Henri Martin (activiste)

Félix Victor Henri Martin[1], dit le « docteur Martin », né le 23 février 1895 à Paris et mort le au Kremlin-Bicêtre, était un médecin et militant nationaliste français.

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Biographie

Jeunesse

Ancien interne des hôpitaux[2], le docteur Martin avait combattu volontairement au front pendant la Grande Guerre[2]. À la fin du conflit, il devient médecin spécialiste des voies respiratoires à la Salpetrière et aux enfants malades à Paris[3], puis ouvre son propre cabinet[2].

De l'Action française à la Cagoule

Henri Martin portant moustache, du temps de son engagement à l'Action française
(Almanach de l'Action française, 1924)[4]

Dans les années 1920, il est membre de l'Action française de Charles Maurras, et est le secrétaire général adjoint de la Ligue d'AF dans la région parisienne[5]. Il en fut exclu en 1929 pour avoir soupçonné Pierre Lecœur, rédacteur au journal monarchiste, d'être un indicateur de la police[6]. Ce départ coïncida de peu avec celui des frères Claude et Gabriel Jeantet.

Après avoir été le conseiller de Henri Dorgères[5], le dirigeant du mouvement paysan des « chemises vertes », il est en 1935 l'un des fondateurs de l'Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (OSARN), organisation nationaliste clandestine plus communément appelée la « Cagoule », dirigée par Eugène Deloncle. Celui-ci le charge du 2e Bureau, c'est-à-dire les services de renseignements de l'organisation, et son surnom est alors « le Bib ». Son travail consistait à mener des filatures, répertorier des informations personnelles et établir des fiches sur les adversaires politiques de la Cagoule[2]. En 1937, tandis qu'une rafle frappe les membres de la Cagoule, il réussit à s'enfuir avec Jean Filiol, et s'exile à San Remo en Italie, accompagné de sa femme et de ses enfants[7]. À la suite d'une grâce d'Édouard Daladier, il revient en France pour devenir capitaine médecin à l'infirmerie du fort l de Bicêtre[2].

Vichy et résistance

Après la défaite de 1940, il participe aux Groupes de protection (GP), une organisation dépendant du Centre d'informations et d'études (CEI) de François Métenier et du colonel Groussard. Saluant l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, mais hostile à toute forme de collaboration (elle épiait notamment les agissements de la Gestapo et des autorités militaires allemandes), elle regroupait majoritairement d'anciens cagoulards. En , dans le fil de son antigermanisme, il monte l'opération visant à enlever Pierre Laval, jugé trop proche des Allemands[8]. Laval est libéré peu après par Otto Abetz, tandis que le CEI et les GP sont dissous peu après (même s'ils continuaient à fonctionner officieusement[9]).

Arrêté en , il est transféré à Castres, Vals, puis Évaux-les-Bains, où il rencontra notamment Roger Stéphane, dont il fut l'ami malgré leurs divergences politiques[10]. Après s'être évadé, il rejoint le maquis et le « réseau Roy », participe à la libération de Lyon, et s'engage dans la 7e armée du général Alexander Patch, où il accomplit plusieurs missions spéciales et dangereuses en Alsace et sur le Rhin[11].

Clandestinité d'après-guerre et OAS

Lors du procès de la Cagoule en 1948, le docteur Martin est condamné à une peine de déportation[12], qu'il n'accomplira pas, étant de nouveau en cavale. Il reprend ses activités clandestines, désormais contre La IVe République pour le maintien de l'Algérie française. Il participe dans les années 1950, avec les généraux Lionel-Max Chassin et Paul Cherrière, à l'organisation appelée « Grand O »[13], active de 1954 à 58. En à la gare Saint-Lazare de Paris, il est arrêté par la police. Considérant qu'il ne constitue pas une menace pour le régime, il est mis en liberté provisoire en novembre.

Après le premier putsch d'Alger, dont il est l'un des instigateurs, il rejoint le Mouvement populaire du 13 mai[14], dit MP-13. Collaborateur au journal Salut public de l'Algérie française)[15], organe du MP-13, il est le conseiller de Robert Martel, avec lequel il finit par se brouiller[16]. Proche de l'Organisation armée secrète[17] (OAS), il est à nouveau recherché pour sa participation à la « Semaine des barricades » à Alger en , puis, encore une fois, pour son rôle dans le putsch des généraux du [18]. Cette fois, son anti-gaullisme ne lui est pas pardonné : arrêté pour de bon, il est condamné à 10 ans de travaux forcés en par la Cour de sûreté de l'État (France)[3]. Il est décédé le à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, où il avait été mobilisé en 1939 comme médecin.

Postérité

Il est le père de Danièle Martin, journaliste au bimensuel nationaliste Monde & Vie et veuve de Pierre de Villemarest[réf. souhaitée]. Le parcours d'Henri Martin demeure constamment marqué par l'activisme politique, le docteur ayant passé la totalité de sa vie dans une semi-clandestinité, et étant recherché par la police sous quatre régimes différents.

