Football au Brésil

Le football est le sport le plus populaire au Brésil. Introduit par le britannico-brésilien Charles William Miller en 1894 à São Paulo, le football est devenu progressivement la passion d'une nation qui se considère comme « o país do futebol » (le pays du football).

Selon une étude menée par la Fundação Getúlio Vargas (pt) en 2000, le football au Brésil brasse 16 milliards de dollars par an, en compte trente millions de pratiquants (soit 16 % de la population), 800 clubs professionnels et onze mille équipes amateurs[1],[2]. Par ailleurs, on évalue à un millier le nombre de footballeurs brésiliens quittant le pays chaque année pour vivre du football à travers le monde[3].

L’organe national qui gouverne le football est la Fédération du Brésil de football ((pt) Confederação Brasileira de Futebol, CBF). Fondée en 1914, elle est membre fondateur de la confédération sud-américaine (CONMEBOL) en 1916 et adhère à la fédération internationale FIFA sept ans plus tard. Les compétitions de club ont longtemps été dominées par les prestigieuses compétitions régionales, telles que le championnat de São Paulo et le championnat carioca (villes où se concentrent la majorité des grands clubs brésiliens : Flamengo, Fluminense FC, São Paulo FC, SC Corinthians, etc.), jusqu'à l'avènement du championnat national ces dernières années.

L’équipe nationale a remporté à cinq reprises la Coupe du monde de football, en 1958, 1962, 1970, 1994 et 2002, ce qui constitue un record, et reste la seule équipe à s’être qualifiée à toutes les éditions de cette compétition. Le Brésil a donné naissance à certaines des plus grandes stars du football mondial : Pelé, champion du monde à trois reprises et meilleur buteur de l’histoire de ce sport, mais aussi Mané Garrincha surnommé « la Joie du peuple », Arthur Friedenreich, Zico, Sócrates, Romário ou encore Ronaldo. De nos jours, des joueurs tels que Robinho, Ronaldinho, Kaká ou Neymar, et des joueuses comme Marta, sont considérés comme des superstars mondiales, dont les contrats (pour les hommes) se comptent en millions d'euros.

Le Brésil a été le pays hôte des coupes du monde 1950 et 2014.

Histoire

L'introduction par les immigrés

L'un des premiers matches de football au Brésil est Germânia (pt) - Internacional (1899).

Le football est introduit au Brésil à la fin du XIXe siècle par des immigrés britanniques.

À São Paulo, c'est Charles William Miller qui introduit le football. Fils d'un ingénieur de chemin de fer écossais immigré au Brésil, part faire ses études en Angleterre dans les années 1880 et y découvre le football. Il est ainsi pendant plusieurs années l'avant-centre du Southampton Football Club[4], ce qui lui vaut d'être sélectionné au sein du club londonien du Corinthian FC en 1892. À son retour à São Paulo en 1894, il amène avec lui du matériel de football et crée la section football du São Paulo Athletic Club (en), le club sportif local créé six ans auparavant. Il est traditionnellement considéré comme le père du football brésilien[5].

L’Écossais Thomas Donohue (pt) avait organisé quelques mois plus tôt un premier match à Bangu[6].

Du côté de Rio de Janeiro, c'est Oscar Cox (en), descendant d'une famille de la bourgeoise anglo-brésilienne, qui introduit le football. Les 19 et 20 octobre 1901, il organise une rencontre entre les joueurs de Rio et ceux de São Paulo coachés par Charles Miller. Le 22 décembre suivant, il organise le premier match officiel de l'histoire de Rio. Enfin, le 21 juillet 1902, il fonde le Fluminense FC[7].

Dans le Rio Grande do Sul, région frontalière de l'Uruguay et de l'Argentine, des immigrés allemands fondent en 1900 le Sport Club Rio Grande, le plus ancien des clubs encore actifs au Brésil[8].

