Julien Torma

Julien Torma (Cambrai, - Tyrol, ) est un écrivain, dramaturge et poète français. Ami de Max Jacob et Robert Desnos il fréquenta un moment le groupe surréaliste sans jamais y adhérer, se sentant plus proche de la ’Pataphysique d'Alfred Jarry que du Surréalisme d'André Breton. Ses écrits furent principalement révélés de manière posthume par le Collège de ’Pataphysique.

Pour les articles homonymes, voir Torma (homonymie).

Julien Torma
Photographie de l'écrivain
Naissance
Cambrai, France
Décès
Tyrol, Autriche
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture française
Mouvement pataphysique
Genres


Biographie

Orphelin très jeune (son père meurt lorsqu'il a un an et sa mère lorsqu'il en a cinq), Julien Torma est élevé par son beau-père d'abord aux Batignolles puis à Pantin.

À 17 ans, il fait la connaissance de Max Jacob (qu'il appelle Mob Jacax) et qui l'encourage fortement dans la voie poétique. Un ami d'enfance, Jean Montmort, fait paraître en 1920 le premier recueil de poèmes de Torma, La Lampe Obscure, ouvrage qu'il renie très vite[1].

À cette époque, il commence la composition de sa pièce de théâtre Le Bétrou, qu'il remaniera régulièrement jusqu'à sa mort[2].

À partir de 1922 Torma travaille de nuit aux Halles de Paris comme commissionnaire, et le jour fréquente les milieux artistiques, se lie à René Crevel, Robert Desnos et Jean Vigo, tout en refusant d'appartenir à un groupe ou mouvement de l'époque [3].

Après son service militaire, paraît son deuxième recueil, Le Grand Troche, en 1925, encore grâce à Jean Montmort. Vient ensuite la publication de sa pièce Coupures, sa rencontre avec René Daumal puis la sortie des Euphorismes, courts textes compilés par Jean Montmort qui paye même les frais d'impression. Torma semble déçu de cette publication[4] qui sera la dernière de son vivant. Puis il part s'installer à Lille et continue d'écrire presque en cachette, sans plus montrer ses textes à personne. Dans plusieurs lettres il prétend même ne plus écrire.

En novembre 1932, sa santé se détériore, Montmort lui trouve un préceptorat au Tyrol mais Torma ne s'y rend pas, il va à Salzbourg, puis dans la montagne, à Vent. Le , parti pour une excursion en solitaire, il ne rentre jamais à l'auberge et l'on ne retrouve nulle part sa trace. Il décède donc à Vent. En 1991, un corps momifié est retrouvé dans le massif de l'Ötztal (où Torma a disparu), le Collège de ’Pataphysique prétend alors qu'il s'agit de la dépouille de Torma...

Le « cas » Torma

La biographie de Torma sème le trouble dès la date même de sa naissance : le 6 avril est célébré dans le calendrier pataphysique comme jour de l'invention de la ’Pataphysique. On peut déjà se demander s'il s'agit d'une naissance « prosaïque » ou d'une naissance « pataphysique », ou bien encore simplement d'un coup du sort du clinamen. Le registre des naissances à Cambrai en 1902 ne mentionne qu'une seule naissance le , et ce n'est pas un « Julien Torma », mais Adolphe Barthélémy Augustin Sorlin, marié à Cambrai en 1926 avec une demoiselle Rougefort.

En outre, sa tendance à renier ses œuvres ou même à éviter que ses textes soient publiés, son goût prononcé pour la mystification et les efforts du Collège de ’Pataphysique pour embrouiller encore davantage les pistes et jusqu'à sa mort mystérieuse ont éveillé les soupçons de plusieurs personnes sur son existence réelle.

Il est enregistré par la Bibliothèque nationale de France comme "pseudonyme collectif" et "auteur fictif créé par le Collège de Pataphysique" [5]

En 1972, la paternité des œuvres de Torma a été remise en cause par Michel Corvin dans sa thèse Julien Torma, essai d’interprétation d'une mystification littéraire où il annonçait avoir mis à jour une supercherie : Julien Torma n'aurait pas écrit lui-même ses textes et aurait été un prête-nom de Léon-Paul Fargue ou, plus précisément, un pseudonyme de Fargue. Celui-ci a été suivi par d'autres « négationnistes[6] ».

