Hanged, drawn and quartered

Hanged, drawn and quartered (en français : pendu, traîné sur une claie jusqu'à la potence et mis en quart ou équarri[1]) est un supplice pratiqué en Grande-Bretagne pendant cinq siècles pour punir le crime de haute trahison, considéré comme plus vil que l'assassinat et justifiant d'une peine plus exemplaire.

Supplice de Hugues le Despenser, (Chroniques de Froissart, BNF).

La peine d'être tranché en quatre quartiers était réservée aux hommes, pour les femmes, cette peine était commuée en brûlement du cadavre sur un bûcher et dispersion des cendres aux quatre vents.

Au Royaume-Uni, la dernière application de cette forme de supplice a été exécutée sur une personne vivante en 1810, mais était encore pratiquée de façon symbolique sur les cadavres jusqu'en 1870.

Origines du châtiment

Illustration tirée de la Chronica Majora de Matthew Paris : William de Marisco est traîné par un cheval jusqu'au lieu de son exécution (vers 1242).

La première mention d'un tel châtiment remonte au XIIIe siècle : elle est rapportée par la chronique de Matthew Paris (cf. illustration ci-contre) qui écrit comment, en 1238 « un certain homme d'arme, un homme d'éducation [armiger literatus] tenta de tuer le roi Henri III » et comment il fut puni[2] : « à Coventry, tiré par des chevaux à travers la ville, puis décapité, et son corps divisé en trois parties ; chaque partie étant exposée dans les principales villes d'Angleterre, pour être ensuite suspendue au gibet destiné aux voleurs »[3].

Détail du châtiment

Après avoir été roué, ce supplicié est décapité puis son corps découpé (gravure d'origine inconnue).

Jusqu'en 1870, date de son abolition[4], le détail complet de la peine infligée au condamné était le suivant :

  • être traîné, nu, sur une claie (un treillage de bois) dans les rues jusque sur les lieux de l'exécution ;
  • être pendu par le cou, sans que mort s'ensuive (il s'agit d'un étranglement pour étourdir le supplicié) ;
  • être éventré, éviscéré et émasculé. Les intestins, les viscères et les organes génitaux sont ensuite brûlés devant les yeux de la victime. Le cœur n'est retiré qu'en dernier ;
  • être décapité et équarri, le corps étant divisé en quatre morceaux, cinq en comptant la tête.

Les morceaux équarris étaient traditionnellement exhibés sur des gibets dans différents endroits de la ville pour dissuader d'éventuels traîtres. L'exposition sur gibet fut abolie en Grande-Bretagne en 1843.

Il y a une confusion parmi les historiens actuels pour déterminer si le terme drawing s'emploie pour l'action de transporter le supplicié jusque sur les lieux de l'exécution ou s'il s'agit en fait de l'action d'éventrer (ce qui expliquerait pourquoi le mot drawing est placé après le mot hanged)[5]. Deux mots différents ont été employés dans le rapport officiel de la parodie de procès que subit William Wallace (detrahatur pour l'action de traîner et devaletur pour l'éventrement)[réf. nécessaire]. Le rapport officiel se montrait néanmoins beaucoup plus explicite. Celui du procès de Thomas Wallcot, John Rouse, William Hone et William Blake pour outrage au roi du se conclut par[réf. nécessaire] :

« La Sentence fut exécutée telle que suit, c.-à-d. qu'ils devront revenir à l'endroit d'où ils sont issus, et de là ils devront être traînés jusqu'à la place Commune d'Exécution par une Claie. Ils y seront Pendus par leurs Cous, puis découpés vivant et leurs Membres-Privés seront tranchés, leurs Boyaux extraits et brûlés devant leurs Visages, leurs Têtes tranchées de leurs Corps, et leurs Corps divisés en quatre morceaux dont le Roi disposera comme bon lui semble. »

Suppliciés célèbres

Exécution de Thomas Armstrong[6] en 1684 : après avoir été pendu, son corps est démembré. La potence se trouve en arrière-plan (gravure de Jan Luyken).

Dans la continuité de son prédécesseur, le roi Édouard Ier d'Angleterre institua l'application de ce châtiment. Les chefs des résistances galloise et écossaise y furent soumis, afin de faire des exemples et de tuer dans l'œuf toute future révolte. La procédure est codifiée pour la première fois lors du vote par le Parlement anglais du Treason Act (en) en 1351 et distingue deux formes de crimes : la trahison d'un serviteur pour son seigneur, et la haute trahison, qui vise la personne du roi et son domaine : c'est pour ce dernier crime que le châtiment de hanged, drawn and quartered est réellement appliqué.

