Juriste d'entreprise


Un juriste d'entreprise est un diplômé en droit qui est salarié dans une entreprise pour apporter ses compétences dans un domaine juridique qui peut être très varié selon l'activité de l'entreprise: droit d'auteur, règlementation de sécurité, droit social, brevets, droit de la construction, droit des baux commerciaux, règlementation douanière, procédure pénale, droit de la consommation, contentieux, etc.

Il ne peut pas faire les actes qui sont réservés aux professions juridiques réglementées comme celles de notaire, d'avocat, d'huissier, d'expert comptable, géomètre, architecte, expert judiciaire, etc.

La fonction de juriste d'entreprise n'est encadrée par aucun texte déontologique ou disciplinaire, autres que la convention collective de la branche professionnelle dont dépend son entreprise, de son contrat de travail et des directives de ses supérieurs.

Au service de l'organisme qui l'emploie, et selon l'importance de l'entreprise ainsi que de son niveau de formation  qui peut aller de la capacité en droit au doctorat en droit  il peut être simple employé, cadre ou directeur d'un service important.

Formation en France

Les juristes d'entreprise sont titulaires d'un diplôme en droit qui peut aller de la capacité en droit au doctorat en droit, en passant par un troisième cycle (DEA/DESS/Master 2).

Un diplôme de juriste conseil d'entreprise (DJCE) est délivré dans une dizaine d’universités, il est parfois spécialisé (ex: droit des affaires, droit social)[1],[2].

Ils peuvent aussi être diplômés d'une école supérieure spécialisée qui dispense une formation juridique comme les écoles de commerce et de gestion pour le droit des affaires, ou les instituts de sciences politiques pour le droit administratif.

En France, la personne qui effectue des consultations juridiques et/ou rédige des actes sous seing privé à titre habituel de manière rémunérée doit sur la base de l'alinéa 1 de l'article 54 de la Loi no 71-1130 du être a minima titulaire d'une licence en droit. En conséquence, les juristes d'entreprises, en émettant des avis doivent justifier d'une compétence juridique approprié au titre de leur activité[3].

Parmi les nouveaux métiers du droit, les compliance officers lorsqu'ils émettent des avis sur la conformité d'une activité au regard réglementation réalisent des consultations juridique à titre habituel. Ainsi, pour exercer leur métier en entreprise, les compliance officers doivent être, eux aussi, titulaire d'une licence en droit ou d'un master selon la spécificité du métier exercé.

Emploi en France

État de la profession en France

Une enquête IPSOS – AFJE – Wolters KluwerLEGAL SUITE, réalisée du au en partenariat avec l’école de droit et de management Panthéon Assas s’est penchée sur les emplois de juristes d’entreprise. Cette étude a été effectuée sur un panel de 902 entreprises d’au moins 100 employés.

Le nombre d'employés avec des fonctions juridiques, sans compter ceux qui exercent leur fonction dans des entreprises publiques ou bien para-publiques, s’élève à 15 870. Parmi eux, 88 % estiment être de plus en plus souvent consultés sur de grandes opérations, et 84 % jugent que la direction générale les implique de plus en plus en amont des opérations de l’entreprise. Bénéficiant d’une légitimité croissante, 47 % d’entre eux sont directement rattachés à la direction. Cependant, ce phénomène semble être moins présent dans les grandes structures.

Parallèlement, on y apprend que 93 % conservent un sentiment d’indépendance et estiment jouir de toute leur liberté intellectuelle par rapport à la direction.

Par ailleurs, seuls 42 % pensent disposer de l’ensemble des outils d’aide nécessaires à l’exercice de leur fonction, aussi bien en matière de formation externe que de logistique interne. Beaucoup de juristes ont ainsi fait part de leur désir d’accéder à divers autres outils : conférences/formations (55 %), portails juridiques spécifiques aux sociétés (18 %), etc.

Une étude de Eight Advisory, cabinet d'audit et de conseil, réalisée en 2017 à l'occasion de la 6e édition des Débats du Cercle Montesquieu, s'est intéressée aux enjeux du Big data dans le domaine juridique. Réalisée en direct auprès de 75 directeurs juridiques, provenant de tailles et secteurs d’activités variés, cette enquête dévoile que les juristes d’entreprise prennent conscience que l’analyse des données pourrait les aider à élaborer et affiner leurs stratégies contentieuses[4],[5].

