Homère Plessy

Homère Patrice Adolphe Plessy, souvent orthographié dans sa graphie anglophone Homer Adolph Plessy, né le à la Nouvelle Orléans, dans l'État de la Louisiane, mort le à la Nouvelle Orléans, est un créole francophone américain militant des droits civiques, connu pour être le demandeur dans le cas de la Cour suprême des États-Unis Plessy c. Ferguson (1896).

Biographie

Jeunesse et formation

Homer Plessy est né le 17 mars 1862 à la Nouvelle-Orléans, fils de Joseph Adolphe Plessy et Rosa Debergue, membres de la société créole francophone de la Nouvelle-Orléans[1],[2]. Un autre membre de cette société créole était le compatriote de Plessy, Walter L. Cohen, qui a obtenu un poste d'inspecteur des douanes auprès du président américain William McKinley[3].

Le grand-père paternel d'Homère Plessy était Germain Plessy, un Français blanc né à Bordeaux v. 1777. Germain Plessy est arrivé à la Nouvelle-Orléans avec des milliers d'autres expatriés français qui ont fui Saint-Domingue à la suite de la rébellion d'esclaves menée par Toussaint Louverture qui a arraché Haïti à Napoléon dans les années 1790. Germain Plessy a épousé Catherine Mathieu[4], une femme de couleur libre, et ils ont eu huit enfants, dont le père d'Homère Plessy, Joseph Adolphe Plessy. Le deuxième prénom d'Homère Plessy apparaîtra plus tard comme Adolphe d'après le prénom de son père, un charpentier, sur son certificat de naissance. Plessy appartenait à la classe créole francophone de Louisiane, que la société américaine ne comprenait ni n'acceptait. Plessy a grandi en parlant français. Adolphe Plessy est mort lorsque Homère avait sept ans. En 1871, sa mère Rosa Debergue Plessy, une couturière, épousa Victor M. Dupart, un commis aux poste des États-Unis qui complétait ses revenus en travaillant comme cordonnier. Plessy est également devenu cordonnier. Au cours des années 1880, il a travaillé dans l'entreprise de cordonnerie de Patricio Brito sur la rue Dumaine, près de North Rampart. Les répertoires de la ville de la Nouvelle-Orléans de 1886 à 1924 énumèrent ses professions : cordonnier, ouvrier, commis et agent d'assurance [5],[6].

Carrière

En 1887, Plessy était devenu vice-président du Club social pour la justice[7], la protection et l'éducation, un groupe voué à la réforme de l'enseignement public à la Nouvelle-Orléans. En 1888, Plessy, alors âgé de vingt-cinq ans, se maria à Louise Bordenave, dix-neuf ans, mariage célébré par le père Joseph Subileau à l'église Sainte-Augustine, située au 1210 Gov. Nicholls Street à la Nouvelle-Orléans [8]. L'employeur de Plessy, Brito, a servi de témoin. En 1889, les Plessy s'installent au Faubourg Tremé au 1108 North Claiborne Avenue. Il s'est inscrit pour voter dans le troisième quartier du Sixth Ward.

À trente ans, le cordonnier Homer Plessy était plus jeune que la plupart des membres du Comité des Citoyens. Il n'avait pas leurs historiques politiques stellaires, leurs prouesses littéraires, leur sens des affaires ou leurs diplômes en droit. En effet, son seul attribut était d'être suffisamment blanc pour avoir accès au train et assez noir pour être arrêté pour cela. Ce cordonnier cherchait à avoir un impact sur la société qui soit plus important que la simple fabrication de chaussures. Lorsque Plessy était un jeune garçon, son beau-père était signataire du mouvement d'unification de 1873 - un effort pour établir des principes d'égalité en Louisiane. Jeune homme, Plessy avait fait preuve d'une conscience sociale et avait été vice-président d'un groupe de réforme de l'éducation des années 1880. Et en 1892, il se porte volontaire pour une mission qui a des conséquences imprévisibles et des contrecoups. Les avocats du Comité des Citoyens, Albion Tourgee, James C. Walker et Louis Martinet, ont été contrariés par la stratégie juridique. Le trésorier Paul Bonseigneur s'occupait des finances. En tant que contributeur au journal The Crusader, Rodolphe Desdunes s'est inspiré de ses écrits. Le rôle de Plessy consistait en quatre tâches: obtenir le billet, monter dans le train, se faire arrêter et être booked[9].