La structuration des premiers championnats

En 1902, le premier championnat de São Paulo est organisé avec cinq clubs. La première finale voit le São Paulo Athletic Club (en) prendre le dessus sur le Club Athletico Paulistano (2-1), grâce à un doublé de Miller. Du fait des relations conservées par ce dernier, plusieurs équipes anglaises dont Southampton FC et Corinthian FC organisèrent des tournées au Brésil et ainsi contribuent à la pratique du football. C'est notamment ainsi que le Sport Club Corinthians Paulista vit le jour en 1910. À Rio, le championnat carioca est créé à son tour en 1906 avec six équipes, dont Fluminense est le premier vainqueur. Ces deux championnats domineront pendant une bonne partie du XXe siècle l'actualité du football brésilien[8].

Brésil 1914 v. Exeter City FC.

En 1914, la Fédération du Brésil de football est créée. En juillet, une sélection de joueurs brésiliens de São Paulo et de Rio de Janeiro affronte Exeter City FC, pour ce qui est considéré comme le premier match amical disputée par l'équipe nationale du Brésil. En septembre, les Brésiliens disputent leur premier match international face à l'Argentine, face à laquelle ils s'inclinent 3-0. En 1916, les fédérations argentine, brésilienne, chilienne et uruguayenne organisent la première Copa América et créent la confédération sud-américaine de football (CONMEBOL).

De la ségrégation au métissage

En 1924, le Club de Regatas Vasco da Gama est contraint par la Ligue métropolitaine (pt) à bannir certains joueurs de son équipe, jugés indésirables pour jouer dans la Ligue de l'aristocratie, notamment parce que noirs, mulâtres et / ou pauvres. À la suite de la réponse négative du Vasco, les grandes équipes (et néanmoins racistes) que sont alors Fluminense, Botafogo ou encore Flamengo, entre autres, créent l'Associação Metropolitana de Esportes Athleticos (pt) et interdisent le Vasco de participer à leurs compétitions, mais finalement ils acceptent ce club. Le racisme perdure pourtant, comme en atteste l'anecdote de pó de arroz (littéralement, « poudre de riz ») unanimement connue dans le Brésil avec le joueur Carlos Alberto qui se blanchit la figure avec cette poudre blanche pour être intégré dans le club aristocratique du Fluminense. De même, le joueur métis Arthur Friedenreich arrive toujours en retard sur le terrain car il passe une demi-heure dans le vestiaire à se défriser les cheveux crépus et à se mettre de la gomina[9].

Dans les années 1930, tout le peuple brésilien (incluant les noirs et les métis) devient acteur de ce sport devenu le plus populaire du pays, la rivalité des clubs étant telle qu'elle mise plus sur le talent que sur la couleur de la peau. La virtuosité des joueurs noirs et métis et l'adoption du professionnalisme le 23 janvier 1933 leur offrent alors un moyen d'ascension sociale[10].

En 1933, l'ouvrage de Gilberto Freyre analyse dans son ouvrage Maîtres et esclaves (en) l'hybridation et le métissage brésiliens. Il évoque ainsi la spécificité du football brésilien (avec notamment ses figures telles que le sombrero, le passement de jambes appelé « pedalada », l'« elastico ») qu'il considère plus dansant que l'européen[11].

Ère moderne

L'immensité du Brésil a toujours été un obstacle majeur à la tenue de compétitions sportives nationales. Ce n'est que lorsque le prix des liaisons aériennes devient abordable que ces compétitions deviennent possibles. En 1971, une première édition du championnat du Brésil ((pt) Brasileirão) est organisée. Le format de la compétition, devant opposer les meilleurs clubs du pays issus des championnats régionaux, change constamment jusqu'au début des années 2000, sous la pression des différents acteurs. D'abord largement éclipsé par le prestige des championnats régionaux, il gagne progressivement en importance au point d'être considérée comme la compétition nationale la plus importante aujourd'hui.

En 1998, le ministre des Sports Pelé parvient à faire aboutir son projet de loi appelé la « loi Pelé » qui est une adaptation à l'arrêt Bosman en Europe pour permettre aux footballeurs de s'engager où ils le désirent. Cette loi, appliquée en 2001, abolit le passe (terme portugais), une sorte de droit de propriété que les clubs et parfois aussi les agents détenaient sur la carrière des joueurs, ce qui amplifie l'exode des joueurs brésiliens vers les clubs européens et affaiblit le championnat brésilien[12].

