Inondation de la centrale nucléaire du Blayais en 1999

L'inondation de la centrale nucléaire du Blayais est un incident nucléaire classé au niveau 2 sur l'échelle INES[1] qui s'est produit le à la centrale nucléaire du Blayais.

Inondation de la centrale nucléaire du Blayais en 1999
Coordonnées 45° 15′ 21″ nord, 0° 41′ 35″ ouest

Lieu de la centrale nucléaire du Blayais en France
Criticité de l'accident sur l'échelle INES

Origine : mesures de protection insuffisantes

A la construction de la centrale nucléaire du Blayais, la plateforme de la centrale fut surélevée pour éviter une inondation du site. À la suite de nouveaux calculs, une première digue de protection fut construite au début des années 1980[2].

La digue de protection de la centrale contre les eaux de l’estuaire de la Gironde n'était pas d'une hauteur suffisante. Ce fait était connu d'EDF deux ans avant l'inondation[3]. En effet, une note technique du service de l'équipement d'EDF, datée de 1997[4], préconisait d'augmenter sa hauteur de 50 cm[3].

Par la suite, la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) avait demandé que les travaux soient engagés dans les plus brefs délais[3]. La DRIRE avait diligenté une inspection sur les risques d'« agressions externes »[3]. Un mois avant l'inondation elle écrivait :

« Contrairement à ce qui avait été annoncé, l'inspection n'a pu que constater le décalage dans la mise en conformité de vos installations par rapport au risque d'inondation. »

 DRIRE Aquitaine, le [3].

Conséquences : pertes de système de sûreté

Les vents violents produits par la tempête Martin provoquèrent une brusque montée des eaux de l'estuaire de la Gironde et l'inondation d'une partie de la centrale.

Gonflées par une grande marée et poussées par des vents de plus de 140 km/h, les vagues ont franchi la digue qui devait protéger la centrale[3].

Dès 20 h, la route d'accès à la centrale devient impraticable[3].

Une surtension sur le réseau électrique va d'abord provoquer l'arrêt automatique de deux réacteurs (le 2 et le 4) (échec de la procédure d'ilotage consistant à rendre le réacteur autosuffisant en électricité). Pendant l'incident, le refroidissement des deux cœurs est assuré par les moteurs Diesel de secours[3].

Un peu plus tard, le courant électrique est rétabli sur l'une des deux lignes à très haute tension qui prend ainsi le relais des groupes électrogènes[3].

Des débris charriés par la Gironde en crue viennent obstruer une pompe de refroidissement du réacteur 1, qui se met lui aussi en arrêt automatique. En sous-sol, les galeries techniques sont noyées par une eau boueuse qui envahit le bâtiment de stockage du combustible. Les réacteurs 1 et 2 perdent deux des quatre pompes d'un système nécessaire à la sûreté (chaque pompe pouvant réaliser seule la fonction), ainsi que les pompes d'injection basse pression dans le circuit primaire et d'aspersion enceinte[5]. Le réacteur n'aurait donc pas pu faire face à un accident de brèche primaire. Néanmoins la pression dans le circuit primaire ayant été rabaissée de 155 bars (fonctionnement normal) à environ 30 bars[5], la survenue d'une brèche primaire à cette pression était extrêmement improbable. À 0 h 30, le local qui abrite les deux stations de pompage du circuit de refroidissement du réacteur 1 est inondé[3]. Le refroidissement est alors assuré par le système d'alimentation en eau de secours des générateurs de vapeur (ASG)[5]. L'IRSN a estimé au cours de la gestion de crise qu'en cas de défaillance de ce système, la fusion du cœur aurait pu être atteinte au bout de 10 heures[5]. Ce système qui comporte trois pompes (deux motopompes et une turbopompe), chacune suffisant à assurer la fonction, n'a montré aucun signe de défaillance durant son fonctionnement[5].

L'incident n'a conduit à aucun dépassement des autorisations de rejet radioactif, des campagnes de mesures réalisées par l'exploitant et par l'IRSN de façon indépendante n'ayant relevé aucune augmentation anormale de la radioactivité[6].

Réactions et classement

Devant la gravité des événements, l'autorité de sûreté à Paris actionne pour la première fois la gestion nationale de crise[3].

L'incident a été classé au niveau 2 sur l'échelle INES, par l'autorité de sûreté. Cependant, selon la presse alternative Dissident Media[7] : on a frôlé la catastrophe majeure[3],[8]. Des journaux ont mentionné un « accident »[9].

Un reportage de France 3 donne un aperçu du site quelques jours après l'inondation[10]. Le Réseau Sortir du nucléaire médiatise l'incident en y dénonçant un « Tchernobyl raté »[11].

Le , en réaction à l'inondation de , une manifestation organisée par l'association Tchernoblaye rassemble (selon les sources) de 1 000 à 2 000 personnes pour exiger la fermeture de la centrale[12].

