Isaias Afwerki

Isaias Afwerki ou Issayas Afewerki (tigrigna : ኢሳይያስ ኣፈወርቂ [isajas afwɐrkʼi]), né le à Asmara (Érythrée italienne sous administration britannique), est un homme d'État érythréen, président de l'État depuis son indépendance en 1993.

Isaias Afwerki
ኢሳይያስ ኣፈወርቂ

Isaias Afwerki en 2002.
Fonctions
Président de l'État d'Érythrée[N 1]
En fonction depuis le
(28 ans, 3 mois et 14 jours)
Prédécesseur Fonction créée
Président de l'Assemblée nationale d'Érythrée
En fonction depuis le
(28 ans, 3 mois et 14 jours)
Prédécesseur Fonction créée
Secrétaire général du Front populaire pour la démocratie et la justice
En fonction depuis le
(27 ans, 2 mois et 23 jours)
Prédécesseur Fonction créée
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Asmara (Érythrée italienne)
Nationalité érythréenne
Parti politique Front populaire pour la démocratie et la justice
Conjoint Saba Haile
Religion Orthodoxe érythréen


Présidents de l'État d'Érythrée
Présidents de Assemblée nationale d'Érythrée

Après avoir participé dans les rangs du FPLE à la lutte pour l'indépendance de l'Érythrée vis-à-vis de l’Éthiopie, il accède aux plus hautes responsabilités et exerce sur l'appareil d’État un pouvoir absolu qui constitue une dictature selon divers organismes internationaux.

Il est actuellement l'un des plus anciens dirigeants en place dans le monde.

Avant la présidence

Isaias Afwerki est né le à Asmara, en Érythrée italienne alors placée sous administration britannique depuis 1941.

Issu d'une famille tigréenne, il est le fils d'Ato Afwerki et de Woizero Adanesh. Son père, Ato, originaire du village de Tselot, dans les environs d'Asmara, était fonctionnaire de rang inférieur et travaillait dans une entreprise publiques spécialisée dans l'industrie du tabac.

Il finit ses études d'ingénieur à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne en 1965[réf. nécessaire]. Il fréquente les cercles indépendantistes érythréens et participe au Front de libération de l'Érythrée (FLE) qui mène la lutte pour l'indépendance de l'ancienne colonie italienne, fédérée à l'Éthiopie par l'ONU en 1952[1] et annexée en 1962. En 1970, il rejoint le nouveau Front populaire de libération de l'Érythrée (FPLE, à dominante chrétienne) qui s'affronte au Front de libération de l'Érythrée FLE (plutôt musulman). On parle pour cette période de « double guerre civile ». Les deux partis se réclament du marxisme, et Afwerki est fortement influencé par les maoïstes chinois[2].

Isaias Afwerki est le secrétaire général du FPLE depuis 1987.

Présidence

Prise de fonction

L'indépendance de l'Érythrée est proclamée le à la suite du référendum organisé deux jours plus tôt. Le , jour de l'indépendance effective, Isaias Afwerki est élu président de l'Assemblée nationale et le même jour, il est désigné président de l'État par les membres de la même assemblée. En , le FPLE est renommé Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ) lors de son troisième congrès et Afwerki reste le secrétaire général du parti unique du nouvel État.

Dictature

Isaias Afwerki en 2002.

Dès le début de son mandat, Isaias Afwerki instaure un régime avec parti unique, sans élections, une économie centralisée avec rôle prépondérant de l'État et une forte restriction de la liberté de la presse. Mais c'est surtout après la deuxième guerre contre l’Éthiopie (de 1998 à 2000) que le président Afwerki fait basculer son pays dans la dictature[3], jusqu'à faire considérer son pays comme « la Corée du Nord de l’Afrique »[4]. Le conflit fera plus de 100 000 victimes (pour seulement 5 millions d'habitants)[2].

Afwerki lance, au nom de la guerre patriotique, une politique de conscription parmi les plus dures au monde : tout homme valide est ainsi appelé sous les drapeaux de manière permanente entre 16 et 40 ans (soit 25 ans de service militaire), provoquant l'exode massif de plus de 400 000 jeunes, fuyant cette forme d'esclavage guerrier[2].

Au sein même du FPDJ, des voix s'élèvent en 2001 pour demander au président l'application de la Constitution approuvée en mai 1997 et une plus grande ouverture politique et sociale. Isaias Afwerki répond peu après en emprisonnant les contestataires (dont son vice-président, Mahmud Ahmed Sherifo) et les journalistes qui s'étaient fait l'écho de ces critiques[5]. Sherifo serait mort en détention le [6],[7].

Dans un rapport publié en 2013, Amnesty International décompte plus de 10 000 prisonniers politiques, arrêtés arbitrairement et détenus sans jugement dans des conditions « atroces ». Le gouvernement en place est accusé d'« autoritarisme »[8].

