Dumping social

Le dumping social (francisation partielle de l'anglais social dumping), ou moins-disance sociale[1], est la mise en concurrence par les employeurs, dans le cadre de la mondialisation économique, de travailleurs des pays développés avec la main-d'œuvre moins chère des pays en développement. Le taux de chômage élevé en France et dans certains autres pays de l'Europe de l'Ouest ainsi que la stagnation et le recul des revenus des personnels peu qualifiés aux États-Unis ont incité depuis les années 1970 à relancer le débat sur les conséquences pour des pays développés de commercer avec des pays en développement dont la moindre protection sociale crée une concurrence inégale. Des syndicats craignent de ce fait la baisse des salaires et des prestations sociales dans les pays développés pour concurrencer des plus faibles coûts du travail dans les pays offrant une moindre protection sociale.

Définition

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Le concept de dumping social n’est pas en 2017 quantifié ni ne possède encore d'acception précise. Il peut selon les cas signifier qu'une entreprise peut :

  • jouer, pour baisser les coûts, sur les différences de rémunérations et de réglementation du travail entre pays[2]; voir Frits Bolkestein ;
  • utiliser l'arrivée dans le commerce mondial d'économies émergentes dont certains opposent moins de contraintes au travail des enfants, à la protection sociale et à la liberté syndicale ;
  • remettre en cause certains avantages sociaux et salariaux considérés comme acquis, en vue d’obtenir ou de conserver des emplois. Un exemple est la proposition aux employés d'IBM France de consentir à une baisse provisoire de 7,7 % de leur salaire afin de maintenir l'emploi. Voir Cathy Kopp. Le risque existe alors d'une course au moins-disant social faisant réapparaître la Loi d'airain des salaires partiellement oubliée pendant les Trente Glorieuses.

Dans ces deux derniers sens, le travail serait considéré comme effectué « à perte », d’où l’origine sémantique du concept de dumping social. En effet, en économie le dumping consiste en une stratégie commerciale agressive qui se résume à « vendre les produits à perte afin d’éliminer les concurrents et de conquérir des parts de marché ».

Les effets du dumping social seraient donc divers :

  • la perte des emplois des pays riches au profit des travailleurs des pays pauvres ;
  • la désindustrialisation, contestée, des pays riches ;
  • la réaction protectionniste des pays riches au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou d’autres institutions internationales ;
  • l’exploitation des travailleurs du Sud dans des conditions considérées inhumaines ;
  • l’augmentation des niveaux de vie des pays en développement et l’accroissement des inégalités dans les pays développés à économie de marché.

Selon un rapport[3] du parlement français du , le dumping social désigne toute pratique consistant, pour un État ou une entreprise, à violer, contourner ou dégrader le droit social en vigueur, qu'il soit national, communautaire ou international – afin d'en tirer un avantage économique notamment en termes de compétitivité.

Cadre juridique

Le phénomène du dumping social ou de concurrence sociale déloyale est actuellement réglementé par la directive d'exécution 2014/67/UE, et par la directive (UE) 2018/957 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.[réf. nécessaire]

Une polémique politique

La notion de dumping social est délicate car suivant la théorie classique du commerce international, le transfert d’emplois des pays riches vers les pays pauvres serait profitable aux pays pauvres et à leurs habitants. Selon la formule de Daniel Cohen, les pays du Sud ne souffrent pas d’être exploités mais souffrent du protectionnisme.

Par ailleurs, la théorie du commerce international démontre que l’échange est mutuellement profitable en termes de richesses, mais la question est différente en termes d’emploi.

Les syndicats prônent que le chômage des travailleurs peu qualifiés en Europe et la baisse de leur pouvoir d’achat aux États-Unis sont liés à un déversement des emplois vers les pays pauvres. Ce point est ouvertement dénoncé par les libéraux comme un appel à la « haine économique ». Les associations militant pour les droits de l’homme et la promotion de la dignité humaine condamnent quant à elles un système d’exploitation de la main d’œuvre des pays du Sud. Nombreux sont ceux qui leur répondent en dénonçant la naïveté de leurs propositions : certains pays du tiers monde ont toujours un niveau de vie semblable à celui des européens du XVIIIe siècle, comment alors est-il possible de mettre en place un système de protection sociale ? D’autres dénoncent quant à eux le concept du dumping social comme une malhonnêteté intellectuelle des gouvernants. Dans Richesse du monde, pauvreté des nations, Daniel Cohen consacre un chapitre à ce qu’il appelle la « misère de la politique » en soulignant que la mondialisation est devenue le moyen le plus facile pour les gouvernants de se décharger des échecs de leur politique intérieure.

