Francesco Schettino

Francesco Schettino (prononcé : [franˈtʃesko sketˈtiːno]  ; né le ) est un ancien capitaine de navire italien qui commandait le bateau de croisière Costa Concordia lorsqu'il a heurté un rocher sous-marin et chaviré le 13 janvier 2012 au large de l'île italienne de Giglio. En 2015, il est reconnu coupable de la mort de 32 passagers et membres d'équipage et condamné à seize ans de prison.

Jeunesse

Francesco Schettino est né à Naples dans une famille de marins de Meta, en Campanie[1],[2]. Il fréquente l'institut nautique Nino Bixio à Piano di Sorrento[3], puis travaille pour la compagnie de ferry Tirrenia.

Carrière

En 2002, âgé de 41 ans, Schettino est embauché par Costa Croisières, une filiale du Groupe Carnival. Commençant comme fonctionnaire chargé de la sécurité, il passe au rang de commandant en second[3]. En 2006, Schettino est promu capitaine et reçoit le commandement du nouveau Costa Concordia.

En 2010, en tant que capitaine du Costa Atlantica, il entre dans le port de Warnemünde, en Allemagne, à une vitesse trop élevée, causant des dommages à l'AIDAblu, également un navire de Costa Croisières[4].

En 2014, deux ans après la catastrophe de Costa Concordia, il enseigne un cours de gestion de la panique à l'Université de Rome[5],[6].

Naufrage du Costa Concordia

Échouement du Costa Concordia.

Schettino est le capitaine du Costa Concordia le 13 janvier 2012. Devant l'île de Giglio, il tente un sail-by salute (en) (passer près de la côté pour saluer les habitants), une manœuvre qu'il avait déjà effectuée. Le navire heurte alors un rocher sous-marin au large de l'île, chavire partiellement et échoue sur son côté tribord, entraînant la mort de 32 personnes[7]. Lors du naufrage, il quitte le navire à bord d'un canot de sauvetage, avançant avoir trébuché dedans lors du retournement et y être entré involontairement[8],[9].

Par la suite, il annonce accepter un certain degré de responsabilité, exprimer des regrets et avoir demandé pardon aux familles des victimes[3],[10]. En 2012, l'avocat de Schettino, Bruno Leporatti, défend ses actions et indique que ses actions après la collision étaient « brillantes  » et avaient sauvé des vies[11].

Schettino indique avant le procès que les roches sous-marines touchées par le navire n'étaient pas répertoriées, que le timonier ne parlait ni anglais ni italien et que les générateurs du navire avaient mal fonctionné, ce qui a entravé l'effort de sauvetage. En ce qui concerne son départ précoce du navire, malgré son explication de départ involontaire, une transcription d'une conversation enregistrée entre Schettino et le capitaine de garde de la Garde côtière italienne, Gregorio de Falco (en), montre que ce dernier a ordonné à plusieurs reprises à Schettino de quitter le canot de sauvetage et de retourner sur le Costa Concordia[12],[13]. Ainsi, de Falco ne croit clairement pas à l'explication de Schettino sur la façon dont il est « tombé » dans le canot de sauvetage, ni son excuse pour ne pas retourner à son navire parce qu'il faisait « trop sombre » et que l'embarcation de sauvetage avait « arrêté de bouger »[12].

Traitement dans les médias

Schettino a été largement vilipendé dans une large couverture médiatique, qui l'a notamment surnommé "Captain Coward"[14] ou "Captain Calamity"[15], en anglais, et "Capitaine Couard", en français[16]. D'autres articles de presse ont noté que Schettino était un casse-cou enclin à l'insubordination[17],[18]. Il a également été décrit comme "l'homme le plus détesté d'Italie"[19],[20].

Après son procès à Grosseto, Schettino a déclaré avoir passé trois ans «dans un hachoir médiatique»[21],[22]. Cependant, il y a également eu des spéculations sur le fait que Schettino était un "coupable idéal" pour Costa Croisières, ce qui a permis à la compagnie de se dissocier de lui alors qu'elle connaissait la pratique de salut et l'aurait même encouragée[23],[24],[25].

Costa a eu des contacts avec Schettino pendant l'intervalle entre la collision avec le rocher et l'ordre d'évacuation, cela ayant pu avoir entraîné un retard dans l'effort de sauvetage[23],[26],[27].

