Frene Ginwala

Frene Noshir Ginwala, née le , est une journaliste, une essayiste, et une femme politique sud-africaine. Issue d'une famille indienne, elle a été contrainte à l'exil pendant une trentaine d'années, et a joué un rôle important durant cet exil dans la lutte contre l'apartheid. De retour en Afrique du Sud dans les années 1990, elle devient notamment présidente de l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud de 1994 à 2004, puis chancelière de l'Université du KwaZulu-Natal. Elle agit aussi pour une meilleure présence des femmes dans le monde politique sud-africain et panafricain.

Biographie

Frene Ginwala est née le 25 avril 1932 à Johannesbourg[1],[2], dans ce qui était alors la Province du Transvaal. Johannesbourg était alors une ville en pleine croissance, à la suite de la découverte de gisements d'or dans le Witwatersrand à la fin du XIXe siècle. Les signes de ségrégation, d'oppression, d'injustice et d'assujettissement des africains (pour l'exploitation aurifère notamment) étaient visibles quotidiennement[2].

Ses grands-parents ont émigré de l'Inde en Afrique du Sud au XIXe siècle, sans que les raisons de cette installation en Afrique ne soient connues. C'est sans doute un choix volontaire, à la différence de nombreuses familles indiennes conduites à vivre dans le Natal, à la suite d'un engagement sur contrat pour travailler dans les plantations de canne à sucre. La famille Ginwala, en tant qu'Indiens implantés en dehors du Natal, faisait partie d'une communauté plus réduite. Comme elle a pu effectuer ses études en Angleterre, cette famille devait être relativement aisée et cosmopolite. Les différentes communautés indiennes étaient organisées et politisées, comme Frene Ginwala en témoigne ultérieurement : « J'ai grandi dans les années 1930 et 1940, lorsque le mouvement des congrès était à son apogée, que ce soit le Congrès indien ou l'ANC. C'était un mouvement qui soulignait l'importance de rendre compte à la population, donc il s'agissait de rassemblements et de réunions de masse. Même enfants, on voulait tous aller aux rassemblements, alors on s'est impliqués progressivement ». En 1952, alors qu'elle entre dans sa vingtième année, ce Congrès indien s’allie au Congrès national africain (l'ANC) pour lancer une campagne de défiance contre l'apartheid et la ségrégation raciale. Il est probable qu'elle ait été proche de l'ANC dès cette époque, avant de partir étudier à l'Université de Londres, en droit. Lorsqu'elle revient en Afrique du Sud au milieu des années 1950, elle milite au sein de l'ANC mais n'y joue pas un rôle considérable. Elle est cependant en contact avec Walter Sisulu, qui, lui, joue un rôle plus significatif dans la Ligue des jeunes de l'ANC, puis, ultérieurement dans l'Umkhonto we Sizwe (MK), la branche militaire de l'ANC[2].

Le 21 mars 1960, des protestations pacifiques sont lancées contre les lois sur les passeports intérieurs. Mais à Sharpeville, la police ouvre le feu sur des manifestants non armés.C'est la fin de la résistance passive à l'apartheid, le début d'une phase militante plus dure, avec en réponse une escalade de la répression par le pouvoir. Non identifiée comme militante, aidée par ce relatif anonymat, elle joue un rôle significatif pour aider certains dirigeants de l'ANC à franchir la frontière, notamment vers le Mozambique (territoire portugais à l'époque), dans la période qui suit le massacre de Sharpeville et la déclaration de l'État d'Urgence (SOE) en 1960. Parmi les premières personnes qu'elle aide à quitter le pays figurent Oliver Tambo et Yusuf Dadoo, deux chefs de file du mouvement de protestation. Elle organise aussi des lieux d'hébergement et sert occasionnellement de chauffeur à des dirigeants du NIC (Natal Indian Congress), qui opèrent dans la clandestinité. Leur activité consiste à recueillir des fonds auprès de donateurs secrets afin de soutenir les familles laissées sans ressources par l'arrestation de membres de leur famille dans le cadre de l'état d'urgence, la SOE. Mais Walter Sisulu lui conseille bientôt de rejoindre ses parents, qui s'étaient installés au Mozambique lorsqu'elle était à Londres pour ses études. Le lendemain de cet échange, elle monte à bord d'un avion pour ce pays[2].

