Gilbert Lely

Gilbert Lely, né Lévy le à Paris XIIe et mort le à son domicile à Paris XVIIe, est un poète français.

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Vie et œuvre

Gilbert Lely est considéré comme l’un des grands poètes du XXe siècle, proche des surréalistes, admiré d’André Suarès, André Breton ou Yves Bonnefoy.

Éclairant de sa « lampe scabreuse » le surréalisme dans les années 1930, au plus proche de René Char lors des années sombres de la guerre, l’auteur d’Arden (1933), de La Sylphide ou l’Étoile carnivore (1938) offre avec Ma civilisation (1947) son recueil majeur, illustré par Lucien Coutaud, une œuvre qu’il n'a cessé de retailler comme un joyau toujours à polir[style à revoir].

Après une enfance marquée par « la solitude et le manque d'affection »[1], il se passionne pour la littérature grecque et latine, et est tenté par le théâtre, avant de travailler dans l'édition d'art. Ses premiers poèmes sont marqués par une tonalité parnassienne. En 1933, il devient responsable de rédaction de la toute jeune revue Hippocrate revue d'humanisme médical[2].

Protéiforme, son œuvre présente des libres traductions poétiques (Les Métamorphoses, 1930 ; La Folie Tristan, 1954), des poèmes dramatiques (Solomonie la Possédée, 1979) et des recueils divers (L’Épouse infidèle, 1966).

Elle sait allier à une flagrante modernité la reviviscence de l’Antiquité et l’étude du XVIIIe siècle, et, à la sombre beauté de ses proses, l’humour réinventé de l’épigramme[Quoi ?]. Yves Bonnefoy mentionne le côté « intemporel » de sa poésie et l'intérêt aiguisé de Lely pour le langage, sa relation particulière au langage, avec « un emploi rigoureux des mots, mené dans le scrupule le plus tendu mais avec des intuitions brusques, des intuitions fulgurantes », étant entendu que selon lui, « l'écriture de poésie est l'intensification réciproque de la réalité que l'on vit et de la langue qui l'interroge[3] ». Yves Bonnefoy lit dans cette tension entre vécu et langage un « grand cri de présence ».

Pour Gilbert Lely, la poésie doit « dévorer la réalité » et « sert à rendre assimilables les éléments nutritifs de la Réalité »[4]. Ainsi, rendant hommage à son ami René Char, dans le sillage du surréalisme, il donne cette définition de la poésie ou du « seul mode magnifique de vivre » :

« Nous avons toujours pensé que ce qui peut être dit de plus philosophique sur le fourvoiement éternel de l'homme, c'est que celui-ci a horreur de l'abolition des contraires. Or, le plus fécond espoir de l'existence nous semble précisément résider en des actes où se manifeste le refus des antinomies psychiques et métaphysiques que prétendent nous imposer les lois de la famille, de la religion et de l'ordre social présent ou à venir[5]. »

La poésie de Lely est à la fois lyrique et subversive, un mélange de rigueur et clarté de l'expression, liberté, érotisme, éclats métaphysiques et humour transcendant[non neutre]. Un poème de son recueil L’Épouse infidèle (1966)  en exergue duquel il écrit ceci : « La différence corporelle de l'homme et de la femme, ce luxe fabuleux m'éblouit[6] »  en donne le ton et la mesure :

« La Nature est une grande tige coupée.
Sous l'arc des sèves stridentes,
Une jeune femme ivre, cambrée,
D'un doigt de nacre écarte les lèvres de son sexe,
Pour glacer les soifs métaphysiques[7]. »

Ou bien encore tel extrait de Ma civilisation (1947) :

« Ô luxe de mon sperme dans la nuit de tes cuisses !
Là-haut, la semence homologue de la Voie Lactée[8]. »

Son éclat a quelque chose de la mania dionysiaque et du dithyrambe, conjuguant Éros et Dionysos, illumination érotique et cosmologique[non neutre], ce que souligne Jean-Louis Gabin (qui a établi l'édition en trois tomes des Poésies complètes de Lely au Mercure de France, 1990, 1996 et 2000), en parlant d' un « feu sous la glace » : « Subversion du contenu, poli miroitant de la forme, partout dans leur [les poèmes de jeunesse] lyrisme couve ou flamboie le feu d'Éros car pour Lely, comme pour les Grecs, l'éclat des corps entrelacés par le désir c'est la montée vers le soleil de la métaphysique et, comme dans le Tantrisme, le battement d'ailes d'Éros embrase et cristallise la pensée dans l'adéquation maniaque entre une langue et l'émotion. »[9]

L'éditeur et biographe du marquis de Sade

Fin connaisseur de l’histoire de la médecine, qu’il illustre dans la revue Hippocrate, et historiographe  à la suite de Maurice Heine  du marquis de Sade, Gilbert Lely est également éditeur des œuvres complètes du « divin marquis » (1962-1964), dont il publie en outre la correspondance inédite.

