Droits LGBT au Sénégal

L'homosexualité est pénalement réprimée au Sénégal en tant qu'attentat aux mœurs. Elle y est qualifiée juridiquement d'« acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe », et punie d'un à cinq ans de prison.

Droits LGBT au Sénégal
Dépénalisation de l'homosexualité  Non
Sanction un à cinq ans de prison

Loi

La loi contre l’homosexualité reprend l'ordonnance française de juin 1942 signée par le maréchal Philippe Pétain, elle-même inspirée d'une loi allemande, elle-même inspirée du puritanisme victorien[1].

L'homosexualité est punie, au Sénégal, aux termes de l'article 319 du code pénal sénégalais[2], alinéa 3, issu de la loi no 66-16 du 12 février 1966 : « sera puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 100 000 à 1 500 000 francs, quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. Si l'acte a été commis avec un mineur de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé »[3],[4].

Application de la loi

Avant 2008, le Sénégal est considéré comme l'un des pays africains les plus tolérants à l'égard de l'homosexualité. Il s'agit ainsi du premier pays d'Afrique francophone à créer des programmes de santé publique destinés aux hommes ayant des rapports homosexuels. Cette tolérance est cependant relative, les homosexuels trop visibles risquant toujours d'être la cible de jets de pierre. Par la suite, des évènements survenus en 2008 et 2009 font exploser l'homophobie au Sénégal[3].

En août 2008, deux hommes, dont un citoyen belge, sont condamnés à deux ans de prison pour « mariage homosexuel et actes contre nature »[5]. L'opinion publique réagit fortement, l'un des protagonistes du « mariage » doit s'exiler en Afrique du Sud et juste après, des jeunes hommes accusés d'actes homosexuels sont arrêtés, avant d'être relâchés. Mbaye Niang, imam et parlementaire, protestant contre leur libération, organise par ailleurs une manifestation contre l'homosexualité. Une série de chasse aux sorcières s'ensuit dans la société sénégalaise contre des personnes accusées d'actes homosexuels[3].

En 2008, fait exceptionnel, une proposition de loi réunit de nombreux députés du parti au pouvoir et de l'opposition pour imposer une peine plus sévère aux condamnés pour homosexualité. Cette entente a pour racine l'homophobie unanime des leaders religieux musulmans de confréries pourtant concurrentes. De jeunes rappeurs soutiennent aussi l'initiative[3].

Le 6 janvier 2009, neuf Sénégalais, interpellés à un domicile privé, sur dénonciation, ont été condamnés à 8 ans de prison ferme pour « association de malfaiteurs »[6],[7]. Il s'agit d'homosexuels engagés dans la lutte contre le sida, dont des représentants d'AIDES au Sénégal. Leur peine serait aggravée par la saisie sur place de jouets sexuels et de préservatifs, utilisés pour la lutte contre le sida.

Le président français Nicolas Sarkozy s'est dit lors d'un conseil des ministres « ému et préoccupé » par cette arrestation[8]. Le directeur de l'ANRS (France Recherche Nord & Sud Sida-hiv Hépatites) a fait part de son « inquiétude », et le Conseil national du sida a demandé au gouvernement français de « réagir » à cette condamnation[9],[10]. Le maire de Paris Bertrand Delanoë a exprimé sa « très vive préoccupation »[11],[12].

Le 14 janvier, l'association AIDES lance une pétition adressée au président du Sénégal, Abdoulaye Wade[13]. La Cour d'appel de Dakar annule leur condamnation et les neuf hommes sont libérés le 20 avril 2009[14].

Frustrés par le « laxisme » du gouvernement, un groupe de leaders religieux musulmans créent en réaction le « Front islamique pour la défense des valeurs éthiques » et déclarent souhaiter la peine de mort pour toute personne condamnée pour homosexualité. Cette initiative rejaillit partout dans le pays : des corps de Goor-jigen ( « hommes-femmes » dans la tradition sénégalaise) sont ainsi exhumés de cimetières dans plusieurs régions du Sénégal. D'importantes personnalités politiques et religieuses se convainquent d'une infiltration homosexuelle venue de l'extérieur, représentant une menace pour l'ordre social national, et les médias s'en font l'écho[3].