Puis elle gagne la Tanzanie encore sous l'Administration coloniale britannique, accompagnée d'autres militants tels que Yusuf Dadoo. Un bureau de l'ANC est établi à Dar es Salam, au Tanganyika. Le renversement du régime de Zanzibar, en 1963, ouvre la voie à la formation de la République Unie de Tanzanie en 1964. Elle représente l'ANC en Tanzanie, au Mozambique, et en Zambie.En dehors de ce militantisme pour l'ANC, elle se consacre à un champ large d'activités. Elle étudie. Elle écrit pour un certain nombre de médias anglais , y compris la BBC. Expulsée en 1967 de Tanzanie, elle se rend au Royaume-Uni et s'intègre à la représentation de l'ANC sur place. Elle se spécialise sur les questions militaires, le nucléaire et les transferts de technologie. Mais surtout, elle joue un rôle important comme conférencière, en expliquant en Europe l'utilité des sanctions et de l'embargo sur le pétrole et les armes envers l'Afrique du Sud. Autorisée à revenir en Tanzanie, elle devient également, à la demande du Président Julius Nyerere, la rédactrice en chef anglophone de la presse quotidienne The Standard, et, le dimanche, de News. Dans les années 1970 et 1980, elle voyage dans le monde entier pour renforcer le soutien au mouvement anti-apartheid et à l'ANC[2],[3].

Revenue en Afrique du Sud dans les années 1990 à la suite de la libération de Nelson Mandela et à la fin du régime de l'apartheid, elle se présente comme député aux premières élections nationales démocratiques de 1994 en Afrique du Sud, et est élue au Parlement. Puis elle devient présidente de la Chambre (« Speaker »)[3], première femme à ce poste, qu'elle qu'occupe de 1994 à 2004[2]. Elle utilise sa notoriété et son influence pour tenter de renforcer la présence des femmes dans les milieux politiques sud-africains et panafricains, exerçant aussi comme vice-présidente d'une Commission d'émancipation des femmes[3],[4],[5].

Après avoir été présidente de la Chambre des députés pendant dix ans, elle se retire en 2004 de la vie politique, à 72 ans, mais continue à servir dans un certain nombre d'organisations internationales au titre de la Fondation Nelson Mandela. Elle est surtout nommée première chancelière de l'Université de KwaZulu-Natal, en avril 2005[6].

Sollicitée par la présidence de la République sud-africaine pour des avis sur des sujets controversés de l'organisation de la justice, elle montre à cette occasion son indépendance d'esprit. Le président Thabo Mbeki la désigne ainsi, fin septembre 2007, pour mener des investigations sur l'aptitude du Directeur national du ministère public, Vusi Pikoli, à occuper ce poste, sachant qu'un conflit entre Vusi Pikoli et Thabo Mbeki couve depuis un mandat du Parquet à l'encontre de Jackie Selebi, directeur de la police sud-africaine et de Interpol, et proche confident du président[7]. Elle se montre positive dans ses conclusions sur Vusi Pikoli, mais critique le manque de communication entre les ministères[8]. Elle a également des mots très durs dès 2009 concernant Jacob Zuma, président de la République sud-africaine depuis mai 2009[9].

Principales publications

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages de réflexion et d'essais, durant ses années d'exil, notamment :

  • 1974 : Class, Consciousness and Control : Indian South Africans, 1860-1946, Université d'Oxford,
  • 1985 : Indian South Africans, Minority Rights Group,
  • 1991 : Gender and economic policy in a democratic South Africa, en collaboration avec Maureen Mackintosh et Doreen Massey, Development Policy and Practice, Technology Faculty, Open University.

Distinctions

En 2003, elle reçoit le Prix Nord-Sud, et en 2008, l'Ordre du Soleil levant (Japon), 2008[10].

Références

  1. (en) « Frene Noshir Ginwala, Dr. Profile information », sur apps.gcis.gov.za (consulté le )
  2. (en) « Dr. Frene Noshir Ginwala », SAHO (South Africa History Online, Histoire sud-africaine en Ligne, (lire en ligne)
  3. « Afrique du Sud. Une Indienne au perchoir », Le Monde, (lire en ligne)
  4. « L'Union africaine peine à mettre en œuvre une politique de sécurité commune », Le Monde, (lire en ligne)
  5. (en) Dinsha Mistree, « Frene Ginwala », sur Stanford University
  6. (en) « The University of KwaZulu Natal's first chancellor - Dr Frene Ginwala » (version du 13 septembre 2007 sur l'Internet Archive), sur ukzn.ac.za
  7. (en) « Ginwala to judge Pikoli's fitness to hold office », Mail & Guardian, (lire en ligne)
  8. (en) « Report of the enquiry into the fitness of Advocate VP Pikoli », sur info.gov.za
  9. (en) « Zuma failing to lead by example - Ginwala », Independent Online (IOL), (lire en ligne)
  10. (en) « Mbeki in Japan for conference on African development », The Citizen,

Liens externes

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