Jacqueline Schaeffer

Jacqueline Schaeffer est une psychanalyste française. Elle a consacré une grande partie de ses travaux à la question de la différence des sexes et du féminin.

Pour les articles homonymes, voir Jac Schaeffer et Schaeffer.

Biographie

Fille de l'ingénieur polytechnicien et entomologiste Melchior de Lisle et de l'organiste Christiane Frommer[1], elle a grandi en Afrique, au Cameroun et au Sénégal. En 1962, elle épouse Pierre Schaeffer[2], chercheur, écrivain, musicien et théoricien de la communication, fondateur de la musique concrète[3],[4] et du service de la recherche de la radio-télévision française en 1960. Ils ont une fille, Justine[5].

Psychologue, psychanalyste membre honoraire de la Société psychanalytique de Paris, Jacqueline Schaeffer a été membre du comité de rédaction de la Revue française de psychanalyse de 1988 à 1997, et directrice adjointe de la collection Débats de psychanalyse, de 1995 à 2000.

Elle a été formatrice en psychanalyse d’adultes à l’Institut de psychanalyse de Paris, et en psychanalyse d’enfants et d’adolescents à la Guidance infantile Pierre Mâle, à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris[6].

Travaux

Jacqueline Schaeffer a travaillé sur l'hystérie et elle « a consacré une grande partie de ses travaux à la question de la différence des sexes et du féminin »[7]. Elle invite ainsi à ne pas confondre inégalité et différence des sexes[7].

En partant de Freud, elle développe une théorie de la libido qui lui est personnelle  qu'elle partage avec Claude Goldstein, précise Annick Le Guen  pour rendre compte de l'hystérie et du développement de la féminité[8]. Pour J. Schaeffer, c'est l'hystérie de conversion qui est « à l'origine de la découverte de la psychanalyse en tant que méthode de compréhension psychopathologique et de traitement »[9]. Selon Litza Guttieres-Green, avec « Le rubis a horreur du rouge » (Colloque de Deauville, 1985), « elle a situé à l’origine de l’hystérie, l’explosion dans le corps pubère, de la sexualité adulte qui agit comme un trauma et entraîne une désorganisation »[10]. En raison de son incapacité à contenir et à représenter cette « explosion » d'une sexualité d'adulte au moment de la puberté, le sujet tente en effet « de s’en débarrasser en la rejetant hors psychisme (dans l’action, le corps) et surtout dans le corps de l’autre, tout en se vivant comme la victime d’un désir qui viendrait de l’extérieur »[10].

Dans sa postface au livre de Jacqueline Schaeffer Le refus du féminin, René Roussillon considère que l'ouvrage est devenu à présent un « classique » de la littérature psychanalytique, en raison de « ses thèses originales, novatrices, engagées » au sein du débat toujours actuel sur la sexualité humaine[11]. Alors que chez Freud, le modèle de la sexualité est dans la majeure partie de son œuvre celui de l'orgasme masculin et que le féminin reste presque jusqu'à la fin l'énigmatique « continent noir », R. Roussillon relève que justement le traitement de la question du féminin par J. Schaeffer est un « point essentiel et novateur »[12]. Freud ne commence d'ouvrir résolument un autre modèle pour le féminin qu'après 1930, c'est-à-dire après le tournant de 1920 et l'intégration de la question du narcissisme : ainsi donc, si « le modèle explicite et implicite de l’exploration du féminin est chez J. Schaeffer principalement celui de l’hystérie », R. Roussillon pense que « l’exploration du narcissisme est aussi l’un de ses horizons, mais en lien avec des formes de sexualité, les comportements dits “pervers”, qui témoignent d’un reliquat de blessure narcissique primaire amalgamé à échec devant la différence des sexes »[12].

Distinctions

  • 1987 : prix Maurice Bouvet pour son article « Le rubis a horreur du rouge : relation et contre-investissement hystériques », Revue française de psychanalyse, 50 (3) : 923-944, 1986[13],[14].

