Ibn Toumert

Muhammad Ibn Tumart (en berbère : ⵎⵓⵃⵎⵎⴷ ⵓ ⵜⵓⵎⵔⵜ ; arabe : المهدي محمد بن تومرت), ou plus communément Ibn Toumert (en berbère : ⵓ ⵜⵓⵎⵔⵜ Ou-Toumert), né à Igiliz-des-Hargha[1] petit village de l'Anti-Atlas (Maroc) vers 1080[2],[3], et mort en 1130, est le fondateur de l'état almohade[4] et un réformateur berbère musulman. Il meurt avant d'avoir pu réaliser son projet de prendre Marrakech aux Almoravides.

Pour les articles homonymes, voir Al-Mahdi.

Ibn Toumert
Titre
Mahdi almohade
Prédécesseur Aucun
Successeur Abd al-Mumin
Biographie
Lieu de naissance Igiliz-des-Hargha (Tribu des Hargha)
Date de décès
Lieu de décès Marrakech (Émirat almoravide)
Diplômé de Al-Nizamiyya de Bagdad
Religion Islam

Après sa mort, son disciple `Abdul-Mu'min devint le premier calife du mouvement des Almohades. Son nom « Tumert » signifie « la joie » en berbère[5].

Histoire

Ibn Toumert naquit dans un petit village de l'Anti-Atlas (Souss) nommé Igiliz en Harghen (Igiliz-des-Hargha en francais) dans la tribu des Hargha dans laquelle il appartenait au groupe des Iserghinen[6], mot qui veut dire noble (Chorfa) en langue Masmoudienne (Tachelhit). Ibn Toumert se fit remarquer par son zèle religieux. Il aurait fait une partie de ses études en Andalousie et se serait initié aux écrits de Ibn Hazm, théologien cordouan (de Cordoue) mort en 1064. Il exprime une aversion pour l'interprétation personnelle (ra'īy) et ne se réfère qu'à la tradition (Sounna) et au consensus (Ijma`). Il se retrouve à Bagdad pour étudier les sources du droit (Fiqh). Il y aurait rencontré al-Ghazalî, un grand penseur du soufisme[7], mais il est certain qu'il étudia la théologie de al-Ach`arî. Sur le chemin du retour, sa rigueur et ses interventions créèrent quelques incidents. Il fit une rencontre essentielle à Bejaia d'un jeune homme plein de fougue, `Abdul-Mu'min, qui devint son meilleur disciple.

Sa morale rigoriste l'amène à condamner toute distraction dont la musique et l'alcool[8]. Il réaffirme le principe de l'unicité de Dieu (Tawhid) et récuse les anthropothéismes (mujassimah). Sa véritable originalité fut dans la méthode de diffusion de sa doctrine plus que dans son contenu lui-même. Il écrivit des petits opuscules en langue amazighe destinés à ses disciples.

Il réalisa la traduction du Qorʾān en langue amazighe, et son livre aazou ma youtlab (en français : le meilleur qu'on puisse chercher), constitue la référence expliquant la doctrine d'Ibn Toumert.

Arrivé à Marrakech (1120) il se heurta aux notables Almoravides en critiquant leurs mœurs. C'est alors qu'il se dit mahdi et « imam impeccable »[9], reprenant la tradition chiite de l'infaillibilité à son compte. Il repartit vers l'Atlas pour diffuser sa propagande dans les tribus qui avaient quelques griefs contre les Almoravides. Il fédéra les tribus sous son autorité dans une organisation d'assemblées pyramidales :

  • Les gens du foyer (ahl ad-dâr), faite des disciples les plus proches.
  • Deux conseils : l'un est fait de dix membres, et l'autre fait de cinquante, les deux conseils sont sur le modèle des assemblées de notables des tribus amazighes.

