Fonctionnalisme (philosophie de l'esprit)

En philosophie de l'esprit, le fonctionnalisme est une théorie qui, pour des raisons méthodologiques, conçoit l'esprit comme un système de traitement de l'information et compare la pensée à un calcul (en anglais, computation; Hobbes concevait la raison de cette façon[1]). Issu des recherches en intelligence artificielle, le fonctionnalisme ajoute en outre une théorie causale des états mentaux : les états mentaux sont reliés entre eux par le principe de causalité[2].

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Dans cette mesure, le fonctionnalisme n'est pas nécessairement un matérialisme : les états mentaux peuvent être accrochés à différents supports, que ce soit le cerveau ou le matériel et le logiciel d'un ordinateur, ou tout autre support[2],[3]. Toutefois, dans la mesure où le principe de causalité est le plus souvent associé à la matière, la plupart des fonctionnalistes sont aussi matérialistes[2].

Théorie

La théorie fonctionnaliste comporte trois types de spécification :

  • les spécifications d’entrées (input), les spécifications qui stipulent le genre de choses qui causent les états mentaux chez les personnes ;
  • les spécifications des états internes qui décrivent les interactions causales des états mentaux;
  • les spécifications de sorties (output) qui disent quels genres d’action ou de comportements sont causés par les états mentaux.

La machine de Turing est un exemple (abstrait) de machine qui peut fonctionner selon ce modèle. Un distributeur de cannettes fonctionne ainsi : il réagit aux input (on lui donne 50 centimes ou un euro), et, en fonction de ceux-ci, délivre la cannette ou attend plus de sous[2].

Selon John Searle, qui s'oppose, d'une certaine façon, à l'interprétation d'Hilary Putnam selon laquelle le fonctionnalisme serait compatible avec une thèse dualiste sur les états mentaux et les états physiques, le fonctionnalisme est au contraire nécessairement un physicalisme :

« Aucune de ces causes et de ces effets ne doivent être conçus comme comportant un élément mental. Ce ne sont que des séquences physiques. Le fonctionnaliste insiste pour qu’on comprenne bien qu’il ne dit pas qu’une croyance est un état mental irréductible qui, en plus a les relations causales qui sont les siennes, mais plutôt qu’une croyance ne consiste qu’en ce qu’elle a ces relations causales. Une croyance peut consister en un paquet de stimulations neuronales, ou dans le niveau de tension électronique d’un ordinateur, ou encore dans la vase verte du Martien, ou quoi que ce soit d’autre, pourvu qu’elle fasse partie du bon schéma des relations de causes et d’effets. Une croyance, donc, ce n’est qu’une chose, un X, faisant partie du schème de relations causales, et elle est telle du fait qu’elle se situe à tel et tel endroit dans le schème de relations causales[4]. »

Dans cette mesure, le fonctionnalisme s'apparente à un béhaviorisme méthodologique : contrairement au behaviorisme ontologique, il n'affirme pas qu'il n'y a pas d'états mentaux. Mais, de même que le behaviorisme méthodologique, il laisse de côté les aspects subjectifs, qualitatifs, des états mentaux (ou qualia), c'est-à-dire l'ensemble des expériences subjectives qui peut faire l'objet, par exemple, d'un poème ou d'une déclaration amoureuse, ou du simple fait d'aimer telle couleur. On parle ainsi de « fonctionnalisme de la boîte noire »[2].

Notes et références

  1. Voir Hobbes, Léviathan, I, 5, « De la raison et de la science »: « Car la RAISON, en ce sens, n'est rien que le calcul (autrement dit l'addition et la soustraction) des conséquences des noms généraux acceptés pour consigner et signifier nos pensées. »
  2. Jean Laberge, Le problème de la relation du corps et de l’esprit, IVe partie: Le fonctionnalisme, Cégep du Vieux Montréal.
  3. Sur la différence entre fonctionnalisme et matérialisme, et la possibilité d'adopter une théorie dualiste tout en maintenant le fonctionnalisme, Laberge (ibid.) cite Hilary Putnam, « La nature des états mentaux », in Les Études philosophiques, juillet/septembre 1992, p. 323-335.
  4. John Searle, Consciousness & the Philosophers, New York Review of Books, 6 mars 1997. Cité par J. Laberge, art.cit.
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