Gens du voyage

La notion de gens du voyage est une notion administrative créée en droit français pour désigner la communauté des voyageurs ne disposant pas de domicile fixe, c’est donc une communauté nomade. Les termes « gens du voyage » restent très vagues pour éviter toute stigmatisation, préjugés ou méprises liées à un sujet sensible et ne blesser personne[pas clair]. L'expression a été ensuite reprise par les lois dites Besson qui ont organisé l'accueil des gens du voyage sur les aires destinées à cet effet dans les communes de plus de 5 000 habitants. Ce sont des citoyens français intégrés économiquement, exerçant les métiers de commerçants ambulants et de forains notamment, et qui ont fait initialement le choix d'une vie non sédentaire. Tous ne sont pas itinérants, certains sont considérés comme des « gens du voyage sédentarisés »[1].

Cet article possède un paronyme, voir Les Gens du voyage.

Il ne faut pas confondre l'expression « gens du voyage » :

  • avec les Roms au sens de l'Union romani internationale (URI) et ses diverses composantes (Tziganes, Gitans, Manouches, Sinti, etc.) ;
  • ni avec ceux qu'une partie des Français a pris l'habitude d'appeler Roms depuis ces dernières décennies, exilés économiques originaires de Roumanie, Bulgarie ou pays de l'ex-Yougoslavie, où ils étaient pour l'immense majorité sédentaires[1] ;
  • ni même avec les Travellers irlandais (littéralement : « Voyageurs »), ce qui est souvent fait lors de traductions d'une langue à l'autre.

Les trois groupes principaux de gens du voyage sont : les Roms dits orientaux, venus d'Inde du Nord au XIIIe siècle et surtout présents en Europe centrale et orientale ; les Sintés ou Manouches, principalement installés en Alsace et Allemagne ; les Gitans ou Kalés, dont la présence dans la péninsule ibérique et le sud de la France est attestée dès le Moyen Âge[2].

Qualifiés de « voleurs de poules » et objet de discriminations, les gens du voyage ont plusieurs fois vu leur liberté d'aller et venir placée sous surveillance étroite policière, d'abord avec le carnet anthropométrique institué par une loi de 1912 relative à la circulation des nomades, puis avec les carnets et livrets de circulation mis en place par la loi du sur « l'exercice des activités économiques ambulantes et le régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ».

Histoire

Depuis le Moyen Âge, de très nombreuses familles originaires de différentes régions de France ont développé des activités économiques liées à la mobilité : colporteurs, mercenaires et travailleurs saisonniers.

Les réfugiés de Petite Égypte[3], arrivés en France au début du XVe siècle, adoptèrent également ce type de vie par nécessité économique. D'abord en tant qu'entreprises de guerre au service des grands seigneurs féodaux puis, à la suite de l'interdiction par Louis XIV de la guerre privée et de la Déclaration du Roy contre les Bohèmes en 1682, contraints de se cacher et de circuler, ils trouvèrent une reconversion dans les services saisonniers et le commerce ambulant.

À la fin de la guerre de 1870, de nombreux Yéniches d'Alsace ont opté pour la France et sont venus également se joindre à la masse des familles vivant une vie structurée autour de l'itinérance.

Le terme « gens du voyage » englobe des populations différentes : les manouches, les Yéniches, ainsi que les paysans français qui étaient sur les routes au XIXe siècle[1].

La loi française

Une aire d'accueil des gens du voyage à Saint-Ouen-l'Aumône.

La loi du 3 janvier 1969 et le carnet de circulation

Les citoyens français non sédentaires doivent détenir un titre de circulation pour pouvoir circuler librement en France. Qualifiant ce document administratif de « passeport intérieur » et la loi du qui l’a institué de « loi d’apartheid », Olivier Le Mailloux, avocat représentant un forain titulaire d’un livret de circulation, a saisi le Conseil constitutionnel. « Bien que français, les gens du voyage doivent encore pointer régulièrement au commissariat ou à la gendarmerie », a déclaré l'avocat. La loi du concerne les personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne[4].

Dans sa décision, rendue le , le Conseil constitutionnel a suivi son analyse en déclarant le carnet de circulation contraire à la Constitution au motif que ce titre de circulation portait « une atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’aller et de venir » et « restreignait de manière injustifiée l’exercice des droits civiques ». Le juge constitutionnel a toutefois maintenu l'obligation faite aux personnes itinérantes par le législateur de détenir un livret de circulation, moins coercitif que le carnet de circulation[5],[6].

La suppression des carnets de circulation a été saluée comme une avancée[Par qui ?].

Olivier Le Mailloux a poursuivi le combat judiciaire au nom des associations des gens du voyage qu’il défendait devant le Conseil d'État en soutenant que les livrets de circulation étaient contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Le Conseil d’État lui a donné partiellement raison en déclarant les sanctions applicables à tous ceux qui ne détenaient pas un titre de circulation ou qui ne pouvaient justifier la possession devant les forces de l’ordre contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme[7].

Le à Montreuil-Bellay, le président de la République a reconnu la responsabilité de la France dans l'internement des gens du voyage pendant la seconde guerre mondiale et inauguré un mémorial aux victimes.