Plessy c. Ferguson

Plaque de bronze sur le côté de la tombe de Plessy à la Nouvelle-Orléans, Louisiane

Le Comité des Citoyens était un groupe de défense des droits civiques composé d'Afro-Américains, de Blancs et de Créoles. Le comité s'était vigoureusement opposé à la récente loi sur les voitures séparées[10]. En 1892, le Comité des citoyens demanda à Plessy d'accepter de violer la loi de Louisiane sur les voitures séparées qui exigeait la ségrégation raciale dans les trains de voyageurs. Le 7 juin 1892, Plessy, alors âgé de trente ans et ressemblant à un homme blanc par sa couleur de peau et d'autres caractéristiques physiques, acheta un billet de première classe sur l'East Louisiana Railroad entre la Nouvelle-Orléans et Covington, le siège de l'actuelle paroisse suburbaine de Tammany. Il était assis dans la voiture passager « réservée aux blancs ». Lorsque le contrôleur vint récupérer son billet, Plessy lui a dit qu'il était blanc à 7/8e et qu'il avait refusé de s'asseoir dans la voiture « réservée aux noirs ». Plessy a été immédiatement arrêté par le détective Chris C. Cain, placé en prison à la paroisse d'Orléans et libéré le lendemain avec une caution de 500 $. Le cas de Plessy a été entendu par le juge John Howard Ferguson un mois après son arrestation. Tourgée a fait valoir que les droits civils de Plessy, accordés par les Treizième et Quatorzième amendements de la Constitution américaine, avaient été violés. Ferguson refuta cet argument et jugea que la Louisiane, en vertu de la loi de l'État, avait le pouvoir de fixer des règles qui réglementaient les activités ferroviaires à l'intérieur de ses frontières. La Cour suprême de l'État de Louisiane confirma la décision de Ferguson et refusa d'accorder une nouvelle audience. Cependant, elle permit une pétition pour un requête en erreur (writ of error). Cette requête fut acceptée par la Cour suprême des États-Unis et quatre ans plus tard, en avril 1896, les débats du cas Plessy c. Ferguson commencèrent. Tourgée fit valoir que l'État de Louisiane avait violé le Treizième amendement qui accordait la liberté aux esclaves, et le Quatorzième amendement qui stipulait qu'« aucun État ne fera ou n'appliquera aucune loi qui abrégera les privilèges ou immunités des citoyens des États-Unis; ni tout État privera toute personne de sa vie, de sa liberté et de ses biens sans procédure régulière. »

Le 18 mai 1896, le juge Henry Billings Brown (en) a rendu l'opinion majoritaire en faveur de l'État de Louisiane[11]. L'avis était en partie libellé comme suit: « Le Quatorzième amendement avait sans aucun doute pour but de faire respecter l'égalité absolue des deux races devant la loi, mais dans la nature des choses, il ne pouvait pas avoir pour but d'abolir les distinctions fondées sur la couleur ou d'imposer le social, en distinction de l'égalité politique, ou un mélange des deux races à des conditions insatisfaisantes pour les deux... » La seule voie dissidente était celle du juge John Marshall Harlan, un Républicain du Kentucky qui réaffirma que la constitution américaine était « aveugle à la couleur » (color blind)[12]. La doctrine « Séparés mais égaux », consacrée par l'arrêt Plessy, est restée valable jusqu'en 1954, date à laquelle elle a été renversée par la décision de la Cour suprême dans le cas Brown c. Board of Education, et plus tard complètement interdit par la loi fédérale sur les droits civils de 1964. Bien que l'affaire Plessy n'ait pas concerné l'éducation, elle a constitué la base juridique de systèmes scolaires séparés pour les cinquante-huit années suivantes.

La vie de Plessy après la jugement de la Cour suprême

Après la décision de la Cour suprême, Plessy est retombé dans un relatif anonymat. Il eut des enfants, a continué de participer à la vie religieuse et sociale de sa communauté, et a ensuite vendu et perçu des primes d'assurance pour la People's Life Insurance Company. Il est mort en 1925 à l'âge de 62 ans, l'annonce de son décès indiquant « Homer Plessy - le dimanche 1er mars 1925, à 5 h 10, époux bien-aimé de Louise Bordenave ». Il a été enterré dans la tombe de la famille Debergue-Blanco au cimetière Saint-Louis de La Nouvelle-Orléans

Marque historique Homer Plessy

L'arrière de la marque placée le 12 février 2009, rappelant l'arrestation de Homer Plessy pour avoir violé la loi ségrégationniste de l'État.

Le 12 février 2009, la Fondation Plessy & Ferguson de la Nouvelle-Orléans a honoré les succès du mouvement des droits civiques en participant à la pose d'une marque historique (Historical Marker) à l'angle des rues Press et Royal, site de l'arrestation d'Homer Plessy à la Nouvelle-Orléans en 1892 . Le 10 février 2009, Keith Plessy et Phoebe Ferguson, descendants des deux principaux intervenants des deux côtés de la Cour suprême, sont apparus ensemble sur la chaîne de télévision WLTV à la Nouvelle-Orléans . Ils ont annoncé la création de la Fondation Plessy & Ferguson pour l'éducation, la préservation et la sensibilisation. La fondation travaillera à créer de nouvelles façons d'enseigner l'histoire des droits civils à travers le cinéma, l'art et les programmes publics conçus pour faire comprendre ce cas historique et ses effets sur la conscience américaine. Keith Plessy et Phoebe Ferguson sont aussi apparus ensemble sur le site des voies ferrées de la Nouvelle-Orléans où Homer Plessy s'était vu refuser un siège[13]

Confusion de photos

Les photos de PBS Pinchback sont souvent décrites à tort comme des photos de Homer Plessy. Aucune photo de ce dernier Plessy n'est connue[14].