Suites : renforcement de la prévention

En 2011, selon la physicienne nucléaire Monique Sené, chercheuse au CNRS et cofondatrice du GSIEN, 16 réacteurs français étaient menacés par ces inondations en cas de forte tempête[3].

Cependant la situation a évolué. Laurent Stricker, directeur de la production nucléaire à EDF, indique, en , que l'inondation de a eu des effets sur l'ensemble du parc des centrales d'EDF : il a été demandé aux directeurs des dix-neuf sites nucléaires français de vérifier toutes les procédures et le fonctionnement des mécanismes en cas d'inondation pour, si nécessaire, les renforcer. Les dispositions de conception des centrales ont été revues « une par une » pour « empêcher l'eau de pénétrer dans l'installation et, si elle passait quand même, faire en sorte qu'elle ne touche désormais aucun des circuits vitaux de l'installation »[13]. La centrale de Tricastin notamment a également connu d'importants renforcements vis-à-vis du risque d'inondation, en 2017[14],[15].

L'autorité de sûreté nucléaire a demandé à EDF de prendre des engagements pour conforter la protection de la centrale contre l’inondation. Dans son rapport de 2007, l'ASN estime «  globalement satisfaisante la sûreté nucléaire de la centrale du Blayais »[16].

En , le groupe des élus Europe Écologie Les Verts Communauté Urbaine de Bordeaux, rappelant l'incident de 1999, demande l'extension du périmètre du plan particulier d'intervention à l'agglomération bordelaise située à 45 kilomètres de la centrale, alors qu'actuellement il concerne seulement les territoires inclus dans un rayon de 10 kilomètres[17].

En , la Commission locale d'information nucléaire (Clin) de la centrale du Blayais rappelle que la centrale est située dans une zone inondable. Ainsi, en la route d'accès à la centrale avait été inondée rendant impossible l'accès des secours. Aussi, la Clin demande des travaux afin de rendre accessible la centrale nucléaire lors de futures inondations. Le niveau de la route devrait alors être remonté d'un mètre[18].

En 2013, l'ASN publie un nouveau guide para-réglementaire concernant le risque d'inondations sur les installations nucléaires.[19]

Notes et références

  1. (en) OECD, « REPORT ON FUKUSHIMA DAIICHI NPP PRECURSOR EVENTS », OECD COMMITTEE ON NUCLEAR REGULATORY ACTIVITIES, , p. 21 (lire en ligne, consulté le ) :
    « The event in Blayais [...] was classified as Level 2 in the INES scale. »
  2. Michaël Mangeon, « Conception et évolution du régime français de régulation de la sûreté nucléaire (1945-2017) à la lumière de ses instruments : une approche par le travail de régulation », Thèse en sciences de gestion (Mines ParisTech), Paris Sciences et Lettres, (lire en ligne, consulté le )
  3. Article du Point du 24 mars 2011.
  4. Révélée à l'époque par Le Point, no 1426.
  5. IRSN, Rapport sur l'inondation du site du blayais survenue le 27 décembre 1999 (lire en ligne)
  6. IRSN, Point radioécologique de l'estuaire de la Gironde immédiatement après l'inondation du 27 décembre 1999 (Prélèvements des 8 et 9 janvier 2000) (lire en ligne)
  7. Lire l'article Dissident média
  8. Claude Canellas, « La centrale nucléaire du Blayais suscite l'inquiétude », Le Point, 21 mars 2011.
  9. Article de Sud-Ouest du 5 janvier 2000 « Après la tempête - Centrale de Blaye - Très près de l'accident majeur »
  10. Reportage de France 3 Aquitaine du 5 janvier 2000
  11. Sezin Topçu, La France nucléaire. L'art de gouverner une technologie contestée, Seuil, , p. 2013
  12. Reportage de France 2 du 23 avril 2000
  13. Article du Monde du 22 avril 2000.
  14. ASN, « Mise à l'arrêt provisoire de la centrale nucléaire de tricastin », Communiqué de presse ASN, (lire en ligne)
  15. ASN, « redémarrage des réacteurs de la centrale nucléaire de Tricastin », communiqué de presse ASN, (lire en ligne)
  16. Prévention des risques majeurs : Exemples historiques.
  17. Groupe des élus Europe Écologie Les Verts Communauté Urbaine de Bordeaux, Demande d’extension du périmètre du plan particulier d’intervention autour de la centrale du Blayais à l’agglomération bordelaise mars 2011.
  18. EDF incité à plus de sécurité à la centrale du Blayais La Charente Libre, août 2011.
  19. Autorité de sûreté nucléaire, « Guide de l'ASN sur le risque d'inondation », sur www.asn.fr (consulté le )

Voir aussi

Sources

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du nucléaire
  • Portail de la Gironde
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.