Comme ce châtiment est considéré comme suprême et n'est appliqué que dans d'assez rares cas, la plupart des suppliciés sont demeurés célèbres[réf. nécessaire] :

Exécutions des cinq comploteurs de la rue Cato (1820).

En 1806, de nombreux juristes commencèrent à vouloir commuer l'application de cette peine en simple pendaison, sous l'influence de théoriciens comme Jeremy Bentham : la cause fut entendue et le parlement vota un nouveau Treason Act en 1814 : le condamné pour crime de haute trahison serait désormais pendu puis son cadavre décapité. C'est ce qui se passa pour Jeremiah Brandreth (en), accusé de complot contre l'État, et exécuté le  : à Derby, la tête fut présentée à la foule qui poussa des cris d'horreur et s'indigna. Il fut donc décidé de n'exécuter qu'entre les murs d'une prison. Mais, le , quand sont pendus puis décapités les cinq hommes impliqués dans le complot de la rue Cato (Londres), le public présent en dehors de la cour de la prison de Newgate, frustré, s'en prend au chirurgien chargé de la décollation, regrettant qu'il n'utilise pas une hache : le scandale est tel que ce fut la dernière fois qu'on décapita un homme en Angleterre[7].

Cas où le châtiment ne fut pas poursuivi jusqu'au bout

  • Thomas More fut condamné à être pendu, traîné et éviscéré, mais le roi Henri VIII commua cette sentence en décapitation. L'exécution eut lieu le .
  • Thomas Culpeper est jugé pour trahison, en (ainsi que Francis Dereham). Condamné à mort, Culpeper, probablement grâce à son ancienne intimité avec le roi, a sa sentence commuée en simple décapitation. Il est exécuté avec Dereham à Tyburn, le .
  • Pendant la guerre civile anglaise (16391651), le premier parlementaire célèbre capturé par les royalistes fut John Lilburne. Ceux-ci pensèrent l'exécuter pour trahison, mais le parlement menaça de faire de même avec leurs prisonniers. Lilburne échappa donc au supplice et fut échangé contre des prisonniers.
  • Édouard Marcus Despard et ses six complices furent également condamnés pour avoir comploté l'assassinat de George III (17381820). Ils échappèrent néanmoins à l'éviscération et à l'équarrissage à la dernière minute et furent « seulement » pendus et décapités.
  • En 1817, les trois meneurs de l'insurrection de Pentrich furent reconnus coupables de haute trahison, mais n'eurent qu'à subir la pendaison et, après décès, la décapitation.
  • En 1820, Arthur Thistlewood et quelques autres subirent ce châtiment, mais l'équarrissage ne figurait pas sur le rapport de leur supplice : ils furent pendus puis, après décès, décapités.

Lors des rébellions contre la Couronne, on réservait ce châtiment à quelques-uns des meneurs rebelles, les autres étant plutôt simplement pendus ou envoyés aux colonies pénitentiaires, voire graciés. On considère les « Assises sanglantes » du juge Jeffreys qui punit la rébellion de Monmouth comme un exemple extrême, mais les insurrections qui eurent lieu en Irlande ou en Écosse furent matées avec tout autant de fermeté.

Pendant la guerre d'indépendance américaine (17751783), les coloniaux capturés étaient traités comme des prisonniers de guerre plutôt que comme des traîtres et échappèrent à ce supplice[réf. nécessaire]. Mais, dans des cas isolés, il est arrivé que des Tories ou des Insurgents locaux appliquassent ce type de sentences : ainsi, en 1781, au Maryland, le juge Alexander Contee Hanson condamna à cette peine sept loyalistes ayant essayé de délivrer des prisonniers de guerre britanniques, peine qui sera exécutée ; l'année suivante, cette peine fut abolie au Maryland[8]. De même, au Delaware, plusieurs loyalistes reçurent de telles peines, mais elles semblent avoir été commuées[9].

Ceux qui étaient punis du crime de petite trahison étaient traînés jusqu'au lieu de l'exécution et pendus jusqu'à ce que mort s'ensuive, mais pas obligatoirement équarris. Par contre, les femmes jugées coupables de petite ou de haute trahison allaient au bûcher afin d'éviter de devoir présenter leur nudité[10].

