Ethel Smyth

Ethel Mary Smyth, née à Sidcup (Londres) le et morte à Woking (Surrey) le , est une compositrice, autrice et suffragette britannique.

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Ne doit pas être confondu avec l'athlète canadienne, ni avec l'organiste du même nom.

Biographie

Née d'une mère française et d'un père général britannique, elle grandit dans une famille de huit enfants près d'Aldershot. À l'âge de douze ans, elle décide de devenir compositrice. Malgré le refus de ses parents, elle parvient en 1877 à rejoindre l'école de musique de Leipzig (elle est la première femme à suivre les cours de composition dans cette école[1]).

Ethel Smyth et la musique

À Leipzig, elle étudie auprès de Carl Reinecke. Elle y rencontre Johannes Brahms, Clara Schumann et Piotr Ilitch Tchaïkovski, qui l'encourage à suivre sa voie et qui écrivit à son propos, dans ses Mémoires :

« Mademoiselle Smyth est l’une des quelques compositrices qui comptent parmi les personnes qui travaillent dans le domaine de la musique… Elle a composé plusieurs œuvres intéressantes, dont j’ai entendu la meilleure, une sonate pour violon, extrêmement bien jouée par la compositrice elle-même. Elle a donné la promesse pour l’avenir d’une sérieuse et talentueuse carrière[1]. »

Elle rencontre à Florence en 1882 Henry Bennet Brewster, un écrivain qui devient l'un de ses plus proches amis et écrit pour elle des livrets d'opéra.

Dame Ethel Smyth.
Portrait par John Singer Sargent (1901).

En 1890, elle revient en Angleterre. Sa Sérénade en ré majeur est créée la même année au Crystal Palace. Puis en 1893, le Royal Albert Hall voit représenter la Messe en ré avec le soutien de l'Impératrice Eugénie[2] ; œuvre dont la compositrice avait elle-même eu l'occasion de chanter quelques extraits à la reine Victoria.

De nombreux succès ponctuent la carrière d'Ethel Smyth, notamment entre 1893 et 1910[1]. En 1898, son premier opéra est monté à Weimar : Fantasio. Puis, deux opéras sont représentés à Berlin et au Royal Opera House de Londres : Der Wald (La Forêt, 1902), également accueilli en 1903 par le Metropolitan Opera de New York[2], et The Wreckers (1910), monté grâce au célèbre chef Thomas Beecham, lié à Ethel Smyth et grand défenseur de son œuvre.

Ethel Smyth et la politique

En 1910, Ethel Smyth assiste à une réunion féministe de l’Union sociale et politique des femmes fondée en 1903 par Emmeline Pankhurst et s'engage dans le mouvement des suffragettes. En 1911, elle écrit The March of the Women (La Marche des femmes)[3], qui devient l'hymne du mouvement. Elle dirige l'œuvre lors d'un rassemblement au Royal Albert Hall. En 1912, elle est condamnée à deux mois de prison pour avoir cassé la fenêtre de la résidence d'un secrétaire d’État lors d’une manifestation[4]. Dans la prison de Holloway, elle dirige une représentation mémorable de sa March of the Women[5], comme l'écrit Thomas Beecham après une visite qu'il lui rendit :

« Quand je suis arrivé, le gardien de la prison était pris d’un fou rire. Il m’a dit "Entrez dans le quadrilatère". Il y avait… une douzaine de dames, marchant de long en large et chantant fort. Le gardien me montra une fenêtre où se trouvait Ethel ; elle était penchée, et dirigeait vigoureusement avec une brosse à dents, se joignant au chœur sur sa propre chanson[1]. »

Pendant la Première Guerre mondiale, elle rejoint la XIIIe division de l’armée française et l’hôpital militaire situé à Vichy[1].

En 1922, elle devient Dame Commandeur de l'ordre de l'Empire britannique[6] [Le rang de commandeur implique une admission à la chevalerie, ce qui permet au récipiendaire d'utiliser le titre « Sir » (homme) ou « Dame » (femme) avant son nom]. Elle est nommée docteur honoris causa en musique par l'université d'Oxford en 1926[1].

Elle cesse de composer devant l'évolution de sa surdité[2].

Ses lettres révèlent ses coups de foudre pour des femmes telles que Pauline Trevelyan, la princesse de Polignac, Lady Mary Ponsonby et Edith Somerville. À l'âge de 71 ans, elle tombe amoureuse de Virginia Woolf qui, amusée, entretient leur amitié jusqu'à son suicide en 1941[7].

Ethel Smyth meurt en 1944 à 86 ans.

