Henri Lecourt

Henri Lecourt a écrit le premier livre en français sur la cuisine chinoise de Chine. Il fut publié à Pékin en 1925, sa préface est datée du 30 avril 1924 [1],[2],[3]. Le premier livre sur la cuisine chinoise en langue anglaise How to Cook and Eat in Chinese par Buwei Yang Chao date de 1945 [4].

De nationalité française, chef de la poste de la Concession Française de T’ien-Tsin (Tianjin) jusqu'à 1930, il avait épousé un cuisinière chinoise [5]. Il était membre de l’Ordre du Nuage de Jade Vert, fondé par son éditeur, le chansonnier Albert Nachbaur, dans sa commune de fantaisie inspirée de Montmartre - la commune libre de Pi Yu Tse - autour d'une vieille pagode qu'il avait achetée à une trentaine de km. de Pékin [5],[3],[6].

La découverte de la cuisine chinoise de Chine

L'ouvrage comprend 243 recettes (dont 3 préparations alcooliques) avec un intéressant chapitre sur les choses fumées, parmi lesquelles divers légumes fumés. Le fumage chinois « n'expose pas les aliments aux fumées de bois mais d'herbes spéciales réduites en poudre et surtout de cassonade », l'auteur apprécie les Navets excellents à la mode, demi séchés et fumés. L'auteur fournit notamment de nombreuses recettes de tofu. S'y ajoutent des considérations détaillées sur les origines de cet art culinaire, et sur les manières de table.

Malgré les efforts de l'auteur pour donner des recettes lisibles et reproductibles le livre reste largement méconnu.

Le XIXe siècle ignore la complexité de la gastronomie chinoise

Quelques auteurs avaient antérieurement diffusé des jugements souvent négatifs, voir ahurissants (« les chinoises qui mangent du rat salé deviennent généralement chauves », Journal des débats 1879 [7]) sur la cuisine chinoise qui laisseront des traces : Georges Bell (1860) avait disqualifié la cuisine chinoise : viande sans goût, « bizarres singularités » (viande de chien engraissé qu'un officier anglais prend pour du mouton, arêtes de poisson confites, pousses de bambou au vinaigre) [8]. Maurice Jametel (1887) raconte un rien méprisant un repas dans le restaurant chinois Tous les cieux, à Pékin. Le repas est en 4 services composés de 3 plats de résistance et de 12 assiettes, qu'il décrit comme insipides (soupe de nids d'hirondelle, graines de lotus) ou atrocement épicées, il est tout aussi critique face aux boissons (eau de vie de grain parfumées à la rose) [9].

A la même époque et jusqu'à la fin de la première guerre mondiale l'occident (USA, Grande-Bretagne, France, Espagne, etc.) reçoit une main d'oeuvre de migrants chinois non qualifiée qui, faute de moyens et de produits locaux, montent une restauration à très bas prix que Yu-Sion Live qualifie de « gargotes communautaires » [10],[11],[12],[13],[14]. Les pays occidentaux vont apprendre à connaitre une cuisine chinoise simplifiée, adaptée, différente des cuisines de Chine, même si au début du XXe siècle les revues coloniales et la presse découvrent un cuisine chinoise « variée et délicate » [15],[16],[17].

Le livre d'Henri Lecourt jamais lu pour ses recettes et ses techniques culinaires

C'est en 1920 que s'ouvre à Paris le premier restaurant de cuisine chinoise de qualité : le Chung Fat Lung rue des Carmes [14]. Il reste fréquenté par des étrangers, des diplomates et est qualifié d'amusant par la chronique gastronomique de Comoedia (1938) [18]. De même, le livre de Lecourt est à peine signalé dans la presse, qui n'en voit pas l'apport, catégorie divers [19],[20]. Prosper Montagné le lit et le qualifie (1930) « d'un des livres les plus intéressants écrit sur la cuisine chinoise », mais il n'en retient pas les recettes ou les techniques, il écrit que cette cuisine peut « inspirer une répugnance instinctive pour des mets méconnus » [21].

