Helen Hunt Jackson

Helen Maria Hunt Jackson () est une écrivaine américaine surtout connu pour son roman Ramona (1884), consacré aux mauvais traitements infligés aux Amérindiens dans le Sud de la Californie.

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Biographie

Elle est née à Amherst dans le Massachusetts, de Nathan Welby Fiske et Deborah Waterman Vinal. Elle eut deux frères, morts peu après leur naissance, et une sœur, Anne. Son père était un pasteur protestant, écrivain et professeur de latin, grec et philosophie à Amherst College.

Sa mère mourut en 1844 et son père en 1847, la laissant aux soins d'une tante. Jusque-là, il lui avait assuré une bonne éducation : elle avait fréquenté le séminaire féminin d'Ipswich et l'Abbott Institute, un établissement dirigé par le Révérend J.S.C. Abbott à New York. Elle avait été camarade de classe de la future poétesse Emily Dickinson, née elle aussi à Amherst. Elles ont échangé une correspondance tout leur vie, mais peu de leurs lettres ont été conservées.

Illustration de l'introduction de Letters from a cat.

En 1852, Helen Fiske épousa le capitaine Edward Bissell Hunt de l'United States Army, qui mourut dans un accident militaire en 1863. Leur fils Murray Hunt était mort en 1854 d'une maladie cérébrale ; le second, Rennie Hunt, mourut de diphtérie en 1865. Helen Hunt commença à écrire après cette dernière perte.

Elle écrit des poèmes et des textes publiés dans The Nation, The Independent (New York City) (en) et Hearth and Home (en), et signés H.H[1]. Sous ces initiales, elle publie en 1879 Letters from a cat: published by her mistress for the benefit of all cats and the amusement of little children[2].

Elle fait la connaissance de Flora Haines Loughead dont elle devient l'amie intime[3].

Elle voyagea beaucoup. Durant l'hiver 1873-1874, elle se rendit à Colorado Springs pour se soigner de la tuberculose. Elle y rencontra William Sharpless Jackson, un riche banquier qui travaillait dans les chemins de fer et ils se marièrent en 1875[4]. Au cours des deux années suivantes, elle publia deux romans dans la série anonyme No Name Series, Mercy Philbrick's Choice et Hetty's Strange History[5], avant de consacrer plusieurs romans aux amérindiens. Elle mourut d'un cancer de l'estomac en 1885.

Bien qu'elle soit connue comme Helen Hunt Jackson, elle-même n'utilisa successivement que ses deux noms d'épouse : Helen Hunt, puis Helen Jackson.

Helen Jackson et la politique amérindienne des États-Unis

En 1879, son intérêt pour le sort des Amérindiens fut éveillé après avoir assisté à Boston à une conférence du chef Ponca Standing Bear, qui y décrivait l'expulsion des Poncas de leur réserve du Nebraska. Révoltée par ce qu'elle apprenait du traitement des Amérindiens par les agents du gouvernement, Jackson devint une activiste. Elle commença à enquêter et à publier le mauvais comportement du gouvernement, à faire circuler des pétitions, à récolter de l'argent et à écrire des lettres au New York Times en faveur des Poncas.

Carl Schurz en 1879.

Écrivain passionnée et prolifique, Jackson eut des échanges enflammés avec des représentants de l'État fédéral au sujet des injustices et des atrocités commises contre les Amérindiens. Une de ses cibles privilégiées était le secrétaire à l'intérieur Carl Schurz, qu'elle appela une fois « an adroit liar » (« un menteur adroit »). Elle révéla la violation éhontée des traités conclus avec les Amérindiens, et la façon dont des agents peu scrupuleux des affaires indiennes, des officiers et des colons empiétaient sur les terres indiennes et les volaient. Elle reçut le soutien de plusieurs éditeurs de journaux qui publièrent ses rapports, notamment William Hayes Ward, directeur de rédaction du New York Independent, Richard Watson Guilder du Century Magazine et Whitelaw Reid, qui publiait le Daily Tribune de New York[6].