Enfin les syndicats considèrent le dumping social comme une politique commerciale agressive visant à accentuer artificiellement les disparités de dotation en facteur travail : en termes d’horaire ou de conditions par exemple. Suivant cette analyse, certains organismes, comme l’Organisation internationale du travail, ont mis en place des normes du travail visant à définir un cadre et des objectifs, fondés sur l’idée universellement reconnue de la « dignité humaine ».

Entre zones géographiques

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Le dumping social peut intervenir entre deux États dont le coût de la protection sociale de l'un est plus faible que l'autre. La conséquence est d'améliorer le différentiel entre facteurs de production entre les deux pays.

Le but du dumping social est d'attirer les entreprises dans une zone géographique en leur permettant de réduire leur coût du travail. Ainsi, les dirigeants de la zone d'accueil espèrent que les entreprises préfèreront investir ou délocaliser dans leur zone où le coût du travail est plus faible.

Le contexte entre États doit permettre un faible coût d'importation (douanes, transport, etc.) pour que la délocalisation de l'investissement soit rentable. C'est notamment le cas au sein des pays de l'Union européenne. C'est aussi de plus en plus souvent le cas au niveau mondial, par l'action de l'OMC, qui encourage les États à supprimer leurs barrières douanières. Il est aussi nécessaire que la productivité par employé du pays où le coût du travail est plus faible ne soit pas elle aussi trop faible.

Des multinationales peuvent avoir tendance à procéder à la délocalisation de leurs activités dans les pays dont les cotisations sociales et salaires directs sont les plus faibles.

Pavillons de complaisance dans le domaine maritime

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La raison d'être des pavillons de complaisance est de permettre aux armateurs d'employer des salariés sans être soumis aux règles locales de droit du travail et de mesures de sécurité (état du navire, nombre et type d'équipements de sauvetage, etc.).

Cela explique pourquoi la grande majorité des navires actuels sont immatriculés sous ces pavillons, ainsi que l'augmentation importante des effectifs malaisiens ou turcs sur les navires, parallèlement à la baisse des effectifs occidentaux, souvent mieux payés.

Au sein de l'Union européenne

« La création du marché unique expose les entreprises opérant dans un contexte national à une concurrence avec les autres entreprises dans les autres états membres. Cela signifie qu'une pression sera exercée sur les entreprises avec des coûts salariaux élevés, pour conserver une productivité qui leur permettra de concurrencer les entreprises de la Communauté ayant des coûts salariaux plus faibles[4]. »

« Une conséquence des différences de coût du travail est le risque d'une menace de dumping social. Comme conséquence de ce qu'on a appelé 'concurrence des régimes sociaux' entre états membres, les gouvernements nationaux subiront une pression pour réduire leurs standards sociaux et du marché du travail, afin de diminuer les problèmes de couts salariaux indirects sur les entreprises[5]. »

Les députés européens et gouvernements des pays de l'Est se sont de leur côté élevés contre ce qu'ils voient comme un protectionnisme des pays de l'Europe de l’Ouest. Voir les articles plombier polonais et directive services.

Pour exemple, au niveau international, la Chine a été accusé par l'Union Européenne de dumping social dans le secteur du photovoltaïque. Des mesures ont été prises par l'Union Européenne qui a fixé un prix minimum sur les panneaux photovoltaïques importés de Chine pour assurer une compétitivité qui ne nuit pas aux fabricants européens.

