Gano di Fazio

Gano di Fazio ou Gano da Siena[N 1] (avant 1270 - 1317) est un sculpteur italien gothique, documenté à Sienne entre 1302 et 1318.

Il est considéré comme l'un des fondateurs de l'école siennoise de sculpture (aux côtés de Goro di Gregorio et Giovanni d'Agostino), et au cœur, avec Marco Romano (it), de l'alternative « antigiovanesque » (antigiovanneo)[1],[2], dénommée selon l'opposition que son style classique et sobre fait au style gothique passionné de Giovanni Pisano.

Biographie

Un ensemble de documents des archives d'État de Sienne[N 2] nous donnent quelques renseignements supplémentaires sur sa vie, autres que sa présence à Casole d'Elsa en 1303-1305 :

  • le , il achète des terres à Sienne,
  • vers 1303-1305, il exécute et signe le tombeau de Tommaso Andrei à Casole d'Elsa,
  • de 1311 à 1316, Gano paie l'impôt en tant que contribuable de la ville de Sienne,
  • et le , il est qualifié de propriétaire d'un terrain à Sienne évalué à 283 lires ?.

Le sculpteur a dû mourir en 1317 car en début d'année 1318 ses filles Agnese et Ganuccia sont déclarées « héritières de Gano, maître-sculpteur »[N 3]. D'autre part, ses filles devant a priori être adultes pour être considérées comme possibles héritières, cela suggère que Gano serait né avant 1270[3].

Œuvre

Son corpus a été établi à partir de son unique œuvre signée : le monument funéraire de Tommaso Andrei.

Tombeau de Tommaso Andrei
(vers 1303-1305),
Collegiata di Santa Maria Assunta,
Casole d'Elsa

Si sa formation s'est probablement[4] déroulée sur le chantier de la cathédrale de Sienne sous la direction de Giovanni Pisano (v. 1245 - 1318), maître-maçon du chantier de 1285 à 1296, son premier style (1290-1310 environ) se caractérise principalement par l'influence de Nicola Pisano et Arnolfo di Cambio : des traits nets, peu nombreux, visent à l'essentiel, délimitant des formes compactes et simplifiées[5]. Gano semble donc ne pas tenir compte du style complexe et tourmentée de Pisano, au point de le qualifier d'« antigiovanesque ».

Monument funéraire de Ranieri degli Ubertini (vers 1296-1300)

Monument funéraire de Ranieri degli Ubertini
(vers 1296-1300),
San Domenico, Arezzo

Il s'agit certainement de l'œuvre la plus ancienne de Gano parmi celles parvenues jusqu'à nous. Ranieri degli Ubertini, évêque de Volterra à partir de 1273 est mort entre 1290 et 1296[6],[N 4]. Attribué à Gano par Roberto Bartalini[7], il est l'un des premiers exemples connus de monument funéraire toscan avec gisant.

Monument funéraire de Tommaso Andrei (vers 1303-1305)

Le tombeau de Tommaso d'Andrea/Andrei (it), évêque de Pistoia[N 5] (de 1284 à sa mort en ), situé dans la Collégiale (it) de Casole d'Elsa est signé : « CELAVIT GANUS OPUS HOC INSIGNE SENESIS: / LAUDIBUS IMMENSIS EST SUA DIGNA MANUS »[N 6]. Son exécution, probablement entre 1303 et 1305[8], en tous cas durant la première décennie du Trecento, en fait un des plus anciens monuments funéraires toscans « suspendus » (pensile) et comprenant une effigie du défunt grandeur nature. Par ailleurs l’œuvre étonne par sa douceur, sa grâce et sa féminité - tout à l'opposé du style de Giovanni Pisano : il n'y a qu'à noter la « rondeur » des volumes indiqués seulement par de légères incises, la sérénité des traits du défunt, le rythme léger presque dansant des trois anges et du drap soulevé derrière le défunt.

Par ailleurs, une tête en marbre représentant Tommaso d'Andrea, provenant de San Tommaso a Querceto (aujourd'hui au Museo archeologico della Collegiale di Casole d'Elsa) lui a été attribuée avec certitude par Semff[9].

