Grotte du Cheval (Arcy-sur-Cure)

La grotte du Cheval est l'une des cavités du site des grottes d'Arcy-sur-Cure dans le département de l'Yonne, en Bourgogne, région administrative Bourgogne-Franche-Comté, France.

Cet article concerne la grotte du Cheval à Arcy-sur-Cure dans l'Yonne, France. Pour les articles homonymes, voir Grotte du Cheval (homonymie).

Elle est inscrite comme Monument historique depuis 1992[1]. Avec la Grande grotte, elle est l'une des deux cavités ornées du site, avec des gravures remontant au Gravettien (début du Paléolithique supérieur).

Situation

Elle se trouve dans la vallée de la Cure en amont d'Arcy-sur-Cure[2], à environ 230 m en amont de la Grande grotte. Son entrée est en dessous de 130 m d'altitude[N 1] et donc à moins de 10 m au-dessus du niveau actuel de la Cure, cette dernière approchant 121 m d'altitude à ce stade de son parcours[2].

Description

Son développement[N 2] est de 90 m, pratiquement sans dénivelé[3]. Son entrée a été murée pour protéger les gravures et ses dépôts préhistoriques[N 3].

D'accès malaisé, on ne peut y pénétrer qu'en rampant ; d'abord au travers d'un éboulis, puis un laminoir parfois très bas de plafond (~30 cm à son plus bas). La galerie s'élargit plusieurs fois en petites salles séparées les unes des autres par de grosses concrétions formant des "trous de serrure" ; le seuil de la dernière salle est une chatière[4], rendue tellement étroite par des concrétions qu'elle était impraticable au moment de sa découverte[5] ; mais cette dernière salle est la plus grande[5]. La grotte se termine par une étroite fissure entre sol et plafond qui se rejoignent[4].

Une lame (en pierre) trouvée plantée dans un suçoir jouxtant la chatière montre que les entonnoirs existaient déjà à l'époque[6].

La grotte a été remblayée par des dépôts d'argile provenant de la rivière et par des dépôts provenant des fissurations de la roche. De plus le concrétionnement est important. Ainsi les vestiges archéologiques ont été recouverts (et protégés) ; et il est fort probable qu'au Paléolithique son accès était plus praticable, notamment pour l'accès à la dernière salle[5].

Découverte et fouilles

La grotte est découverte lors d'une coupe de taillis en 1899. À cette époque seule une dizaine de mètres de la grotte est accessible[7]. L'abbé Parat, qui a commencé l'étude de grottes voisines quelques années auparavant[8] et vient de fouiller la grotte du Trilobite de 1895 à 1898[9], creuse dans la grotte du Cheval une tranchée d'étude sur environ 3 m de long. Mais il se heurte aux difficultés de l'évacuation des remblais et abandonne les fouilles à ce stade. Il a toutefois identifié trois couches qu'il attribue au Moustérien, au Magdalénien et au Néolithique[7].

Moustérien

La couche du Moustérien contient de nombreux vestiges d'animaux : ours, hyène[7], éléphant primitif (mammouth), rhinocéros, renne, cheval... mais peu de pierres taillées[10].

Magdalénien

Parat y trouve un foyer sur le seuil et partiellement en dehors de la grotte, trois ossements (renne et cheval) et 7 outils lithiques dont deux très grandes lames non retouchées de 19 cm et 23 cm respectivement, très légères. Plus tard, deux autres lames sont trouvées ; au total cette couche a livré neuf lames et un nucléus à lamelles. La lame trouvée plantée dans un suçoir a été taillée en pointe à une extrémité[11].
Leroi-Gourhan émet l'hypothèse que les lames puissent avoir été des offrandes[11], mais Bodu et Liger défont ce point de vue après analyse approfondie : différences de longueur, disparité dans la régularité (certaines lames sont issues d'une phase de plein débitage, d'autres sont dues au contrôle des convexités et manquent de régularité), quatre des neuf lames sont des outils, et l'ensemble est accompagné d'un nucléus à lamelles[12] ; ces données, négligées par Leroi-Gourhan, suggèrent plus une activité de fabrication qu'un ensemble de produits finis destinés à une offrande[13].