Postérité

Elle a inspiré les personnages littéraires d'Edith Staines dans Dodo d'E. F. Benson (1893) et de Dame Hilda Tablet dans la pièce du même nom de Henry Reed (en) (1950).

Ethel Smyth est une des 39 convives attablées dans l'œuvre d’art contemporain The Dinner Party (1974-1979) de Judy Chicago[8].

En le festival de musique classique Rosa Bonheur la met à l'honneur en programmant ses œuvres avec celles de Rebecca Clarke[9],[3].

Œuvre

Ethel Smyth laisse environ 100 œuvres.

Piano

  • Sonate pour piano no 1 en do majeur (1877)
  • Sonate pour piano no 2 en do dièse mineur „Geistinger Sonate“ (1877)
  • Sonate pour piano no 3 en ré majeur (1877), inachevée
  • Quatre danses (1877)
  • Deux canons
  • Invention en Ré majeur
  • Suite pour piano en Mi majeur
  • Aus der Jugendzeit!! (1880)
  • Piece pour piano en Mi majeur
  • Variations sur un thème original (d'une nature excessivement désastreuse) en Ré bémol majeur (1878)
  • Prélude et fugue en Fa dièse majeur (1880)
  • Prélude et fugue en Do majeur

Musique de chambre

  • Sonate pour violoncelle et piano en do mineur (1880)
  • Quintette à cordes en mi majeur, Op. 1 pour 2 violons, alto et 2 violoncelles (1883), Gewandhaus Leipzig,
  • Sonate en la mineur, op. 7 pour violon et piano (1887), Gewandhaus Leipzig, (avec Adolph Brodsky et Fanny Davies)
  • Quintette à cordes en si mineur (1884)
  • Cinq préludes chorals, pour orgue (1887)
  • Sonate pour violoncelle et piano en la mineur, Op. 5 (1887),
  • Quatuor à cordes en mi mineur (1914)
  • Variations sur « Bonny Sweet Robin » pour flûte, hautbois et piano (1928)

Orchestre

  • Symphonie pour petit orchestre (1878-1884)
  • Sérénade en ré majeur (1889-90)
  • Antoine et Cléopâtre, Ouverture (1890)
  • Concerto pour violon, cor et orchestre (1928)

Musique vocale

  • Eight Songs pour voix et piano sur des textes allemands (1879)
  • Lieder et Ballades, op. 3 pour chant et piano (1886)
  • Messe en ré, Londres, Royal Albert Hall, 1893
  • Quatre mélodies, pour voix et piano sur des poèmes français (trois d'Henri de Régnier ; une d'Anacréon, d'après une traduction de Leconte de Lisle) 1907
  • The March of the Women (1911)
  • Hey Nonny No, pour chœur et orchestre (1911)
  • Songs of sunrise, pour chœur de femmes a cappella (1911)
  • Sleepless dreams, pour chœur et orchestre (1912)
  • Trois mélodies de la mer, pour mezzo-soprano ou baryton et orchestre, poèmes d'Arthur Symons (1913)

Opéras

Écrits

  • (en) Impressions that remained, Londres/New York, Alfred A. Knopf, (1re éd. 1919), 608 p. (lire en ligne)
  • Streaks of life, Londres/New York, 1921.
  • A three-legged tour in Greece, Londres, 1927.
  • A final burning of boats, Londres/New York, 1928.
  • Female piping in Eden, Londres/New York, 1933.
  • Beecham and Pharaoh, Londres, 1935.
  • As time went on, Londres/New York, 1936.
  • Inordinate Affection, Londres, 1936
  • Maurice Baring, Londres, 1938
  • What happened next Londres, 1940.

Discographie

Piano

Musique de chambre

  • Sonate pour violon en la mineur, Op. 7 - Tasmin Little, violon ; John Lenehan, piano (, Chandos)
  • Sonate pour violon en la mineur, Op. 7 - Clara Howick, violon ; Sophia Rahman, piano (, Naxos)
  • Sonate pour violon en la mineur, Op. 7 - Thomas Albertus Irnberger, violon ; Barbara Moser, piano (, Gramola Records)
  • Trio avec piano ; Sonate pour violoncelle, op. 5 ; Sonate pour violon, op. 7 - Chagall Trio : Nicoline Kraamwinkel, violon ; Tim Gill, violoncelle ; Julian Rolton, piano (1995, Meridian) (OCLC 32824326)
  • Sonate pour violoncelle en do mineur - Lionel Handy, violoncelle ; Jennifer Hughes, piano (, Lyrita)
  • Quatuor à cordes en mi mineur ; Quintette à cordes en Mi majeur - Mannheimer Streichquartett ; Joachim Griesheimer, second violoncelle (/ , CPO) (OCLC 36050269)
  • Double Concerto pour cor et violon en la mineur - Franz Draxinger, cor ; Renate Eggebrecht, violon ; Celine Dutilly, piano (1992, Troubadisc)
  • Double Concerto pour cor et violon en la mineur - Bruce Heim, cor ; Steven Moeckel, violon ; Joanna Goldstein, piano (2018, Centaur)