Le Mahdi, considéré comme impeccable et infaillible[réf. nécessaire], exerçait une autorité que nul ne contestait. Les tribus étaient rangées en ordre hiérarchique, les Harghas, celle de Ibn Toumert en premier. La société elle-même était hiérarchisée et la pratique des rites religieux obligatoire. Avec `Abd al-Mû'min, le Mahdi n'hésita pas à des mesures d'épuration exécutant tous les suspects, toute une tribu fut ainsi éliminée car considérée comme peu sûre.

Les Almoravides attaquent Tinmel où se trouvait Ibn Toumert par crainte de se faire attaquer en premier. Ils sont battus et durent se replier dans les fortifications de Marrakech qui sont alors assiégées. Au cours d'une contre-attaque, les Almoravides réussissent à repousser les assaillants et `Abd al-Mû'min est blessé au cours des combats.

Recherche historique moderne

Des recherches récentes ont proposé que le lieu de naissance de Ibn Toumert aurait pu être la localité d'Igli dans la plaine du Sous, mais la confrontation d'une analyse plus précise de textes historiques avec celle de la topographie du versant nord de l'Anti-Atlas a permis de localiser le site d'Igli-des-Hargha sur une éminence le Jebel Igiliz dominant de 500m le village de Magennoune et le cours à sec de l'Assif N' Wargen, à 60 km à l'est-sud-est de Taroudant[10]. Un diagnostic archéologique a confirmé cette hypothèse et des fouilles ont permis de d'analyser le site où Ibn Toumert se réfugia durant trois ans pour échapper à la poursuite de Almoravides de l'an 515 de l'Hégire (1121 AD) à 518, avant de monter s'installer à Tinmel[11]. Ces fouilles permettent de comprendre le contexte historique de la période où Ibn Toumert fut reconnu comme le Mahdi par ses compagnons, événement fondateur du mouvement et de la dynastie des Almohades, et de confronter ces éléments aux textes anciens.

Notes et références

  1. Conférence au Louvre de Abdallah Fili, le  : Nouvelles recherches archéologiques sur la période islamique au Maroc.
  2. Ibn Tūmart
  3. entre 1075 et 1097, d'après Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830, éd. Payot, Paris, 1966, p. 97
  4. Almohades, Encyclopédie Larousse
  5. Kamal Naït-Zerrad, Lexique berbère et néologie: un essai de traduction partielle du Coran (lire en ligne)
  6. ʿAbd al-Wāḥid al-Marrākušī (1185-1250?) Auteur du texte, Histoire des Almohades / d'Abd el- Wâh'id Merrâkechi ; traduite et annotée par E. Fagnan, (lire en ligne)
  7. Cette anecdote est légendaire selon Dominique et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l'Islam, éd. Presses Universitaires de France, 1996, (ISBN 978-2-1304-7320-6), page 377.
  8. Rachid Bourouiba, « La doctrine almohade », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, (lire en ligne)
  9. La notion d'impeccabilité est attribuée aux imams dans la tradition chiite , spécialement le chiisme imamite duodécimain. Elle est associée à la notion d'infaillibilité, ces deux qualités constituant la 'isma (selon Dominique et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l'Islam, éd. Presses Universitaires de France, 1996, (ISBN 978-2-1304-7320-6), page 411.
  10. Jean-Pierre Van Staevel, Abdallah Fili, « A propos de la localisation de Igliz-des-Hargha, le Hisn du Mahdi Ibn Toumart », Al-Qantara XXVII 1, , p 155-197 (ISSN 0211-3589, lire en ligne)
  11. Ahmed S. Ettahiri, Abdallah Fili, Jean-Pierre Van Staevel, « Nouvelles recherches archéologiques sur les origines de l'empire almohade au Maroc: les fouilles d'Igiliz. », Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres, , p 1109-1142 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, des origines à 1830, édition originale 1931, réédition Payot, Paris, 1994, (ISBN 2-228-88789-7)
  • E.B., « Ibn Toumart », Encyclopédie berbère, vol.23 (Edisud 2000), p. 3604-3606

Articles connexes

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