57 % des directions juridiques estiment que le Big data leur sera utile en matière de rupture de contrat et 53 % en matière de concurrence déloyale. Dès lors, un directeur juridique sur trois songe à ces nouveaux outils pour améliorer son approche des contentieux.

En revanche, 61 % d’entre eux se disent préoccupés par les enjeux du droit à la conservation de l’information.

Domaines d'activité

Pendant longtemps, les juristes d'entreprise étaient les hommes du contentieux.

Les rôles et les domaines d'activité des juristes d'entreprises sont variés et dépendent souvent de la taille de l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

Si dans les PME, leur activité est très généraliste car ils sont peu nombreux voire uniques, dans les grandes entreprises (banque, assurance, transports, services, grande distribution, chimie...) ils peuvent être très nombreux et se spécialisent dans une branche particulière du droit (droit du travail, finance, droit immobilier, droit fiscal...).

Quelques grands groupes français ont des services juridiques qui peuvent atteindre plusieurs centaines de juristes spécialisés.

Contentieux

Les juristes d'entreprises sont chargés du contentieux avec les clients, les fournisseurs, les salariés, les diverses administrations (Impôts, Douanes, Urbanisme,..), etc. Ils participent à la phase précontentieuse, puis choisissent les avocats et suivent leur action en leur fournissant les pièces et les arguments que l'avocat estime utiles pour la procédure.

Contrats

Les juristes d'entreprise sont chargés, au sein des différentes directions de l'entreprise ou de ses filiales, de la rédaction des contrats avec ses partenaires et d'en assurer le suivi. Cela inclut la rédaction de conditions générales de vente ou d'achat qui seront transmises aux clients et aux fournisseurs. Ils participent aussi à la vie de l'entreprise en tant qu'entité juridique par l'évolution des statuts, du règlement intérieur ou de toute autre norme volontaire (charte, codes déontologiques, etc.).

Ainsi, ils doivent examiner et souvent rédiger et négocier les conditions générales d'achats et de vente, le contenu des contrats d'achats de prestations intellectuelles, d'équipements, de coopération, de prestations de sevices, de licences, les accords de confidentialité.

Actes de la société

Les juristes d'entreprise doivent s'occuper des actes de la vie courante de la société. Ils sont donc amenés à rédiger des notes de services mais aussi à préparer les assemblées générales et à organiser la délégation de pouvoir pour la signature de contrat.

Veille juridique

Ils s'occupent également de la veille juridique.

Spécialités

  • Le Juriste en droit social est un spécialiste en matière de législation du travail. Il gère notamment les relations avec les Instances Représentatives du Personnel, participe à l'élaboration d'accords collectifs, assiste et répond aux demandes en matières de droit social émanant des services opérationnels ou des salariés eux-mêmes. Enfin, il intervient lors des contentieux prud'homaux.
  • Le Juriste de banque s'occupe des recouvrements de créances, il doit aussi conseiller les autres services internes de la banque et vérifie en amont toutes les opérations entre la banque et les clients.
  • Le Juriste en propriété intellectuelle est un spécialiste en droit de la propriété industrielle et en droit d'auteur. Il va s'occuper des questions contractuelles ou pré-contentieuses liées aux incorporels (créations susceptibles de protection par le code de la propriété intellectuelle) et superviser l'action des conseils en propriété industrielle pour leur enregistrement auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) ou d'autres organismes.
  • Le Juriste en droit des sociétés est un spécialiste en droit des sociétés. Il va s'occuper des actes de constitution de sociétés, des fusions acquisitions, des LBO, de l'approbation des comptes.
  • Le Juriste en droit de la construction est un spécialiste en droit de la construction et des assurances. Il va s'occuper des contrats de maîtrise œuvre, des déclarations et du suivi de sinistres survenu sur les chantiers.

Essai d'acquisition de statut d'avocat salarié

Depuis les années 2000, certains juristes d'entreprise demandent d'avoir la qualité d'avocat tout en étant employés par l'entreprise, comme c'est le cas des lawyers dans les pays anglo-saxons. Il existe aussi une revendication de certaines entreprises de pouvoir employer comme salariés des avocats, ce qui est impossible en France où la déontologie de toutes les professions libérales réglementées exige qu'elles soient indépendantes et autonomes des entreprises extérieures à la profession.