Bodu et Liger attribuent comme Parat certains objets au Magdalénien moyen ou final. Mais ils classent comme Gravettien VII (Protomagdalénien) certains des objets attribués par Parat au Magdalénien, mentionnant des similitudes avec des objets trouvés au Blot, à Laugerie-Haute et à l'abri Pataud[14].

Cette époque est également représentée dans la grotte du Trilobite[15] et l'abri du Lagopède[16] à Arcy, et la grotte de la Marmotte à Saint-Moré voisin[11].

Gravures

Le les spéléologues René Bourreau, Marcel Papon et Gérard Méraville découvrent des gravures dans la grotte du Cheval[17]. Les premières se trouvent au pied d'une cheminée à environ 80 m de l'entrée, les suivantes sont dans trois élargissements de la galerie[4].

À l'époque de leur découverte, Leroi-Gourhan les date d'après leur style entre 17000 et 13000 BC. En 1991 et 1994 des datations au radio-carbone donnent entre 28 250 +/-430 BP et 24 660 +/-330 BP (26300 BC et 22700 BC)[18].

Les gravures utilisent deux techniques selon la nature des parois. Certaines zones de paroi sont recouvertes d'argile ; là, les gravures, parfois réalisées directement avec les doigts ou avec des racloirs larges, entaillent le support jusqu'au calcaire et l'effet produit est celui de camées bicolores. D'autres zones sont calcitées et les gravures sont faites de fines entailles avec des pointes de silex. Certaines gravures sont réalisées sur support mixte et les deux techniques sont utilisées : le corps d'un mammouth, sur l'argile, est fait de raclures larges tandis que sa tête, sur concrétion de calcite, en utilise une coulée pour exprimer son oreille et la partie la plus épaisse de la coulée a été sculptée pour former l’œil.

Sur argile ou sur calcite, les gravures restent excessivement fragiles[5]. Afin de les protéger, la grotte a été fermée par un mur[11] en 1947[7].

Concrétionnement

Depuis la découverte de la grotte le concrétionnement (formation de concrétions) s'est nettement accéléré en certains endroits. Certaines œuvres, restées apparentes depuis des milliers d'années, ont commencé en quelques dizaines d'années à être recouvertes d'un film calcaire. entre autres exemples, une petite stalactite sur une gravure de mammouth dans la grotte du Cheval mesurant environ 3 cm en 1946, cassée en 1950, a en 1992 pratiquement regagné sa taille de 1946, soit environ 7,1 cm/siècle[19].

Des bactéries peuvent être responsables de ce concrétionnement[19],[20] ; mais il faut aussi tenir compte des modifications du couvert végétal sur le massif corallien dans lequel sont creusées les grottes, de l'infiltration de produits agricoles (nitrates entre autres)[19], de la présence humaine, et de nombreux autres facteurs sont aussi à considérer[20].

Protection des peintures par calcification contrôlée ?

Depuis 2004, les types variés de calcite de la grande grotte sont étudiés (microscopie, spectroscopie, rayonnement synchrotron, microbiologie, analyses ADN, synthèse de calcite en laboratoire pour des essais de croissance contrôlée) pour déterminer les facteurs de leur formation. Certaines couches de calcite sont opaques, d'autres translucides. Plusieurs années d'étude ont permis de déterminer l'un des facteurs les plus importants dans la formation de ces couches : le pCO2. Plutôt que d'essayer d'empêcher la formation de ces couches, il est envisagé de la contrôler afin d'obtenir une calcite translucide, ce qui protégerait les œuvres pariétales[20],[21].

Industrie lithique

Son industrie lithique, qui présente des aspects inhabituels à Arcy, est localisée près de l'entrée de la grotte[22]. L'abbé Parat n'y a trouvé que peu de matériel, mais ce dernier inclut les lames les plus longues que l'abbé aie trouvé, lames exceptionnelles sur le site d'Arcy par leurs grandes dimensions et la qualité et régularité de leurs tranchants[7]. L'homogénéité du lot d'objets lithiques est encore accentué de ce que sur tous ceux où le talon est encore présent, se trouve un éperon fabriqué avec soin[14].

