Différence des sexes en psychanalyse

La différence des sexes, outre ses aspects anatomiques et sociaux, est un sujet d’étude de la psychanalyse visant à expliquer l’asymétrie des rôles attribués aux hommes et aux femmes, des positions adoptées par les unes et les autres, et de l’image que chacun des deux sexes se fait de lui-même et de l’autre.

Sigmund Freud

À la fin du XIXe siècle, prédomine la conception naturaliste d’un « instinct génital » s’éveillant à la puberté dont la finalité biologique est la reproduction.

L’apport[1] de Sigmund Freud a été de montrer que « la sexualité qui est salutaire à la civilisation » ne relève pas d’un instinct génital ou de la biologie. La différence des sexes, au sens anatomique, ne relève pas forcément d’une identité sexuelle biologique mais chacun négocie la question de la différence des sexes et de sa propre position subjective comme être sexué et son rapport à un autre être sexué. La sexualité est présente dès l’enfance et l’enfant est décrit comme un « pervers polymorphe », elle ne relève pas de la biologie mais de l’inconscient, du complexe d'Œdipe et de l’angoisse de castration. Freud expose sa théorie de la sexualité infantile et du monisme de la libido (primat du phallus) principalement dans les Trois essais sur la théorie sexuelle (1905).

Est-ce à dire qu’il n’existe pas de différence entre hommes et femmes ? Pour Freud, « il appartient à la psychanalyse, non pas de décrire ce qu’est la femme - tâche irréalisable -, mais de rechercher comment l’enfant à tendances bisexuelles devient une femme[2]. » Le complexe d’Œdipe affecte également le petit garçon et la petite fille. Découvrant que tous les êtres humains ne sont pas pourvus d’un pénis, le petit garçon craignant la castration de la part du père va se détourner de son investissement affectif envers sa mère et le remplace par une identification au père. La fille ne rencontre pas la menace de la castration - elle ne la concerne pas - mais, constatant que les garçons ont un pénis, « elle a vu, sait qu’elle ne l’a pas et veut l’avoir[3]. » Paradoxalement, l’« envie du pénis » sera le moteur de son évolution vers la féminité.

Cette vision sera critiquée par bon nombre de psychanalystes femmes qui cherchèrent à donner une définition de la féminité non réductible à la privation de l’organe mâle[4]

La découverte de l’absence de pénis chez la mère[2], assimilé par l’enfant, fille ou garçon, au résultat d’une « castration », provoque une dévalorisation. Le garçon reconnaît à son père une puissance phallique, s’identifie à lui et constitue par là sa propre identité virile. La fille ne peut accomplir une telle identification à la mère, déchue des attributs de la puissance, « son amour s’adressait à une mère phallique et non à une mère châtrée[2]. » Cela pose problème pour la construction de sa propre féminité, inconsciemment assimilée à la privation.

Autres théoriciennes et théoriciens de la psychanalyse

Helene Deutsch

La psychanalyste Helene Deutsch complète l'analyse freudienne[4] en posant une essence de la féminité caractérisée par la passivité et le masochisme. Elle fait de l’érotisation de la douleur chez la femme la conséquence d’un processus psychologique nécessité par son destin biologique (menstruation, défloration, accouchement). L’« envie du pénis » est indirectement satisfaite dans la relation à l’homme.

La passivité est le premier rôle adopté par l’enfant, « objet » de l’affection et des soins de sa mère, alors perçue comme toute-puissante. Cela provoque une angoisse dont l’enfant se débarrasse très tôt par le jeu et l’affirmation de son autonomie mais qui peut survivre sous forme de fantasmes destructifs (être dévoré, battu, châtré). Le père apparaît alors comme le sauveur[5].

Jacques Lacan

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Si pour Freud, l’angoisse de castration est au cœur du complexe d’Œdipe, Jacques Lacan révise l’analyse de Freud en l’articulant autour de la dichotomie castration imaginaire / castration symbolique.

Le petit enfant craint deux choses[4] : être l’objet de l’amour « dévorant » de sa mère tout autant que d’être abandonné par elle. Dans les deux cas, sa vie est en danger. Il faut la séduire. Pour la séduire, il faut lui apporter quelque chose qu’elle désire. La découverte que la mère ne possède pas de pénis et qu’elle a une « envie du pénis » n’arrange pas les choses, ne résout pas la dépendance de l’enfant vis-à-vis de la mère. Symboliquement, le père limite la toute-puissance de la mère, lui interdisant de jouir pleinement de son enfant ou de l’abandonner. Sauveur, il l’est à plus d’un titre, puisque la découverte que la mère est dépourvue de pénis s’accompagne de la réalisation que le père possède, lui, ce phallus que la mère désire, dédouanant ainsi l’enfant de l’obligation (et du souhait) de satisfaire la jouissance de la mère. Jusqu’ici, le destin de l’enfant, garçon ou fille, est psychologiquement identique et tous deux se séparent de la mère.

Le fils, soumis à l’angoisse de castration de la part d’un père perçu comme omnipotent, doit cesser d’entrer en compétition avec le père dans l’amour de la mère. Pour préserver sa virilité, il doit aussi renoncer à l’idée de se faire l’objet de la jouissance du père.