C'est en 1942, face aux ruines du château de Lacoste, autrefois propriété de Sade, qu'il a une véritable illumination  « sa première rencontre mystique avec Sade » : l'amour de celle nommée « Josée » dans les poèmes du Château-Lyre se conjuguant soudain avec la présence de Sade et le souvenir de Maurice Heine[10]. En 1948, il rencontre le comte Xavier de Sade, qui lui ouvre les archives de sa famille, lui permettant ainsi d'entamer un travail d'historiographe et éditeur de Sade, qui sera poursuivi et complété, à sa manière, par Jean-Jacques Pauvert[réf. souhaitée].

Sa Vie du marquis de Sade (1952-1957), sans cesse révisée au fil des ans, continue de faire autorité. Elle s’est imposée comme un véritable monument littéraire. Unissant parfaitement lyrisme et rigueur historique, elle offre une poétique et une politique sadienne au plus loin des clichés. Par ailleurs, sa propre création poétique s'est nourrie de sa découverte de Sade[non neutre].

Il est inhumé au cimetière de Montmartre.

Vie privée

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Gilbert Lely épouse à Paris en 1979, Marie-Françoise Le Pennec, née le .

Jean-Louis Gabin, dans sa biographie de Gilbert Lely (Éditions Séguier, 1991), évoque la rencontre de Lely avec la jeune fille qui allait devenir sa femme : « De 1968 à 1975, Lely traverse une grave crise dépressive […] Puis, en 1975, le bonheur s'incarne au Jardin du Luxembourg, sous les traits d'une femme très mince, brune, qui lit les œuvres d'Artaud […] Fragile, passionnée, intemporelle, Marie-Françoise, plus jeune que lui de quarante-six années, est douée d'une sensibilité littéraire aiguë […] Dix années lumineuses et fécondes suivront ». Il lui enseigne à dire les vers mais aussi, il lui apprend la correction d'épreuves typographiques, la préparation de manuscrits destinés à l'imprimerie et même à transcrire certains manuscrits du marquis de Sade sur lesquels il continue inlassablement à travailler, mêlant toujours ce travail à son activité poétique, avec la publication de différents recueils aux Éditions de la Différence notamment : Œuvres Poétiques 1977 et 1980.

Après la disparition de Gilbert Lely en 1985, fidèle à la mémoire de son mari et à la « mission » qui est la sienne, comme lui dira un jour Yves Bonnefoy, elle va s'employer à le faire vivre à travers son œuvre, d'abord par la réédition et la publication de différents ouvrages comme La vie du marquis de Sade, réédité aux Éditions du Mercure de France en 1989 puis en 2004 ; la publication en trois volumes des Poésies complètes, édition critique établie et dirigée par J-Louis Gabin au Mercure de France en 1990, 1996, 2000. Divers numéros d'hommage dans des revues, dont L'Infini en 1989, dirigée par Philippe Sollers, verront le jour.

Marie-Françoise Lely soutiendra et sera aussi à l'origine d'un certain nombre d'événements dont le principal sera le Centenaire de Gilbert Lely, en 2004. En 1991, une soirée sera organisée au Centre Georges Pompidou, à l'initiative d'Yves Bonnefoy, dans le cadre de la Revue parlée, accompagnée d'une grande exposition intitulée Pour Gilbert Lely.

Portrait de Marie-Françoise Lely, en 1995.

À l'occasion du Festival d'Avignon 1996, le metteur en scène Christian Rist décidera avec succès de monter cinq spectacles originaux tirés de l’œuvre de Gilbert Lely et créés spécialement à cette occasion, sous sa direction, en particulier deux pièces de théâtre : Ne tue ton père qu'à bon escient, tragédie de jeunesse, datée de 1932, saluée à l'époque par l'écrivain André Suarés et Solomonie la possédée, poème dramatique tiré du conte russe d’Alexeï Remizov ; une lecture originale, par de très jeunes gens, de La Folie Tristan, poème anglo-normand du XIIe siècle, adapté et réécrit par Lely tout au long de son existence, telle une œuvre « fétiche » ; ainsi qu'une mise en scène des Six métamorphoses d'Ovide, dans une traduction libre du latin par Gilbert Lely. Ces œuvres théâtrales, vivement saluées par la critique, seront reprises à la rentrée au Théâtre Molière à Paris.