Notes et références

  1. Photographie sur le blog Mémoires Politiques & Littéraires
  2. Philippe Bourdrel, La Cagoule, 30 ans de complots, Albin Michel, 1970, p. 59
  3. Jean-Louis Philippart, « Le docteur Martin, dit "le Bib", conspirateur de la Cagoule », Anovi, 2003
  4. Almanach de l'Action française, 1924, p. 181, [lire en ligne]
  5. Henry Coston, Dictionnaire de la politique française, La Librairie Française, 1972, p. 430
  6. Eugen Weber, L'Action française, Hachette Littérature, 1990, p. 306
  7. P. Bourdrel, op.cit., p. 227-228
  8. E. Weber, op.cit., p. 510
  9. Denis Peschanski (dir.), La France de Vichy, Archives inédites d'Angelo Tasca, p. 7 n16
  10. P. Bourdrel, op.cit., p. 249.
    Voir également Roger Stéphane, Chaque homme est lié au monde (Éditions du Sagittaire, 1946), où l'auteur raconte notamment que le dr. Martin avait soigné sa mère, elle aussi internée à Évaux.
  11. P. Bourdrel, op.cit., p. 267
  12. P. Bourdrel, op.cit., p. 273
  13. Anne-Marie Duranton-Crabol, Le Temps de l'OAS, Éditions Complexe, 1995 p. 19
  14. Francis Bergeron et Philippe Vilgier, De Le Pen à Le Pen. Une histoire des nationalistes et des nationaux sous la Ve République, Éditions Dominique Martin Morin, 1986, p. 22
  15. H. Coston, op.cit., p. 431
  16. Voir à ce sujet l'ouvrage de Claude Mouton (favorable à Robert Martel), La Contrerévolution en Algérie, Diffusion de la pensée française, 1972. La version des faits présentés dans cet ouvrage fut cependant contestée par le gendre de Martin, Pierre de Villemarest (cf. Lectures françaises no 612, avril 2008, p. 54)
  17. Interview du commissaire Jacques Delarue dans le documentaire « Histoire de l'OAS », réalisé par Georges-Marc Benamou, diffusé sur France 5 le 15 mars 2002.
  18. P. Bourdrel, op.cit., p. 275

Annexes

Bibliographie

  • Gérald Arboit, « Un "obsédé du renseignement" : le docteur Henri Martin », note historique no 25 du Centre français de recherche sur le renseignement, , lire en ligne.
  • Francis Balace, « Le « réseau Dr. Martin » en Belgique, 1948-1948 : de la contre-subversion à l'intoxication », dans François Cochet et Olivier Dard (dir.), Subversion, anti-subversion et contre-subversion, Paris, Riveneuve éditions, coll. « Actes académiques », , 373 p. (ISBN 978-2-914214-97-1, présentation en ligne), p. 165-186.
  • Philippe Bourdrel, La Cagoule : histoire d'une société secrète du Front populaire à la Ve République, Paris, Albin Michel, (1re éd. 1970), 404 p. (ISBN 2-226-06121-5).
  • Philippe Bourdrel, Les Cagoulards dans la guerre, Paris, Albin Michel, , 282 p. (ISBN 978-2-226-19325-4).
  • Frédéric Freigneaux (mémoire de maîtrise, Histoire, Toulouse 2), Histoire d'un mouvement terroriste de l'entre-deux-guerres : « la Cagoule », , 435 p.
  • Frédéric Freigneaux, « La Cagoule : enquête sur une conspiration d'extrême droite », L'Histoire, no 159, .
  • Pierre Péan, Le mystérieux docteur Martin (1895-1969), Paris, Fayard, , 500 p. (ISBN 2-213-02784-6, présentation en ligne).
    Réédition : Pierre Péan, Le mystérieux docteur Martin (1895-1969), Paris, Librairie générale française (LGF), coll. « Le livre de poche » (no 13935), , 535 p., poche (ISBN 2-253-13935-1).
  • Roger Stéphane, Chaque homme est lié au monde : carnets, août 1939-août 1944, Paris, Bernard Grasset, coll. « Les cahiers rouges », (1re éd. 1946), 466 p. (ISBN 2-246-29192-5).
  • Jean-Raymond Tournoux, Secrets d'État, Dien Bien Phu, les paras, l'Algérie, l'affaire Ben Bella, Suez, la cagoule, le 13 mai, de Gaulle au pouvoir, Paris, Plon, , II-499 p.
  • Jean-Raymond Tournoux, L'Histoire secrète : la Cagoule, le Front populaire, Vichy, Londres, 2e Bureau, l'Algérie française, l'O.A.S., Paris, Plon, , 384 p.

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