Hôtel de préfecture du Val-d'Oise

L'hôtel de préfecture du Val-d'Oise est un bâtiment édifié à la fin des années 1960 dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise pour accueillir les services préfectoraux d'un des départements qui venaient d'être créés en Île-de-France : le Val-d'Oise. Cas unique en France métropolitaine, il est situé sur le territoire de la commune de Cergy, alors que le chef-lieu du département est la commune limitrophe de Pontoise.

Histoire

La construction de cet édifice fait suite à la création du département du Val-d'Oise, dans le cadre de la réorganisation de la région parisienne. Décidée en 1964, cette création n'est devenue effective que le  ; durant l'intervalle, un préfet délégué a été nommé en la personne d'André Chadeau.

Dans un premier temps, ses services préfectoraux ont occupé des préfabriqués à Pontoise (commune choisie comme chef-lieu du département en 1965), sur un terrain que le conseil général de Seine-et-Oise avait acheté pour y construire une école normale d'instituteurs[1].

Pour remplacer ces locaux provisoires, Paul Delouvrier, alors délégué général au district de la région de Paris, s'est vu proposer plusieurs édifices par le sénateur de Seine-et-Oise et maire de Pontoise, Adolphe Chauvin, parmi lesquels[2],[3],[4] :

L'emplacement de la préfecture a été choisi par Paul Delouvrier au cours d'une reconnaissance par hélicoptère.

Delouvrier, qui n'était pas satisfait de ces propositions, a décidé de bâtir un nouvel édifice, dont il a choisi l'emplacement au cours d'une reconnaissance par hélicoptère[2]. À l'époque, l'emplacement était occupé par des champs. Ce choix, acte fondateur transcrivant territorialement un projet politique[5], résulte d'une vision audacieuse consistant à bâtir d'abord la préfecture afin que le reste suive, commerces, services, logements[6]. La construction de la préfecture fut ainsi le premier chantier de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise[7].

La préfecture a été bâtie sur les plans de l'architecte Henry Bernard (assisté de Robert Decosse et Pierre Mougin), et décoré par Joseph-André Motte, avec des sculptures de François Stahly[8].

Bernard a présenté les études préliminaires au préfet Chadeau en [9]. La construction a débuté après que les agriculteurs de Cergy, opposés à l'expropriation des terres qu'ils exploitaient pour permettre la construction de la ville nouvelle, eurent évacué le le terrain destiné à accueillir la préfecture, qu'ils occupaient depuis le . Devant l'échec des négociations sur le montant des indemnisations, ils ont réitéré leur action en en interrompant le chantier, entraînant l'intervention des CRS[3],[10]. Le bâtiment a finalement été inauguré le [11] par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Raymond Marcellin[3] (une plaque commémore cette inauguration[12]), et a ensuite donné son nom au quartier qui s'est construit autour de lui : Cergy-Préfecture.

Parc

Le parc de la préfecture a été créé en 1973 par le paysagiste Allain Provost[13]. Il a depuis reçu le nom de François Mitterrand, ancien président de la République française, et a bénéficié d'une rénovation[14] entre [15] et [16].

Architecture

Description

Le bâtiment utilise l'encorbellement de manière à former une pyramide renversée, le tout posé sur un socle vitré[17]. L'ensemble mesure 20 mètres de haut, sur six étages, et occupe au sol un carré de 60 mètres de côté[18], pour un total de 27 600 m2 de plancher[19]. Fait de béton précontraint, d'aspect poli, ses fenêtres ont un châssis d'aluminium[18].

Critique

Le motif de la pyramide inversée est semblable à l'hôtel de ville de Boston[20],[21],[22] quoique la référence ne semble pas avoir été revendiquée par l'architecte[23].

Le travail de l'architecte Henry Bernard répond à la demande d'un « témoignage d'architecture contemporaine » formulée par le ministère de la Culture (dirigé à l'époque par André Malraux), chargé de la maîtrise d'ouvrage[20].

Bernard résume en ces termes sa volonté de l'ouvrir sur l'extérieur : « plutôt que de faire la préfecture au fond d'une place, j'ai tenté de faire une place au milieu de la préfecture »[24] ; il souhaite en faire une « maison de verre », qui est « transparente et accessible en permanence »[25].