Par ailleurs, la compagnie théâtrale « Le cabinet de curiosités » a décidé de représenter sous forme de spectacle vivant, du au , en France, y compris Paris et au Festival d'Avignon Off, ces six Métamorphoses d'Ovide, d'après l'édition de 1946. Dans cet ouvrage singulier qui a connu plusieurs versions, une appropriation du texte d'Ovide par Lely qui fait le choix, parmi l’œuvre monumentale d'Ovide  246 fables mythologiques  de six récits d'amour contenant des thèmes érotiques.

En 2004, les manifestations du Centenaire vont offrir à Gilbert Lely une reconnaissance qu'il n'aurait pas même imaginée ; celle de l'Université avec un colloque prestigieux organisé par Emmanuel Rubio à la Maison de l'Amérique latine et en Sorbonne : Centre de Recherches sur le Surréalisme. (Paris 3 - CNRS, sous la direction d'Henri Béhar). Ce Centenaire sera conçu d'abord comme la recherche de lieux symboliques dans Paris et le cœur en sera une grande exposition organisée par la Bibliothèque Nationale de France, sous la direction de sabine Coron, intitulée : Hommage à Gilbert Lely - 1904-1985. Elle se tiendra à la Bibliothèque de l'Arsenal, 1 rue de Sully, Paris 4e ; lieu magnifique « chargé d'âmes » selon le mot d'André Guyaux et dont le catalogue est devenu ouvrage de référence, sur la vie et l’œuvre de Lely, nourri d'une riche iconographie avec de nombreuses photographies du poète ainsi que des fac-similés de manuscrits. Enfin, une soirée revue parlée, intitulée Gilbert Lely, Écrire Sade, aura lieu également à cette occasion, au Centre Pompidou.

Œuvres

  • Aréthuse ou élégies, Paris, Alphonse Lemerre, 1924
  • Allusions ou poèmes, Paris, Librairie Crès, 1927
  • Métamorphoses d'Ovide. Version nouvelle de Gilbert Lély. Seize eaux-fortes en couleurs et quarante-cinq bois gravés par A. Lambert. Paris, Devambez, 1930, gr. in-4°, 136 p.
  • Ne tue ton père qu'à bon escient, tragédie, Paris, Éditions La Centaine, Jacques Bernard éditeur, 1932
  • Arden, Paris, Librairie du Luxembourg, 1933
  • Je ne veux pas qu'on tue cette femme, avec un frontispice de Max Ernst, Paris, Éditions Surréalistes, 1936
  • La Sylphide ou l’Étoile carnivore, Paris, Éditions Le François, 1938
  • Ma Civilisation clandestine, édition dactylographique, avec un frontispice et un "portrait érotique voilé" de Max Ernst et une photographie de l'auteur par Man Ray, 1942
  • Ma Civilisation, illustré de dix eaux-fortes de Lucien Coutaud, Paris, Éditions Maeght, 1947
  • Vie du marquis de Sade, tome I, Paris, Gallimard, 1952- tome II, Paris, Gallimard 1957
  • La Folie Tristan, poème anglo-normand du XIIe siècle traduit dans son mètre original, première version, Paris Éditions d'Histoire et d'Art, 1954 ; deuxième version, Paris, Hugues, 1959 ; troisième version, "définitive", Paris, Pauvert, 1964
  • Œuvres complètes du marquis de Sade, établies sur les originaux imprimés ou manuscrits. Edition définitive. Trois cent soixante illustrations documentaires. Paris, Cercle du Livre précieux,1962-64, 15 vol. in -8°. Tirage : 2000 ex. sur vélin d'Arches.
  • Œuvres complètes du marquis de Sade, établies sur les originaux imprimés ou manuscrits. Nouvelle édition. Paris, Cercle du Livre précieux,1966-67, 16 tomes en 8 vol. in -8°. Tirage : 4500 ex. sur papier bible.
  • L’Épouse infidèle, Paris, Jean-Jacques Pauvert, avec deux eaux-fortes de Leonor Fini, 1966
  • Sade (quelques chapitres de la Vie du marquis de Sade), Paris, Gallimard, collection "Idées", 1967
  • Kidama Vivila, avec sept dessins de Júlio Pomar, Paris, La Différence 1977
  • Solomonie la Possédée, poème dramatique tiré du conte de Alexeï Remizov, avec quatorze pointes sèches en couleurs de Leonor Fini, Paris, Jacques Carpentier, 1979
  • Clio, Sotadès, Charcot, Losne, Thierry Bouchard, 1981
  • Vie du Marquis de Sade, nouvelle édition revue et très augmentée, Paris, chez Pauvert aux Éditions Garnier, 1982 ;  éd. définitive, Paris, Mercure de France, 1989 et 2004
  • Poésies complètes, texte établi et annoté par Jean-Louis Gabin, préface d'Yves Bonnefoy, 3 tomes, Paris, Mercure de France, tome I (1990), tome II (1996), tome III (2000)
  • Plusieurs éditions et présentations de textes et correspondances de Sade, dont Le Portefeuille du Marquis de Sade, textes rares et précieux, Paris, La Différence, 1977 ; Lettres et Mélanges littéraires écrits à Vincennes et à La Bastille, avec des lettres de Mme de Sade, de Marie-Dorothée de Rousset et de diverses personnes, 3 tomes, Paris, Éditions Borderie, 1980