Publications

Ouvrages et contributions d'ouvrages

  • (coll.) Psychanalyse, neurosciences, cognitivismes, avec Catherine Couvreur, Agnès Oppenheimer, Roger Perron, PUF, 1997 (ISBN 978-2130474418)
  • (dir.) Psychothérapies psychanalytiques, avec Gilbert Diatkine, PUF, 1999 (ISBN 978-2130496144)
  • (coll.) Clés pour le féminin. Femme, mère, amante et fille, avec Monique Cournut-Janin, Sylvie Faure-Pragier et Florence Guignard, PUF, coll. « Débats de psychanalyse », 1999.
  • (dir.) Devenir psychanalyste, avec Paul Denis, PUF, 2001 (ISBN 978-2130516972)
  • (coll.) Le couple et l'incestualité, avec Jean-Pierre Caillot, Claude Pigott et Bernard Defontaine, 2003 (ISBN 978-2911474187)
  • Le refus du féminin : la Sphinge et son âme en peine (postface René Roussillon), Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », (1re éd. 1997), 310 p. (ISBN 978-2-13-062437-0, lire en ligne) [note 1]
  • Sectes, avec Paul Denis, Puf, Débats de psychanalyse Monographies RFP, 2018
  • (dir.) Qu'est la sexualité devenue ? De Freud à aujourd'hui, In Press, 2019 (ISBN 978-2-84835-516-0)

Articles (choix)

  • « Hystérie », dans Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, (ISBN 2-0127-9145-X), p. 804-805.
  • « Cent ans après les Trois essais, que reste-t-il des trois scandales ? », Revue française de psychanalyse, 2008/3 (Vol. 72), p. 761-776. DOI : 10.3917/rfp.723.0761. [lire en ligne]
  • « Hystérie : le risque du féminin », dans Figures de la psychanalyse, 2014/1 (n° 27), p. 55-67. DOI : 10.3917/fp.027.0055. [lire en ligne]
  • « La nuit des Mères Ombre de l’homosexualité féminine », Revue française de psychanalyse, 2015/3 (Vol. 79), p. 735-748. DOI : 10.3917/rfp.793.0735. [lire en ligne]
  • « Au-delà du phallique : le féminin », Le Coq-héron, 2016/3 (N° 226), p. 85-96. DOI : 10.3917/cohe.226.0085. [lire en ligne]
  • « Amour, passion et emprise sexuelle [1] », Figures de la psychanalyse, 2018/2 (n° 36), p. 13-24. DOI : 10.3917/fp.036.0013. [lire en ligne].

Polémique à propos de l'inceste paternel

Jacqueline Schaeffer apparaît aux côtés de 17 autres psychanalystes dans un documentaire polémique de Sophie Robert à propos de la psychanalyse, Le Phallus et le Néant (2019), dont le premier volet Le Mur était sorti en 2011.

Durant la réalisation du premier documentaire de S. Robert, J. Schaeffer est filmée déclarant que « L’inceste paternel, ça fait pas tellement de dégâts, ça rend des filles un peu débiles, mais l’inceste maternel[note 2], ça fait de la psychose, c’est-à-dire, c’est la folie »[15]. Peu après l'avant-première du documentaire, J. Schaeffer engage une procédure en référé afin de faire retirer cette phrase du film[16],[17],[18], mais ses demandes sont déboutées le , par le tribunal de grande instance de Paris[16]. En 2021, dans le magazine Marianne, S. Robert interprète les propos de la psychanalyste comme une moquerie de l'effet de sidération subi par les femmes victimes d'inceste[19].

Ce faisant, la psychiatre Loriane Brunessaux s'étonne que dans Le mur, « film de propagande », dont elle désapprouve le manque de rigueur et la malhonnêteté[20],[note 3], J. Schaeffer soit interviewée : « Jacqueline Schaeffer se fait piéger sur la question de l’inceste », alors même qu'à l'instar du professeur Daniel Widlöcher, elle ne travaille pas spécialement avec des personnes autistes[20],[note 4].

