Jean-Gabriel Capot de Feuillide

Jean-Gabriel Cappot-Feuillide, dit Capot de Feuillide (1800-1863), est un avocat, journaliste, collaborateur du Figaro (1829-1830), critique puis rédacteur à L'Europe Littéraire, pamphlétaire, écrivain et homme politique, ami et correspondant d'Honoré de Balzac.

Pour les articles homonymes, voir Famille Capot de Feuillide.

Biographie

Issu d'une famille de la petite noblesse de la province d'Armagnac, il naît à Port-au-Prince, où son père prénommé lui aussi Jean-Gabriel, natif de Nérac, fils de François de Capot-Feuillide, seigneur de Grézeau, maître particulier des eaux-et-forêts du duché d’Albret, avocat du Roi au présidial de Nérac, et d’Anne Bartouilh, s’était établi, encore mineur, le [1]. Il est un neveu de Jean-François Capot de Feuillide, guillotiné en 1794, le premier époux d'Eliza Hancock, cousine germaine de la femme de lettres anglaise Jane Austen.

Il fit son entrée dans la société littéraire parisienne sous la protection de Sosthène de La Rochefoucauld[2], et critiqua si vertement Lélia[3] de George Sand, dans L'Europe littéraire du , que Gustave Planche le provoqua en duel[4]. Alfred de Musset[5] composa pour Planche une complainte humoristique (voir ci-dessous) en vingt-quatre strophes de six vers, relatant les épisodes de ce duel.

Le ce fut contre Victor Bohain, ancien rédacteur de L'Europe littéraire, devenu propriétaire du Figaro en 1826, qu'il combattit en duel au pistolet et qu'il fut blessé au côté droit[6]. Devenu avocat au barreau de Paris, il assura la défense du journaliste Jean-Baptiste Rosemond de Beauvallon dans l'affaire Dujarrier. Il fut élu député en 1840, mais le coup d'État du mit fin à sa carrière politique[7].

Critiques

Charles Monselet[8]: " Ses Lettres sur l'Irlande ont éveillé la sympathie de l'Europe ; il a une plume batailleuse, une nature chaude, à qui tous les postes conviennent et qui convient à tous les postes, et que l'on est infiniment surpris de retrouver, au bout de quinze ans, oisive, délaissée, oubliée, sans prestige dans le passé, sans action dans le présent."

Œuvre

  • Le Midi en 1815, Paris, Souverain, 1836
  • L'Irlande, Paris, Dufey, 1839, (2 vol.)
  • Le Château de Ham, son histoire, ses seigneurs et ses prisonniers, Paris, Dumont, 1842
  • Histoire des Révolutions de Paris, Paris, Comptoir des Imprimeurs-Unis, 1847, (2 vol.)
  • L'Algérie française, Paris 1856, H. Plon
  • Avant 1789, Paris, Dusacq, 1857

Complainte par Alfred de Musset

Complainte historique et véritable sur le fameux duel qui a eu lieu entre plusieurs hommes de plume très inconnus dans Paris, à l'occasion d'un livre dont il a été beaucoup parlé de différentes manières, ainsi qu'il est relaté dans la présente complainte (sur l'air de la Complainte du maréchal de Saxe)[9].

Duel au pistolet, gravure de 1857
I

Monsieur Capot de Feuillide
Ayant insulté Lélia
Monsieur Planche, ce jour-là,
S'éveilla fort intrépide,
Et fit preuve de valeur
Entre midi et une heur!

II

Il écrivit une lettre,
Dans un français très correct,
Se plaignant que, sans respect,
On osât le méconnaître ;
Et, plein d'indignation
Il passa son pantalon.

III

Buloz[10], dedans sa chambrette,
Sommeillait innocemment.
Il s'éveille incontinent,
Et bâille d'un air fort bête,
Lorsque Planche entra soudain,
Un vieux journal à la main.