À l'occasion d'une nouvelle édition revue et augmentée du Théâtre dada et surréaliste[7], Henri Béhar décide d'introduire un paragraphe sur l'œuvre dramatique de Torma qui s'impose à lui comme « l'aboutissement de la dramaturgie dadaïste. » Proposant son manuscrit à Raymond Queneau, celui-ci est d'avis de retirer ce chapitre pour ne pas « nuire au sérieux de l'ensemble » a révoqué les noms proposé par Béhar, à savoir Noël Arnaud, Eugène Ionesco, Jacques Prévert, Boris Vian et Queneau, lui-même. Dans une lettre du , il répond à Béhar : « … Je puis vous affirmer que je ne suis pour rien dans l'élaboration du personnage de Torma. Pas plus d'ailleurs que les autres auteurs que vous citez (à l'exception peut-être d'un seul). Torma n'est pas la création de simples satrapes. Je n'en dirai pas plus. »

Après une enquête, Jean Wirtz (cf. Métadiscours et déceptivité. Julien Torma vu par le Collège de 'Pataphysique, éd. Peter Lang, 1996) a établi bon nombre de faits incontestables, selon lui il s’agirait d’un piège tendu à la postérité par l’auteur-même qui a volontairement « laissé (ou fait) croire à sa propre inexistence ».

En 2000, l'hypothèse qu'un bon nombre d'inédits posthumes aient été fabriqués de manière collective est relancée par Jean-François Jeandillou dans son ouvrage Supercheries littéraires : La vie et l’œuvre des auteurs supposés[8]. Parfois, les contradicteurs se contredisent eux-mêmes. Prenons l’exemple du Bibliophile rémois : le numéro 34 de cette revue trimestrielle publie en avril 1994 vulg. un article cherchant à démontrer que Max Jacob n’aurait jamais connu Torma, que l’ensemble de leur correspondance serait certainement fausse et sous-entend que Torma n’aurait même jamais existé [9]. Puis six mois plus tard, au numéro 36 de cette même revue, on découvre un autre article citant le témoignage d’André Salmon qui raconte avoir assisté à la rencontre de Jacob et Torma[10].

Mais si Julien Torma n'était qu'un pseudonyme, resteraient toujours les énigmes de savoir qui a écrit ses textes, sa correspondance et surtout qui figure à sa place sur les photographies que l'on a de lui...

Œuvres

Publications anthumes

Publications posthumes

  • Lebordelamer, 1955, lire en ligne sur Gallica
  • Le Bétrou, 1955
  • Porte Battante, 1963
  • Euphorismes, 1978 [Paul Vermont - réédition]
  • Le Grabuge, 1998
  • Écrits définitivement incomplets, 2003

Références

  1. À propos de La Lampe Obscure Julien Torma écrit :
    « Je ne l'aime déjà plus malgré les poubelles de fleurs déversées par le bon Mob. » (lettre à Jean Montmort, )
    « mon Daumal s'enticha de ça et m'a quasi forcé à lui écrire une petite tartine sur son exemplaire (...) j'avais une extrême répugnance à simplement toucher ce livre (...) même pour le jeune con que j'étais ça voulais dire le contraire de ce que ça disait. » (lettre à Desnos, 11 mars 1929)
  2. Au moins jusqu'en janvier 1928, date où de passage à Paris, Torma assiste à une représentation des Oiseaux d'Aristophane, mis en scène par Dullin à l'Atelier. Le traitement du langage des oiseaux le fait retravailler fortement le vocabulaire du rôle-titre du Bétrou.
  3. « Votre mystique de l'unité m'est étanche (...) Lecomte sait très bien, trop bien ce qu'il veut faire. Il veut être prophète. Moi je ne sais jamais ce que je veux et ne souhaite pas le savoir. Je me garde du jeu : mais je m'en voudrais de l'appeler grand. » (lettre à Daumal, 6 avril 1927)
  4. « Quant aux belles lettres, depuis le coup des Euphorismes, je me méfie. Je n'ai d'ailleurs pas le temps d'écrire. » (lettre à Desnos, 11 mars 1929)
  5. « Julien Torma (1902-1933) », sur data.bnf.fr (consulté le )
  6. Déjà avant Michel Corvin, un certain Robert Faurisson revisitait l’Histoire, comme à son habitude, dans son article A-t-on lu Torma ? ou le Sonné des voyelles (revue Bizarre 21-22, 1961).
  7. Gallimard, collection Idées, Paris, 1979, pages 21 à 23. La première édition datait de 1967.
  8. Genève, Droz, 2000, pp. 316-322 (ISBN 978-2600005203).
  9. La peut-être non-existence est également une option avancée par Jean Wirtz dans Métadiscours et déceptivité (éd.Peter Lang, 1996).
  10. André Salmon, Souvenirs sans fin, 3e époque 1921-1940 (Gallimard, 1957).

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