Notes et références

Notes

  1. Dans la bibliographie générale du Dictionnaire international de la psychanalyse (éd. 2005, p. 2053), la référence bibliographique pour cet ouvrage est : (1997), Le Refus du féminin, Paris, PUF.
  2. Dans l'un de ses articles, J. Schaeffer théorise l'« inceste mère-fille » et « l'inceste maternel » en ces termes : « Si le refoulement originaire n’a pu s’établir dans les meilleures conditions, si la mère a été trop séductrice, soit par ses soins maternels, soit par son emprise sur le corps et le psychisme de la fille, ces conduites de séduction incestueuse peuvent compromettre le changement d’objet ainsi que les capacités de jouissance de la future femme. L’inceste mère-fille a pu être considéré comme le fantasme homosexuel fondamental ». Chez la fille « l’ombre de l’inceste maternel reste une menace dont seul peut l’arracher le tournant œdipien vers le père » (J. Schaeffer, « La nuit des Mères Ombre de l’homosexualité féminine », in Revue française de psychanalyse, 2015/3).
  3. L. Brunessaux écrit dans L'Information psychiatrique : « « Le mur » est pourtant un film de propagande dont le manque de rigueur et la malhonnêteté ne peuvent échapper à aucune personne s’intéressant un tant soit peu à l’état actuel des connaissances et des pratiques dans le champ de l’autisme ».
  4. « Il faut savoir que la réalisatrice s’est présentée comme effectuant un documentaire sur la psychanalyse en général, pas spécialement sur la psychanalyse dans l’autisme », précise L. Brunessaux.

Références

  1. Le Panthéon des musiciens, Misimem
  2. Le Panthéon des musiciens, [lire en ligne]
  3. « Partenaires du site », Martine Estrade Litterary Garden
  4. Tressages par Jacqueline Schaeffer, Martine Estrade Litterary Garden
  5. Blog .
  6. Jacqueline Schaeffer, « Une instable identité psychosexuelle », L'Orientation scolaire et professionnelle, 31/4, 2002, p. 535-543 [lire en ligne].
  7. Audrey Chauvet, « Jacqueline Schaeffer: “La différence des sexes n'est pas de l'inégalité” », 20 minutes
  8. Annick Le Guen, « Hystérie », dans : Annie Anargyros-Klinger (dir.), Hystérie, Paris, Presses Universitaires de France, « Monographies et débats de psychanalyse », 2000, p. 7-9. DOI : 10.3917/puf.janin.2000.01.0007, [lire en ligne].
  9. Jacqueline Schaeffer, « Hystérie », dans Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, (ISBN 2-0127-9145-X), p. 804-805.
  10. Litza Guttieres-Green, « Hystérie éternelle, encore et toujours », Revue française de psychanalyse, vol. 67, no 4, , p. 1139-1158 (DOI 10.3917/rfp.674.1139, lire en ligne)
  11. Roussillon 2013, p. 283.
  12. Roussillon 2013, p. 286-287.
  13. Lauréats des prix Maurice Bouvet, sur spp.asso.fr, Société psychanalytique de Paris, [lire en ligne]
  14. Le texte de cet article a été repris en tant que chapitre dans J. Schaeffer, Le refus du féminin (1993), Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013, p. 188-221 : [lire en ligne]
  15. Sophie Robert, « Accueil », sur Le Phallus et le Néant (consulté le )
  16. « Le documentaire polémique sur les psychanalystes sera bien programmé dans la région », sur ladepeche.fr (consulté le ).
  17. « Un autre regard sur la psychanalyse, un document qui interpelle », sur La Voix du Nord, (consulté le ).
  18. « « L’inceste, ça ne fait pas tellement de dégâts. » Ce docu dézingue la psychanalyse », sur L'Obs (consulté le )
  19. Sophie Robert, « "Les psychanalystes ont une lourde responsabilité dans la non-dénonciation des crimes sexuels sur mineurs" », sur www.marianne.net, 2021-03-09utc10:11:36+0000 (consulté le ).
  20. Loriane Brunessaux, « À propos du documentaire « Le mur » », L'Information psychiatrique, vol. 88, no 3, , p. 177-179 (ISSN 0020-0204 et 1952-4056, DOI 10.3917/inpsy.8803.0177, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la psychologie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.