L'Assemblée nationale a adopté définitivement, le , la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté qui abroge la loi du , mettant ainsi fin aux livrets de circulation ainsi qu'à la commune de rattachement[8]. Le Conseil constitutionnel a été saisi[9]. La loi a été promulguée le .

Les Lois Besson

La 1re loi Besson du oblige les villes de plus de 5 000 habitants à prévoir des emplacements de séjour pour les nomades, ce qui a pu amener des situations complexes pour les communes proches de cette limite[10]. La seconde loi "Besson", la loi no 2000-614 du , définit à présent les règles[11].

En , la loi sur la sécurité intérieure renforce les peines encourues lors d'occupation illégale de terrains (six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende, possibilité de saisie des véhicules automobiles, possibilité de suspension du permis de conduire)[12]. La loi du porte les peines encourues à un an d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.

En , l’Assemblée nationale a adopté l’assujettissement à la taxe d’habitation des personnes résidant dans un habitat mobile terrestre dans la loi de finances 2006[13]. Taxe repensée en 2010 puis définitement abrogée en 2019.

En 2018, à la suite d'une proposition de loi, un nouveau texte modifie les règles en vigueur dans trois domaines[14] : il clarifie le rôle de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, il modifie les procédures d'évacuation des stationnements illicites, il renforce les sanctions pénales.

La Commission nationale consultative des gens du voyage (CNCGDV)

Créée et mise en place en , sous le mandat de Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, la Commission nationale consultative des gens du voyage (CNCGDV), a pour ambition d'adapter la politique publique à l'accueil, l'habitat, l'accompagnement et la culture des gens du voyage. Elle s'inscrit dans une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage, dans la continuité du travail de réflexion et de propositions du préfet Hubert Derache[15]. La Commission est animée par la Dihal (délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées).

Conditions de vie

Aires permanentes d’accueil

La seconde loi Besson du impose la construction et la mise à disposition d'aires permanentes d’accueil par les villes de plus de 5 000 habitants pour les gens du voyage. Celles-ci, équipées de locaux sanitaires individuels, comme de bornes de distribution d'eau et d'électricité, ont un coût d'aménagement élevé de l'ordre de 75 000 euros par place (plus des coûts d'entretien), lequel coût est assumé selon les cas par les Conseils généraux, l'État, les communautés urbaines, ou/et les communes[16],[17]. De nombreuses aires sont cependant gérées dans le cadre de partenariat public-privé et donc de façon déléguée par des entreprises. Ces entreprises, souvent spécialisées dans ce domaine, font des chiffres d'affaire importants[18].

Dans certains départements, l’utilisation des aires d’accueil est gratuite (comme dans les Côtes-d'Armor)[19]. Ailleurs, chaque place fait l'objet d'un droit de stationnement pouvant varier d'un à dix euros par jour et par famille[19],[16],[17].

Au , seulement 52 % des aires prévues en 2000 ont été construites (moins de 30 % pour les aires de grand passage)[20]. La majorité des aires d'accueil effectivement construites sont éloignés des centre villes, inaccessibles en transport en commun[21], ou encore situées dans des zones industrielles potentiellement dangereuse, comme celle de Rouen-Petit Quevilly située à quelques mètres de l'usine Lubrizol classée SEVESO seuil haut qui a subi un incendie important le 26 septembre 2019[22].

Activités économiques

D'après l'anthropologue Marc Bordigoni, « Les situations [économiques] sont très variées ». Certains exercent le métier de forain ou de marchand ambulant, se déplaçant en fonction des lieux touristiques. D'autres sont des travailleurs agricoles saisonniers qui se déplacent au fil des saisons. Enfin, « certains n’ont pas du tout d’argent, vivent parfois dans le dénuement le plus total ». Cette dernière catégorie est la plus médiatisée[1].

L’ouvrage Lutter contre les pauvres[23] co-écrit par Jean-Pierre Tabin, René Knüsel et Claire Ansermet, affirme que la pratique de la mendicité est choisie faute de mieux, et ne fait en aucun cas partie du mode de vie traditionnel de ces populations.

Éducation

En France, il existe des centres CASNAV (centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage) qui sont concentrés sur les moyens de l’intégration scolaire.

Une partie des gens du voyage suivent leurs scolarité par correspondance, avec des centres de formation à distance tel que le Cned.

Statistiques

[réf. nécessaire]

Dans la mesure où le principe français de non-reconnaissance des minorités n’autorise pas un recensement spécifique des personnes identifiées comme d’origine tsigane[24], il est illusoire de vouloir dresser des statistiques précises.

D'après Les Cahiers du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre de , « les estimations du nombre de personnes considérées comme « gens du voyage » en France varient entre 250 000 et 450 000, soit 0,5 % de la population nationale »[25]. Ces estimations reposent sur le rapport de mission du préfet Arsène Delamon de 1990 qui « proposait alors de prendre en compte les personnes considérées comme « gens du voyage » au sens administratif du terme, auxquelles il ajoutait les enfants de moins de 16 ans (estimés à 45 % de la population), ainsi que des personnes « sédentaires », notamment les gitans rapatriés d’Afrique du Nord et vivant dans le sud-est, estimées alors à 100 000 personnes[25]. »

En 2002, on dénombrait 156 282 livrets de circulation personnes de plus de 16 ans ne justifiant pas d’un domicile ou d’une résidence fixe ») au sens de la loi de 1969 (87 822 en 1972 et 175 000 en 1984)[25].