Jackson commença aussi un livre qui condamnait les politiques indiennes fédérales et locales, ainsi que l'histoire des traités violés. En mauvaise santé à cette époque, elle l'écrivit avec une hâte désespérée. A Century of Dishonor (Un siècle de déshonneur), qui demandait une réforme significative de la politique gouvernementale à l'égard des Amérindiens, sortit en 1881. Jackson en envoya un exemplaire à chaque membre du Congrès, avec un avertissement imprimé en rouge sur la couverture : « Look upon your hands: they are stained with the blood of your relations. » (« Regardez vos mains : elles sont tachées du sang de vos cousins. ») Mais, à sa grande déception, le livre eut peu d'impact.

Ramona

Elle se rendit ensuite dans le sud de la Californie pour prendre un repos nécessaire. Elle s'y était intéressée aux missions indiennes lors d'un précédent voyage, et commença cette fois une étude en profondeur. À Los Angeles, elle rencontra Don Antonio Coronel, un ancien maire de la ville qui avait aussi été trésorier de l'État. C'était une autorité reconnue sur la vie des premiers Californiens dans la région, et aussi un ancien inspecteur des missions pour le gouvernement mexicain. Don Antonio décrivit à Jackson le triste sort des missions indiennes après 1833, lorsque des politiques sécularistes entraînèrent la vente de leurs terres et la dispersion de leurs résidents.

La plupart des accords fonciers mexicains avaient des clauses protégeant les Amérindiens sur les terres qu'ils occupaient. Mais quand les États-Unis prirent le contrôle de la région après la guerre américano-mexicaine de 1846-1848, ils ignorèrent les revendications indiennes sur leurs terres, ce qui conduisit à des évictions massives. En 1852, il y avait environ 15 000 missions indiennes dans le sud de la Californie. Lorsque Jackson visita le pays, il en restait moins de 400.

Les récits de Don Antonio firent passer Jackson à l'action. Son activité vint bientôt aux oreilles du commissaire aux affaires indiennes Hiram Price, qui recommanda qu'on l'engage comme agent du département de l'intérieur. Le rôle d'Helen Jackson était de visiter les missions indiennes et de recenser l'emplacement et l'état des diverses tribus, et de déterminer si des terres, et lesquelles, devaient être achetées pour elles. Aidée par l'agent des affaires indiennes Abbot Kinney, Jackson parcourut le sud de la Californie en tous sens et rapporta la situation lamentable qu'elle y découvrit. Une fois, elle engagea même des juristes pour protéger les droits d'une famille d'indiens Saboba menacée de perdre sa terre au pied des San Jacinto Mountains.

La mission Santa Barbara

À cette époque, Helen Jackson lut dans un journal de Los Angeles l'histoire d'un indien Cahuilla qui avait été abattu, et dont l'épouse s'appelait Ramona. Lors d'une expédition en chariot à Santa Barbara, Jackson fit halte au Rancho Camulos, dans la vallée de Santa Clarita, et à la Mission Santa Barbara, elle fit la connaissance du père Sanchez, une grande source d'inspiration pour elle.

En 1883, elle termina son rapport de 56 pages, qui demandait un effort massif du gouvernement, aussi bien pour l'achat de nouvelles terres pour les réserves que pour l'établissement de plus d'écoles indiennes. Une proposition de loi matérialisant ses recommandations fut adoptée par le Sénat des États-Unis mais échoua à la Chambre des représentants.

Helen Jackson ne fut pas découragée par ce rejet. Elle décida d'écrire un roman qui décrirait l'expérience des Amérindiens « d'une manière propre à émouvoir ». Une de ses inspirations pour ce projet fut La Case de l'oncle Tom, écrit bien des années plus tôt par son amie Harriet Beecher Stowe.

