Jules Destrée

Jules Destrée est un homme politique belge, docteur en droit né à Marcinelle le et mort à Bruxelles le . Bourgeois humaniste, les procès consécutifs aux grèves de 1886 vont déterminer son engagement au Parti ouvrier belge.

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Biographie

Son père, Olivier, est d'abord ingénieur-chimiste à Marcinelle et Couillet, puis professeur au Collège communal de Charleroi. Jules est lui-même un élève puis un étudiant doué, qui décroche un doctorat en droit de l'Université libre de Bruxelles à l'âge de 20 ans. Son frère cadet, Olivier-Georges, est bénédictin, d'abord à l'abbaye de Maredsous, puis à l'abbaye du Mont-César, à Louvain.

Juriste et avocat

Procès du grand complot (1889) où Jules Destrée fait partie des 19 avocats de la défense.

En il plaide le Procès de la balustrade de la Bibliothèque de l'Université de Louvain. Il est alors aux côtés de ses confrères Wauvermans et Edouard Huysmans contre Alexandre Braun, Veldekens et Albert Nyssens

Écrivain et homme de culture

En dehors de son travail de juriste, Jules aime à fréquenter les cercles artistiques et littéraires de son époque. C'est là qu'il rencontre le graveur Auguste Danse, dont il épouse la fille Marie, nièce de Constantin Meunier, en 1889.

Dans Balises pour l'histoire de nos lettres, Marc Quaghebeur estime que la Lettre au Roi de Destrée vaut plus que pour la phrase célèbre : « À l'identité wallonne, Jules Destrée consacra ses meilleurs essais, s'efforçant de résoudre l'énigme du Maitre de Flémalle, restituant à Rogier de le Pasture ses origines tournaisiennes et son nom[1]. »

Il est l'auteur de nombreux écrits divers et variés : de la prose, des essais politiques et sociaux ou des études sur des artistes tels qu'Odilon Redon ou Rogier van der Weyden.

Homme politique

En 1892, il fonde en compagnie de Paul Pastur la Fédération démocratique. Il commence sa carrière politique au sein du Parti Ouvrier Belge (POB) et est élu en 1894 à la Chambre des représentants, où il siègera jusqu'à sa mort.

Sebastião de Magalhães Lima (1) avec Destrée (2), en juillet 1916, au lancement de la société Latina Gens en Italie.

Après l'invasion de la Belgique par l'Allemagne en 1914, Jules Destrée s'exile en France à la demande du gouvernement belge pour plaider la cause de la Belgique à Londres, Paris et Rome. Il participe aussi à des missions diplomatiques à Saint-Pétersbourg et en Chine en 1918.

De 1919 à 1921, il officie comme Ministre des Arts et des Sciences. Il crée le Fonds des mieux doués, qui vise à donner une bonne éducation aux enfants doués issus de familles pauvres. En 1920, il crée l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Jusqu'à sa mort, il tente d'améliorer la situation politique de la Wallonie. En 1923, il quitte l'Assemblée wallonne qu'il avait cofondée en 1912, parce que cette dernière n'accordait pas assez d'attention à la classe ouvrière wallonne. En 1929, il signe avec Camille Huysmans le Compromis des Belges. Ce document condamne le séparatisme, admet l'autonomie culturelle de la Flandre et de la Wallonie et propose plus d'autonomie pour les communes et les provinces. Il anticipe aussi une Flandre bilingue et une Wallonie monolingue, et ce, avant que la province du Brabant ne soit séparée en deux et la région de Bruxelles-Capitale créée comme entité à part entière.

Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre

Il s'agit d'une lettre ouverte écrite par Jules Destrée en 1912 et adressée au roi des Belges Albert Ier[2].

Contexte

C'est en 1911, à l'occasion de l'Exposition de Charleroi de 1911, l'exposition des arts anciens du Hainaut, que Jules Destrée prend conscience de la spécificité wallonne. Dès lors, il va exprimer ses revendications pour l'autonomie de la Wallonie. En novembre, devant le Jeune Barreau de Bruxelles, il fait une conférence sur le sujet, évoquant déjà la minorisation politique de la Wallonie : « Nous sommes des vaincus, et des vaincus gouvernés contre notre mentalité. »

Cette fameuse lettre sera publiée dans la Revue de Belgique du et dans le Journal de Charleroi du , puis reprise par La Gazette de Charleroi et, à Liège, par L'Express (qui avait lancé en juin une grande campagne nationaliste wallonne), puis, en feuilleton, par La Meuse.