Poursuite judiciaire

Après l'accident, Schettino est placé en garde à vue provisoire par le procureur de Grosseto puis placé en résidence surveillée le 17 janvier 2012[28],[29].

Le 5 juillet 2012, Schettino est libéré de l'assignation à résidence mais mandaté de résider à Meta di Sorrento[30],[31]. Avant le procès de Schettino, Pier Luigi Foschi, alors président de Costa, accuse le capitaine d'être responsable de la déviation du parcours et de la navigation près de Giglio[3]. Par ailleurs, Costa met fin à l'emploi de Schettino en 2012[32]. Aussi, la société refuse de payer pour sa défense juridique bien qu'elle l'ait d'abord soutenu. Au lieu de cela, après une négociation de peine avec l'accusation, elle se porte partie civile dans le procès contre Schettino[33],[34].

Le procès de Schettino est séparé d'un procès contre cinq autres employés de Costa, à savoir Roberto Ferrarini (le directeur de crise de l'entreprise, qui a été reconnu coupable d'avoir minimisé l'ampleur de la catastrophe et retardé une réponse adéquate), le directeur du service cabine Manrico Giampedroni, le second capitaine Ciro Ambrosio, le barreur Jacob Rusli Bin et troisième officier Silvia Coronica. Tous ont plaidé coupable dans le cadre d'une négociation de peine et ont été condamnés à des peines de prison allant de dix-huit mois à deux ans et dix mois[35]. Les enquêtes criminelles sur le rôle de Costa dans la catastrophe sont conclues en avril 2013 après que la compagnie a accepté de payer une amende d'un million d'euros[34],[36]. La société reste cependant responsable des dommages civils[22].

Procès de la Cour de Grosseto

En février 2013, le parquet de Grosseto annonce qu'il engage une procédure judiciaire contre Schettino. Il est accusé de plusieurs chefs d'accusation d' homicide involontaire coupable, d'abandon de navire avec des passagers toujours à bord et de manque de coopération avec les opérations de sauvetage[37]. Le procès se déroule au "Teatro Moderno" de Grosseto, qui a été adapté en salle d'audience pour accueillir les avocats d'environ 250 codemandeurs et environ 400 témoins prévus[33],[38].

Alors que les autres parties concernées pouvaient négocier, la demande de Schettino de conclure lui-même une négociation de peine est rejetée[33],[36]. Au moment où il comparaît pour la première fois le 2 décembre 2014, il est le seul à être accusé d'homicide involontaire coupable[39].

Pour sa défense, Schettino explique que le salut était destiné à rendre hommage aux autres marins et, pour des raisons professionnelles, à offrir aux passagers une belle vue[25],[40]. Il soutient également que ses actions avaient sauvé la vie de beaucoup de passagers après que le navire a percuté le rocher et que certains membres de son équipage ont mal compris ou bâclé ses ordres[41],[42]. En outre, il a accusé les générateurs défectueux et l'inondation des compartiments d'aggraver la situation[43]. Son avocat a indiqué que ces dysfonctionnements étaient responsables des décès[39],[42].

À l'issue de la procédure, la procureur Maria Navarro a demandé une peine de prison de 26 ans et trois mois[43],[44]. Confirmant les accusations, elle a analysé les peines de prison comme suit : quatorze ans pour homicide involontaire coupable, neuf ans pour naufrage, trois ans pour abandon du navire et trois mois pour ne pas avoir contacté les autorités lorsque l'accident s'est produit[37],[45]. Navarro a par ailleurs accusé Schettino d'avoir menti pendant le procès ainsi que lors d'entretiens publics antérieurs[46]. Le procureur Stefano Pizza a par ailleurs déclaré[46] :

« Le devoir du capitaine d'être la dernière personne à quitter le navire n'est pas seulement une obligation dictée par les anciennes règles maritimes, c'est aussi une obligation légale destinée à limiter les dommages à ceux qui sont sur le navire. »

Les avocats de Schettino ont réfuté les accusations et ont indiqué que le désastre était un échec collectif dont il ne devait pas être le bouc émissaire[22].

Le 11 février 2015, après un procès de 19 mois, le juge Giovanni Puliatti condamne Schettino à seize ans de prison et cinq ans d'interdiction de naviguer[47],[48]. Le verdict de seize ans est composé de dix ans pour homicide involontaire coupable, cinq ans pour avoir causé le naufrage et un an pour abandon de ses passagers, à purger consécutivement[22].