Avec orchestre

  • Double Concerto pour violon, cor et orchestre - Saschko Gawriloff, Marie-Luise Neunecker, violon ; Orchestre philharmonique de la radio NDR de Hanovre, dir. Uri Mayer (, Koch) (OCLC 40574790) — avec Othmar Schoeck et Charles Kœchlin.
  • Double Concerto pour violon, cor et orchestre ; Sérénade en - Sophie Langdon, violon ; Richard Watkins, cor ; Orchestre philharmonique de la BBC, dir. Odaline de la Martinez (21-, Chandos) (OCLC 1109979967)
  • Double Concerto pour violon, cor et orchestre - Milena Viotti, cor ; Thomas Albertus Irnberger, Vienna Konzertverein Orchestra, dir. Doron Salomon (2018, Gramola Records)
  • The Wreckers (Ouverture) - British Symphony Orchestra, dir. Ethel Smyth (Symposium Records)

Vocale

  • Quatre mélodies sur des textes français ; Trois mélodies anglaises - Melinda Paulsen, mezzo-soprano ; Angela Gassenhuber, piano ; Ethel Smyth Ensemble (1992, Troubadisc)
  • Messe en  ; Air de Mrs Waters (extraits de The Boastwain's Mate), Marche des femmes - Eiddwen Harrthy, soprano ; Janis Hardy, alto ; Dan Dressen, ténor ; James Bohn, basse ; Chœur et orchestre Plymouth Music Series, dir. Philip Brunelle (3-, « British Composers » EMI Classics 5 67426 2)[11] (OCLC 48125700)
  • The Wreckers - Anne-Marie Owens, Justin Lavender, Peter Sidhom, David Wilson-Johnson, Judith Howarth et la Huddersfield Choral Society, dir. Odaline de la Martinez (-, Conifer Records/BMG).
  • Messe en ré - Catriona Smith, soprano ; Helene Schneiderman, alto ; Scott MacAllister, ténor ; Andreas Macco, basse ; Hermann Trefz, orgue ; Chœur de la philharmonie de Stuttgart ; Orchestre philharmonique du Wurtemberg Reutlingen, dir. Helmut Wolf (, Audite) (OCLC 39793094)
  • Messe en ré ; Ouverture de The wreckers - Susanna Hurrell, soprano ; Catriona Morison, mezzo-soprano ; Ben Johnson, ténor ; Duncan Rock, baryton ; Chœur et orchestre symphonique de la BBC, dir. Sakari Oramo, (26-, SACD Chandos) (OCLC 1130102290)

Notes et références

  1. « Ethel Smyth, compositrice engagée », sur France Musique, (consulté le )
  2. Aliette de Laleu, « Portrait d'Ethel Smyth, compositrice et suffragette britannique », sur France Musique (consulté le )
  3. ComposHer, « Ethel Smyth et Rebecca Clarke : deux grandes dames au Festival Rosa Bonheur », sur www.composher.com, (consulté le )
  4. Christophe Bourseiller, « Ethel Smyth, une féministe au cœur de la musique », émission disponible en podcast jusqu’au 19 janvier 2019, Musicus Politicus, sur France Musique, (consulté le ).
  5. Google Livre "Sylvia Pankhurst", chapitre "le château des Souris" de Marie-Hélène Dumas éditions Libertalia
  6. Florian Royer, « Une oeuvre d'Ethel Smyth enregistrée pour la première fois depuis 1931 », sur France Musique, (consulté le )
  7. Laure Dautriche, « Ethel Smyth et la révolution des Suffragettes », sur Europe 1 (consulté le )
  8. « Brooklyn Museum: Ethel Smyth », sur www.brooklynmuseum.org (consulté le )
  9. « Nouveau festival : que du (Rosa) Bonheur ! | Classique mais pas has been », (consulté le )
  10. (en) « Premiere Recording of Dame Ethel Smyth's 'The Prison' », sur www.wisemusicclassical.com (consulté le )
  11. Lors de sa sortie ce disque a reçu « 5 » clés dans le magazine Diapason no 479, mars 2001.

Bibliographie

  • Otto Ebel, Les femmes compositeurs de musique. Dictionnaire biographique, Paris, P. Rosier, (lire en ligne), p. 160

Liens externes

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