Histoire de la notion de douleur

L'histoire de la notion de douleur retrace la façon dont, au cours de l'histoire, la douleur d'autrui a été perçue, comprise, théorisée, et enfin prise en charge lors des démarches de soins.[tautologie]

Définition et état des connaissances actuelles

Le corps humain, comme celui d'autres espèces, est agencé de façon à communiquer un message nerveux d'alerte en cas d'atteinte à son intégrité. Ce message, qui se transmet par l'intermédiaire de récepteurs spécifiques, nociceptifs, crée une souffrance. L'association internationale pour l'étude de la douleur (l’IASP), la définit ainsi :

«  la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d'une telle lésion[1],[Note 1] »

Cette douleur n'est pas nécessairement évidente lorsqu'elle concerne autrui. Ainsi, l'OMS précise que « la douleur chez l'enfant n'est souvent pas reconnue »[2], d'ailleurs la capacité du nouveau-né à la ressentir n'a été reconnue officiellement par la science qu'en 1987[3],[4].

Chronologie

Les premières traces d'explications des souffrances en général sont associées à la mythologie. Ainsi en Grèce antique Artémis est plus particulièrement associée à cet état douloureux, globalement interprété comme « le châtiment d’un Dieu irrité qu’il faudra implorer pour obtenir la guérison »[5].

Antiquité grecque

La notion de douleur est un sujet de philosophie, discuté en Grèce antique au Ve siècle avant notre ère par Socrate dans un dialogue présenté par Platon dans Gorgias[6].

En 410 avant notre ère Hippocrate, considéré comme le père fondateur de la médecine, place bien le soulagement des souffrances au cœur du rôle médical : « Le premier principe de la médecine est de guérir quelquefois, de soulager souvent et de consoler toujours. ». S'il déclare encore que « divine est l’œuvre de soulager la douleur » [7], il consacre le manuscrit intitulé De l'art [8] à distinguer des croyances le rôle du bon médecin dans la guérison :

« Que la médecine trouve facilement en elle les moyens de porter des secours efficaces, qu’elle ait raison de refuser le traitement des maladies incurables, et qu’elle soigne avec un succès infaillible celles qu’elle entreprend, c’est ce que l’on peut voir dans ce traité, c’est ce que les médecins habiles démontrent encore mieux par des faits que par des paroles. »

Antiquité romaine

Une notion stoïcienne défend la capacité de la personne souffrante à réguler l'intensité de ses souffrances : Au Ier siècle Sénèque écrira en ce sens « Douleur, tu n'es qu'un mot » ou encore « nous accroissons notre douleur, nous l'anticipons, nous l'imaginons »[9]

La médecine d'alors semble alors se cantonner à un rôle exclusivement réparateur, la charge de réguler la douleur incombant au malade, le médecin ayant pour tâche d'ignorer son expression : Au IIe siècle Celse déclare « Le chirurgien doit rester sourd aux cris de son patient[10]. »

Moyen Âge

Au Moyen Âge les religieux deviennent prégnants en occident sur tout ce qui touche au soin au corps. Dans la lignée du sens commun accordé au stoïcisme, la capacité à endurer les souffrances sans en être affecté, la chrétienté véhicule une idée de douleur comme nécessité, voire une injonction divine, comme dans la phrase biblique : « tu enfantera dans la douleur ». Lutter contre reviendrait alors à refuser cette injonction, il faut accepter la souffrance. Cette idée peut être mise en évidence par l'infirmation faite par le pape Pie XII en 1952 : « La douleur est nécessaire à l’élévation de l'âme. »

La médecine divise en ce qui est considéré comme sorcellerie d'une part, et les soins promulgués par des religieux d'autre part.

Au haut Moyen Âge, une redécouverte des connaissances antiques a lieu au Moyen-Orient. Les traductions des textes grecs (Hippocrate, Platon, Aristote...) passe en ce qui concerne la médecine notamment par des figures de proue comme Avicenne. Petit à petit ces savoirs oubliés redeviennent connaissances de base des soignants, religieux ou non.