Réponse au verdict

Bien que l'avocat de Costa ait qualifié le verdict de « juste »[49], d'autres l'ont critiqué. Les groupes de survivants l'ont considéré comme trop indulgent[50],[51]. D'autre part, il a également été soutenu que Schettino, bien que coupable, avait été fait bouc émissaire. Selon ce point de vue, la catastrophe était une défaillance complexe, impliquant non seulement une négligence de la part du capitaine, mais également des procédures de sécurité inadéquates, de mauvaises procédures d'évacuation, des problèmes de communication et des défauts techniques (tels que des portes étanches défectueuses).

Le , une cour d’appel italienne confirme la peine d'emprisonnement de Schettino[52],[53]. Schettino fait ensuite appel devant la Cour suprême de cassation italienne qui a confirmé la sentence initiale le 12 mai 2017[54],[55]. Il se rend alors à la Rebibbia prison (en) de Rome après avoir entendu le verdict pour commencer à purger sa peine[56],[57].

Postérité

Depuis le naufrage, Francesco Schettino est devenu l'antithèse du bon capitaine. Par exemple, son nom a été confronté à celui de Gennaro Arma, le capitaine du Diamond Princess acclamé pour sa gestion de la pandémie de COVID-19 à bord[58],[59].

Vie privée

La traductrice moldave Domnica Cemortan était présente avec lui sur le pont lors de la collision. Elle a ensuite admis qu'elle avait eu une liaison extraconjugale avec Schettino[60],[61]. Avant de commencer sa peine de prison, Schettino vivait à Meta dans la province de Naples[1]. Il est marié à Fabiola Russo et a une fille[62].

Références

  1. (en) « Italian ship's captain still has hometown sympathy », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
  2. « Commandant Schettino, l'anti-héro défendu sur ses terres », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  3. « Profile: Capt Francesco Schettino », BBC News, (consulté le )
  4. (en) « Costa Capt. Crashed Before: Report », sur The Daily Beast, (consulté le )
  5. « Capt Francesco Schettino teaches panic management course at Rome university. », The Telegraph, (consulté le )
  6. A. F. P. agence, « La conférence de l'ex-capitaine du Concordia dans une université scandalise l'Italie », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
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  8. (en) « Costa Concordia captain claims he tripped and fell into a lifeboat », sur the Guardian, (consulté le )
  9. Slate.fr, « Les explications étranges du capitaine du Concordia », sur Slate.fr, (consulté le )
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  11. « Captain arrested over tragedy », Skynews, (consulté le )
  12. (en) « Captain Francesco Schettino 'refused chance' to return to sinking Costa Concordia », sur NewsComAu, (consulté le )
  13. Le JDD, « Concordia : l'enregistrement accablant », sur lejdd.fr (consulté le )
  14. (en-GB) « Captain Coward: I’ve got wet socks », sur The Sun, (consulté le )
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  16. Anne-Laure Frémont, « Naufrage du Costa Concordia : le «capitaine couard» fixé sur son sort en mai », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
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  21. L'essentiel, « Schettino se plaint d'un «hachoir médiatique» », sur L'essentiel (consulté le )
  22. « Costa Concordia captain Schettino guilty of manslaughter », BBC, (consulté le )
  23. « Cruise ship sinking: Costa chiefs ‘insisted’ on traditional sail-by salute, claims captain », The Scotsman, (consulté le )
  24. Le Point magazine, « Schettino : "Capitaine couard" ou "coupable idéal" ? », sur Le Point, (consulté le )
  25. «Costa Concordia» : «Ils m'ont emmerdé pour passer près des côtes», sur Libération.fr, (consulté le )
  26. Dani Garavelli, « Francesco Schettino: coward or conspiracy victim? », The Scotsman, (consulté le )
  27. Dominique Dunglas, « Costa Concordia : la compagnie a-t-elle couvert le commandant ? », sur Le Point, (consulté le )
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  61. « "Costa-Concordia" : l'ex-amante du capitaine était sur le pont pendant le naufrage », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  62. Boris Marchal, « La femme de Schettino : une «chasse à l'homme» », sur Le Figaro.fr, (consulté le )

Annexes

Articles connexes

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