Elysia timida

L’Élysie timide (Elysia timida), est une espèce de mollusques marins appartenant aux Sacoglossa, un ordre de gastéropodes hétérobranches. Elle ne présente pas de coquille, comme certains représentants des sacoglosses, appelés alors « limaces de mer » (ce terme, incluant également des représentants d'autres ordres, il ne fait pas référence à un groupe monophylétique).

Elysia timida mesure moins de deux centimètres et se nourrit d'algues vertes qu’elle digère en séquestrant les chloroplastes dans les cellules de ses glandes digestives. Ces chloroplastes dont l’activité photosynthétique est fonctionnelle sont alors maintenus au sein de l’hôte pendant plusieurs mois. Les mollusques sacoglosses sont les seuls métazoaires chez lesquels ce phénomène, appelé kleptoplastie, a été décrit[1].

Distribution

Elysia timida présente une distribution s’étendant des zones océaniques tempérées à tropicales. On la trouve en milieu peu profond et généralement sa distribution suit celle de l’algue Acetabularia acetabulum dont elle se nourrit principalement[2].

Cycle de vie

Copulation chez Elysia timida

Le cycle de vie d’E. timida débute par une fécondation, interne, entre un individu mâle et un individu femelle (gonochorisme). La ponte comprend plus de 100 œufs dépourvus de chloroplastes. Trois semaines plus tard, l’éclosion donne naissance à des larves véligères pélagiques ainsi qu’à des juvéniles présentant une coquille (protoconque).

Après la métamorphose, ayant lieu dans les 3 à 4 jours suivant l’éclosion, les juvéniles transparents et sans coquille commencent à se nourrir sur A. acetabulum, acquérant ainsi la couleur verte caractéristique de cette espèce. Dans le même temps, les rhinophores tubulaires et les parapodes se développent. Environ trois mois après l’éclosion, la maturité sexuelle est atteinte [3].

Kleptoplastie

Elysia timida sur Acetabularia acetabulum

Elysia timida se nourrit de l’algue Acetabularia acetabulum. Cependant, bien que des expériences en laboratoire aient montré une « préférence » d’E. timida pour A. acetabulum [3], des occurrences d’Elysia timida sur d’autres algues vertes, telles que Codium spp et Cladophora dalmatica, ont été reportées [4],[5].

Elysia timida dégrade la paroi cellulaire de l’algue à l’aide de sa radula (langue chitineuse) et ingère uniquement le contenu de la cellule. Les seuls organites traversant les parois du tractus digestif sont les plastes qui pénètrent dans le cytoplasme des cellules des glandes digestives après phagocytose. Le plaste ainsi ingéré peut maintenir une activité photosynthétique pendant plus de trois mois.

Des expériences de privation de nourriture ont été réalisées sur différentes espèces de sacoglosses retenant à plus ou moins long terme les kleptoplastes. Celles-ci ont montré que les espèces capables de séquestrer les plastes à long terme pouvaient survivre à un jeun grâce à l’amidon produit et stocké par ces derniers [6].

E. timida a longtemps été considérée comme un organisme photo-autotrophe [7], or il a été démontré qu’elle ne se nourrit pas uniquement des produits de la photosynthèse réalisée par les kleptoplastes, celle-ci ne couvrant qu’une portion minime (0,25%) des besoins de l’animal pour sa croissance [8].

La rétention des plastes à long terme peut en partie être expliquée par différents acteurs du génome plastidial de certaines algues. En effet, la photosynthèse entraine une altération de la protéine D1 du photosystème II, menant à la formation d’espèces réactives de l’oxygène, toxiques pour le chloroplaste. Trois gènes impliqués dans la réparation du photosystème II ont notamment été identifiés : psbA, codant la protéine D1, ftsH permettant la dégradation de la protéine altérée et tufA nécessaire à l’expression de ftsH.