Notes et références

  1. Richard Blin, notice Gilbert Lely, in Le Nouveau Dictionnaire des auteurs, de tous les temps et de tous les pays, volume II, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1994, p. 1854.
  2. Bibliothèque littéraire Jacques Doucet : Ensemble Gilbert Lely.
  3. Yves Bonnefoy, « Crier le nom », préface à Gilbert Lely, Poésies complètes, tome I, Mercure de France, 1990, p. 12-13.
  4. Ma Civilisation clandestine (1942), in Poésies complètes, tome III, Mercure de France, 2000, p. 74. Phrase qu'il reprend ailleurs, dans plusieurs autres écrits, et notamment dans La Sylphide ou l'Étoile carnivore (1938), recueil par lequel Yves Bonnefoy eut la révélation d'un « grand poète », in Poésies complètes, tome III, p. 64.
  5. « René Char », in Poésies complètes, tome III, Mercure de France, 2000, p. 194.
  6. L’Épouse infidèle (1966), in Poésies complètes, tome I, Mercure de France, 1990, p. 123.
  7. « Aloisia ou la danse », in Poésies complètes, tome I, Mercure de France, 2000, p. 146.
  8. « La Sertisseuse du cri », in Poésies complètes, tome I, Mercure de France, 2000, p. 67.
  9. Jean-Louis Gabin, « Le feu sous la glace », introduction à Poésies complètes, tome II, Mercure de France, 1996, p. 9.
  10. Entretien par Bernard Noël, France-Culture, 30 septembre 1976. Il écrit dans Le Château-Lyre : « Debout dans la gravitation des certitudes, / L'ombre magnétique de Sade nous répondait de notre amour. […] Toi, l'espace, les monts, Sade, les jours futurs, / La volupté, le verbe, en un seul diamant. », Poésies complètes, tome I, Mercure de France, 1990, p. 84-85.

Bibliographie

  • Jean-Louis Gabin, Gilbert Lely : Biographie. Paris, Librairie Séguier, 1991
  • Yves Bonnefoy, « Crier le nom », préface à Poésies complètes, tome I, Paris, Mercure de France, 1990, p. 11-21
  • Yves Bonnefoy, « La cent et unième journée », in L'Improbable et autres essais, Folio/Essais, 1991 ; « Un poète figuratif », in La Vérité de parole, Folio/Essais, 1993
  • Hommage à Gilbert Lely, 1904-1985, publié sous la direction de Sabine Coron, Société des amis de la Bibliothèque de l'Arsenal, Bordeaux, William Blake & Co, 2005
  • Gilbert Lely, la passion dévorante, Actes du colloque « Gilbert Lely, le centenaire, 2004 », textes de Jean-Christophe Abramovici, Sarane Alexandrian, Patrick Amstutz, Henri Béhar, Yves Bonnefoy, Stéphanie Caron, Jean-Remi Dahan, Michel Delon, Eddy Florentin, Jean-Louis Gabin, Jacques Henric, Marc Kober, Claudie Massaloux, Laure Michel, Emmanuel Rubio, Michel Viegnes, Pierre Vilar et de Gilbert Lely, réunis par Emmanuel Rubio. Lausanne, L'Âge d'homme, Paris, 2007

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