Pourtant, Ionel Schein commente ainsi son œuvre dans Paris construit : « L'ensemble des préfectures construites ou actuellement en construction gardent, toutes, une fidélité, un attachement à la notion napoléonienne de représentativité et de « gardiennage » de l'ordre public assumée par le haut fonctionnaire, maître des lieux. Faire une préfecture en forme de pyramide posée sur sa pointe, est-ce une prouesse idéologique ? Est-ce un renversement des valeurs ? Non, pas ici : bien au contraire. L'architecture est ici contemporaine du temps historique de sa construction. Toute autre interprétation est vaine. »[26]. D'autres auteurs soulignent la parenté de la forme pyramidale avec les pyramides d'Égypte et le pouvoir pharaonique[27]. Et même si la référence n'est probablement pas délibérée, il reste la volonté d'imposer une forme clairement identifiable[28]. D'autres enfin, voient dans le travail de Bernard un « style pompier » et une « architecture-cendrier » en référence à la forme de l'édifice[21].

Quoi qu'il en soit, l'architecture du bâtiment, diversement reçue, n'a pas vraiment permis de rassembler les habitants, la ville se développant autour de plusieurs pôles sur des modèles urbains distincts[5].

Lors de la Biennale d'architecture de Venise en 2012, Rem Koolhaas a présenté la préfecture avec d'autres bâtiments publics construits dans divers pays européens, dans son exposition intitulée Public Works: Architecture by Civil Servants[29].

Cinématographie

Dans le film I… comme Icare, sorti en 1979, la préfecture tient lieu de palais du gouvernement pour l'État fictif dans lequel se déroule l'action[30],[31],[32].

Éric Rohmer, qui qualifie la préfecture de « chose à l'envers »[33], a tourné L'Ami de mon amie en 1987 dans le quartier ; le film s'ouvre ainsi sur le parvis du bâtiment[34].

D'autres tournages ont eu lieu à la préfecture, comme pour le film Je ne sais pas si c'est tout le monde de Vincent Delerm en 2019[35] ou pour le clip Je suis un homme de Twins Phoenix en 2016[36],[37].