De ce long texte, on retient deux phrases :

  • « Et maintenant que me voilà introduit auprès de Vous, grâce à cette sorte de confession, laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : "Il n'y a pas de Belges, mais des Wallons et des Flamands." »
  • « Sire (...) Vous régnez sur deux peuples. Il y a en Belgique, des Wallons et des Flamands ; il n'y a pas de Belges. »

Réaction d'Albert Ier

Bien qu'il n'ait jamais répondu, le destinataire de cette lettre fit savoir à son secrétaire, Jules Ingenbleek, qu'il en approuvait l'analyse :

« J'ai lu la lettre de Destrée qui, sans conteste, est un littérateur de grand talent. Tout ce qu'il dit est absolument vrai, mais il est non moins vrai que la séparation administrative serait un mal entraînant plus d'inconvénients et de dangers de tout genre que la situation actuelle[3]. »

Un retentissement considérable

Discutant l'analyse de Luc Mullier dans son mémoire de licence 1976-1977 qui considère que la lettre de Destrée n'a pas eu un retentissement considérable sur la base des articles qui lui sont consacrés dans la presse par comparaion avec d'autres événements contemporains, Philippe Destatte écrit : « On peut [...] s'interroger pour voir quel autre manifeste aurait, dans l'histoire de Belgique, couvert les deux premières pages de journaux de sensibilités et de villes différentes comme L'Express et le Journal de Charleroi qui ont publié la lettre de Destrée dans sa totalité[4]. »

Publications

Distinction

Postérité

De nombreuses rues, avenues et places en Wallonie, mais également à Bruxelles, portent son nom. Par exemple, à Charleroi, dans la section de Gilly, la place où se trouve l'ancien hôtel de ville lui est dédiée.

Un buste à sa mémoire a été exécuté par le statuaire français Philippe Besnard, succédant ainsi à son père Albert Besnard qui l'avait représenté sur une gravure à l'eau forte[6]. À Charleroi s'élève une statue réalisée en 1956 par Alphonse Darville et un buste par Armand Bonnetain se trouve à Marcinelle.

En 1938, l'Institut Jules Destrée est créé afin de promouvoir le développement régional de la Wallonie. En plus de cet héritage, le Musée Jules Destrée est inauguré en 1988 dans les étages supérieurs de l'hôtel de ville de Charleroi.

Notes et références

  1. Marc Quaghebeur, Alphabet des lettres belges de langue française, Promotion des Lettres belges de langue française, Bruxelles, 1982, p. 229.
  2. Lire la Lettre au Roi, 1963
  3. Landro, 30 août, A Jules Ingebleek, secrétaire privé du Roi et de la Reine, lettre reproduite in extenso in M-R Thielemans et E. Vandewoude, Le Roi Albert au travers de ses lettres inédites, Office international de librairie, Bruxelles, 1982, p. 435-436.
  4. Philippe Destatte La Lettre au roi de Jules Destrée : pourquoi et comment? dans JUles Destrée. La Lttre au roi et au-delà. 1912-1914., IJD, Namur,2013, p. 66-84, p. 83.
  5. « Jules Destree, Commandeur (Historique) », sur Connaître la Wallonie, (consulté le )
  6. no 178 du Catalogue par Louis Godefroy de l'œuvre gravé du peintre, Paris 1926

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges-Henri Dumont, « Destrée, Jules Olivier Charles Auguste Jean Joseph », dans Nouvelle biographie nationale, t. 5, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, (lire en ligne [PDF]), p. 117-123.
  • Gonzague de Reynold: Mes Mémoires, tome 3, Edit. Générales SA, B. Laederer, Genève 1953, p. 414 à 423. Son amitié avec Jules Destrée.

Articles connexes

Liens externes

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