La localisation de tels gènes dans le génome plastidial des algues, à l’inverse des embryophytes chez lesquels ces gènes sont nucléaires, suggère une indépendance du plaste pour la réparation du photosytème II et donc un maintien à long terme dans les cellules d’Elysia lié aux propriétés intrinsèques du plaste [9].

Elysia timida pourrait également fournir un environnement favorable à la persistance des plastes grâce à des adaptations comportementales telles que la phototaxie positive ainsi que le repliement des lobes parapodiaux et ce afin de moduler le flux de lumière[3]

Une implication du plaste dans les mécanismes non liés à la photosynthèse a été évoquée, ceux-ci agissant notamment sur les voies OXPHOS permettant la réduction des composés oxydés générés par la mitochondrie de l’hôte[9].

Notes et références

  1. (en) J. A. Raven, « Phagotrophy in phototrophs », Limnology and Oceanography, vol. 42, no 1, , p. 198–205 (ISSN 1939-5590, DOI 10.4319/lo.1997.42.1.0198, lire en ligne, consulté le )
  2. Leila Carmona, Manuel António E. Malaquias, Terrence M. Gosliner et Marta Pola, « Amphi-Atlantic distributions and cryptic species in Sacoglossan sea slugs », Journal of Molluscan Studies, vol. 77, no 4, , p. 401–412 (ISSN 0260-1230, DOI 10.1093/mollus/eyr036, lire en ligne, consulté le )
  3. Valerie Schmitt, Katharina Händeler, Susanne Gunkel et Marie-Line Escande, « Chloroplast incorporation and long-term photosynthetic performance through the life cycle in laboratory cultures of Elysia timida (Sacoglossa, Heterobranchia) », Frontiers in Zoology, vol. 11, , p. 5 (ISSN 1742-9994, DOI 10.1186/1742-9994-11-5, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) A. Marín et J. D. Ros, « Dynamics of a peculiar plant-herbivore relationship: the photosynthetic ascoglossan Elysia timida and the chlorophycean Acetabularia acetabulum », Marine Biology, vol. 112, no 4, , p. 677–682 (ISSN 0025-3162 et 1432-1793, DOI 10.1007/bf00346186, lire en ligne, consulté le )
  5. Arnaldo Marín et Joandomènec Ros, « ULTRASTRUCTURAL AND ECOLOGICAL ASPECTS OF THE DEVELOPMENT OF CHLOROPLAST RETENTION IN THE SACOGLOSSAN GASTROPOD ELYSIA TIMIDA », Journal of Molluscan Studies, vol. 59, no 1, , p. 95–104 (ISSN 0260-1230, DOI 10.1093/mollus/59.1.95, lire en ligne, consulté le )
  6. Elise M. J. Laetz, Victoria C. Moris, Leif Moritz et André N. Haubrich, « Photosynthate accumulation in solar-powered sea slugs - starving slugs survive due to accumulated starch reserves », Frontiers in Zoology, vol. 14, , p. 4 (ISSN 1742-9994, DOI 10.1186/s12983-016-0186-5, lire en ligne, consulté le )
  7. Gregor Christa, Jan de Vries, Peter Jahns et Sven B. Gould, « Switching off photosynthesis », Communicative & Integrative Biology, vol. 7, no 1, , e28029 (PMID 24778762, DOI 10.4161/cib.28029, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Cessa Rauch, Peter Jahns, Aloysius G. M. Tielens et Sven B. Gould, « On Being the Right Size as an Animal with Plastids », Frontiers in Plant Science, vol. 8, (ISSN 1664-462X, DOI 10.3389/fpls.2017.01402, lire en ligne, consulté le )
  9. Jan de Vries, Jörn Habicht, Christian Woehle et Changjie Huang, « Is ftsH the Key to Plastid Longevity in Sacoglossan Slugs? », Genome Biology and Evolution, vol. 5, no 12, , p. 2540–2548 (DOI 10.1093/gbe/evt205, lire en ligne, consulté le )

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