Références

  1. Hirsch 1990, p. 54.
  2. Bernard Hirsch (préf. Jean-Eudes Roullier et Guy Salmon-Legagneur), L'invention d'une ville nouvelle, Cergy-Pontoise, 1965-1975 : Récit d'un témoin, Paris, Presses de l'École nationale des ponts et chaussées, , 293 p. (ISBN 2-85978-140-4), p. 34.
  3. Vincent Girard, C'était la ville nouvelle : Récit de la fondation de Cergy-Pontoise, Paris, Somogy, , 143 p. (ISBN 2-85056-617-9), p. 21.
  4. Bernard Hirsch, Institut Paul-Delouvrier et Programme d'histoire et d'évaluation des villes nouvelles françaises, L'aménagement de la région parisienne, 1961-1969 : Le témoignage de Paul Delouvrier accompagné par un entretien avec Michel Debré, Paris, Presses de l'École nationale des ponts et chaussées, , 220 p. (ISBN 2-85978-374-1), p. 105.
  5. Alain Charre, Ateliers de maîtrise d'œuvre urbaine de Cergy-Pontoise, Maîtrise d'œuvre urbaine : La théorie voilée, Sprimont, Mardaga, , 180 p. (ISBN 2-87009-832-4), p. 39.
  6. (en) Beth S. Epstein, Collective Terms : Race, Culture, and Community in a State-Planned City in France, New York, Berghahn, coll. « Berghahn Monographs in French Studies » (no 10), , 190 p. (ISBN 978-0-85745-084-5), p. 44–45.
  7. Gilles Plum, « Inventaire des préfectures et sous-préfectures », Monuments historiques, no 178, , p. 117–133 (133).
  8. Jacques Lucan, Architecture en France, 1940-2000 : Histoire et théories, Paris, Le Moniteur, coll. « Architextes » (no 11), , 375 p. (ISBN 2-281-19146-X), p. 211.
  9. « Préfecture du Val-d'Oise », Annales de l'Institut technique du bâtiment et des travaux publics, vol. 22, no 258, .
  10. Caroline de Saint-Pierre, La fabrication plurielle de la ville : Décideurs et citadins à Cergy-Pontoise, 1990-2000, Paris, Créaphis, , 311 p. (ISBN 2-913610-12-9), p. 35.
  11. « Cergy : la préfecture du Val-d'Oise a 45 ans ! », Le Parisien, (lire en ligne).
  12. Laurent Kruszyk, « Plaque commémorant l'inauguration de la préfecture de Cergy, le par Raymond Marcellin, ministre de l'Intérieur », IVR11_20159500016NUC4A, illustration de Cueille, Noyer-Duplaix et Philippe 2012.
  13. Corinne Meynial et Pascale Hermann pour l'IAURIF, « Parc de la préfecture », inventaire général du patrimoine culturel (jardins remarquables, documentation préalable), notice no IA95000046, 1989, sur la base Mérimée, ministère de la Culture.
  14. « La rénovation du parc François Mitterrand », Communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, .
  15. Sarah Nafti, « Le parc de la préfecture fait peau neuve », Le Parisien, .
  16. Julia Legendre, « Une rénovation à 5 M€ pour le parc de la préfecture », Le Parisien, .
  17. Joseph Abram et Gérard Monnier (dir.), L'architecture moderne en France de 1889 à nos jours, vol. 2 : Du chaos à la croissance, 1940-1966, Paris, A. et J. Picard, coll. « Librairie de l'architecture et de la ville », , 327 p. (ISBN 2-7084-0556-X), p. 201.
  18. Alice Morgaine, « Architecture : Le grand chambardement des préfectures », L'Express, no 842, 7-13 août 1967, p. 31.
  19. Dominique Amouroux, Marco Crettol et Jean-Pierre Monnet, Guide d'architecture contemporaine en France, Paris, L'Architecture d'aujourd'hui, Technic-Union, , 407 p., p. 358, notice no 442.
  20. de Saint-Pierre 2002, p. 48.
  21. Hirsch 1990, p. 82.
  22. Christian Dupavillon, « Architecture officielle : La façade des institutions », L'Architecture d'aujourd'hui, no 208, , p. 41–46 (45).
  23. Noyer-Duplaix et Philippe 2018.
  24. Jean-Yves Andrieux et Marie Lavin (pistes pédagogiques) (préf. Jean-François Sirinelli), L'architecture de la République : Les lieux de pouvoir dans l'espace public en France, 1792-1981, Paris, SCÉRÉN-CNDP, coll. « Patrimoine références », , 301 p. (ISBN 978-2-240-02631-6 et 2-240-02631-6), p. 184.
  25. Sophie Cueille, Léo Noyer-Duplaix et Emmanuelle Philippe, « Préfecture du Val-d'Oise », , pour l'Inventaire général du patrimoine culturel, sur le site du Conseil régional d'Île-de-France, notice no IA95000410.
  26. Cité dans Louis Valensi, « Paris Construit ou d'une exposition qui l'est insuffisamment », L'Information d'histoire de l'art, vol. 16, no 5, , p. 229.
  27. Marcel Cornu, Conversations avec Bobigny, Paris, Messidor, , 189 p. (ISBN 2-209-06126-1).
  28. Bertrand Lemoine, « Les préfectures contemporaines », Monuments historiques, no 178, , p. 32–37 (36).
  29. (en) Bernd Nicolai, « New Monumentalism in Contemporary Architecture », Anglia (en), vol. 131, nos 2–3, , p. 297–313 (300–301) (DOI 10.1515/anglia-2013-0038).
  30. Éric Bureau, « Le président d'« I... comme Icare » a été assassiné à Cergy », Le Parisien, (lire en ligne).
  31. Jacques Bayle et Marie-Claire Gautier, « Tournage du film de Verneuil à Cergy-Pontoise », FR3 Paris, 15 mai 1979, sur le site de l'INA.
  32. Marc Lemonier, Guide des lieux cultes du cinéma en France, Paris, Horay, coll. « Guide Horay », , 423 p. (ISBN 2-7058-0421-8), p. 209 et 228.
  33. Antoine de Baecque, « Architecture-fiction », Libération, (lire en ligne).
  34. Françoise Puaux, Architecture, décor et cinéma, Condé-sur-Noireau, Charles Corlet, et Paris, Télérama, coll. « Cinémaction » (no 75), 1995, 216 p. (ISBN 2-85480-879-7), p. 184.
  35. « Vincent Delerm : Je ne sais pas si c'est tout le monde, 2016 », sur Val d'Oise Terre de cinéma.
  36. « Twins Phoenix : Je suis un homme, 2016 », sur Val d'Oise Terre de cinéma.
  37. « Twins Phoenix feat. Mood - Je suis un homme (zazie cover) », sur YouTube, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Léo Noyer-Duplaix et Emmanuelle Philippe, « La préfecture du Val-d’Oise édifiée par Henry Bernard à Cergy-Pontoise », In Situ, no 34, (DOI 10.4000/insitu.16024)

Articles connexes

Lien externe

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