L'idée de la douleur comme principe rédempteur des pêchés reste très présente jusqu'à la fin du Moyen Âge, même si depuis l'Antiquité cela reste un sujet de débat qui n'a jamais fait l'unanimité.

Renaissance

Au XVIe siècle Ambroise Paré évoque une reconnaissance particulière : « Chacun blêmit au seul mot de douleur, le cœur du médecin sait ce que la raison ignore ». À la même époque Sydenham propose d'utiliser l'opium contre les douleurs, Paracelse propose l’éther et le sirop de laudanum.

Le siècle des lumières fait évoluer les mœurs et la médecine s'aborde selon un angle beaucoup plus scientifique. Le sujet de la douleur est rediscuté sur les bases antiques et on observe les membres fantômes, ces douleurs résiduelles semblant venir des membres amputés.

L'avènement de l'anesthésie

En 1776 Humphry Davy découvre les fonctions analgésiques du protoxyde d'azote autrement appelé « gaz hilarant ». En 1792 la fonction anesthésiante de l'éther est redécouverte sur la base de notes laissées par Paracelse et étudiée entre autres par Henry Hickmann, puis en 1806 le pouvoir anesthésique de la morphine est découvert par Friedrich Sertürner qui obtiendra pour cette découverte le prix de bienfaiteur de l'humanité par l’institut de France.

S'ensuivra un débat sur le bien-fondé de l'anesthésie avec dans la première moitié de XIXe siècle de fortes réticences à utiliser ces produits ayant pour seule fonction de soulager de la douleur jusqu’à ce que soit prouvé un effet sur le pronostic vital[11].

Aspects éthiques

La perception par la médecine et l'entourage de la douleur du nourrisson et de l'enfant, du handicapé et la douleur chronique M[12]. L'empathie et l'éthique de la prise en charge de la douleur évoluent avec le temps et selon les contextes.

Notes et références

Notes

  1. texte original : “an unpleasant sensory and emotional experience associated with actual or potential tissue damage, or described in terms of such damage”

Références

  1. « Minimum vital - Chapitre 5 - Douleur », Cours en ligne sur le site de la Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière, (consulté le )
  2. (en) [PDF] Guide des recommandations de l'OMS p. 10 : (en) « children’s pain is often not recognized, »
  3. (en) KJS Anand, Hickey, « Pain and its effects in the human neonate and fetus. », The new Engl journal of medecine, no 317(21), , p. 1321-1329 consultation en ligne
  4. (en) KJS Anand, WG Sippell et A. Aynsley-Green, « Randomized trial of fentanyl anaesthesia in preterm babies undergoing surgery: effects on stress response. », Lancet, no (1?), , p. 62-66 (DOI 10.1016/S0140-6736(87)91907-6, lire en ligne)
  5. 2volution de la prise en charge de la douleur dans l'histoire de la médecine
  6. Gorgias (Wikisource)
  7. [PDF] Historique de la prise en charge de la douleur Dr F. Tiberghien-Chatelain, Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur du C.H.U Besançon, 2009
  8. De l'art (Wikisource)
  9. Sénèque Lettre XIII, lettre a Lucilius (édition consultable : Belles lettres, 1969)
  10. Source : Jean Pierre Peter dans Médecine et Méconnaissance de la douleur : une histoire avec énigme. IXe journées d'éthique médicale, « la douleur du petit enfant » Nantes 1992.
  11. p. 95 de La douleur de l'enfant, Annie Gauvain-Piquard et Michel Meignier, 1993, ed. Calmann-Levy (ISBN 978-2702121962) et (ASIN B005HNIVLK)
  12. Pedrini, R. Célis (2010), Réflexions éthiques autour du vécu des patients atteints de douleurs chroniques ; Éthique & Santé, Volume 7, Issue 4, décembre 2010, Pages 191-198

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Isabelle Baszanger, Douleur et médecine, la fin d'un oubli, Paris, Éditions du Seuil, 1995.
  • David Le Breton, Anthropologie de la douleur, Paris, Éditions Métailié, 1995.
  • Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, coll. « Histoire des sciences », 1993 ; rééd. La Découverte Poche (Sciences humaines et sociales), 2000.

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