Témoignage

Samuel Pepys décrit l'exécution en 1660 du major général Thomas Harrison, régicide pour avoir signé l'ordre d'exécution de Charles Ier :

« Chez milord le matin ; j’y rencontrai le capitaine Cuttance. Mais, comme milord n’était pas levé, je me rendis à Charing Cross pour y voir le major général Harrison pendu, écartelé et taillé en quartiers : il semblait aussi joyeux qu’on pouvait l’être dans sa situation. On coupa la corde sur-le-champ et sa tête et son cœur furent montrés au peuple, ce qui provoqua de grandes clameurs de joie. À ce qu’on dit, il déclara qu’il était sûr d’être appelé bientôt à la droite du Christ pour juger ceux qui venaient de le juger. Et que sa femme s’attend à ce qu’il revienne sur terre. Ainsi le hasard voulut que je visse le roi décapité à Whitehall et le premier sang versé pour venger le sang du roi à Charing Cross. »

 Samuel Pepys, Journal. Tome I 1660-1664, Robert Laffont, « Bouquins », 1994, p. 218

Mise en œuvre de la peine

Interprétations des circonstances

Le crime de trahison ou d'outrage au roi (ou à la reine) est souvent assimilé à la tentative de régicide. Un ensemble de lois a été voté au fur et à mesure de l'histoire de l'Angleterre afin d'interpréter comme trahison ou outrage certaines actions qui pouvaient être considérées comme nuisant à l'autorité de la monarchie constitutionnelle.

Ce fut, par exemple, ce qui arriva à William Burnet quand il fut condamné le pour outrage au roi pour avoir « souvent pris à cœur la réconciliation de divers sujets Protestants de sa Majesté avec l'Église Romaine, et en avait perverti plusieurs pour qu'ils embrassent la Religion Catholique Romaine, et avait soutenu la suprématie des Papes. » En d'autres termes, il était arrivé en Angleterre pour convertir des protestants au catholicisme. Dans la même lignée, John Morgan fut ainsi châtié le 30 avril 1679 pour avoir reçu des ordres de l'évêché de Rome et s'être ensuite rendu en Angleterre, « prouvant ainsi solidement qu'il était un Prêtre et avait fait la Messe. » Ce même jour, deux autres personnes furent déclarées coupables d'outrager le roi pour « frappe de monnaie et contrefaçon » et reçurent le châtiment[réf. nécessaire]. De même, en octobre 1690, Thomas et Anne Rogers furent jugés pour avoir « Rogné 40 pièces d'argent ». Thomas Rogers fut traîné, pendu et équarri et Anne fut brûlée vive.

Application selon le rang social

En Grande-Bretagne, on réservait en général ce supplice pour les roturiers et les chevaliers (avec l'exception de Dafydd ap Gruffydd qui était un prince gallois). Les nobles étaient « seulement » décapités, d'abord par l'épée, puis à la hache.[réf. nécessaire] Cette différence de traitement devint clairement établie après la rébellion des Cornouaillais de 1497. Tandis que Michael An Gof et Thomas Flamank, de basse extraction, durent subir le supplice dans leur entier, leur chef, Lord Audley ne fut « que » décapité à Tower Hill[11].

Cette distinction de classe sociale fut amenée devant un débat de la chambre des communes de 1680 afin de décider du mode d'exécution de Lord Stafford. Lorsque celui-ci apprit qu'il devait être traîné, pendu et équarri, il dit[12]:

« La mort n'est que la substance du Jugement, la méthode n'est que circonstance. Nul homme ne peut me montrer l'exemple d'un Noble qui a jamais été équarri pour Haute Trahison. Ils n'ont jamais été que décapités. »

La chambre décréta donc que « l'exécution de Lord Stafford aura lieu en tranchant sa Tête de son Corps. »

En 1946, William Joyce est la dernière personne à être condamnée à mort pour haute trahison sur le sol britannique : ayant pactisé avec les nazis, il ne fut que pendu. Cependant, le crime de haute trahison reste sévèrement puni dans ce pays et peut conduire à la peine d'emprisonnement à vie[13].

Considérations religieuses

Le démembrement des corps après la mort était vu par beaucoup de contemporains comme une façon de punir le traître par delà la mort. Jusqu'à récemment[Quand ?], dans les pays de l’Occident chrétien, on croyait que le jour du jugement dernier, le corps se devait d'être entier, et de préférence enterré avec les pieds tournés vers l'est si l'on voulait pouvoir se lever en faisant face à Dieu. Une loi du parlement lors du règne de Henri VIII disposait que seuls les corps des meurtriers exécutés pouvaient être utilisés pour la dissection. Il y a eu des cas où des meurtriers plaidaient coupable pour un autre crime que le meurtre, bien que toujours passible de pendaison, afin qu'ils puissent être néanmoins enterrés entiers et ne pas être disséqués. Ainsi, punir le traître par un équarrissage rendait son sort encore moins enviable que celui des meurtriers.

L'attitude envers ceci changea très lentement en Grande-Bretagne et ce changement ne se manifesta pas avant la loi sur l'anatomie de 1832. Mais pour une grande partie de la population ce ne fut pas avant le XXe siècle que fut acceptée l'idée selon laquelle Dieu peut ressusciter les morts quand bien même le corps des défunts serait mutilé. Néanmoins, le respect de l'intégrité des morts reste encore un sujet particulièrement sensible comme ce fut démontré par le scandale des organes d'Alder Hey (en) dans les années 1990 où des organes d'enfants avaient été prélevés sans le consentement des parents[14].