Monument funéraire du bienheureux Joachim Piccolomini (1310-1312)

Du monument funéraire du bienheureux Joachim Piccolomini (1258-1305), élevé vers 1310-1312[10],[11] dans la basilique San Clemente in Santa Maria dei Servi, la Pinacothèque de Sienne ne conserve qu'une dalle de marbre sculptée de trois bas-reliefs représentant trois épisodes de sa vie : Le Miracle de la porte, Le Miracle de la table et enfin Le Miracle du cierge[12].

Trois Miracles de la vie du bienheureux Joachim Piccolomini (1302-1317)

Bardotti[13] a relevé les fortes analogies entre certaines scènes et la Maestà de Duccio : par exemple entre l'édifice du Miracle de la porte et celui de la Tentation du Christ au temple de la Maestà.

De la même période date un fragment de monument funéraire, un morceau de tympan figurant le Rédempteur bénissant, aujourd'hui à la Pinacothèque de Sienne, mais provenant de la basilique San Domenico de Sienne[14].

Les œuvres ultérieures se caractérisent par une ouverture timide[N 7] au style de Giovanni Pisano.

Monument funéraire de sainte Marguerite de Cortone (vers 1315)

De manière controversée[N 8], mais s'appuyant sur des affinités stylistiques manifestes, les historiens d'art ont attribué à Gano un ensemble d’œuvres exécutées pour la basilique Sainte Marguerite (it) à Cortone où elles se situent encore :

  • le monument funéraire de Sainte Marguerite de Cortone en enfeu, comprenant plusieurs bas-reliefs remarquables : Sainte Marguerite donnant son manteau à une pauvresse, Le Christ rassurant sainte Marguerite sur le sort de son enfant et la Mort de sainte Marguerite ;
  • une série de sept bustes en marbre bas-relief représentant des saints[15];
  • le Christ bénissant, situé dans la sacristie[16];
  • enfin une statue de marbre représentant la Vierge à l'Enfant décorant autrefois la façade de la basilique (et aujourd'hui conservée au musée diocésain de Cortone)[15].

Onze statues de saints et prophètes (v. 1315-1317)

Onze statues de saints et prophètes (parmi lesquels Saint Jean Baptiste, Saint Pierre, Saint François) conservées dans la crypte de la cathédrale de Massa Marittima sont considérées comme ses dernières œuvres[17]. L'adoption limitée d'éléments de Giovanni Pisano rapproche ces œuvres de l'art de Goro di Gregorio[17], qui signera quelques années plus tard (1324) l'Arca di San Cerbone en cette même cathédrale. Enzo Carli en 1990[18] a proposé de les attribuer à un collaborateur de Goro di Gregorio.

Parenté de l’œuvre avec celle de Marco Romano

Cénotaphe de Messer Porrina

Longtemps attribué à Gano par la critique (cf. de Carli en 1942[19],[N 9] à encore Bellosi[20] en 1984), le cénotaphe de Beltramo di Porrina[N 10] de la Collégiale de Casole d'Elsa, chef-d’œuvre de la sculpture pisane gothique par son réalisme et ses innovations iconographiques[N 11], est aujourd'hui majoritairement[21],[11] attribué à Marco Romano (it).

De même, les statues monumentales de la Vierge à l'Enfant, Saint Imerio (it) et Saint Hommebon de Crémone en la cathédrale de Crémone[N 12] sont, depuis Previtali[21], généralement considérées comme étant de Marco Romano, et non plus de Gano.

Les confusions autour de ces attributions sont dues à quelques fortes similitudes : notamment entre le visage de Beltramo et celui de Tommaso, et l'inscription du Saint Simon de Marco Romano (Église San Simeone Profeta, Venise) fait manifestement référence à celle du monument de Tommaso d'Andrea de Gano. La formation commune des deux sculpteurs sur le chantier du Dôme de Sienne constituerait la principale explication à ces similitudes[10].

