Jean-Charles Naouri

Jean-Charles Naouri, né le à Bône (Algérie), est un homme d'affaires et chef d'entreprise français. Il est l'actionnaire majoritaire  à travers les sociétés Euris SAS, Finatis, Foncière Euris et Rallye [1],[2] et le président-directeur général du Groupe Casino, qui regroupe les enseignes de grande distribution éponymes, ainsi que les enseignes Monoprix, Franprix, Leader Price, et le site de commerce en ligne Cdiscount. En 2020, sa fortune est estimée à 280 millions d'euros[3].

Pour les articles homonymes, voir Naouri.

Jeunesse et études

Famille

Jean-Charles Naouri est né à Bône. C'est le fils d'un pédiatre né lui-même en Algérie et d'une agrégée d'anglais. Sa mère l'a élevé seule[4]. « Un oncle maternel, qui eut une certaine influence sur son orientation, était professeur d’université »[4]. Frère de l'homme d'affaires Jean-Yves Naouri, il est le père de Gabriel Naouri, également homme d'affaires.

Formation

Il arrive en France métropolitaine avec sa mère à l'âge de 5 ans[5]. À quatorze ans, alors qu'il est élève au lycée Périer de Marseille[6], il participe au concours général et termine premier tant aux épreuves de latin qu'aux épreuves de grec.[7] À quinze ans, il obtient son baccalauréat avec la mention Très bien[7]. Après des classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand[8], il est admis 1er en 1967 au concours d'entrée à l'École normale supérieure (section Sciences), établissement d'où il sort en 1970 avec le titre de docteur en mathématiques, obtenu en une seule année[9]. Il passe ensuite deux années à l'université Harvard (juin 1970-juin 1972), où il étudie l'économie et les finances publiques[9],[10]. En 1971, il revient en France pour soutenir à la faculté des sciences de l'Université de Paris sa thèse sur l'analyse factorielle des correspondances continues[11]. Enfin, de 1974 à 1976, il est étudiant à l'École nationale d'administration (ENA) (promotion Guernica) et sort dans la « botte ».


Débuts professionnels

Au service de l'État

Jean-Charles Naouri intègre le corps de l'Inspection des finances en 1976. En juin 1980, il accède à la direction du Trésor[9]. Directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy de 1982 à 1986, successivement au ministère des Affaires sociales puis au ministère de l'Économie et des Finances, il est à l'origine de la réforme des marchés financiers entre 1984 et 1986 (création du Matif, du Monep, des certificats de dépôt, des billets de trésorerie et des O.A.T.[12]).

Il est, à travers le « rapport Naouri »[13], l'architecte principal de la dérégulation des marchés financiers en France du fait de l'allégement du contrôle des changes et de la suppression de l'encadrement du crédit[14],[15]. Il lance les produits dérivés[16]. Ces mesures ont notamment pour conséquence la suppression des réserves obligatoires sur les crédits accordés par les établissements bancaires et sont aujourd'hui considérées par nombre d'experts comme en partie à l'origine du gonflement incontrôlé de la masse monétaire et de la dette, phénomène qui donnera naissance à la crise bancaire et financière de l'automne 2008[17]. Cette réforme a permis néanmoins de moderniser l’économie et le système financier français, alors en décalage croissant avec les grandes places financières internationales[18]. Le rapport Naouri a permis d’instaurer l’ouverture du système bancaire et de faciliter l’accès direct des entreprises aux marchés financiers[13]. Selon une étude de la Banque de France, « un assouplissement de la réglementation et une ouverture des marchés étaient nécessaires »[19] pour faciliter la mise en concurrence des réseaux bancaires, laquelle s’exerce désormais sur l’ensemble des crédits. La gestion financière des entreprises aura par « ailleurs été profondément modifiée et sera ainsi devenue source de rentabilité »[20], selon Françoise Renversez, pour permettre le financement de l’économie française et préparer l’entrée dans l’Union économique et monétaire.