La petite fille fait « amie-amie » avec la mère ; en adoptant son « envie du pénis », elle tente de correspondre à l’imaginaire de ce que la mère désire. Par rapport à l’angoisse de la castration, elle n’a rien à craindre. Elle peut poursuivre dans son aspiration à se faire aimer du père fantasmé comme tout-puissant et (c’est la même chose) dont la jouissance est illimitée. C’est la définition du masochisme. Sa passivité et ce masochisme seront tempérés par les composantes actives de son idéal du moi.[réf. souhaitée]

Les psychanalystes et le genre au XXIe siècle

Introduction de la catégorie du « genre » en psychanalyse (J. Laplanche)

Jean Laplanche fait observer que le « genre » qui concerne « la question de l'identité sexuelle », est « présent, en pointillés tout au moins, chez Freud », bien que « celui-ci n'utilise jamais le terme, et pour cause puisque la langue allemande ne le lui permet guère, car “Geschlecht” veut dire à la fois “sexe” et “genre” ». Laplanche cite alors Freud dans la Nouvelle suite des leçons d'introduction à la psychanalyse: « Masculin et féminin est la première différenciation que vous faites quand vous rencontrez un autre être humain, et vous êtes habitués à faire cette différenciation avec une certitude exempte d'hésitation »[6]. Laurie Laufer reprend cette citation de Freud par Laplanche dans un séminaire de recherche du CRPMS de l'Université Paris VII sur « Axe Genre, normes et psychanalyse ». Laplanche interroge en effet: « Le genre serait-il vraiment a-conflictuel au point d’être un impensé de départ ? », écrit Laurie Laufer en citant le psychanalyste[7]. Dans l'article « Le genre, le sexe, le sexual » (J. Laplanche, Sexual, 2007), auquel L. Laufer se rapporte, Jean Laplanche considère « à la différence de Peter et Ovesey qui disent “Le genre précède le sexe et l'organise” » que ce n'est pas le genre qui organise le sexe, mais le sexe (celui, unique, d'un « primat du phallus » selon la théorie de Freud du complexe de castration) qui organise le genre, lequel est social et « pluriel »: « Oui, le genre précède le sexe. Mais loin de l'organiser, il est organisé par lui. »[8]. Laplanche fait jouer, notamment au cours de la confrontation « Beauvoir-Freud » qu'il convoque, « la présence de l'autre dans l'après-coup » au moment de « la simultanéité enfant-adulte »[9].

Avec l'« assignation de sexe / genre », le « genre » vaudrait pour Laplanche comme « message énigmatique »[10], à resituer par conséquent dans le cadre de la théorie de la séduction généralisée de Jean Laplanche, comme « catégorie » du « message » adressé par les proches du socius (les parents ou les personnes qui en tiennent lieu) à l'enfant qui aura à le « traduire ».

Dans un article intitulé « De l’identité sexuelle à l’identité de genre: une révolution képlerienne ? » Damien Trapin se propose « de démontrer que le déplacement de l’identité sexuelle à l’identité de genre, opéré par Laplanche, révolutionne la théorie psychanalytique de la différence des sexes et s’écarte de la perspective sociologique ». Il considère en effet que « si la théorie de la séduction de Laplanche (1987) convoque le primat de l’autre dans la simultanéité, il n’en demeure pas moins que la traduction des messages ambigus d’assignation de genre de l’environnement adulte proximal ressortit in fine à l’enfant herméneute »[11].

Notes et références

  1. Article « sexualité » dans L’Apport freudien, Larousse, Paris, 1998, p. 519 et suivantes
  2. Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 5e conférence « La féminité »
  3. La Vie sexuelle, « Conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes ».
  4. Article « féminité » dans L’Apport freudien, Larousse, Paris, 1998, p. 177 et suivantes
  5. Helene Deutsch (trad. Hubert Benoit (1948-1949)), Psychologie des femmes, PUF-Quadridge, (1re éd. 1944-1945) (ISBN 2130530583).
  6. Jean Laplanche,« Le genre, le sexe, le sexual », dans J. Laplanche, Sexual — La sexualité élargie au sens freudien 2000-2006. J. Laplanche cite Freud dans Nouvelle suite d'introduction à la psychanalyse, OCF.P, XIX, p. 196 (en note 2 à la p. 162 de son ouvrage Sexual).
  7. Voir : . Laurie Laufer se réfère à l'article de J. Laplanche, « Le genre, le sexe, le sexual », dans Sexual.
  8. J. Laplanche, « Le genre, le sexe, le sexual » dans Sexual, p. 169.
  9. J. Laplanche,« Le genre, le sexe, le sexual » dans Sexual, p. 164-166.
  10. Ilka Quindeau, « The Ascription (Assignment) of Sex / Gender as Enigmatic Message », communication au Colloque de Cerisy, « La séduction à l'origine; l'œuvre de Jean Laplanche », juillet 2014 (Colloque publié), voir .
  11. Dans Psychologie clinique et projective, 2005/1 (n° 11), voir .

Voir aussi

Textes de référence

  • Sigmund Freud,
    • Trois essais sur la théorie sexuelle (1905)
    • Le Petit Hans : analyse de la phobie d'un garçon de cinq ans (trad. de l'allemand), Paris, PUF, , 134 p. (ISBN 2-13-051687-4)
    • Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes, 1925.
    • La vie sexuelle, PUF, 1969.

Études psychanalytiques

(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs)

Articles connexes

Liens externes

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