Devant la Cour de Justice de l'Union européenne

Trois affaires (affaires Viking, Rüffert et Laval[réf. nécessaire]) furent portées devant la Cour de Justice de l'Union européenne qui légitima la primauté de la libre prestation de service sur la protection du travailleur : dans ces trois affaires, l'égalité de traitement entre deux travailleurs de nationalités différentes fut jugée de nature à entraver la liberté garantie par l'article 56 du TFUE, la protection étant jugée dans les trois cas soit disproportionnée au but poursuivi, soit déjà garantie dans l'État de résidence des travailleurs. Un dumping social n'était de ce fait pas reconnu dans ces trois cas par la CJUE. La concurrence ainsi faussée pesant sur les entreprises des pays développés entraîne une pression à la diminution de l'emploi dans certains secteurs de l'industrie des pays développés. L'exemple le plus connu est celui de Swatch : une enquête ayant montré que le client moyen était prêt à payer jusqu'à 11 % de plus pour une montre suisse, son fondateur, Nicolas Hayek, demanda à ses ingénieurs de concevoir une montre au surcoût inférieur à 11 %. Ainsi, les montres Swatch restaient compétitives.

Étude du cas français

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Le concept de dumping social est essentiellement utilisé par les responsables politiques et syndicaux. Ainsi, un représentant syndical expliquait en 2001, que dans le secteur de l'habillement :

Indice de la production dans le secteur habillement/cuir entre 1990 et 2005, base 100 en 2000. Source Insee.

« La moitié des emplois ont disparu, et suivant les règles mises en œuvre dans le secteur du commerce mondial, je pense au sommet de Doha, on va continuer à développer le commerce et les productions sur la base d’un dumping social. C’est le moins-disant social, celui qui coûtera le moins cher, celui qui imposera les conditions de travail les moins évoluées, la protection la plus réduite qui, dans l’avenir, fera référence et emportera les marchés de production[6]. »

Cette rhétorique[non neutre] n'est pas partagée par la plupart des économistes[Qui ?], qui mettent en avant les nombreux nouveaux emplois créés dans les pays développés, l'augmentation du niveau moyen des salaires des employés, et le progrès technique qui permettent de produire plus avec autant d'employés. Dans le cas de la France, ils attribuent les échecs économiques à des échecs de la politique nationale.

Bien qu'il n'emploie jamais l'expression de dumping social, l’Insee produit des rapports sur l'emploi et la production[7]:

32 % des emplois de l'industrie des biens de consommation ont été perdus entre 1980 et 1998, mais le volume de la production a augmenté de 11 %.

« Sur la période 1995-2001, 13 500 emplois auraient été délocalisés en moyenne chaque année dans l’industrie. On estime que cela représente environ 0,35 % du total de l’emploi industriel.

Il ne s’agit pas d’un bilan sur l’emploi industriel français du phénomène de délocalisation. On ne s’intéresse qu’aux réductions d’effectifs qui seraient dues à des délocalisations, sans prendre en compte les délocalisations qui ont lieu vers la France et sont créatrices d’emplois domestiques. »

Cependant, le dumping social ne concerne pas seulement les délocalisations. On n'a pas besoin de délocaliser pour transférer des emplois d'un pays vers un autre. L'activité d'un pays disparaît, entraînant potentiellement du chômage, pendant qu'elle se recrée ailleurs, grâce à d'autres entreprises. Les pays qui ont détruit l'emploi doivent alors importer des biens qu'ils produisaient auparavant.

Ainsi, ce même rapport de l'Insee indique clairement que sur la période 1995-2001, les emplois dans l'habillement/cuir ont baissé de 5,8 % par an, soit 34 % de l'emploi supprimé en sept ans. Depuis 1990, c'est 80 % de la production du secteur habillement/cuir qui a disparu.

Toutefois, les causes de disparition de l'emploi ne proviennent pas forcément du dumping social. Il existe des secteurs où les progrès de la mécanisation permettent de supprimer du travail humain, comme le secteur des biens de consommations, où depuis 1980, 46 % des emplois ont disparu, alors que la production a augmenté dans le même temps. Dans certains cas, et en particulier l'industrie textile, il est probable que les emplois délocalisés dans les pays du tiers monde auraient de toute façon disparu. Le choix des facteurs de production ne révélerait pas d'une concurrence entre travailleurs du Sud et travailleurs du Nord, mais plutôt entre automates ou machines du Nord et main-d'œuvre du Sud.

