Indice biotique de qualité des sols

Dans le domaine de l'écotoxicologie et de l'évaluation environnementale, un Indice biotique de qualité des sols (IBQS) est un indicateur (standardisé) d'état biologique du sol.

Il fournit à l'instant de la mesure, une valeur mesurant l'état de la qualité du sol, sur la base de la présence/absence d'espèces jugées être de bons bio-indicateurs (espèces vulnérables aux polluants ou à certains polluants ou au contraire typiquement polluo-résistantes). Il peut éventuellement contribuer à un indice de naturalité du sol et de l'écosystème [1].

Il n'existe pas encore d'indice mondial ou européen normalisé (la norme devant bien entendu être adaptable aux conditions et espèces locales), mais plusieurs projets visent à produire des indices biotiques. Ceci se fait sous l'égide de l'ONU et de la FAO (FAO Soil Biodiversity Initiative), avec les encouragement de l'OCDE [2], à la suite du sommet de la Terre de 1992 à Rio, et en Europe[3] dans le cadre de la stratégie thématique pour la protection des sols, élaborée par la Commission européenne[4] avec l'objectif de stopper et réparer la dégradation des sols.

Principes

L' Indice biotique sol doit caractériser la perturbation du sol, mesuré par ses effets, et non par ses causes (qui souvent sont complexes et synergiques, ou échappent à l'observation ou à l'observateur). Par exemple certains nématodes sont par leur présence ou absence caractéristiques de sols affectés par certaines perturbations[5].
Il permet de fournir la preuve d'une perturbation (passée ou en cours), et peut parfois renseigner sur la nature ou les caractéristiques d'un polluant (voire sur sa concentration).

Contexte et enjeux

Dans le monde : l'humanité est confrontée à une situation tout à fait nouvelle. Elle doit nourrir une population qui continue à croître rapidement, alors que la qualité et la quantité de sol diminue. Les principaux problèmes sont la perte d'humus et de matière organique[6], le tassement des sols, la salinisation, les effets du surpâturage et de l'agriculture intensive (encouragée par l'élevage hors-sol, la mécanisation de l'agriculture, les besoins d’augmentation de productivité), le labour, les engrais, les pesticides, les pompages d'irrigation. La déforestation et la consommation croissante de sols par l'imperméabilisation et l'urbanisation ou la périurbanisation aggravent ces menaces[7]. Les espèces végétales invasives contribuent à diminuer la biodiversité fongique du sol (déclin des associations mycorrhiziennes[8]).
Dans le même temps, et alors que les sols sont un puits de carbone essentiel, le dérèglement climatique les sols plus vulnérables au stress hydrique en été à et l'érosion (érosion éolienne en été, et par les inondations et sous l'action des pluies en hiver). Avec l'augmentation du niveau marin, des sols très productifs (dans les deltas, polders, basses-terre, risquent en outre d'être perdus avant 2100.

Pour tout niveau de collectivités et de territoires, le sol et sa biodiversité seront des enjeux d'importance croissante. Il conviendra donc de pouvoir assurer un monitoring local et global, ce qui ne peut se faire qu'au moyen de quelques indicateurs standardisé et le plus consensuellement validés[9], de sa qualité et de son état[10].

En Europe, il s'agit pour l'Union européenne et ses 27 états-membres de préparer la Directive sol.
L'Europe dispose d'une stratégie fondée sur 4 piliers :

  1. un cadre règlementaire (Directive sol à décliner dans les États membres),
  2. l'intégration transversale de la protection des sols dans les politiques de tous les organismes nationaux et communautaires concernés,
  3. accroître la recherche sur les sols,
  4. accroitre l'intérêt de tous pour la protection des sols.