La dictature exercée par Afwerki est à nouveau confirmée par un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme en qui fait état de violations systématiques des droits humains les plus fondamentaux, commises sous sa responsabilité[9]. On rapporte notamment des pratiques de crucifixion comme méthode de torture des prisonniers[2]. En 2016, une commission d'enquête de l'ONU sur les droits de l'homme en Érythrée fait même état de « crimes contre l'humanité [commis] dans le cadre d'une campagne systématique et à grande échelle contre la population civile depuis 1991[10] ». La réaction érythréenne à ces conclusions consiste à tout rejeter en bloc et à accuser les États-Unis de contrefaire la vérité pour nuire au régime en place[10].

Politique économique

Parallèlement à cela, il indique en 1997 vouloir privatiser 37 sociétés (modifiant une précédente déclaration, laquelle portait sur 23 entreprises). Selon le ministre de l'Industrie et du Commerce d'alors, Oke Abraha, les subsides gouvernementales seront dès lors supprimés car ces entreprises font des bénéfices. Parmi les sociétés concernées figurent : les salines de Massawa et d'Assab, les institutions financières comme la Banque commerciale d’Érythrée et la Compagnie nationale d'assurance[11]. Le gouvernement ouvrit également des concessions minières dans la région d'Asmara (les sociétés canadiennes : Rift Resources Ltd. et Golden Star Resource's, ghanéenne : Ashanti Goldfields, américaine : Phelphs Dodge Exploration, australienne : WMC Overseas Pty et l'Australo-Française LaSource Development SA font partie des acquéreurs)[11].

Politique étrangère

Lors de son accession à la présidence, Afwerki est tout d'abord vu comme un président moderne et ouvert, apprécié notamment par Bill Clinton[2].

En , il effectue une tournée en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, accompagné du chef de l'agence de privatisation Tewolde Woldemichael. L'objectif de ces visites étaient notamment d'attirer suffisamment d'investissements pour ne plus dépendre des aides étrangères. Aux États-Unis, il rencontre les membres du Corporate Council on Africa[11].

Le le président érythréen Isaias Afwerki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed déclarent la fin de l'état de guerre entre leurs deux pays et la normalisation de leurs relations. Le rapprochement diplomatique se produit alors à grande vitesse. Le , le président érythréen Afwerki se rend dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba pour une visite diplomatique, et y annonce la réouverture de l'ambassade d’Éthiopie en Érythrée[12]. Le , Ahmed nomme le premier ambassadeur éthiopien en Érythrée depuis vingt ans, Redwan Hussein[12]. Le , à l'occasion du Nouvel An éthiopien, au cours d'une cérémonie officielle le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président érythréen Issaias Afeworki rouvrent la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie qui était fermée depuis 1998, au niveau deux postes-frontières : entre les villes de Bure, en Éthiopie, et Debay Sima, en Érythrée, et au nord-ouest entre Zalambessa (Éthiopie) et Serha (Érythrée)[13]. Un accord de paix est signé à Djeddah le [14].

Vie privée

Isaias Afwerki est marié à Saba Haile. Ils ont 3 enfants : Abraham, Berhane et Elsa.

Notes

  1. Secrétaire général du gouvernement provisoire du au , avant l'indépendance de l'Érythrée.

Sources

Références

  1. Rossi (Gianluigi), L’Africa italiana verso l’indipendenza (1941-1949), Milano, Giuffrè, 1980, 626 p.
  2. Anne-Sophie Mercier, « Isaias Afwerki : Totalitaire de contrastes », Le Canard Enchaîné, no 5100, .
  3. Amaury Hauchard et Agathe Charnet, « Erythrée : « Le camp de Sawa, c’est le début de l’enfer » », sur Le Monde.fr.
  4. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Franck Gouéry, Erythrée : un naufrage totalitaire, Paris, PUF, , 344 p. (ISBN 978-2-13-063126-2, lire en ligne).
  5. Collier (Paul), The Bottom Billion: Why the Poorest Countries Are Failing and What Can Be Done About It, Oxford University Press, 2007, p. 22-23.
  6. « La politique en Erythrée », sur Geolinks.fr
  7. « Erythrée - Mise à jour », sur Osar.ch,
  8. « Près de 10 000 prisonniers politiques seraient détenus en Erythrée », Le Monde et AFP,
  9. (en) « Report of the Commission of Inquiry on Human Rights in Eritrea », sur ohchr.org
  10. « Erythrée: une commission de l'ONU dénonce 25 ans de crimes contre l’humanité », sur rfi.fr.
  11. Africa Confidential - 3 janvier 1997, p. 3
  12. « Sur fond de réconciliation, l'Éthiopie désigne un ambassadeur en Érythrée », sur france24.com, (consulté le )
  13. « L'Érythrée et l'Éthiopie rouvrent deux postes-frontières fermés depuis 20 ans », sur france24.com, (consulté le )
  14. « L'Ethiopie et l'Erythrée signent en Arabie saoudite un accord consolidant leur réconciliation », sur Challenges (consulté le )

Bibliographie

  • Africa Confidential, « In the front line again », Africa Confidential, vol. 38, no 1,
  • Anne-Sophie Mercier, « Isaias Afwerki : Totalitaire de contrastes », Le Canard Enchaîné, no 5100, .
  • Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Franck Gouéry, Erythrée : un naufrage totalitaire, Paris, PUF, , 344 p. (ISBN 978-2-13-063126-2, lire en ligne).

Voir aussi

Article connexe

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