Au sein d'une même zone géographique

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Le dumping social peut avoir lieu entre entreprises d'un même pays, où certaines ont des pratiques sociales moins coûteuses que d'autres : avantages sociaux moindres dans certaines entreprises, contributions moins élevées au Comité d'entreprise, emploi de travailleurs clandestins etc.

Le dumping social peut aussi avoir lieu entre employés, notamment en période de chômage, lorsque certains acceptent des salaires plus faibles et sont plus flexibles, en acceptant d'être plus souple sur ses jours et horaires de travail, de renoncer à être payé pendant les heures supplémentaires, de ne réclamer aucune augmentation, de venir alors qu'un arrêt maladie aurait dû être prescrit, de faire moins de jours de grève, d'éviter d'exercer ses droits syndicaux etc.

Dumping social et emploi : ce qu’en pensent les économistes

Selon une étude publiée par l’Insee[8], le commerce français avec les pays en voie de développement aurait provoqué au maximum une perte de 330 000 emplois, chiffre relativement faible au vu du chômage du pays, mais ces calculs sont contestés. Ainsi pour l’économiste américain A. Wood[9], les échanges auraient provoqué la perte de 9 millions d’emplois dans les pays développés et en auraient créé 22 millions dans les pays en développement.

Cette démonstration du lien entre commerce international et chômage dans les pays riches repose essentiellement sur les théories du libre-échange (le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson), n’ayant aucun lien avec le concept du dumping social, tout lien étant d’ailleurs anachronique, l'interprétation devant normalement souligner les apports positifs des échanges internationaux. Selon ce modèle, les pays se spécialiseraient dans les activités qui requièrent abondamment le facteur de production dont elles sont le mieux dotées. Les pays pauvres se spécialiseront donc, par exemple, dans les productions de main d’œuvre, et les pays riches le font dans les productions nécessitant beaucoup de capital ou de savoir-faire. Selon Wolfgang Stolper et Paul Samuelson, le résultat de cette évolution est d’égaliser le salaire tiré d’un même travail à travers le monde, ce qui pourrait expliquer la chute des salaires dans l’industrie manufacturière aux États-Unis et le chômage dans les pays où les salaires sont rigides à la baisse (comme en France). La défense libérale de ce phénomène repose sur deux arguments : il permet un accroissement de la richesse mondiale, et il serait légitime de corriger les différences de revenus entre travailleurs du Nord et du Sud, les salaires de ceux-ci devant augmenter.

Ce raisonnement peut prendre en compte d’autres distinctions que celle entre travailleurs qualifiés et peu qualifiés. De fait, même les promoteurs du concept de dumping social savent changer de point de vue selon ces distinctions. Certains alter mondialistes[Qui ?] se révèlent, par exemple, favorables au dumping social sur la question agricole tout en le condamnant dans le secteur industriel. Ainsi, le facteur abondant des pays pauvres, les agriculteurs, est peu rémunéré, et ceux peu nombreux des pays riches sont protégés des effets du libre-échange par de fortes subventions étatiques. Selon le raisonnement déjà décrit, on peut prévoir que la disparition de ces protections entraînerait une hausse des revenus des agriculteurs du Sud et une chute des profits de ceux du Nord. Ce point est naturellement une source de conflits au sein de l’OMC, où les grandes puissances agricoles (États-Unis et Union européenne en tête) défendent les subventions à leurs agriculteurs.

Si quelques économistes[Qui ?] soulignent le lien entre ouverture commerciale et montée des inégalités, nombreux sont ceux qui proposent une contre-analyse visant explicitement renverser le concept de dumping social. C’est notamment l’analyse de Paul Krugman dans La mondialisation n’est pas coupable, qui croit que l’idée que la croissance des inégalités serait liée à une concurrence déloyale des pays à bas salaires relève de la « théorie pop[ulaire] du commerce international » (« pop internationalism » en anglais). Il explique que l’intérêt des politiques à prêter leur voix à de telles théories n’est qu’électoral etprécise que la plupart des ouvrages traitant de ce sujet ou de la « guerre économique » sont l’œuvre d’essayistes et non d’économistes et sont vendus grâce à leurs thèses faciles, qui alimentent l’imaginaire populaire :