État de l'art

Depuis la fin des années 1990, une abondante littérature a montré ou confirmé l'utilité de la plupart des grandes familles d'organismes du sol en tant qu'indicateurs de la qualité des sols et/ou qui a décrit leurs réactions aux différents effets[11]. Néanmoins, chaque région biogéographique doit adapter le choix des espèces bioindicatrices à ses sols, en particulier dans les milieux extrêmes et à leurs abords[12]. L'évaluation [13]

Par exemple : Un projet dit BIOASSESS (1999-2002) a porté sur la réponse des communautés d'invertébrés du sol (collemboles, vers de terre et macrofaune du sol) et d'autres éléments de la biodiversité (plantes, papillons, oiseaux et Carabidae) à l'aménagement du territoire et à l'intensification des usages du sol[14].
Le projet ENVASSO[15] (2006-2007) a porté sur les menaces affectant la biodiversité des sols et a proposé une série d'indicateurs minimaux, sur la base de critères scientifiques. Il a aussi porté sur l'acceptation de la méthodologie (méthodes normalisées), la mesurabilité et les coûts de l'évaluation [16].

Plusieurs indicateurs ou indices existent, que l'Union européenne étudie pour créer un indice européen de suivi et évaluation des sols[17],[16], ou pour évaluer les effets de la directive Nitrate ou des dispositifs de bandes enherbées, de la directive cadre sur l'eau, du plan européen sur la Forêt, des plans liés à la lutte contre le changement climatique et à l'Adaptation au changement climatique, la directive sur l'épandage des boues[18], les directives sur les déchets[19],[20], la politique agricole commune (PAC) et les textes relatifs à l'augmentation de la production de l'agriculture biologique[21], etc. ;

  • BISQ ; Biological Indicator System for Soil Quality
  • BBSK ; Biological Soil Classification Scheme
  • BSQ ; Biological Soil Quality index (Parisi 2001)
  • GISQ ; General Indicator of Soil Quality[22], précis à large échelle uniquement
  • IBQS; Indice Biotique de la Qualité du Sol (Ruiz et al., 2011)
  • SOILPACS ; Soil Invertebrate Prediction and Classification Scheme, avec une bonne sensibilité, mais ne permettant pas de facilement différentier les stress d'oribine naturelle et humaine

En France un réseau RMQS-biodiv a été institué en complément du Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) en 2009, qui se décline aux échelles régionales (avec un focus sur la Bretagne d'abord)(Cluzeau 2009), sur la base de paramètres agro-pédologiques [23]. On commence à travailler sur la richesse en ADN du sol[24]

Coûts

Plus le suivi est fin, plus les coûts sont élevés. Le monitoring des sols et de leur biodiversité ne saurait être gratuit. Les coûts peuvent être diminués par une mutualisation et solidarité des moyens humains et techniques entre pays et régions du monde. Des méthodes d'analyse automatiques sont attendues, qui pourront également diminuer les coûts. Enfin mieux connaître les sols présente de nombreux avantages. Dans le bilan coûts-avantages, le consensus grandit quant au fait qu'en matière de biodiversité et d'agriculture durable, comme de services écosystémiques fournis par les sols et les zones humides[25] le coût de l'inaction sera beaucoup plus élevé que celui de l'action [26].

