Joseph de La Porte du Theil

Paul Marie Joseph de la Porte du Theil, né le à Mende (Lozère) et mort le à Sèvres-Anxaumont (Vienne), est un officier général français, principalement connu comme fondateur et chef des Chantiers de la jeunesse française (CJF) pendant le régime de Vichy.

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Paul Marie Joseph de La Porte du Theil

Naissance
Mende (Lozère)
Décès  92 ans)
Sèvres-Anxaumont (Vienne)
Origine France
Grade Général
Années de service 1903
Commandement 42e Division d'Infanterie
Conflits Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale

Carrière militaire

Joseph de la Porte du Theil, né dans une famille de l'ancienne noblesse est le fils d'un inspecteur général des Eaux et forêts. Après de brillantes études, il est reçu en 1903 à l'École polytechnique (promotion X1903), d'où il ressort officier d'artillerie. Pendant la Première Guerre mondiale, il est capitaine puis chef d'escadron d'artillerie. De 1919 à 1930, il est professeur d'artillerie, d'abord à l'École d'application d'artillerie a Metz, puis à l'École de guerre a Paris. Il est promu lieutenant-colonel en 1928, colonel en 1930. En 1935, il est général commandant l'École d'application de l'artillerie de Fontainebleau. Au cours de la campagne de France, il est l'un des seuls généraux dont le dispositif ne soit ni enfoncé ni rompu par l'avance allemande.

Ce qui distingue pourtant le général de La Porte du Theil, ce n'est pas son excellence militaire. Très tôt, il s'intéresse de très près à l'encadrement et à la formation de la jeunesse, comme le démontrent ses différentes affectations en école et son passé de chef scout (il avait été commissaire adjoint des Scouts de France pour la province d'Île-de-France).

Ses idées prennent corps après la déroute quand le , le maréchal Pétain, soucieux de « reprendre » en main la jeunesse française, le charge de mettre en œuvre les futurs Chantiers de la Jeunesse.

Le , il est l'un des membres du tribunal condamnant à mort le général de Gaulle[1].

Le chef ambigu des Chantiers de la Jeunesse (1940-1944)

Le général de la Porte du Theil abandonne alors toute fonction militaire pour mettre en place les Chantiers, dont il est à la fois le fondateur et le commissaire général (jusqu'en 1944). Dans son esprit, il s'agit de donner aux jeunes Français un complément de formation morale, physique et professionnelle pour les préparer à assumer un jour leurs responsabilités au service du régime de Vichy. On choisit pour cela de les isoler de la société civile dans des camps au grand air, dans le but de les aguerrir physiquement et moralement et de renforcer leur patriotisme et leur sens de la solidarité. Le but caché des Chantiers de Jeunesse est de constituer un substitut au service militaire obligatoire, supprimé sur ordre des Allemands.

La Porte du Theil ne se limite cependant pas à des discours et à des feux de camps. Transgressant ses devoirs moraux d'ancien chef scout, il demande et obtient l'exclusion des jeunes Français juifs des Chantiers, d'abord en Afrique du Nord, à l'initiative de son commissaire régional, le lieutenant-colonel Van Hecke, puis en métropole l'année suivante. Le , soit d'ailleurs 24 heures avant le déclenchement de la rafle du Vel' d'Hiv', il propose même au Commissariat général aux questions juives un texte de loi, vite approuvé, qui met définitivement les juifs en dehors des Chantiers. Pour sa défense, dans un régime ouvertement antisémite et sous le contrôle de l'occupant nazi, la Porte du Theil a dû ménager des compromis, peut-être des compromissions, prix à payer pour la préservation des Chantiers et de sa mission jugée supérieure de régénération de la jeunesse pour le renouveau de la patrie. Cependant, sur le plan personnel, l'homme protégera ses quelques collaborateurs juifs et entretiendra des relations amicales après la guerre avec des Israélites.

Surpris par le débarquement allié en Algérie du , la Porte du Theil, au lieu de reprendre du service dans l'armée d'Afrique alignée sur les Alliés et placée sous le commandement du général Henri Giraud, préfère retourner en France métropolitaine en avion, y laissant le lieutenant-colonel Van Hecke. Pour sa défense, il arguera de l'honneur militaire et sa responsabilité de commandement pour la métropole, mentalité conforme à sa formation, son milieu, et son époque.

Lorsque les Allemands envahissent la zone Sud et dissolvent l'armée d'armistice, ils se gardent de porter atteinte aux Chantiers de jeunesse, qui à leurs yeux maintiennent la jeunesse française en de bonnes mains et peuvent servir de vivier de main-d'œuvre.

Et de fait, en 1943, les Chantiers deviennent un piège pour des milliers de jeunes gens astreints au service du travail obligatoire (STO). Nombre d'entre eux sont envoyés en Allemagne par groupements entiers, avec le concours actif de la Porte du Theil et de ses subordonnés. Ce concours est établi tant par les faits et les témoignages que par leurs instructions secrètes, conservées aux Archives Nationales [côte F60 1452 p.ex.]. On vit les jeunes partir et arriver au travail forcé outre-Rhin en uniforme, en rangs, bannières déployées, encadrés par leurs chefs, et parfois musique en tête.