Vers le début des années 2000 le musée d'Avallon, qui abrite depuis 1980 l'ensemble des matériaux exhumés aux grottes d'Arcy par Ficatier, l'abbé Parat et l'équipe d'André Leroi-Gourhan[23], rénove ses salles de Préhistoire[24]. À cette occasion, Pierre Bodu et Jean-Claude Liger étudient les matériaux de la grotte du Cheval qui jusque là avaient été quelque peu négligés. Ils relient entre eux deux segments d'une même lame trouvés l'un par l'abbé Parat, l'autre par les ouvriers qui ont fermé la grotte en 1947 ; et associent (on parle de « remontage ») cette lame reconstituée avec une lame de flanc trouvée par Parat[11].

Protection

La grotte du Cheval est l'une des seize[N 4] cavités, grottes et galerie du site d'Arcy conjointement inscrites comme Monument historique en 1992[1].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • [Baffier 1997] Dominique Baffier et Michel Girard, « Le karst d'Arcy-sur-Cure (Yonne) et ses occupations humaines paléolithiques », Quaternaire, vol. 8, nos 2-3, , p. 245-255 (lire en ligne, consulté le ).
  • [Bailloud 1946] Gérard Bailloud et George Tendron, « Les gravures pariétales de la Grotte du Cheval à Arcy-sur-Cure (Yonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 43, nos 5-6, , p. 155-160 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Bailloud 1947] Gérard Bailloud, « Découvertes et travaux récents à la Grotte du Cheval à Arcy-sur-Cure (Yonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 44, nos 3-4, , p. 97-105 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Bodu 2008] Pierre Bodu et Jean-Claude Liger, « Les lames du Paléolithique supérieur de la grotte du Cheval (Arcy-sur-Cure, Yonne) : un raccord sur une longue distance… », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 105, no 1, , . 5-16 (lire en ligne, consulté le ).
  • [Leroi-Gourhan (A.) 1957] André Leroi-Gourhan, « Le sanctuaire de la grotte du Cheval à Arcy-sur-Cure (Yonne) », Mélanges Pillar, Brive, impr. Chastrusse, Praudei & Cie, , p. 207-215 (présentation en ligne).
  • [Leroi-Gourhan (Arl.) & Leroi-Gourhan (A.) 1964] Arlette Leroi-Gourhan et André Leroi-Gourhan, « Chronologie des grottes d'Arcy-sur-Cure (Yonne) », Gallia Préhistoire, t. 7, , p. 1-64 (DOI 10.3406/galip.1964.1238, lire en ligne, consulté le ).
  • [Liger 1995] Jean-Claude Liger, « Concrétionnement et archéologie aux grottes d'Arcy-sur-Cure (Yonne) », bulletin de la Société préhistorique française, vol. 92, no 4, , p. 445-450 (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Pour les schémas et cartes succinctes montrant les emplacements respectifs des différentes grottes, voir :
    • Meignen 1959 (carte établie par Liliane Meignen en 1959, montrant les emplacements des 14 principales cavités au sud du massif corallien depuis les Goulettes (amont) jusqu'à la grande Grotte (aval) - manquent celles au nord du massif, soit les Nomades, l'Égouttoir, le Moulinot et Barbe Bleue) ;
    • Liger 2003 [PDF], p. 33 (montre un plan général du massif incluant les emplacements de l'Égouttoir, de Moulinot et de Barbe-Bleue au nord du massif corallien, et quatre grottes au sud du massif) ;
    • Arl. et A. Leroi-Gourhan 1964, p. 2 (montre le développement des grottes entre la grotte du Lion et l'abri du Lagopède) ;
    • carte interactive sur versarcy.huma-num.fr.
  2. En spéléologie, le développement correspond à la longueur cumulée des galeries interconnectées qui composent un réseau souterrain.
  3. A quelque 70 m de l'entrée de la grotte se trouve un passage très étroit. Quand l'entrée a été murée (comme le montre ces photos), il a été décidé que la porte d'accès à la grotte ne serait pas plus grande que ce passage étroit ; ainsi les personnes ne pouvant passer l'étroiture ne pourraient pas non plus passer la porte d'entrée, leur évitant ainsi de se retrouver coincées dans la grotte à 70 m de l'entrée. Cette information a été fournie par Nadine, guide de la Grande grotte en 2018.
  4. Seize des cavités, grottes et galerie du site d'Arcy sont conjointement inscrites comme Monument historique depuis 1992 : Grande grotte, abri du Lagopède, grotte du Cheval, grotte de la Hyène, grotte du Trilobite, grotte des Ours, grotte du Renne et la galerie Schoepflin, grotte du Bison, grotte du Loup, grotte du Lion, grotte des Fées, grotte des Deux Cours, Petit et Grand Abri, grotte des Goulettes. Voir « Grottes préhistoriques », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Références