« If I can do one-hundredth part for the Indian that Mrs. Stowe did for the Negro, I will be thankful », écrivit-elle à un ami (« Si je peux faire pour les indiens le centième de ce que Mrs. Stowe a fait pour les noirs, je serai satisfaite. ») Jackson avait été particulièrement marquée par le sort de ses amis amérindiens de la vallée de Temecula, dans le comté de Riverside, et décida de raconter dans son roman ce qui leur était arrivé. Elle jeta les bases de son livre au Grapevine Inn à San Gabriel, mais ne commença effectivement son écriture qu'en , dans une chambre d'hôtel de New York, sous le titre In The Name of the Law (au nom de la loi) ; elle le termina en un peu plus de trois mois. Ramona relate dans un langage simple la vie d'une orpheline mi-indienne élevée dans la société espagnole de Californie et celle de son mari indien Alessandro. Il fut publié en 1884 et remporta un succès presque immédiat.

Encouragée par la popularité de ce livre, Jackson songea à écrire un livre pour enfants sur le même thème, mais moins d'un an plus tard, alors qu'elle enquêtait sur les indiens de Californie en tant qu'envoyée spéciale du gouvernement, elle mourut du cancer à San Francisco.

Sa dernière lettre était adressée au président Grover Cleveland, le suppliant de lire son premier livre, A Century of Dishonor. Helen Jackson avait déclaré à un de ses amis : « Mon "Siècle de déshonneur" et "Ramona" sont les seules choses que je suis heureuse d'avoir faites. Ils vivront et porteront des fruits. »

Une représentation de The Ramona Pageant en 1950.

Ramona fut vu plus comme une histoire d'amour romantique que comme un appel à des réformes politiques. Le roman a connu d'innombrables éditions et est encore publié, de même que A Century of Dishonor et plusieurs de ses livres de poésie. L'histoire de Ramona a inspiré de nombreuses pièces de théâtre et au moins quatre films, mettant en scène Mary Pickford, Dolores del Río, Loretta Young et Don Ameche. Chaque année depuis 1923, la ville californienne d'Hemet propose une représentation de plein air de The Ramona Pageant, un spectacle adapté du roman. (C'est depuis 1993 la pièce de plein air officielle de la Californie[7].)

La biographe Valerie Sherer Mathes écrit : « Ramona n'a peut-être pas été une autre Case de l'oncle Tom, mais il a servi, comme les textes de Jackson sur les missions indiennes de Californie, de catalyseur pour d'autres réformateurs[8]... (...) Helen Hunt Jackson se souciait vraiment des indiens de Californie. Elle s'en souciait assez pour miner sa santé en consacrant ses dernières années à améliorer leurs vies. Ses textes furent donc un héritage durable pour d'autres réformateurs, qui aimèrent assez son œuvre pour poursuivre sa lutte et essayer au moins d'améliorer la vie des premiers habitants de l'Amérique. »[9]

Sources

Notes et références

  1. Willard et al. et 1893 p.414.
  2. Lire en ligne .
  3. (en) Frances Elizabeth Willard et Mary Ashton Rice Livermore, A woman of the century; fourteen hundred-seventy biographical sketches accompanied by portraits of leading American women in all walks of life, Buffalo, N.Y., Moulton, , 832 p. (lire en ligne), p. 475.
  4. Phillips, Kate (2003). Helen Hunt Jackson: A Literary Life, p. 168-71. University of California Press. (ISBN 0520218043).
  5. (en) Carol E. Schmudde, « Sincerity, Secrecy, and Lies: Helen Hunt Jackson's No Name Novels », Studies in American Fiction, BNET, spring, 1993 (consulté le )
  6. Mathes, Valerie Sherer. 1992. Helen Hunt Jackson and Her Indian Reform Legacy. Austin, TX: University of Texas Press, p. xiv
  7. (en) Décision officielle du Sénat de Californie
  8. « Ramona may not have been another Uncle Tom's Cabin, but it served, along with Jackson's writings on the Mission Indians of California, as a catalyst for other reformers.... » Mathes, op. cit. p. 159.
  9. « Helen Hunt Jackson cared deeply for the Indians of California. She cared enough to undermine her health while devoting the last few years of her life to bettering their lives. Her enduring writings, therefore, provided a legacy to other reformers, who cherished her work enough to carry on her struggle and at least try to improve the lives of America's first inhabitants. » Mathes, op. cit. p. 161.

Œuvres en ligne (en anglais)

Liens externes

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