Mentions dans la littérature

  • Dans Henry V de Shakespeare, la cabale française pour tuer le roi Henri V avant son départ pour la France est éventée. Deux des conspirateurs (Lord Scroop et le comte de Cambridge) qui sont nobles sont décapités tandis que Thomas Grey est traîné et équarri.
  • Dans les séries de romans de fantasy de Robin Hobb The Farseer Trilogy et The Tawny Man Trilogy (parus en français sous les titres Cycle de l'Assassin Royal et Les Aventuriers de la Mer), ceux qui sont suspectés d'avoir le « Vif » (d'être capable de parler aux animaux) sont traînés et équarris.

Équivalent français

En France, le régicide ou la tentative de régicide sous l'Ancien Régime était souvent puni par l'écartèlement ou l'équarrissage, mais le procédé différait sensiblement de la version anglaise : le supplicié était d'abord questionné à l'aide de tenailles chauffées au fer rouge, puis la main qui avait frappé était brûlée au soufre tandis que l'on déversait du plomb fondu, de la cire et de l'huile bouillante sur les blessures. L'écartèlement se faisait ensuite en attachant les membres de la victime à des chevaux qui les arrachaient en tirant dessus. Souvent les membres étaient entaillés afin de faciliter le processus. Enfin, le tronc était brûlé.

Les écartelés célèbres furent :

Toutes ces exécutions avaient lieu sur la place de Grève.

Notes et références

Notes

    Références

    1. C'est-à-dire démembré, puis décapité.
    2. (en) F. M. Powicke, Ways of Medieval Life and Thought, New York, Biblo & Tannen Publishers, 1949, p. 54-58extrait en ligne.
    3. La Chronica rapporte en latin : « Rex eum, quasi regiae majestatis (occisorem), membratim laniatum equis apud Coventre, exemplum terribile et spectaculum comentabile praebere (iussit) omnibus audentibus talia machinari. Primo enim distractus, postea decollatus et corpus in tres partes divisum est. », d'après (en) J. A. Giles, Matthew Paris's English history: From the year 1235 to 1273, Londres, H. G. Bohn, 1852, volume 1, p. 139extrait en ligne.
    4. Aboli par le vote du Forfeiture Act 1870 (en), article détaillé sur wikipedia.en.
    5. Denney, Patrick., Foul deeds & suspicious deaths in & around Colchester, Wharncliffe, (ISBN 978-1-78340-823-8 et 1-78340-823-5, OCLC 855220909, lire en ligne).
    6. (en) Thomas Armstrong (English politician) (en), officier anglais, ancien parlementaire : détail de sa biographie sur wikipedia.en.
    7. (en) Geoffrey Abbott, Execution, a Guide to the Ultimate Penalty, Chichester, (West Sussex), Summersdale Publishers, 1994, p. 161–162.
    8. (en) Arthur S. Lefkowitz, George Washington's Indispensable Men : Alexander Hamilton, Tench Tilghman, and the Aides-de-Camp Who Helped Win American Independence, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-0-8117-6808-5, lire en ligne), p. 55.
    9. (en) Harry M. Ward, "Going Down Hill" : Legacies of the American Revolutionary War, Academica Press,LLC, (ISBN 978-1-933146-57-7, lire en ligne), p. 56-57.
    10. (en) The Nineteenth Century and After, vol. 2, Constable, (lire en ligne), p. 202.
    11. (en) The Manual of Rank and Nobility, Or Key to the Peerage : Containing the Origin and History of All the Various Titles, Orders, and Dignities, Hereditary Honours, Peculiar Privleges, Heraldic Distinctions, Rights of Inheritance, Degrees of Precdence, Court Ettiquette, &c., &c., of the British Nobility : with the Origin and History of the Royal Titles, Prerogatives, Ceremonies, Great Officers of State and of His Majesty's Household &c., &c, Saunders and Otley, (lire en ligne), p. 290-291.
    12. (en) The British Chronologist : Comprehending Every Material Occurrence, Ecclesiastical, Civil, Or Military, Relative to England and Wales, from the Invasion of the Romans to the Present Time, G. Kearsley, (lire en ligne), p. 288.
    13. (en) History of Treason, par Ben Darlow, dans The New Jurist, 18 mai 2014.
    14. (en) D. Hall et J. Lilleyman, « Reflecting on Redfern: What can we learn from the Alder Hey story? », Archives of Disease in Childhood, no 84, , p. 455–456 (DOI 10.1136/adc.84.6.455, lire en ligne).

    Voir aussi

    Articles connexes

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