de l'artiste à terminer son œuvre, de la sublimation de la vie dans l'art et surtout de son homosexualité.

En outre, suivant certaines thèses, le modèle de La Joconde aurait effectivement été un homme. D'une façon générale, l'ambiguïté entre le genre masculin et le genre féminin est caractéristique de Léonard de Vinci[réf. nécessaire]. Marcel Duchamp lui-même change volontiers d'identité à cette époque, choisit le pseudonyme de Rrose Sélavy et se fait photographier en femme par Man Ray.

Muséographie

Elle est à ce jour la propriété du Parti communiste français, qui l'a placée en dépôt pour 99 ans au musée national d'Art moderne du centre Pompidou[9]. Elle a été offerte au PCF par le poète Louis Aragon, qui l'avait reçue en cadeau de Duchamp lui-même. Elle a été prêtée à la Royal Academy of Arts en 2002[10].

Selon Arturo Schwarz, dans The Complete Works of Marcel Duchamp, l'œuvre appartenant au Parti communiste n'est qu'une réplique de 1930, d'ailleurs d'un format plus grand (64,7 × 48,2 cm contre 19,7 × 12,4 cm pour l'« original »). Elle aurait été offerte par Aragon qui la tenait de Hans Arp. L'originale est indiquée par Schwarz appartenir à une collection privée à Paris. Il y aurait six répliques de cette œuvre, celle-ci étant la seconde.

Antécédents

Illustration réalisée en 1883 par Sapeck et parue dans Le Rire.

Pour l'exposition des Arts Incohérents, en 1883, Sapeck réalise Mona Lisa fumant la pipe qui préfigure l'œuvre de Marcel Duchamp en 1919[11]. Des Jocondes à moustaches ont été réalisées avant Duchamp et bien sûr après ; on en dénombre environ 180[12].

Notes et références

  1. Dalia Judovitz, Déplier Duchamp : Passages de l'art, trad. Annick Delahèque et Frédéric Joseph, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Peintures », 2000, 247 p. (ISBN 2-85939-610-1), p. 134.
  2. Colette Guedj, « Sur quelques procédés verbo-visuels dans Corps et biens », Signes, no 18, janvier 1995, p. 87.
  3. (en) « L.H.O.O.Q. », National Gallery of Art.
  4. (en) Marco de Martino (trad. Camillo Olivetti), « Mona Lisa », Art Science Research Laboratory, .
  5. Manou Farine, « Jean-Hubert Martin : « À Paris, j’ai voulu rester dans l’esprit dada » », L'Œil, no 601, (lire en ligne).
  6. Francis M. Naumann, « L.H.O.O.Q. de Marcel Duchamp : La fabrication d'une réplique originale », Étant donné, no 3, 2001, Association pour l'étude de Marcel Duchamp, p. 147–153 (147).
  7. Duchamp Du Signe, Flammarion, 1994, p. 227.
  8. Paul B. Franklin, « Portrait d'un poète en jeune homme bi : Pierre de Massot, Marcel Duchamp et l'héritage Dada », Étant donné, no 2, 1999, Association pour l'étude de Marcel Duchamp, p. 56–85 (66).
  9. Sylvia Zappi, « Financièrement exsangue, le PCF fait évaluer les œuvres d'art de son siège », Le Monde, (lire en ligne).
  10. Maurice Ulrich, « L.H.O.O.Q. à Londres », L'Humanité, (lire en ligne).
  11. Marc Décimo, Marcel Duchamp et l'érotisme, Dijon, Les Presses du réel, coll. « L'écart absolu », , 317 p. (ISBN 978-2-84066-225-9).
  12. Marc Décimo, Les Jocondes à moustaches, Dijon, Les Presses du réel, coll. « Les hétéroclites », , 314 p. (ISBN 978-2-84066-725-4).

Liens externes

  • Portail de la peinture
  • Portail de l’humour
  • Portail des années 1910
  • Portail du Centre Pompidou
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.