La présidence de la fédération brésilienne de football incarnée par Ricardo Teixeira de 1989 à 2012, est marquée par la conquête de 11 titres mondiaux et 27 sud-américains par la sélection brésilienne qui consolide son hégémonie sur la scène internationale. Elle est marquée aussi par divers scandales, avec des accusations de népotisme pour l'attribution de postes à la fédération, de paiements de voyages vers les pays organisateurs de la coupe du monde à des magistrats et autres officiels ou encore à la conclusion de contrats défavorables au football brésilien, particulièrement avec le fabricant d'articles de sport Nike.

Organisation

Le championnat national, créé en 1971, est organisé en quatre niveaux hiérarchiques :

Aux côtés du championnat national sont disputés les nombreux championnats régionaux du pays, plus anciens, qui ont longtemps conservé plus de prestige que leur grand frère. On trouve au premier rang des championnats régionaux les championnats de São Paulo et de Rio de Janeiro, les plus anciens et les plus disputés.

Le championnat national a lieu de mai à décembre. Les championnats régionaux se déroulent de janvier à avril. Les clubs participent donc à la fois aux championnats nationaux et aux championnats régionaux.

Le style brésilien

Ronaldinho est un des joueurs qui incarne le mieux le style brésilien

Des joueurs talentueux

Le football brésilien est connu pour son style surnommé le joga bonito (le « beau jeu »), fait de créativité, d'imprévisibilité, de rapidité, de dribble. Un lien est classiquement tracé entre ce style de jeu et les spécificités rythmiques brésiliennes, illustrées par la ginga, mouvement de base de la capoeira, ou encore la samba, genre musical populaire au Brésil[13].

Le Brésil a compté de nombreux milieux de terrain qui exprimaient cette liberté technique sur le terrain, et ce, à toutes les époques : Arthur Friedenreich, Leônidas, Didi, Garrincha, Pelé, Rivelino, Jairzinho, Gérson, Tostão, Zico, Socrates, Romario, Ronaldinho, Rivaldo, Kaká, Neymar. Les attaquants ont également fait les beaux jours de la sélection brésilienne : Ademir, Vavà, Falcão, Careca, Bebeto, Ronaldo.

La Seleção a également compté des défenseurs qui font figure de référence, notamment au poste de latéral (Nilton Santos, Djalma Santos, Carlos Alberto, Júnior, Cafu, Roberto Carlos, Dani Alves, Marcelo).

Des coachs audacieux

Afin d'exploiter ces ressources et de bâtir des équipes compétitives, certains entraîneurs ont fait preuve d'innovations. Dans les années 1930 et 1940, sous l'influence des Hongrois Bela Guttman et Izidor Kürschner, des entraîneurs comme Gentil Cardoso, Manuel Fleitas Solich, Martim Francisco, Flávio Costa ou Zezé Moreira appliquent des préceptes tactiques qui permettent aux joueurs de proposer un football offensif.

Dans les années 1950 et 1960, les sélectionneurs Vicente Feola, Aymoré Moreira et Mario Zagallo parviennent à triompher en coupe du monde avec des équipes tournées vers l'attaque. En clubs, ce sont Lula avec Santos, Zezé Moreira avec Cruzeiro et Cláudio Coutinho avec Flamengo qui permettent à leurs équipes de remporter le titre continental.

Dans les années 1980, c'est Telê Santana qui fait figure de référence avec son football samba incarnée par l'équipe brésilienne aux coupe du monde 82 et 86, et par l'Atlético Mineiro et le São Paulo FC.