IV

Il avait trouvé en route
Monsieur Regnault tout crotté ;
Après l'avoir consulté
Comme il n'y comprenait goutte,
Il l'avait pris sous le bras,
Pour se sortir d'embarras.

V

Ayant écouté l'affaire,
Buloz dit : « En vérité,
Ne soyez pas irrité
Si je ne vous comprends guère ;
C'est que j'ai l'esprit très lourd,
Et que je suis un peu sourd. »

VI

AIors Planche, tout en nage,
Leur dit : « C'est pourtant très clair ;
À l'Europe littérair'
On doute de mon courage ;
Afin de le leur prouver
Je suis venu vous trouver. »

VII

Ils allèrent chez Lepage
Pour chercher des pistolets ;
Mais on leur dit qu'il fallait
Mettre cent écus en gage.
Alors Buloz, prudemment,
Dit : « Nous n'avons pas d'argent. »

VIII

Ils prirent les Dames blanches[11]
Pour s'en aller à Meudon
Acheter des mirlitons,
Afin que Gustave Planche
Pût faire baisser le ton
À messieurs du Feuilleton.

IX

L'ennemi se fit attendre
Jusqu'à trois heures un quart,
Ce qui fut canulant, car
Buloz brûlait de se rendre
Chez Madame Dudevant[12]
Qu'il aimait passionnément.

X

Enfin, dans un beau carrosse,
Par deux beaux chevaux tiré,
Feuillide parut, paré
Comme pour un jour de noce ;
De plus, Lautour-Mézeray[13],
Et deux petits pistolets.

XI

Alors les témoins, tous quatre
Devant donner le signal,
Retardent l'instant fatal
Où l'on allait voir combattre
Ces deux grands littérateurs,
Qui faisaient frémir d'horreur.

XII

Regnault regardait ses bottes
Sans pouvoir trouver un mot ;
Feuillide dit : « À propos,
Je vais ôter ma culotte
Afin d'être plus dispos
Et de n'être pas capot. »

XIII

Buloz, s'asseyant par terre,
Saisi d'un effroi mortel,
S'écria : « Au nom du ciel,
Mes amis, qu'allez-vous faire ?
Que deviendra mon journal ?
Je m'en vais me trouver mal.

XIV

Messieurs, écoutez de grâce,
Dit Regnault aux assistants ;
Je ne suis pas éloquent,
Mais, mettez-vous a ma place,
Je crois que certainement
Nous sommes tous bons enfants.

XV

Monsieur Planche a du courage
Et monsieur Feuillide aussi ;
Pour nous, nous sommes ici
Pour empêcher le carnage.
Votre journal est charmant,
Le nôtre pareillement.

XVI

Vous avez raison entière,
Et nous, nous n'avons pas tort,
Vous ne craignez pas la mort
Et nous ne la craignons guère.
Je crois, sans vous offenser,
Qu'il est temps de s'embrasser. »

XVII

« Messieurs, c'est épouvantable »,
Leur dit Buloz tout suant,
« George Sand, assurément,
Est une femme agréable
Et pleine d'honnêteté
Car elle m'a résisté!! »

XVIII

« Messieurs, ce n'est pas pour elle,
Dit Planche, que je me bats,
J'ai ma raison pour cela ;
Je ne sais pas trop laquelle ;
Si je me bats c'est pour moi,
Je ne sais pas trop pourquoi. »

XIX

Buloz qui chargeait les armes
Avec du plomb à lapin,
Le prit alors sur son sein,
Et le baigna de ses larmes
En liai disant : « Mon enfant,
Vous êtes trop véhément ».

XX

Feuillide le gigantesque
Lui dit : « Monsieur, s'il vous plait,
Donnez-moi mon pistolet ;
Tous ces discours là me vesque,
Je ne viens pas de si loin
Pour voir pleurer les témoins. »

XXI

Les combattants en présence
Firent feu des quatre pieds.
Planche tira le premier,
À cent toises de distance ;
Feuillide, comme un éclair,
Riposta, cent pieds en l'air.