Un des motifs avancés serait de permettre à l'entreprise de pouvoir bénéficier du legal privilege, que l'on peut traduire en français par la capacité d'opposer aux autorités le secret professionnel, et ainsi d'empêcher que l'ensemble de leurs dossiers et de leurs correspondances puisse faire l'objet d'une saisie par la justice, l'administration fiscale, les douanes, etc. et être produites en justice.

Mais le fond de la question est d'imposer en France l'organisation anglo-saxonne des professions juridiques.

Dans l'affaire Akzo Nobel, l'avocat général Juliane Kokott[6] explicite la question sur le plan européen et rappelle que le privilège de confidentialité se justifie à la fois par l'exercice d'une mission de défense devant des autorités de justice ou d'autres autorités (par opposition aux activités de conseil et de rédaction d'actes, comparant par exemple avec l'ancienne profession de conseil juridique en France fusionnée avec celle d'avocat, ou avec le "sollicitor" anglais) et par l'exercice de cette mission dans une indépendance propre à un auxiliaire de justice, inconciliable avec le statut de salarié du juriste d'entreprise. Ce privilège de confidentialité vise à protéger les correspondances de l'avocat en ce qu'il se trouve face aux autorités et s'ajoute à d'autres dispositions protectrices du secret, notamment celles relatives au secret des correspondances. Est sous-entendue l'idée que la défense du justiciable implique un rapport de confidentialité avec son conseil et que cette confidentialité n'est opposable aux autorités ou aux tiers que si le conseil en question offre des garanties d'indépendance vis-à-vis du justiciable et de ses co-intéressés. A s'en tenir à ces conclusions, le secret professionnel ne se justifierait que pour l'exercice des droits de la défense, et serait à relativiser pour d'autres activités telles celles du conseil, de la négociation ou de la rédaction d'actes.

Le Ministère de la Justice a constitué une commission pour étudier un possible rapprochement entre la fonction de juriste salarié d'entreprise et l'exercice de la profession d'avocat. Ce rapport a été publié le par la Chancellerie et conclut à l'incompatibilité[7].

Devant l'insistance de ceux qui préconisent un alignement des professions juridiques françaises sur le modèle anglo-américain, une commission a été créée, la Commission Darrois[8] chargée de réfléchir sur cette question.

Le rapport de Jean-Michel Darrois préconise, entre autres choses, la suppression de la passerelle permettant de passer de juriste d'entreprise à avocat au terme d'une période transitoire, tout en permettant aux avocats de désormais pouvoir être salariés de l'entreprise, tout en conservant leur titre, ce qui ferait de chaque entreprise possédant un avocat salarié une société d'avocats.

Cela supposerait l'abandon d'un des principes fondamentaux de l'organisation des professions réglementées en France : l'indépendance et l'autonomie. En effet, en France, toutes les professions réglementées doivent s'exercer sans avoir de lien d'intérêts ni de subordination avec des entreprises extérieures à la profession. De ce fait, celles-ci ne peuvent ni employer un membre de profession réglementée comme salarié, ni prendre des participations dans des sociétés professionnelles de professions réglementées.

Accès à la profession d'avocat

Les juristes d'entreprise qui justifient « de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises » peuvent s'inscrire comme stagiaire pour accéder à la profession d'avocat en étant « dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat[9] »

Notes et références

  1. Comment devenir juriste d’entreprise ?, site maformation.fr, (consulté le 28 mai 2017)
  2. Mathieu Oui, « Diplôme de juriste conseil d'entreprise (DJCE) », sur letudiant.fr, (consulté le )
  3. « Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 », sur Légifrance (consulté le )
  4. « Le big data, outil prometteur pour les directions juridiques », Les Echos Business, (lire en ligne, consulté le )
  5. Arnaud DUMOURIER, « Le big data, nouvel enjeu des directions juridiques - LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques », sur www.lemondedudroit.fr (consulté le )
  6. Juliane Kokott, « CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL Mme Juliane Kokott présentées le 29 avril 2010 Affaire C‑550/07 P Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd contre Commission européenne e.a. », sur eur-lex.europa.eu (consulté le )
  7. Ministère de la Justice, « Rapprochement entre les professions d'avocat et de juriste d'entreprise : réflexions et propositions », sur ladocumentationfrancaise.fr, publié par La Documentation française, (consulté le )
  8. Commission Darrois sur justice.gouv.fr, (consulté le 28 mai 2017)
  9. Article 98 3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, sur Légifrance.

Pour en savoir plus

Articles connexes

Liens externes

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