  1. « Grottes préhistoriques », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. « Grottes d'Arcy-sur-Cure, carte interactive » sur Géoportail. Couches « Cartes IGN classiques », « Limites administratives » et « Hydrographie » activées. Vous pouvez bouger la carte (cliquer et maintenir, bouger), zoomer (molette de souris ou échelle de l'écran), moduler la transparence, désactiver ou supprimer les couches (= cartes) avec leurs échelles d'intensité dans l'onglet de "sélection de couches" en haut à droite, et en ajouter depuis l'onglet "Cartes" en haut à gauche. Les distances et surfaces se mesurent avec les outils dans l'onglet "Accéder aux outils cartographiques" (petite clé à molette) sous l'onglet "sélection de couches".
  3. Spéléométrie Icaunaise, « Liste de grottes explorées, développements et dénivellations », sur scchablis.com (consulté le ).
  4. Baffier & Girard 1997, p. 250.
  5. Baffier & Girard 1997, p. 251.
  6. Baffier & Girard 1997, p. 253.
  7. Bodu & Liger 2008, p. 7.
  8. « Les Pionniers icaunais de l’Exploration Souterraine - L'abbé Parat », sur scchablis.com (consulté le ).
  9. Abbé Parat, Les Grottes de la Cure (côte d'Arcy) : La grotte du Trilobite (p. 1-40), la grotte des Nomades (p. 40-41), l’Égouttoir (p. 41), la grotte-aux-Chats (p. 42), , 42 p. (lire en ligne), p. 2.
  10. Bodu & Liger 2008, p. 8.
  11. Bodu & Liger 2008, p. 9.
  12. Bodu & Liger 2008, p. 11.
  13. Bodu & Liger 2008, p. 12.
  14. Bodu & Liger 2008, p. 13.
  15. Parat 1903, p. 33.
  16. Béatrice Schmider, Boris Valentin, Dominique Baffier, Francine David, Michèle Julien, Arlette Leroi-Gourhan, Cécile Mourer-Chauviré, Thérèse Poulain, Annie Roblin-Jouve et Yvette Taborin, L'abri du Lagopède (fouilles Leroi-Gourhan) et le Magdalénien des grottes de la Cure (Yonne), vol. 37, Gallia Préhistoire, (lire en ligne), chap. 37, p. 55-114.
  17. Philippe Soulier et Gwenaëlle Wilhelm-Bailloud, « Gérard Bailloud (4 décembre 1919/30 août 2010) », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 108, no 3, , p. 415-469 (lire en ligne, consulté le ), p. 418.
  18. Liger 1995, p. 448, note 9.
  19. Liger 1995, p. 445- 447.
  20. Ina Reiche, Michel Menu, Emilie Chalmin, Laurent Charlet, Geneviève Orial, Faisl Bousta et Dominique Baffier, « Formation de calcite dans les grottes préhistoriques ornées : évaluation de l’impact sur les peintures rupestres et proposition d’une méthode douce de conservation », PNRC, , p. 34-35 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  21. Ina Reiche, Michel Menu, Emilie Chalmin, Laurent Charlet, Geneviève Orial, Faisl Bousta et Dominique Baffier, « Formation de calcite dans les grottes préhistoriques ornées : caractérisation et évaluation de l'impact sur les peintures rupestres La “Grande Grotte” d'Arcy-sur-Cure, Yonne, France », PNRC, , p. 521-536 (résumé).
  22. Bodu & Liger 2008, p. 5.
  23. Soulier 2011, p. 429-430.
  24. « Archéologie en Avallonnais », Musée de l'Avallonnais, sur museeavallonnais.com (consulté le ).
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