XXII

« Cessez cette boucherie »,
Crièrent les assistants,
« C'est assez répandre un sang
Précieux à la patrie ;
Planche a lavé son affront
Par sa détonation. »

XXIII

Dedans les bras de Feuillide
Planche s'élance à l'instant,
Et lui dit en sanglotant :
« Nous sommes deux intrépides,
Je suis satisfait vraiment,
Vous aussi probablement. »

XXIV

Alors ils se séparèrent
Et depuis ce jour fameux,
Ils vécurent très heureux ;
Et c'est de cette manière
Qu'on a enfin reconnu
De George Sand la vertu.

Notes et références

  1. Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, vol. 79, 1978
  2. George Sand et Alfred de Musset : correspondance, Louis Evrard, 1906.
  3. Il jugea que ce roman féministe (qui dénonçait le mariage en dévoilant la frustration des épouses), obligeait le lecteur à le lire en cachette « pour ne contaminer personne » et user d'un charbon ardent « pour se purifier les lèvres après la lecture de l'œuvre ».
  4. Charles Monselet rapporte dans La Lorgnette littéraire, Dictionnaire des Grands et des petits auteurs de mon temps, (Poulet-Malassis et de Broise, Paris, 1857) : « On alla sur le terrain [le bois de Boulogne], mais il n'y eut pas de sang répandu. ». En fait la balle de Planche se perdit dans un pré voisin, et tua une vache que Buloz, directeur de la Revue des deux Mondes dut payer fort cher à son propriétaire, car lui seul était assez fortuné pour assumer une si lourde indemnité, mais Planche affirma à Jules Vallès, qui le rapporte dans Les Réfractaires, (Paris, G. Charpentier, 1881), qu'il avait demandé au paysan qui se trouvait présent de déplacer sa vache.
  5. Il a fait la connaissance de George Sand, dont il avait lu les deux premiers romans, en juin 1933. Leur liaison débute le 29 juillet.
  6. Histoire des duels anciens et modernes, Fougeroux de Campigneulles : Une note, communiquée par les témoins et insérée aux journaux du 24 octobre 1834, contient les détails suivant sur un nouveau duel entre journalistes : «  Une rencontre a eu lieu aujourd'hui à Glignaucourt, entre MM. Capo de Feuillide et Victor Bohain. Il avait été convenu la veille entre les témoins, que le duel aurait lieu au pistolet à la distance de vingt-cinq pas, que les deux adversaires tireraient l'un sur l'autre, et que le sort désignerait celui qui tirerait le premier. Le sort ayant favorisé M. Victor Bohain dans ces deux épreuves, M. de Feuillide a été atteint d'une balle au côté droit de la poitrine. « Je suis touché, a-t-il dit, c'est à mon tour de tirer » ; et il a fait feu sur son adversaire qui n'a pas été atteint. La blessure, quoique grave, ne paraît pas mortelle. M. Bohain, ancien rédacteur du Figaro, et qui fut ensuite quelque temps préfet, avait déjà figuré dans un duel de même nature. Après celui qui vient d'être rapporté et à son occasion, il fut question d'un nouveau combat entre MM. Bohain et Lefebvre, par suite d'une discussion relative à une lettre dont il aurait été fait usage sans l'aveu de celui qui l'avait écrite. »
  7. Pierre Hourmat, Revue d'histoire de Bayonne, du Pays basque et du Bas-Adour, ISSN 1240-2419
  8. La Lorgnette littéraire, Dictionnaire des Grand et des petits auteurs de mon temps, Charles Monselet, Poulet-Malassis et de Broise, Paris, 1857
  9. Poésie burlesque de 1833, publication posthume.
  10. Le directeur de la Revue des deux Mondes, qui fit paraître Lélia en feuilleton.
  11. Omnibus dont la caisse était peinte en blanc.
  12. George Sand était baronne Dudevant par son mariage.
  13. Journaliste, ami d'Émile de Girardin.

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