Raymond Dumay, qui reconnaît en 1997 l'originalité du travail de Lecourt, retient avant tout sa recherche sur l'origine préhistorique de la cuisine impériale [22]. Bruno Fuligni (2015) donne Henri Lecourt dans ses sources des Gastronomes de l’extrême et des horreurs de l'alimentation [23],[24].

Bibliographie

  • Henri Lecourt. La cuisine chinoise, Pékin, Albert Nachbaur, 1925, XII+150 pages [édition originale] ; Paris : R. Laffont, 1968, 310 pages [réimpression à l'identique, l'original étant devenu introuvable].
  • Maurice Jametel (chargé de cours de chinois à Langues O'), Pékin : souvenirs de l'Empire du Milieu, Paris, Plon. 1887. 305 p.
  • Paul Morand et Philippe de Rothschild. Le souvenir d'Albert Nachbaur, Montmartre à Pékin. Paris, L’Intransigeant du 12 avril 1933 p. 6[6].

Notes et références

  1. « Henri Lecourt : La cuisine chinoise », sur Bibliothèque Chine ancienne (consulté le )
  2. « Chine - marelibri », sur www.marelibri.com (consulté le )
  3. « Portrait d'un Chinois devant une toile peinte d'un paysage, Chine, Pékin, années 1890 - Portrait d'u », sur Curiosités (consulté le )
  4. « How to Cook and Eat Chinese | Year of China », sur www.brown.edu (consulté le )
  5. « Henri Lecourt (auteur de LA CUISINE CHINOISE.) », sur Babelio (consulté le )
  6. « L’Intransigeant 12 avril 1933 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  7. « Journal des débats politiques et littéraires 19 novembre 1879 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  8. Montfort (capitaine au long cours) Auteur du texte et Georges (1824-1889) Auteur du texte Bell, Voyage en Chine du Capitaine Montfort : avec un résumé historique des événements des dix dernières années / Georges Bell, (lire en ligne)
  9. Maurice (1856-1889) Auteur du texte Jametel, Pékin : souvenirs de l'Empire du Milieu / par Maurice Jametel,..., (lire en ligne)
  10. Bernard Wong et ISM-TI, « Anciens et nouveaux migrants chinois », Hommes & Migrations, vol. 1162, no 1, , p. 57–62 (DOI 10.3406/homig.1993.1975, lire en ligne, consulté le )
  11. Vaughan Robinson, « Une minorité invisible : les Chinois en Grande-Bretagne », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 8, no 3, , p. 9–31 (DOI 10.3406/remi.1992.1335, lire en ligne, consulté le )
  12. Joaquín Beltrán Antolín, « Immigrés chinois en Espagne ou citoyens européens ? », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 13, no 2, , p. 63–79 (DOI 10.3406/remi.1997.1550, lire en ligne, consulté le )
  13. Françoise Davreu, « Le restaurant chinois aux Etats-Unis », Revue Française d'Études Américaines, vol. 27, no 1, , p. 77–85 (DOI 10.3406/rfea.1986.1222, lire en ligne, consulté le )
  14. Yu-Sion Live, « Les Chinois de Paris depuis le début du siècle. Présence urbaine et activités économiques », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 8, no 3, , p. 155–173 (DOI 10.3406/remi.1992.1342, lire en ligne, consulté le )
  15. « L’Événement 17 octobre 1900 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  16. « L’Événement 16 juillet 1900 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  17. « Revue indochinoise illustrée 1 janvier 1916 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  18. « Comœdia 15 mai 1928 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  19. « Le Petit Journal 30 décembre 1924 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  20. Agence économique de l'Indochine Auteur du texte, « Bulletin de l'Agence économique de l'Indochine », sur Gallica, (consulté le )
  21. « L’Œuvre 16 janvier 1930 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  22. Henri Dumay, Le rat et l'abeille: court traité de gastronomie préhistorique, Paris, phébus, 220 pages p. (1997)
  23. Bruno Fuligni, Les gastronomes de l'extrême, Paris, éditions du Trésor, , 160 p. p.
  24. « Vous reprendrez un filet de manchot impérial? », sur Le Soir (consulté le )
  • Alimentation et gastronomie
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