Julia Pirotte

Julia Pirotte (née Gina Diament, le à Końskowola, dans la voïvodie de Lublin et morte le à Varsovie) est une photographe de presse polonaise connue pour son travail à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale, documentant la vie quotidienne puis les combats de la Libération, ainsi que pour ses photographies des victimes du pogrom de Kielce en 1946.

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Biographie

Née à Końskowola, bourgade juive au Nord de Lublin[1], Gina Diament perd sa mère à 9 ans. Son père se remarie et vient s'établir à Varsovie où il ouvre une épicerie.

Jeune membre des Jeunesses progressistes, elle est arrêtée à 18 ans. Après avoir passé quatre ans en prison pour activités communistes et sur le point d'être arrêtée à nouveau, elle quitte la Pologne en 1934 pour rejoindre sa sœur cadette Mindla à Paris. Tombée malade en Belgique, aidée par le Secours rouge (Belgique), elle épouse Jean Pirotte, militant syndical à Bruxelles et obtient la citoyenneté belge. En parallèle à ses activités syndicales, Julia Pirotte étudie la photographie, utilise son premier appareil photographique offert par la résistante belge Suzanne Spaak, et réalise des reportages sur la vie des mineurs polonais dans la région de Charleroi pour Le Drapeau rouge (journal)[2].

En 1939, elle effectue pour l'agence Foto Waro un reportage dans les pays Baltes lorsque l'Allemagne envahit la Pologne. Le , à la suite de l'invasion de la Belgique par les Allemands, elle joint l'exode et gagne le Sud de la France où elle travaille d'abord dans une usine d'aviation puis devient photographe de plage.

Basée à Marseille, elle est engagée comme photographe de presse pour l'hebdomadaire Dimanche Illustré et prend notamment en portrait Édith Piaf tout en menant ses activités de résistante dans la FTP MOI servant de courrière pour le transport de la presse clandestine et d'armes, et la réalisation de faux papiers. Pendant ce temps, elle prend de nombreuses photographies documentant la vie quotidienne dans la ville sous le régime de Vichy, les quartiers du Vieux Port, et les enfants juifs du camp Bompard ensuite déportés vers Drancy et Auschwitz. Le , Julia participe à l'insurrection de la ville et photographie la libération de Marseille par la Résistance et les troupes alliées.

« Les plus grands jours de ma vie, écrit-elle, furent ceux de l'insurrection à Marseille. Comme tant d'autres, j'avais des comptes à régler avec les nazis, mes parents et toute ma famille étaient morts dans des camps en Pologne et dans les ghettos. J'étais sans nouvelle de ma sœur prisonnière politique, je ne savais pas encore qu'elle était morte guillotinée. Je me trouvais avec mon groupe de partisans, le 21 août 1944 à 15 h devant la préfecture. Les Allemands en fuite tiraient. Accroupie à l'abri de la roue d'une camionnette, j'ai réalisé ma première photo de la liberté retrouvée. L'ennemi reculait devant les partisans, c'était le début de l'insurrection[3]. »

Après la guerre, Julia Pirotte retourne en Pologne et devient photographe de presse du périodique militaire Zolnierz Polski (Le soldat polonais) pour lequel elle documente notamment la reconstruction du pays dévasté, la vie des enfants juifs en orphelinat. Elle fonde l'agence WAF et forme de jeunes photographes[2].

Elle est la seule photographe à prendre des images du pogrom de Kielce, montrant les cercueils des victimes, les blessés à l'hôpital puis les funérailles de cet abominable massacre de juifs polonais survivants du génocide ou de rapatriés d'Union soviétique, commis par la populace locale, le . Son reportage est publié dans Zolnierz Polski mais les négatifs des trois films qu'elle réalise à Kielce seront ensuite confisqués par la police politique (UB). Actuellement, ses photographies sont visibles sur le site du Mémorial de Yad Vashem[4].

Julia participe au Congrès mondial des intellectuels pour la paix de 1948 à Wrocław, où elle photographie notamment Pablo Picasso, Irène Joliot-Curie et Dominique Desanti et autres « compagnons de route » du communisme stalinien.

Julia Pirotte se rend ensuite dans les pays du bloc de l'Est puis en Israël en 1957[5]. Son premier mari étant mort au combat pendant la Seconde Guerre mondiale, elle épouse par la suite Jefim Sokolski (1902-1974), un économiste polonais, revenu en Pologne en 1956 après avoir passé 21 ans au Goulag. À la suite de la vague d'antisémitisme orchestrée par les autorités communistes polonaises en mars 1968, elle est forcée de cesser ses activités professionnelles.

Exposition d'œuvres de Pirotte à Bratislava, 2013

Pendant ses dernières années, elle voyage souvent en Belgique et en France où son travail est exposé aux Rencontres d'Arles en 1980. En 1984, l'International Center of Photography à New York expose également son travail. En 1994, l'exposition itinérante Julia Pirotte - Une photographe dans la Résistance lui assure une certaine notoriété en Belgique et en France[2]. Elle expose aussi à Londres et à Stockholm[5].

En 1989, Julia Pirotte confie l'ensemble de son œuvre au musée de la Photographie à Charleroi[5].

Julia Pirotte repose au cimetière de Powązki à Varsovie, en compagnie de Jefim Sokolski[5].

Largement oubliée en Pologne, son œuvre est redécouverte et l'objet d'une exposition temporaire à l'Institut Historique Juif de Varsovie (ZIH) en 2012 : Julia Pirotte - Twarze i dłonie/Faces and Hands[6].

Maria Mindla Diament photographiée par sa sœur Julia Pirotte à Marseille, 2 janvier 1942

Famille

  • Parents : Baruch Diament et Sura Szejnfeld.
  • Sœur : Mindla (Marysia) Diament (1911 - ). Elle aussi agent de liaison de la Résistance, fut capturée et torturée, puis déportée et guillotinée par les Allemands à Breslau le [7].
  • Frère : Marek (Majer) Diament (1905-1943). Exilé en Union soviétique dans les années vingt et arrêté lors des purges de Staline, il périt du typhus au Goulag.

Liens externes

Notes et références

  1. La page Końskowola du site « Virtual Shtetl » indique que, depuis le XIXe siècle et presque jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la population juive constituait plus de la moitié des habitants.
  2. Marianne Amar, « Julia Pirotte, photographe de résistance », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 48, no 1, , p. 152–154 (DOI 10.3406/xxs.1995.4438, lire en ligne, consulté le )
  3. Portrait : « Un seul Leica comme arme de libération », article paru dans La Marseillaise du 27 février 2014.
  4. Codrops, « Yad Vashem Photo Collections », sur photos.yadvashem.org (consulté le )
  5. BELGA, « Décès de Julia Pirotte Photographe et résistante », sur Le Soir, (consulté le )
  6. Voir le catalogue de l'exposition Julia Pirotte - Twarze i dłonie/Faces and Hands rassemblant les photographies de J. PIrotte conservées dans les collections de l'Institu Historique Juif (ZIH)
  7. (en) « Ma soeur Mindla Maria Diament, Resistante Française, prisonnière N.N (Nuit et Brouillard) décapitée à Breslau », sur International Center of Photography, (consulté le )

Source de la traduction

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