Jeanne Granier

Marie Ernestine Jeanne Granier, chanteuse et comédienne née le [1] à Paris, où elle est morte le [2], a été une des personnalités les plus marquantes de la vie parisienne de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Pour les articles homonymes, voir Granier.

Jeanne Granier
Jeanne Granier - soprano et actrice française en 1902.
Nom de naissance Marie Ernestine Jeanne Granier
Naissance
Paris, France
Décès
Paris 17e, France
Activité principale chanteuse d'opérette
soprano
Maîtres Barthe-Banderali
Ascendants Irma Granier

« On peut être une excellente artiste et n'être point Jeanne Granier, parce que Jeanne Granier, c'est Jeanne Granier, c'est le sourire et c'est les larmes, c'est la fantaisie et le naturel, c'est une voix de joie et d'émotion, c'est Jeanne Granier enfin ! » (Rozière, Le Théâtre, Gil Blas, ).

Elle est devenue, pour une période de 20 ans, une des plus grandes stars de la musique à Paris, douée à la fois comme chanteuse et comme actrice. Mais Jeanne Granier était également très attachée au public londonien car, au cours de sa longue carrière, elle fit de nombreuses tournées d'opérettes à Londres et y alla aussi souvent jouer la comédie.

Biographie

Jeanne Granier est la fille de l'actrice Marie dite Irma Granier, pensionnaire du « Théâtre du Vaudeville » et du « Théâtre du Palais-Royal » et d'un père non-dénommé, née dans la commune de Batignolles-Monceaux (Seine), supprimée le [1].

Elle a été l'élève de Barthe-Banderali, étudiant à la fois l'opéra-comique et la musique. Elle débute en 1873, au Théâtre de la Renaissance, en remplaçant au pied levé Louise Théo dans La Jolie parfumeuse. Remarquée par Jacques Offenbach et Charles Lecocq, elle a créé Giroflé-Girofla, La Marjolaine, Le Petit Duc, Belle Lurette, Janot, Ninella, Madame le Diable, Fanfreluche et bien d'autres rôles.

Elle a joué dans La Vie de bohème au Théâtre de l'Odéon en 1875, dans l'acte I de Musette, en chantant La Jeunesse et l'Amour (paroles de Meilhac, musique de Massenet). Jules Massenet lui a composé une chanson pour Esmeralda en 1879 pour son apparition dans Notre-Dame de Paris. Le , elle apparut dans un spectacle au bénéfice de Berengère et Anatole au Théâtre de la Renaissance.

Les Frères Isola ont dit au sujet de l'artiste dans leur livre de Souvenirs recueillis en 1943 : « À la Renaissance, dans Madame le Diable, un personnage de la pièce arrivait sur la scène avec une valise de petite dimension à la main. Il ouvrait cette valise et Jeanne Granier en sortait costumée en diable. Son extrême minceur lui permettait de réussir cette acrobatie. L'admirable artiste a ainsi conté ses débuts d'amusante façon : C'est par la Renaissance que je débutais à la scène, sans être passée par le Conservatoire... Au vrai, je me destinais au classique, je travaillais pour le théâtre italien, et nul n'imaginait chez moi que je dusse "tomber" dans l'opérette... »

C'est donc dans le répertoire de l'opérette que Jeanne Granier se fait connaitre. Cependant, en plein succès, sa voix lui fait défaut. Elle s'oriente alors, sur l'insistance du comédien Lucien Guitry, vers le théâtre où elle réussit à se faire une place. D'ailleurs, elle lui donnera la réplique dans de nombreuses pièces.

Jules Renard a repris dans son Journal une citation de Jeanne Granier (Journal, ) : « Moi, dit-elle, je ne suis pas comédienne. Je joue comme ça. » L'actrice joua au théâtre en cette année 1897 dans la pièce de Jules Renard Le Plaisir de rompre et y avait remporté un vif succès. Jeanne Granier restera liée à la carrière théâtrale de cet auteur dramatique.

La célèbre Diseuse fin de siècle Yvette Guilbert a dit d'elle dans ses Mémoires : « Jeanne Granier, la grande et spirituelle comédienne, avec son bout de nez amusant. »

La frontière entre le demi-monde et les coulisses des théâtres étaient assez floues et très nombreuses étaient les actrices qui voyaient dans le commerce de leur charme le prolongement logique de leur carrière artistique, cependant Jeanne Granier a toujours décliné les propositions libertines.

Cependant, l'actrice fut un temps courtisée par le prince de Galles, le futur Édouard VII qui restera toujours parmi ses plus grands admirateurs. Elle aurait été l'une de ses maitresses de jeunesse.