Rothschild & Cie Banque

En 1987, Jean-Charles Naouri, marginalisé au ministère des Finances depuis la victoire de la droite en 1986, quitte la fonction publique et rejoint Rothschild & Cie Banque en tant qu'associé-gérant[21]. C'est le premier associé-gérant à ne pas appartenir à la famille Rothschild[22]. Pour cela la banque est transformée en société à commandite dont tous les associés-gérants sont responsables sur leur biens personnels[23]. Il crée parallèlement le fonds d'investissement Euris SAS, qui prend des participations minoritaires dans des entreprises industrielles et accroît rapidement ses capacités d’intervention.

En 1988, il est l'un des principaux protagonistes de l'affaire de la Société générale[24], raid lancé par Georges Pébereau et initié par Pierre Bérégovoy contre la Société générale. Il est accusé de délit d'initiés, mais l'affaire se soldera pour lui par un non-lieu[25].

Grande distribution

Il rachète, en 1991, le distributeur breton Rallye[26], en proie à de graves problèmes de trésorerie. Il apporte Rallye au Groupe Casino, dont il devient le premier actionnaire en 1992. Cette prise de participation majoritaire se fait avec très peu de fonds, selon un schéma qu'il reproduit pour toutes ses acquisitions : arrivant en « chevalier blanc  », il prend initialement des parts minoritaires assorties d'options pour en prendre le contrôle ultérieurement ; il empile les structures financières, les sociétés acquises devant rembourser l'endettement nécessaire à leur acquisition[27],[28].

Ce sont ces options qui, en 1997, lui permettent de l'emporter contre Promodès lors de l'OPA hostile lancée par celle-ci sur le groupe Casino[29] ,[30].

Il prend la présidence opérationnelle de Casino en mars 2005[31] revendant ses activités peu rentables en Pologne, aux États-Unis, à Taïwan et aux Pays-Bas et renforçant sa présence dans des pays en forte croissance. Casino devient ainsi le premier distributeur alimentaire en Amérique du Sud (Brésil et Colombie notamment), dans l’Océan Indien, au Viêt Nam et le deuxième en Thaïlande.[réf. nécessaire]

Il multiplie les acquisitions, toujours en recourant aux mêmes méthodes[28].

Il prend ainsi en septembre 1997 une participation majoritaire dans le réseau Franprix-Leader Price[27],[32]. Ce double investissement a donné lieu à une bataille juridique de plus de trois ans avec la famille Baud et François Fiat, les anciens propriétaires[33]. Cette procédure s’est finalement soldée par une condamnation de Robert Baud[34],[35],[36].

La reprise de Leader Price lui permet notamment de positionner le groupe Casino sur le secteur du discount. Cette même année, il reprend l’enseigne SPAR en France[37], puis rachète en 1998 l’enseigne Vival, premier franchiseur alimentaire de France[38].

En 2012, Casino prend le contrôle du groupe brésilien Pão de Açúcar[39],[40],[41], principal employeur privé du pays. Le Groupe acquiert également les 50 % restants de Monoprix et en devient le propriétaire exclusif[42],[36].

En mai 2019, surendettée avec une dette globale de 3,3 milliards d'euros, la société Rallye, holding de contrôle des groupes de distribution Casino et Go Sport, est contrainte de se placer sous la protection du tribunal de commerce de Paris et obtient l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Casino avait terminé l'année 2018 avec une perte de 54 millions d’euros. Si, selon le quotidien Libération, c’est la stratégie d’endettement du groupe pratiquée de très longue date par Jean-Charles Naouri, qui a entraîné la situation actuelle, « de nombreux observateurs jugent que la crise du modèle des hypermarchés est en réalité le véritable déclencheur de la crise »[43]. Pour l'économiste Éric Pichet, si le placement de Rallye sous procédure de sauvegarde est une bonne chose pour la pérennité de l'entreprise, cet évènement « marque la victoire des analystes financiers indépendants qui dénonçaient l’endettement démesuré du groupe, des hedge funds qui ont vendu le titre à découvert et des lanceurs d’alerte qui ont tenté sans succès d’attirer l’attention de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur l’opacité des comptes malgré les intimidations et les pressions de la direction du groupe »[44].