En 2013, on parle d'une population totale d'environ 250 000 personnes, dont 80 000 seraient itinérants[17].

Le Sénat, dans le rapport déposé lors de l'examen de la loi du , précise "on estime à environ 250 000 à 300 000 le nombre de « gens du voyage » en France[2], nombre qui correspond à trois catégories : les itinérants, qui se déplacent en permanence sur l'ensemble du territoire national ; les semi-sédentaires, qui ont des attaches fortes sur un territoire ; les sédentaires, installés de manière permanente, généralement sur un terrain dont ils sont propriétaires ou locataires.

Notes et références

  1. « Cinq clichés sur les gens du voyage », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
  2. Catherine di Folco, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Jean-Claude Carle tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage., Paris, Sénat, (lire en ligne)
  3. Rappelons l'histoire singulière de ces sédentaires indiens enlevés au début du XIe siècle, embarqués par des nomades turcs dans une guerre de conquête en tant qu'esclaves militaires puis sédentarisés en Anatolie près de cinquante ans plus tard. Certains d'entre eux, installés vers la fin du XIIIe siècle dans les comptoirs vénitiens et dans l'Empire byzantin en tant qu'artisans ou militaires, sont forcés de s'exiler à nouveau lors de l'arrivée des Ottomans à la fin du XIVe siècle. L'histoire de cette communauté en Europe remonte au XVe siècle. Les premiers voyageurs étaient dotés d'une certaine aura de respectabilité et de noblesse. En 1427, les centaines de voyageurs se présentent souvent comme des pèlerins. Ils obtiennent des lettres de protection de monarques. Aux XVe et XVIe siècles, les Roms d'Europe sont protégés par des princes de Hongrie, Bohême, Pologne, France. L'opinion manifeste alors à leur égard un mélange de tolérance et de crainte respectueuse. Mais peu à peu, les gens du voyage furent dénoncés comme trublions à l'ordre social, « abuseurs de gens ». Ceux qui arrivèrent en Allemagne, en Italie et en France (Sinté/Manus), furent contraints, d'expulsions en expulsions, de trouver des stratégies de subsistance au travers de l'itinérance. Le destin de leurs frères dans les Balkans (Roms) et dans la Péninsule Ibérique ([Kalé-[Quoi ?]« Gitans ») fut très différent et ils sont quant à eux très majoritairement sédentaires. Roms et Kalé ne sont donc pas des « gens du voyage ».
  4. Loi no 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe - Légifrance
  5. « Conseil constitutionnel, décision no 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, « Jean-Claude Peillex » », sur conseil-constitutionnel.fr,
  6. « Les gens du voyage pourraient devenir « Français à part entière » », sur lemonde.fr,
  7. « Conseil d’Etat, no 259223, 19 novembre 2014, « Jean-Claude Peillex » »
  8. « dossier législatif société égalité et citoyenneté »
  9. « affaires en instance devant le Conseil constitutionnel »
  10. Aire d'accueil des gens du voyage : les habitants appelés à s'exprimer - Nord Éclair, 14 janvier 2009
  11. Loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage - Légifrance
  12. Loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - Légifrance
  13. Taxe d’habitation des gens du voyage : une mesure arbitraire et injuste - LDH de Toulon, 24 novembre 2005
  14. « Loi no 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites », sur legifrance.gouv.fr,
  15. « Présentation de la Commission nationale consultative des gens du voyage », sur culture.gouv.fr, (consulté le )
  16. L'accueil des gens du voyage, un modèle de gestion intercommunale - Profession Banlieue, i.ville.gouv.fr, février 2010, page 2 [PDF]
  17. Grand Nancy : Une aire d’accueil restructurée pour les gens du voyage - ici-c-nancy.fr, 6 avril 2013
  18. Guillaume Gendron, « Le business des aires d'accueil », sur Liberation.fr,
  19. Le business des aires d’accueil de gens du voyage - Libération, 26 juillet 2013
  20. Jules Bonnard, « Gens du voyage : où manquent les places en aire d'accueil ? », Le Monde, (consulté le )
  21. « Accueil des gens du voyage : la Cour des Compte constate des progrès "lents" et "inégaux" »
  22. « Les gens du voyage : victimes invisibles de Lubrizol »
  23. Tabin, J.-P., Knüsel, R. & Ansermet, C. (2014). Lutter contre les pauvres. Les politiques face à la mendicité dans le canton de Vaud, Lausanne, Éditions d'en bas.
  24. Art.8 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 : Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques [...] des personnes.
  25. Les difficultés d’habitat et de logement des « Gens du Voyage » - Les Cahiers du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, janvier 2006, page 11 [PDF]

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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