« Selon cette idée reçue, la concurrence étrangère a érodé la base manufacturière américaine et détruit les emplois bien rémunérés […] Un faisceau croissant de preuves vient contredire cette idée courante […] Le ralentissement de la croissance du revenu réel est presque entièrement imputable à des causes internes[10]. »

Selon lui, la raison du chômage des travailleurs peu qualifiés est le progrès technique récent (les technologies de l’information et la généralisation des chaînes de production automatisées), qui est complémentaire de l’emploi qualifié en venant assister les travailleurs qualifiés et non les remplacer mais rend les travailleurs non qualifiés inutiles. Plusieurs constatations viennent appuyer cette thèse. D’abord, la diminution de la part de l’emploi non qualifié affecte tous les secteurs économiques, non seulement ceux qui subissent la concurrence des pays pauvres. On assiste à une plus grande utilisation de travailleurs qualifiés dans les entreprises, ce qui montre que celles-ci n’ont pas tendance à substituer des travailleurs peu qualifiés du Sud à ceux qualifiés du Nord. Cet accroissement de la part de l’emploi qualifié est dans chaque secteur proportionnel aux indicateurs de changement technique.

En 1991, Robert Reich[11], plus tard Secrétaire au Travail des États-Unis dans l’administration Clinton, propose une analyse différente (citée et contredite par Krugman). Pour Reich, la mondialisation est clairement en partie responsable de l’éclatement de la société américaine, mais la raison n’en est pas uniquement le dumping social. Reich propose une énumération de facteurs : technologiques comme la robotisation, institutionnels comme la désyndicalisation et la concurrence des pays à bas salaires. L’effet est double : d’abord les « manipulateurs d’idées » (ingénieurs, consultants, chercheurs, publicitaires etc.) disposent d’un marché mondial et peuvent donc vendre leur production reproductible à l’infini car immatérielle. Leur revenu est donc en forte croissance. Par ailleurs, les travailleurs peu qualifiés se consacrant aux activités de productions connaissent le phénomène inverse.

Que faut-il donc faire ? Selon Reich, il ne faut absolument pas chercher à protéger les marchés nationaux, comme le voudraient les tenants de la théorie du dumping social, mais peut-être organiser un contrôle international des investissements à l’étranger afin de prévenir les pratiques déloyales. Il faut subventionner les entreprises investissant sur le sol national (américaines ou non), mais il faut aussi aider les pays en voie de développement et surtout redonner son importance à l’État afin qu’il soit à même d’accroître les savoir-faire et d’améliorer le système éducatif afin de développer les aptitudes des individus sans qualifications.

Le débat au sein de l’OMC

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Contexte

Le phénomène de diminution massive de l'emploi depuis les années 1970 dans certains secteurs de l'industrie des pays du Nord inquiète les salariés concernés et les syndicats les représentant qui dénoncent une concurrence déloyale des pays du Sud. Ce phénomène coïncide avec un renversement de positions au sein des négociations du GATT durant les années 1980. Alors que le protectionnisme était auparavant défendu par les pays pauvres en tant que politique de développement économique basée sur la substitution d’importations, ce sont désormais les pays du Nord qui souhaitent que l’accès à leurs marchés nationaux ne se fasse qu’à la condition d’une amélioration des conditions de travail et des salaires dans les pays du Sud. Ainsi, dès les négociations de l’Uruguay Round, la création de normes internationales en matière d’environnement et de travail a été abordée, et ce afin de prévenir une course à la dégradation des salaires et des systèmes de protection sociale.

Oppositions

Au sein de l’OMC, les gouvernements occidentaux ont parfois imposé des sanctions commerciales, justifiées par la référence à la « clause sociale », à certains pays pauvres. En 1994, alors que vont être signés les accords finaux de l’Uruguay Round qui donnent naissance à l’OMC, la France et les États-Unis ont fait valoir que le commerce international ne devait pas profiter à certains États du tiers monde, qui faussaient la concurrence grâce à des avantages indus. On a par exemple cité l’inexistence de la législation du travail et de la protection sociale, le travail des enfants ou des prisonniers.