Références

  1. (en-US) « Plessy, Homer Adolph 1862–1925 | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  2. Keith Weldon Medley, We As Freemen: Plessy v. Ferguson, Gretna, LA, Pelican, (ISBN 1-58980-120-2, lire en ligne), 252 p. 20
  3. « Louisiana Historical Association, A Dictionary of Louisiana Biography (lahistory.org) » [archive du ], lahistory.org (consulté le )
  4. (en-US) Nadra Kareem Nittle, « How Homer Plessy Fought Racial Segregation in Louisiana », sur ThoughtCo, (consulté le )
  5. "Homer Adolph Plessy", A Dictionary of Louisiana Biography, Vol. 2 (1988), p. 655
  6. (en-US) Keith Weldon Medley, We as Freemen: Plessy v. Ferguson, Pelican Publishing Compan, , 260 p. (ISBN 9781589801202, lire en ligne), p. 13-27
  7. (en) « Homer Plessy | American shoemaker », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  8. « St. Augustine Catholic Church of New Orleans: Homer Plessy » [archive du ], staugustinecatholicchurch-neworleans.org
  9. Keith Weldon Medley, We As Freemen: Plessy v. Ferguson, Gretna, LA, Pelican, (ISBN 1-58980-120-2, lire en ligne), 252 p. 17
  10. (en-US) « Homer Plessy », sur Biography (consulté le )
  11. (en) « Plessy v. Ferguson | Summary, Facts, & Significance », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  12. (en-US) Glenn Rifkin, « Overlooked No More: Homer Plessy, Who Sat on a Train and Stood Up for Civil Rights », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  13. Ted Jackson / The Times-Picayune, « Plessy and Ferguson unveil plaque today marking their ancestors' actions », NOLA.com (consulté le )
  14. Mike, « No, Internet, this is not Homer Plessy. But who is it? », nola.com, Nola Media Group, (consulté le )

Bibliographie

Essais

  • (en-US) Charles A. Lofgren, The Plessy Case: A Legal-Historical Interpretation, New York, Oxford University Press, USA, 1 janvier 1997, rééd. 8 septembre 1988, 296 p. (ISBN 9780195056846, lire en ligne),
  • (en-US) Brook Thomas, Plessy v. Ferguson: A Brief History with Documents, Boston, Bedford/St. Martin's, , 228 p. (ISBN 9780312137434, lire en ligne),
  • (en-US) Harvey Fireside, Plessy V. Ferguson: Separate But Equal?, Springfield, New Jersey, Enslow Publishers, , 136 p. (ISBN 9780894908606, lire en ligne),
  • (en-US) Keith Weldon Medley, We As Freemen: Plessy v. Ferguson, Pelican Publishing Company, , 252 p. (ISBN 9781589801202, lire en ligne),
  • (en-US) Harvey Fireside, Separate and Unequal: Homer Plessy and the Supreme Court Decision that Legalized Racism, New York, Carroll & Graf, 10 décembre 2003, rééd. 10 janvier 2005, 428 p. (ISBN 9780786714902, lire en ligne),
  • (en-US) Mark Emory Elliott, Color-Blind Justice: Albion Tourgée and the Quest for Racial Equality from the Civil War to Plessy v. Ferguson, New York, Oxford University Press, , 408 p. (ISBN 9780195181395, lire en ligne),

Articles

  • (en-US) Richard A. Maidment, « Plessy v. Ferguson Re-Examined », Journal of American Studies, Vol. 7, No. 2, , p. 125-132 (8 pages) (lire en ligne),
  • (en-US) David W. Bishop, « Plessy V. Ferguson: A Reinterpretation », The Journal of Negro History, Vol. 62, No. 2, , p. 125-133 (9 pages) (lire en ligne),
  • (en-US) Brook Thomas, « Constitutional Literacy: Plessy and Brown in the Writing Class », College English, Vol. 58, No. 6, , p. 637-653 (17 pages) (lire en ligne),
  • (en-US) Bernard R. Boxill, « Washington, Du Bois and "Plessy V. Ferguson" », Law and Philosophy, Vol. 16, No. 3, , p. 299-330 (32 pages) (lire en ligne),
  • (en-US) Mark Golub, « Plessy as "Passing": Judicial Responses to Ambiguously Raced Bodies in Plessy v. Ferguson », Law & Society Review, Vol. 39, No. 3, , p. 563-600 (38 pages) (lire en ligne),
  • (en-US) Rebecca J. Scott, « Public Rights, Social Equality, and the Conceptual Roots of the Plessy Challenge », Michigan Law Review, Vol. 106, No. 5, , p. 777-804 (28 pages) (lire en ligne),


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