Liste des œuvres attribuées

  • Monument funéraire de Ranieri degli Ubertini (vers 1295), San Domenico, Arezzo
  • Monument funéraire de Tommaso Andrei (vers 1303-1305), Collégiale, Casole d'Elsa
  • Portrait de Tommaso d'Andrea, Musée archéologique de la Collégiale, Casole d'Elsa
  • Monument funéraire du bienheureux Joachim Piccolomini (1310-1312), Pinacothèque, Sienne
  • Rédempteur bénissant, Pinacothèque, Sienne
  • Monument funéraire de sainte Marguerite de Cortone (vers 1315), Basilique Sainte Marguerite, Cortone
  • une série de bustes en marbre bas-relief représentant des saints, Basilique Sainte Marguerite, Cortone
  • Christ bénissant, Basilique Sainte Marguerite, Cortone
  • Vierge à l'Enfant, Musée diocésain, Cortone
  • Sainte Marie-Madeleine ou Saint Galgano [sic][22] (vers 1315), Staatlisches Museum, Berlin (inv. no 2955)[16]
  • Anges en adoration (vers 1315), Musée Civique Amedeo Lia, La Spezia.
  • Onze statues de saints et prophètes (vers 1315-1317), crypte de la cathédrale, Massa Marittima

Autres œuvres attribuées

Notes

  1. C'est Bacci ([BACCI 1944]) qui a identifié Gano da Siena à Gano di Fazio (Siena, Arch. di Stato, Gabella Contratti nr. 35, 1301-1302, c. 163).
  2. Siena, Arch. di Stato, Lira 7 C, 1311-1312, c. 34; Lira nr. 10, 1312, c. 111; Lira nr. 385, 1313, c. 38; Lira nr. 386, 1313, c. CLXXIII; Estimo nr. 145, 1316, c. 4.
  3. « heredes Gani magistri lapidum », Siena, Arch. di Stato, Estimo nr. 98, 1318, c. 3
  4. On a longtemps considéré que Ranieri degli Ubertini était mort en 1301 jusqu'à la récente découverte de nouveaux documents (cf. [BARTALINI CIONI 2003] note 35, page 435).
  5. Tommaso d'Andrea est resté célèbre pour être le commanditaire de la chaire de Sant'Andrea à Pistoia, réalisée par Giovanni Pisano de 1297 à 1301, un des chefs-d’œuvre de la sculpture occidentale.
  6. Pour une transcription complète des inscriptions, cf. [CARLI 1942], p. 236, note 5.
  7. « [...] la phase extrême de son activité passe par la prise de conscience - tardive et, si l'on peut dire, un peu extérieure - des principes d'une dynamique prononcée et d'un contraste tranché, qui sont le propre de la sculpture de Giovanni Pisano » Roberto Bartalini in ([BARTALINI 2005], p. 494), à la suite de Gianna Bardotti Biaison ([BARDOTTI BIAISON 1995], p. 477).
  8. S'appuyant sur un document de 1362, ce monument était traditionnellement attribué à Angelo et Francesco di Pietro, artistes inconnus par ailleurs ; mais, en 1984, une étude plus précise du document a amené à ne leur attribuer que le cercueil ([BARDOTTI BIAISON 1984] et [BARDOTTI BIAISON 1995]).
  9. Carli considère alors le cénotaphe comme celui de Rainerio del Porrina (it), le frère de Beltramo, qui a vraisemblablement commandité l’œuvre.
  10. Bernadino (degli) Aringhieri, dit Beltramo del Porrina, ou di Porrina ou encore Messer Porrina, seigneur de Casole et de Radi di Montagna est mort avant 1309.
  11. Il s'agit de l'unique sculpture toscane de cette période représentant une figure en pied sous un dais gothique.
  12. Les statues étaient destinées à la façade, vraisemblablement commanditées par Rainerio del Porrina, alors évêque de Crémone.