Pour les États libéraux, comme le Royaume-Uni, une telle critique va à l’encontre des principes du libre-échange et du GATT car elle revient à imposer des conditions sur l’origine du produit et sur sa production, alors qu’en réalité, c’est justement là que doit s’exprimer la concurrence. Pour les pays du Sud, les propositions de la France et des États-Unis relèvent d’un protectionnisme déguisé et non d’un humanisme désintéressé[12]. Comment peut-on leur imposer des conditions extrêmement coûteuses alors qu’ils connaissent déjà un retard de développement de plusieurs décennies, voire davantage. Au début du XXe siècle, le gouvernement français faisait encore tirer sur les grévistes alors que le pays avait déjà atteint un niveau de développement bien supérieur à celui de nombreux pays en développement actuels. La Commission européenne a refusé cet argument en 1996 en estimant :

« Certaines pratiques, comme l’interdiction de la liberté d’association ou le travail forcé, ne peuvent être justifiées en termes de niveau de développement économique. »

Il reviendrait alors à l’OMC de mettre en place et de contrôler les conditions de travail dans les pays pauvres afin de les empêcher de développer un commerce jugé inéquitable par les pays riches. Les pays pauvres ont réussi à s’opposer à des telles velléités.

Face à la vigueur de la polémique, il semble difficile de conclure sur le sujet. En fait la notion de dumping social suscite davantage de questions qu’elle n’apporte de réponse :

« Pour les défenseurs intransigeant des droits de l’homme, il faut boycotter les produits fabriqués dans des conditions ne respectant pas ces règles (par exemple, ne pas acheter des vêtements faits par des enfants). Mais surgissent des dilemmes : les premiers punis ne sont-ils pas les enfants, privés d’un emploi dont leurs familles attendent impatiemment le salaire, même misérable ? Suffit-il de décréter, à des milliers de kilomètres, que telle ou telle attitude est scandaleuse pour qu’elle disparaisse[13] ? »

Notes et références

  1. Social dumping, Vocabulaire de l'économie et des finances (liste de termes, expressions et définitions adoptés), JORF, n°0181, du 5 août 2016, texte n° 138 : « Pratique consistant, pour un État, à adopter une législation sociale moins contraignante que celle d'États concurrents afin de maintenir les coûts de revient des producteurs à un bas niveau et d'attirer les investissements étrangers ».
  2. Ce sujet est abordé dans le film d'Henri Verneuil Mille milliards de dollars
  3. Rapport d’information de M. Gaëtan Gorce, au nom de la délégation pour l’Union européenne, sur le dumping social européen, n° 2423 (25 mai 2000) sur http://www.assemblee-nationale.fr/europe/themes/politique%20sociale.asp
  4. Texte sur les risques de dumping social au sein de l'Union Européenne, sur le site European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, organisme créé par l'Union Européenne.
  5. Texte sur les risques de dumping social au sein de l'Union Européenne, sur le site European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, organisme créée par l'Union Européenne.
  6. Jean Morawski, « Un rassemblement national des salariés du textile a réuni plus de 1 500 salariés le 5 décembre à Autun », L'Humanité, 8 décembre 2001.
  7. L’Économie française, Comptes et dossiers 2005-2006, Rapport sur les comptes de la Nation de 2004, page 10, Collection Références, Insee. [PDF] en ligne
  8. « Le contenu en emplois des échanges industriels de la France avec les pays en développement », Économie et Statistiques, 1994, n°279-280.
  9. (en) A. Wood, « North-South trade, employment and inequality ».
  10. Paul Krugman, La Mondialisation n’est pas coupable, La Découverte/Poche, Essais, p. 48.
  11. Robert Reich, L'économie mondialisée, 1991.
  12. Cette critique s’adresse à toutes les clauses de l'OMC à caractère moral : ainsi a-t-on vu les États-Unis tenter de protéger les pêcheurs américains de l’importation de thon mexicain en invoquant la « clause écologique » : les filets mexicains attrapent un quart de dauphins en plus par rapport aux filets américains. L'OMC donnera tort aux États-Unis.
  13. Philippe Moreau Defarges, La Mondialisation, coll. Que sais-je ?, puf, 6e édition, 2005, p. 95.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Julien Bokilo Lossayi, « Investissement direct et dumping social chinois en Afrique : le cas du Congo-Brazzaville », Revue C.A.M.E.S/Sciences juridiques et politiques, n° 001/2021, p. 222-256.

Filmographie

Liens externes

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