À ce propos, le réalisateur Jean Renoir, en parlant de son père le peintre Pierre-Auguste Renoir, relata cette anecdote : « L’actrice qu’il préférait était Jeanne Granier. « Un filet de voix, mais si net, si précis, si spirituel. » Le prince de Galles, futur Édouard VII d'Angleterre, ne ratait pas une représentation de Jeanne Granier aux Variétés quand il était à Paris. Le public était convaincu que son admiration pour l’étoile ne se cantonnait pas au domaine artistique. Lorsque, à la fin d’un air, les applaudissements éclataient, ils s’adressaient aussi bien au prince qu’à la chanteuse. Toute la salle se tournait vers lui pour le féliciter de son goût. Et le futur roi d’Angleterre, bon enfant, saluait la foule, nullement gêné par l’allusion, savourant cette intimité qui était parmi bien d'autres choses la marque de Paris. » Un soir, à la sortie d'une représentation au Théâtre des Capucines, le prince Édouard offrit à Jeanne la rose qu'il portait à sa boutonnière.

Jeanne Granier est, par ailleurs, mentionnée dans l'œuvre de Marcel Proust À la recherche du temps perdu.

Le , elle reçoit la distinction de Chevalier de la Légion d'Honneur (Ministère de l'Instruction Publique)[1].

Elle meurt à Paris 17e au 88 avenue de Wagram le à l'âge de quatre-vingt-six ans[2]. Tout ce que comptait encore Paris en personnalités artistiques, mondaines et littéraires qui avaient connu l'époque brillante dont Jeanne Granier avait été une des vedettes les plus appréciées et les plus fêtées s'étaient réunis le en l'église Saint-François de Sales afin de rendre un suprême hommage à l'incomparable artiste. Le deuil fut conduit par son fils André Granier. Elle avait été inhumée dans le caveau de famille au cimetière de Montmartre (20e division, à quelques lignes de l'avenue de la Croix) mais la tombe des Granier a été détruite et la concession reprise en 2010.

Vie privée

Jamais mariée, elle accouche le à Paris 16e à la Villa Montmorency, 7 avenue du Square, d'un fils prénommé Xavier Jean André et dont le père est inconnu[3]. Elle le reconnait à l'état-civil le [3].

Concernant la paternité d'André Granier, la chanteuse Eugénie Buffet a déclaré, avec une pointe d'humour, dans son livre de Confidences recueillies en 1930 : « C'était Laure Hayman (demi-mondaine célèbre) qui, fort gentiment, m'avait mis en garde contre la trop grande fécondité du beau de Merena, lequel avait la réputation justifiée de faire des enfants à toutes les jolies femmes de Paris ! Elle m'amusait beaucoup quand, me prenant par le bras, elle croyait devoir m'avertir : "Ne vous asseyez pas sur cette chaise, de Merena vient de s'y asseoir, vous auriez un enfant !" Et elle me glissait à l'oreille : "Savez-vous que le fils de Jeanne Granier est du Comte de Merena ?" Et elle ajoutait, avec un grand sérieux : "Il y en a comme ça des tas dans Paris !" »

André Granier mourra à Nice (Alpes-Maritime) le [3].

Repères chronologiques

Le petit duc

Son rôle-titre dans Le petit duc de Charles Lecocq est devenu la signature de Jeanne Granier. Elle y apparaît lors de la première le au Théâtre de la Renaissance et chante aussi sa partie dans des reprises à ce théâtre en 1879, 1881 et 1883. Elle joue avec José Dupuis dans des productions au Théâtre de l'Éden en 1888 et au Théâtre des Variétés en 1890. À ce théâtre, elle apparaît dans les reprises de La Belle Hélène, Barbe-Bleue et La Grande-duchesse de Gérolstein.

Dans d'autres théâtres de Paris elle crée Mademoiselle Gavroche (aux Variétés), La Béarnaise (aux Bouffes-Parisiens), La Cigale et la Fourmi (Gaité) et Saturnales (Nouveautés).

Le compositeur Emmanuel Chabrier lui a dédié sa chanson Ballade des gros dindons (1889)

Notes et références

  1. « Ministère de la culture - Base Léonore », sur www2.culture.gouv.fr (consulté le )
  2. acte de décès n°1975, Paris 17e, Archives Départementales de Paris. Elle y est faussement dite "fille de Charles Émile Granier et d'Irma Tisseyre, époux décédés"
  3. acte de naissance n°819 avec mentions marginales, Paris 16e, Archives Départementales de Paris
  4. Albert Vanloo, Sur le plateau: Souvenirs d'une librettiste (Paris, 1913).
  5. « Comoedia », sur Gallica, (consulté le )
  6. « Le Ménestrel », sur Gallica, (consulté le )
  7. « La Rampe », sur Gallica, (consulté le )

Références

Bibliographie

  • K. Gänzl, « Jeanne Granier », The New Grove Dictionary of Opera, Macmillan, Londres et New York, 1997.
  • J. Martin, Nos artistes des théâtres et des concerts, Paul Ollendorff, Paris, 1895.
  • D. Irvine, Massenet, une chronique de sa vie et l'époque, Amadeus Press, Portland, 1997.
  • R. Delage, Emmanuel Chabrier, Fayard, Paris, 1999.

Liens externes

Image externe
Portraits de Jeanne Granier sur le site de la Bibliothèque nationale de France BnF (lire en ligne sur Gallica)
  • Portail de l’opéra
  • Portail du théâtre
  • Portail de Paris
  • Portail des années 1900
  • Portail de la France au XIXe siècle
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.