Mandats actuels

  • Président-directeur général de Casino[45], Guichard-Perrachon
  • Président de Euris SAS
  • Président du conseil d'administration de Rallye[46]
  • Président du conseil d'administration de la Companhia Brasileira de Distribuição (CBD)
  • Président-directeur général de Casino Finance
  • Administrateur de F. Marc de Lacharrière (Fimalac)
  • Membre du conseil consultatif de la Banque de France
Mandats exercés au sein de fondations
  • Président de la Fondation Euris[47]
  • Vice-président de la Fondation d’entreprise groupe Casino[48]
Mandats exercés dans des organisations d'intérêt général
  • Président d’honneur et administrateur de l’Institut de l’École normale supérieure
Mandats exercés pour le compte de l'État
  • Le , à la demande de Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères), Jean-Charles Naouri a accepté de devenir le représentant spécial du ministre des Affaires étrangères pour les relations économiques avec le Brésil. Il a remis son rapport de fin de mission en septembre 2015[49].

Prix et récompenses

Vie privée

Jean-Charles Naouri est remarié[5] et père de trois enfants : Gabriel Naouri (d’un premier mariage[5]), Emmanuelle Naouri et Mickaël Naouri.

Evolution du montant de sa fortune

Année Rang Montant de l'estimation de la fortune professionnelle de Jean-Charles Naouri par le magazine Challenges (en millions d'euros)
2003 637[51]
2004 26 946[52]
2007 57 772[51]
2011 883[53]
2014 1156[53]
2016 100 675[54]
2018 500[55]
2019 n.c. 150[53]
2020 316 280[3]

Exemple de lecture du tableau : Jean-Charles Naouri est classé par le magazine Challenges en 2007 57e sur 500 pour sa fortune professionnelle avec un montant de 772 millions d’euros.

Ouvrages

  • Christian Stoffaës et Jacques Victorri, Nationalisations, Paris, Flammarion, , 434 p. [« Jacques Victorri » est le pseudonyme de plusieurs auteurs : Jean-Charles Naouri, Baudouin Prot et Michel de Rosen].
  • Naouri, Jean-Charles, dir., Livre blanc sur la réforme du financement de l'économie, Paris, ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, La Documentation française, 1986.