Notes et références

  1. Scholes, R. J. and R. Biggs (2005). "A biodiversity intactness index." Nature 434: 45-49.
  2. Bloem, J., T. Schouten, et al. (2003). Measuring soil biodiversity: experiences, impediments and research needs. OECD expert meeting on soil erosion and soil biodiversity indicators. Rome, Italy
  3. L'UE et les sols
  4. European Commission 2006
  5. Ettema, C. H. and T. Bongers (1993). "Characterization of Nematode Colonization and Succession in Disturbed Soil Using the Maturity Index." Biology and Fertility of Soils 16(2): 79-85.
  6. Boellstorff, D. L. (2008). « Estimated soil organic carbon change due to agricultural land management modifications in a semiarid cereal-growing region in Central Spain. », Journal of Arid Environments. 73(3): 389-392.
  7. Breure, A. M. (2004). Soil biodiversity: Measurements, indicators, threats and soil functions. International Conference Soil and Compost Eco-biology. Spain.
  8. Vogelsang, K. M. and J. D. Bever (2009). "Mycorrhizal densities decline in association with nonnative plants and contribute to plant invasion." Ecology 90(2): 399-407
  9. Bockstaller, C. and P. Girardin (2003). "How to validate environmental indicators." Agricultural Systems 76(2): 639-653.
  10. Bispo, A., D Cluzeau, R Creamer, M Dombos,I U Graefe, PH Krogh, JP Sousa, G Peres, M Rutgers, A Winding, and J Rombke (2009). "Indicators for monitoring soil biodiversity." Integr Environ Assess Manag 5: 717 – 719
  11. Paoletti, M. G. (1999). The role of earthworms for assessment of sustainability and as bioindicators. Agriculture, Ecosystems and Environment 74: 137-155.
  12. Wall, D. H. and R. A. Virginia (1999). "Controls on soil biodiversity: insights from extreme environments." Applied Soil Ecology 13(2): 137-150.
  13. Breure, A. M., C. Mulder, et al. (2005). "Ecological classification and assessment concepts in soil protection." Ecotoxicology and Environmental Safety 62(2): 211-229.
  14. Bolger, T., Korsos, Z., Vanbergen, A. (2004). Biodiversity assessment—final report of the BioAssess project, Submitted to Research DG DI-2 Biodiversity and Global Change.
  15. Bispo, A., Peres G, Cluzeau D, Graefe U, Rombke J, Rutgers M, Fuchs M, Sousa JP, Schulte R, Dombos M, Simon B, Cortet J, Chaussod R, Ritz K, Creamer R, Winding A, English M, Boixadera J. Rubio JL. (2007). ENVASSO (Environmental assessment of soil for monitoring) WP 5 – Decline in soil biodiversity : 22.
  16. Huber, S., Prokop, G., Arrouays, D., Banko, G., Bispo, A., Jones, R.J.A., Kibblewhite, M.G., Lexer, W., Möller, A., Rickson, R.J., Shishkov, T., Stephens, M., Toth, G. Van den Akker, J.J.H. (2008). Environmental Assessment of Soil for Monitoring : Volume I, Indicators & Criteria. Luxembourg, Office for the Official Publications of the European Communities: 339.
  17. European Commission - DG ENV ; Soil biodiversity: functions, threats and tools for policy makers, Fev 2010 ; voir chapitre 55. Indicators and monitoring schemes for soil biodiversity, p 169/250.
  18. [Council Directive 86/278/EEC of 12 June 1986 on the protection of the environment, and in particular of the soil, when sewage sludge is used in agriculture]
  19. [Directive 2006/12/EC of the European Parliament and of the Council of 5 April 2006 on waste]
  20. [Council Directive 1999/31/EC of 26 April 1999 on the landfill of waste]
  21. Council Regulation (EC) No 834/2007of 28 June 2007 on organic production and labelling of organic products and repealing Regulation (EEC) No 2092/91
  22. Velasquez, E., P. Lavelle, et al. (2007). GIQS: a multifunctional indicator of soil quality. Soil Biol. Biochem. 39: 3066-3080.
  23. [www.gissol.fr/programme/rmqs/rmqs.php; last retrieval 16/09/2009 GIS SOL]
  24. [www.dijon.inra.fr/plateforme_genosol; last retrieval 12/11/2009 Plate-forme Genosol] (2009/1112)
  25. Brauman, K. A., G. C. Daily, et al. (2007). "The nature and value of ecosystem services: An overview highlighting hydrologic services." Annual Review Of Environment And Resources 32: 67-98.
  26. Braat, L., ten Brink, P (2008). The Cost of Policy Inaction: the case of not meeting the 2010 biodiversity target
  • Blandain, P. ; 1986 : Bioindicateurs et diagnostic des systèmes écologiques, Contrat du ministère de l'environnement numéro 82160.
  • Pesson, P. ; 1980 : La pollution des eaux continentales incidence sur les biocénoses aquatiques. Gauthier villars. Paris.
  • Ruiz, N., Mathieu, J., Celini, L., Rollard, C., Hommay, G., Iorio, E., Lavelle, P.; 2011: IBQS: A synthetic index of soil quality based on soil macro-invertebrate communities. Soil Biology and Biochemistry, 43: 2032-2045.
  • Tachet, H ; Bournaud, M; Richoux, PH.; 1984 : Introduction à l'étude des macroinvertébrés des eaux douces. Université Claude Bernard Lyon I.

Voir aussi

Articles connexes

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