La littérature et le football au Brésil

« C’est le moment de penser au football en tant que culture brésilienne et non plus comme un simple divertissement. Le football montre beaucoup qui nous sommes. » M. Maximo, organisateur de la Biennale du livre de Rio de Janeiro

En France, plusieurs livres associent football et littérature. Pour comprendre, à travers la littérature, la ferveur d'un peuple autour de ce sport :

  • Onze au Maracanã, de E. Coutinho, éditions du Rocher.
  • Le Football au Brésil, onze histoires d'une passion[14]. Onze auteurs brésiliens, parmi les plus grands noms de la scène littéraire contemporaine, décrivent la passion des brésiliens pour le ballon rond. (Editions Anacaona)

La culture brésilienne du football

Au Brésil, le football est le sport le plus important et le plus populaire, comme le témoignent parfaitement ces paroles de l'ex-joueur Raí, alors consultant pour France Télévisions lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Rio 2016 :

« Au Brésil, le sport n°1 est le volley-ball, le football est une religion. »

 Raí,

En effet, un exemple le prouve : lors du match Brésil - Uruguay, surnommé le Maracanaço (« drame du Maracanã » en portugais), le , la Seleção n'a besoin que d'un match nul au minimum face aux voisins uruguayens pour s'adjuger leur premier titre de champions du monde, à domicile, qui plus est. Cependant, les visiteurs l'emportent 2-1 après avoir été menés 1-0, ce qui leur permet de remporter une deuxième fois la compétition après 1930. Alors que plusieurs suicides sont dénombrés justes après la fin du match partout dans le pays, un spectateur se serait jeté du haut des tribunes, devant les yeux de 199 854 personnes, ne pouvant pas supporter que son équipe ait perdu alors que la presse de l'époque annonçait que l'Uruguay n'avait quasiment aucune chance de remporter le match.

Le football féminin

En sélection, Marta porte le numéro 10

Le football féminin est loin d'être aussi populaire que le football masculin au Brésil, mais gagne en importance depuis le début des années 2000. Le football féminin doit faire face à une certaine stigmatisation dans la société brésilienne, où il a été longtemps considéré de façon sexiste que le football n'est pas un sport de femme.

Le football féminin doit notamment faire face à un désintérêt des structures officielles et du public. Aucun championnat national n'est organisé depuis la disparition (après huit éditions) du Campeonato Brasileiro de Futebol Feminino en 2001.

Les grandes joueuses brésiliennes (notamment Marta, élue meilleure footballeuse du monde par la FIFA de 2006 à 2009, et Cristiane) ont été découvertes par des observateurs et directement invitées à jouer en équipe nationale, avant de partir en Europe ou aux États-Unis. Pour autant, l'équipe nationale est considérée comme l'une des meilleures du monde, comme l’illustre ses qualifications en finale des coupe du monde 2007 et deux derniers olympiades en 2004 et 2008.

Notes et références

  1. (pt) « Anaf: Resumo sobre a profissionalização dos árbitros na imprensa » (consulté le )
  2. (pt) « Jornal do Brasil Online: COB divulga raio-X do esporte » (consulté le )
  3. « Le Brésil au cœur des stratégies spatiales du recrutement des clubs européens de football », sur revues.org (consulté le )
  4. (en) « The First Brazilian Saint », sur Southampton FC, 16 juin 2010s (consulté le )
  5. « Angleterre-Brésil : une rencontre avec lendemains », FIFA.com (consulté le )
  6. « New research reveals the Scottish dye worker who brought football to Brazil, 117 years ago exclusive », Herald Scotland, (consulté le )
  7. « Oscar Cox, pionnier du football brésilien »
  8. Michel Raspaud, Histoire du football au Brésil, Editions Chandeigne, (lire en ligne)
  9. Pascal Boniface, Football & mondialisation, Armand Colin, , p. 127
  10. Paul Dietschy, Histoire du football, Perrin, , p. 221
  11. Paul Dietschy, op. cité, p. 233
  12. Christian Dutilleux, « La loi Pelé affranchit les joueurs brésiliens », sur Libération.fr,
  13. Muller, Antonio J. (2004). Soccer Culture in Brazil. The Sport Journal: United States Sports Academy.
  14. Le football au Brésil, éditions Anacaona, 2014.

Bibliographie

  • Michel Raspaud, Histoire du football au Brésil, Chandeigne, 2010
  • Bertrand Piraudeau , Le football brésilien. Regards anthropologiques, géographiques et sociologiques, L’Harmattan, 2014
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