Notes et références

« 

  1. « Le groupe Finatis », sur www.finatis.fr (consulté le )
  2. Rapport Annuel 2018 de Finatis Page 20
  3. « Jean Charles Naouri (fortune) »
  4. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot, Nouveaux patrons, nouvelles dynasties, Paris, Calmann-Lévy, , 272 p. (ISBN 978-2-7021-3039-1), p. I-I-4
  5. Sophie Lecluse, « Qui est vraiment Jean-Charles Naouri, le patron de Casino au coeur de la tourmente ? », sur Capital.fr, (consulté le )
  6. Le Monde, « • JEAN-CHARLES NAOURI: directement de quatrième en seconde. », Le Monde, (lire en ligne , consulté le ).
  7. (en-US) « Jean-Charles Naouri Biography », sur Groupe Casino (consulté le ).
  8. « Louis-le-Grand a le chic pour former des millionnaires », sur www.journaldunet.com (consulté le ).
  9. « M. Naouri est nommé directeur du cabinet de M. Bérégovoy », Le Monde , (lire en ligne, consulté le ).
  10. « L'État et son jeune champion », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
  11. Jean-Charles Naouri, Analyse factorielle des correspondances continues, S.l., s.n., , 101 p. (lire en ligne).
  12. Sophie Coignard et Romain Gubert, L'Oligarchie des incapables, Paris, Albin Michel, , 368 p. (ISBN 978-2-226-23860-3), chapitre 7.
  13. Nicolas Colin, « Pour un nouveau rapport Naouri », sur L'Obs, .
  14. Le PDG de Casino Jean-Charles Naouri devient représentant spécial de la France pour le Brésil, latina-eco.com, 20 juin 2013.
  15. The Left's Dirty Job: The Politics of Industrial Restructuring in France and Spain, W. Rand Smith, University of Toronto Press, 1998, p. 255.
  16. 20 février 1986 : le Matif, la folle histoire du marché à terme, Pascale Besses-Boumard et Christèle Fradin, latribune.fr, 26 juillet 2013.
  17. Et si on revenait à l'encadrement du crédit, Alexandre Kateb, Les Échos.fr, 28 juin 2012.
  18. Ministère de l'Économie et des Finances, Livre blanc sur la réforme du financement de l'économie, Notes Bleues no 268, 24 février-2 mars 1986 (extrait), Le texte fondateur de la réforme financière française, CRDP Montpellier.
  19. André Icard et Françoise Drumetz, « Développement des marchés de titres et financement de l'économie française », Banque de France, juin 1994.
  20. Françoise Renversez, « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers », Cairn, 2008.
  21. Le carnet des décideurs -Jean-Charles Naouri, LSA conso, 26 septembre 2013
  22. Tristan Gaston-Breton, La saga des Rothschild : L'argent, le pouvoir et le luxe, Editions Tallandier, , 333 p., p. Ch 21
  23. Martine Orange, Rothschild, une banque au pouvoir, Paris, Albin Michel, , 368 p. (ISBN 978-2-226-24383-6), p. Ch7
  24. Delits d'initiés : 2,2 millions d'amende requis, tempsreel.nouvelobs.com, 15 novembre 2002
  25. Procès du raid boursier sur la Société Générale : le tribunal correctionnel de Paris prononce une condamnation et deux relaxes, legalnewspublic.fr, 24 décembre 2002
  26. La bonne fortune de Jean-Charles Naouri, L'Express - L'Expansion, 4 mars 1993
  27. « Comment Jean-Charles Naouri a bâti son groupe », Les Echos, (lire en ligne)
  28. « Comment Jean-Charles Naouri a construit son groupe à partir de rien », sur Les Echos, (consulté le )
  29. « Casino: le coup de poker de Promodès », sur LExpress.fr, (consulté le )
  30. Rallye remporte la bataille de Casino. Promodès abandonne son OPA sur l'enseigne stéphanois, Libération, 30 décembre 1992
  31. http://www.groupe-casino.fr/fr/Jean-Charles-Naouri-devient.html?annee=2005
  32. Bertrand Bissuel, « Mort à 92 ans de Jean Baud, père du hard discount à la française », Le Monde, (lire en ligne)
  33. Hervé Liffran, « La Soirée "Casino" du procureur Courroye », Canard enchaîné,
  34. « Procès Casino-Baud : Robert Baud condamné », sur www.challenges.fr, (consulté le )
  35. « La guerre de Casino », (consulté le )
  36. Michel Deléan, « La guerre économique version Casino », sur Mediapart (consulté le )
  37. « Spar, l’enseigne méconnue qui rapporte un milliard à Casino France », sur www.lsa-conso.fr/, LSA Conso, (consulté le )
  38. « Casino perd le dernier dirigeant de la famille Guichard », sur www.lsa-conso.fr, LSA Conso, (consulté le )
  39. Jean-Charles Naouri prend la présidence de GPA, Capital, 9 octobre 2013
  40. « "Le Brésil a un potentiel immense" », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  41. « Brésil : Casino prend les commandes de Pao de Açucar », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )
  42. Feu vert au rachat de Monoprix par Casino, Le Monde, 10 juillet 2013
  43. Christophe Alix, Casino : comment Naouri a joué et perdu avec son empire, liberation.fr, 24 mai 2019
  44. Éric Pichet, « Les quatre grandes leçons de l’affaire Casino », sur The Conversation, (consulté le )
  45. Les Barons de la Bourse - Jean-Charles Naouri, Zonebourse
  46. Les Échos no 17621 - Jean-Charles Naouri est nommé président du conseil d'administration de Rallye
  47. (en-US) « Jean-Charles Naouri | Fondation Euris » (consulté le )
  48. Vice-président de la Fondation Casino
  49. Nomination de Jean-Charles Naouri, représentant spécial pour la relation économique avec le Brésil, France Diplomatie, 20 juin 2013
  50. Jean-Charles Naouri LSA, 26 septembre 2013
  51. « FINATIS - Jean-Charles Naouri - Fortunes 2007 - Challenges.fr », sur web.archive.org, (consulté le )
  52. « Palmarès 2004 : les 500 premières fortunes professionnelles de France », sur web.archive.org, (consulté le )
  53. « La fortune de Jean-Charles Naouri - Les 500 plus grandes fortunes de France », sur Challenges (consulté le )
  54. Jean-Charles Naouri #100, Challenges, 2016
  55. « La fortune de Jean-Charles Naouri - Les 500 plus grandes fortunes de France - Challenges », Challenges, (lire en ligne, consulté le )

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