Génération de 98

La dernière décennie du XIXe siècle connut une activité littéraire débordante en Espagne. Les auteurs de la génération de 98 (Generación del 98), comme ils furent surnommés, étaient déterminés à réévaluer la vie culturelle du pays et essayer de la revitaliser.

C'est l'époque à laquelle l'Espagne, perdant ses dernières colonies, se rendit soudainement compte qu'elle n'était plus ce qu'elle avait été. Ces écrivains essayèrent de montrer comment l'Espagne a ouvert les yeux sur ce qu'était le monde moderne, dans lequel les histoires du passé glorieux étaient devenues éventées et désuètes.

Membres

Quelques écrivains parmi les plus représentatifs de cette génération d'écrivains, furent le philosophe Miguel de Unamuno y Jugo, l'écrivain galicien Ramón del Valle-Inclán, le poète Antonio Machado y Ruíz, l'essayiste Azorín, nom d'auteur de José Martinez Ruiz, le romancier basque Pío Baroja y Nessi et le dramaturge et critique Jacinto Benavente y Martinez.

Certains artistes, comme les peintres Ignacio ZuloagaRicardo Baroja (ce dernier était d'ailleurs un écrivain ainsi qu'un peintre) et José Gutiérrez-Solana[1], peuvent faire partie de cette génération dans le cadre de l'« Espagne noire », tandis qu'Isaac Albéniz et Enrique Granados sont considérés les musiciens les plus importants de ce mouvement.

Caractéristiques

Les auteurs de la génération entretinrent au moins au début une amitié étroite et s'opposèrent à l'Espagne de la Restauration. Pedro Salinas a analysé jusqu'à quel point on peut parler de manière historiographique de génération à leur sujet. Ils partagent de manière incontestable plusieurs points communs :

  1. Ils font une distinction entre une Espagne réelle misérable et une Espagne officielle fausse et apparente.
  2. Ils éprouvent un grand intérêt pour le ruralisme et de l'amour pour cette Castille pauvre des villages abandonnés qui tombent en poussière, ils revalorisent son paysage et ses traditions, le langage typique et spontané. Ils parcourent la Meseta en écrivant des livres de voyages, ressuscitent et étudient les mythes littéraires espagnols et le Romancero.
  3. Ils rompent avec les formes classiques qu'ils renouvellent, créant de nouvelles formes dans tous les genres littéraires. Dans le genre narratif, la nivola d'Unamuno, le roman impressionniste et lyrique d'Azorín, qui joue avec l'espace et le temps et fait vivre le même personnage à plusieurs époques ; le roman ouvert et désagrégé de Pío Baroja, influencé par le roman feuilleton, ou le roman quasi théâtral de Valle-Inclán. Au théâtre, l'esperpento et l'espressionisme de Valle-Inclán ou les drames philosophiques d'Unamuno.
  4. Ils rejettent l'esthétique du Réalisme et ses longues phrases, sa recherche rhétorique et ses détails minutieux, préférant un langage plus proche de la langue de la rue, une syntaxe plus courte et une esthétique impressionniste. Ils reprirent les mots traditionnels et typiques de la campagne.
  5. Ils tentèrent d'implanter en Espagne les courants philosophiques de l'irrationnalisme européen, en particulier Friedrich Nietzsche (Azorín, Maeztu, Baroja, Unamuno), Arthur Schopenhauer (spécialement chez Baroja), Søren Kierkegaard (chez Unamuno) et Henri Bergson (Antonio Machado).
  6. Le pessimisme est l'attitude la plus courante parmi eux, et leur attitude critique et exigeante les fait sympathiser avec des romantiques comme Mariano José de Larra, à qui ils rendirent hommage.
  7. Idéologiquement, ils partagent les thèses du Régénérationnisme de Joaquín Costa.

D'un côté, les intellectuels les plus modernes, parfois secondés par les auteurs qu'ils critiquent, soutenaient que la génération de 98 se caractérisait par une montée de l'égoïsme, par un sentiment de frustration précoce et maladif, par l'exagération néoromantique de l'individu et par son imitation servile des modes européennes du moment.

De l'autre côté, pour les écrivains de la gauche révolutionnaire des années 1930, l'interprétation négative de la rébellion de 98 s'associe à un fondement idéologique : l'esprit fin de siècle de contestation répond à la maladie de jeunesse d'un secteur de la petite bourgeoisie intellectuelle, condamné à s'enfermer dans une attitude spiritualiste et trompeuse, nationaliste et antiprogressiste. Ramón J. Sender soutenait en 1971 la même thèse (avec cependant des présupposés différents).

Les difficultés de définir la génération de 98 ont toujours été nombreuses étant donné qu'il est impossible d'embrasser la totalité des expériences artistiques d'une période étendue. La génération de 98 est donc une réalité complexe qu'on ne peut appréhender par les seuls faits historiques, et ce pour trois raisons :

  1. La crise politique de la fin du XIXe siècle a touché plus d'écrivains que ceux que compte la génération de 98.
  2. On ne peut restreindre l'expérience historique des auteurs nés entre 1864 et 1875 (dates de naissance d'Unamuno et Machado) au ressentiment nationaliste produit par la perte des colonies. À ce moment-là s'affirmait en Espagne une communauté sociale et économique presque moderne.
  3. L'essor du républicanisme et/ou la lutte anticléricale (1900-1910), ainsi que d'importantes grèves, le syndicalisme, les mobilisations ouvrières ou les attentats anarchistes.

La génération de 98 présente des points communs avec le modernisme catalan, puisqu'ils ont surgi parallèlement et poursuivaient des buts similaires.

Notes et références

(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Generación del 98 » (voir la liste des auteurs).
  1. Plus jeune, on l'associe plutôt à la Génération de 14, mais il fréquente notamment Valle-Inclán et Unamuno et partage leurs inquiétudes.

Articles connexes

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