En décembre 2015, onze personnes sont arrêtées pour avoir participé, dans un cadre privé, à une cérémonie de mariage entre personnes de même sexe[15].

Dans un pays à 90 % musulman et où les homosexuels sont mal considérés, la presse contribue à la diffusion de l'homophobie, par des titres racoleurs ou une présentation partiale des faits relatifs à ce sujet[15].

En 2014, le président Macky Sall déclare que le pays n'est pas prêt de dépénaliser l'homosexualité[16]. Deux ans plus tard, il précise que l'homosexualité est contraire à la religion musulmane et que « et tant que je serais le président de la République, l’homosexualité ne sera jamais permise ici »[17].

Vie des personnes LGBT

En raison des mentalités et de la loi, la vie des personnes LGBT est particulièrement difficile. Le fondateur de l'association Prudence, Djamil Bangoura, et le président d'AIDs Sénégal, Djiadi Diouf, ont témoigné du quotidien des personnes dont l'homosexualité a été révélée et qui doivent faire face à la violence homophobe[18].

En 2018 et 2020, les romans De purs hommes de Mohamed Mbougar Sarr et Les Pangolins de Dakar de Valérian MacRabbit décrivent les conditions de vie des personnes LGBT au Sénégal.

Notes et références

  1. Tatiana Salvan, « En Afrique, l’homophobie est un "exutoire pour tous les autres maux sociaux" », sur liberation.fr, (consulté le ).
  2. Code pénal sénégalais, justice.gouv.sn, site du ministère de la justice sénégalais. Lire en ligne
  3. Patrick Awondo, Peter Geschiere, Graeme Reid, Alexandre Jaunait, Amélie Le Renard et Élisabeth Marteu, « Une Afrique homophobe ? », Raisons politiques, 2013/1, no 49, p. 95-118.
  4. « Les LGBTI au Sénégal, une vie au secret » [audio], sur France Culture (consulté le )
  5. « Les homosexuels harcelés au Sénégal », Libération, 16/01/09.
  6. « 9 homosexuels condamnés à de lourdes peines de prison », RFI, 07/01/09.
  7. Le Monde, 13 janvier 2009 : « À Dakar, neuf homosexuels sont condamnés à de la prison ferme »
  8. « Homosexuels incarcérés au Sénégal : Sarkozy ému et préoccupé », Le Monde, 14/01/090.
  9. « Protestations contre la condamnation de neuf homosexuels au Sénégal », Romandie News, 15/01/09
  10. « Sénégal : protestations du CNS et de l'ANRS », Seronet, 16/01/09.
  11. « La condamnation des homosexuels sénégalais préoccupe Paris », RFI, 15/01/09.
  12. « Les homosexuels harcelés au Sénégal », Libération, 16/01/09
  13. Pétition d'Aides.
  14. (en) « Senegal gay convictions quashed », BBC, 20 avril 2009.
  15. Camille Belsoeur, « Au Sénégal, la presse contribue au sentiment antihomosexuel », slateafrique.com, 21 janvier 2016.
  16. Philippe Bernard, « À Dakar, choc des cultures entre Barack Obama et Macky Sall sur l'homosexualité », lemonde.fr, 27 juin 2017.
  17. « Macky Sall sur l’homosexualité : "Je ne suis pas le genre de président à qui on demande de tourner à gauche ou à droite et qui s'exécute" », dakaractu.com, 18 mars 2016.
  18. Mathieu Brancourt, « Le calvaire des homos au Sénégal », sur Seronet, (consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Lien externe

  • « Les pratiques homosexuelles en Afrique », Journal du sida, no 185, (lire en ligne)
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