Références

Bibliographie

  • [CARLI 1942] (it) E. Carli, « Lo scultore Gano di Siena », Emporium, vol. XCV, no 570, , p. 231-247 (lire en ligne). Cet article de Carli, remarquable pour son réexamen de l'école pisane de sculpture, s'avère aujourd'hui (2015) comporter beaucoup d'inexactitudes, mais Carli ne disposait pas alors de nombreux documents découverts depuis, sur Gano, la famille Aringhieri/Porrina, etc., et notamment les documents révélés par Bacci deux ans plus tard ([BACCI 1944]).
  • [BACCI 1944] (it) P. Bacci, « Notizie originali inedite e appunti critici su Gano di Fazio scultore senese (metà XIII sec.-1317) », dans Fonti e commenti per la storia dell'arte senese: dipinti e sculture in Siena e nel suo contado e altrove, Siena, , p. 49-109
  • [KOSEGARTEN 1966.1] (it) A. Kosegarten, « Beiträge sienesischer Reliefkunst des Trecento », Mitteilungen des Kunsthsitorischen Institutes in Florenz,, vol. XII, , p. 207-224
  • [KOSEGARTEN 1966.2] (it) A. Kosegarten, « Einige sienesische Darstellungen der Muttergottes aus dem frühen Trecento », Jahrbuch der Berliner Museen, vol. VIII, , p. 96-118
  • [CARLI 1980] (it) E. Carli, Gli scultori senesi, Milan,
  • [PREVITALI 1983] (it) G. Previtali, « Alcune opere "fuori contesto": il caso di Marco Romano », Bollettino d'arte, vol. LXVIII, , p. 43-68
  • [BARDOTTI BIAISON 1984] (it) G. Bardotti Biasion, « Gano di Fazio e la tomba-altare di s. Margherita da Cortona », Prospettiva, no 37, , p. 2-19
  • [BELLOSI 1984] (it) L. Bellosi, « Gano a Massa Marittima », Prospettiva, no 37, , p. 19-22
  • [BARDOTTI BIAISON 1985] (it) G. Bardotti Biasion, Duccio, Florence,
  • [BARTALINI 1985] (it) R. Bartalini, « Goro di Gregorio e la tomba del giurista Guglielmo di ciliano », Prospettiva, no 41, , p. 21-38
  • [BAGNOLI BARTALINI 1987] (it) A. Bagnoli et R. Bartalini, Scultura dipinta. Maestri di legname e pittori a Siena, 1250-1450, Florence,
  • [CARLI 1990] (it) E. Carli, « Sculture senesi del Trecento tra Gano, Tino e Goro », Antichità viva, Firenze, no 29, , p. 26-39
  • [SEMFF 1991] (de) M. Semff, « Ein Marmorporträt des Gano di Fazio um 1303 », Kunstkronik, vol. XLIV, , p. 174-175
  • [RIEDL - SEIDEL 1992] (de) P. A. Riedl et M. Seidel (direction), Die Kirchen von Siena, tome 2 : Oratorio della Carita - S.Domenico,
  • [BARDOTTI BIAISON 1995] (it) G. Bardotti Biasion, « Gano da Siena », dans Enciclopedia dell' Arte Medievale, (lire en ligne)
  • [ASCANI 1999] (it) V. Ascani, « Gano di Fazio », dans Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 52 (lire en ligne)
  • [BARTALINI 2003] (it) R. Bartalini, « Gano di Fazio - schede 86. San giovanni battista; 87. San Pietro; 88. Giovane santo con libro », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN 88-8215-483-1), p. 492-497
  • [BARTALINI CIONI 2003] (it) R. Bartalini et A. Cioni, « Le vie del gotico a Siena: orafi e scultori », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN 88-8215-483-1), p. 492-497
  • [COLUCCI 2003.1] (it) S. Colucci, « Gano di Fazio », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN 88-8215-483-1), p. 486-487
  • [COLUCCI 2003.2] (it) S. Colucci, « Gano di Fazio - scheda 85. Storie del beato Gioacchino Piccolomini », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN 88-8215-483-1), p. 488-491
  • [COLUCCI 2003.3] (it) S. Colucci, Sepolcri a Siena tra Medioevo e Rinascimento : analisi storica, iconografica e artistica, Florence, Editore SISMEL,
  • [BARTALINI 2005] (it) R. Bartalini, Scultura gotica in Toscana. Maestri, monumenti, cantieri del Due e Trecento, Milan, Silvana Editoriale, , 376 p. (ISBN 88-366-0601-6, lire en ligne)

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