À la fin de 1943, la Porte du Theil tente enfin de limiter les prélèvements incessants de travailleurs pour l'Allemagne, qui réduisent considérablement ses effectifs, et peut-être donc son influence au sein de l'appareil de Vichy. S'il n'a rien d'un fervent collaborationniste et que nul opposant n'a jamais mis en doute ses sentiments patriotiques, il refuse toutefois de rompre avec le régime de Pétain. Approché par la Résistance à l'automne 1943 au témoignage de Léo Hamon[2], il refuse de s'y joindre. Considéré néanmoins comme insubordonné par l'occupant allemand, sa révocation et son arrestation sont décidées. Mais, bien qu'averti, il refuse de s'enfuir et se laisse arrêter à son bureau de Châtel-Guyon, le , 24 heures après avoir été démis de ses fonctions.

Il est interné à Munich, puis en Autriche. Il tombe entre les mains de l'armée française le .

Après la guerre, vu l'ambigüité de son parcours, il est mis à la disposition de la commission d'instruction de la Haute Cour de Justice mais est laissé en liberté[3]. Il bénéficiera finalement d'un arrêt de non-lieu, la commission d'instruction constatant en que le chef d'indignité nationale, tel que défini par l'ordonnance du , n'est aucunement constitué[4].

Il a reçu la Francisque[5] et fait commandeur de la Légion d'Honneur[6] en 1941.

Bibliographie

Écrits de Joseph de la Porte du Theil

  • Un an de commandement des Chantiers de la Jeunesse. Paris, éd. Sequana, 1941.
  • Les chantiers de la Jeunesse. Conférence, . Paris, éd. Sequana, 1941.
  • Les Chantiers de la jeunesse ont deux ans, précédé d'une lettre du maréchal de France, chef de l'état, éd.Sequana, 1942.
  • Instruction sur l'organisation et l'administration des Chantiers de la jeunesse: Doctrine et organisation générale., éd. Charles-Lavauzelle , 1941.
  • Souvenirs: texte intégral, éd. Association nationale des anciens des Chantiers de la jeunesse française, 1986.
  • Michel Cacaud, préface du général de la Porte du Theil, À travers le pays malgache inconnu, ed. du Clocher, 1943.
  • Pierre-Gilbert Péninou, préface de M. le général de la Porte du Theil, Problèmes d'artillerie avec leurs solutions expliquées : à l'usage des officiers de réserve d'artillerie, des candidats au brevet de chef de section et des candidats E.O.R., éd. Charles-Lavauzelle, 1940.
  • Message du Général de La Porte du Theil aux anciens des CJF en date de (post Stalingrad)
Message du Général de La Porte du Theil aux anciens des CJF en date de mars 1943

Sur les Chantiers de jeunesse

  • Robert Hervet, Les Chantiers de la jeunesse, éd. France-Empire, 1962.
  • Antoine Huan, Les Chantiers de la jeunesse, 1940-1944 : une expérience de service civil, éd. Opéra, 1998, (ISBN 2908068877)
  • Christophe Pécout[7], Les Chantiers de la Jeunesse et la revitalisation physique et morale de la jeunesse française, 1940-1944, éd. L'Harmattan, 2007, (ISBN 2296025781).
  • (en) Daniel Lee, « The Chantiers de la Jeunesse, General de la Porte du Theil, and the Myth of the Rescue of Jews in Vichy France », French Historical Studies, vol. 38, no 1, , p. 139-170 (DOI 10.1215/00161071-2822733).

Références

  1. Alain Guérin, Chronique de la Résistance, Omnibus, 2000
  2. Léo Hamon Vivre ses choix, Robert Laffont, 1991 p. 162-163
  3. Le Monde, 4 juin 1945.
  4. Le Monde, 19 novembre 1947.
  5. Henry Coston, L'Ordre de la Francisque et la révolution nationale, Paris, Déterna, coll. « Documents pour l'histoire », , 172 p. (ISBN 2-913044-47-6), p. 112.
  6. Sur le site Geneanet.
  7. voir aussi du même auteur les articles:"Les Chantiers de la Jeunesse (1940-1944): une expérimentation pédagogique sous le Régime de Vichy", revue Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, avril 2009, no 234, PUF. - "Les jeunes et la politique de Vichy : le cas des Chantiers de la Jeunesse", Histoire@Politique. Politique, Culture, Société, no 4, 2008. -"Les pratiques physiques et sportives au service de l’idéal vichyste : l’exemple des Chantiers de la Jeunesse", revue Sciences Sociales et Sports, no 1, 2008. -"Les Chantiers de la Jeunesse, une expérience de service civil obligatoire", revue Agora Débats/jeunesse, no 47, juin 2008. -Une entreprise de formation morale et physique de la jeunesse française : les Chantiers de la Jeunesse (1940-1944), Les Cahiers de Psychologie Politique, no 10, 2007 — L'Éducation physique dans les Chantiers de la Jeunesse, revue Guerres mondiales et conflits contemporains, no 218, avril 2005.

Articles connexes

  • Armée et histoire militaire françaises
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