Droit d'asile dans l'Union européenne

Le droit d'asile dans l'Union européenne (UE) se forme depuis un demi-siècle dans ses États membres par application de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Il évolue sous l'effet de politiques communes apparaissant dans les années 1990 en relation avec la création de l'espace Schengen[1].

Pour un article plus général, voir Droit d'asile.

Droit d'asile dans l'Union européenne
Applicabilité  Union européenne et espace économique européen
Bases légales Article 77 TFUE
Article 78 TFUE
Article 79 TFUE
Article 80 TFUE
Diverses directives
Divers règlements
Migrants et régugiés internés au centre de détention de Fylakio en Thrace, Grèce.

Principes

L'article 67-2e du traité de fonctionnement de l'Union européenne fixe les principes[2] : « [UE] assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres et qui est équitable à l'égard des ressortissants des pays tiers. »

L'UE a mis en place une politique commune en matière d'asile très restrictive, dont le premier pan consiste à externaliser l'asile, et le deuxième à ficher tout demandeur d'asile et à éviter que les nombreux demandeurs d'asile déboutés ne fassent une nouvelle demande dans un autre pays. Cette politique commune a débuté avec la Convention de Dublin en 1990. Elle s'est poursuivie par la mise en place du fichier Eurodac puis le règlement Dublin II en 2003, par la création en 2010 du Bureau européen d'appui en matière d'asile, et par de nouvelles annonces de la Commission en 2015[3].

Externalisation de l'asile

L'externalisation de l'asile est un type de politiques migratoires menées par les pays de l'Union européenne consistant à délocaliser l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, ainsi que le traitement de leurs demandes d'asile, dans des lieux situés à proximité des frontières de l'UE, ou dans des pays, situés hors de l'UE, dont les demandeurs sont originaires ou par lesquels ils transitent. Ces politiques participent aux transformations contemporaines des procédures d'asile. Après une tentative de délocalisation des procédures de l'asile dans des centres frontaliers ou limitrophes, en 2003, ces politiques se sont traduites en Europe par une prolifération des camps d'exilés dans et autour de l'Union européenne, une pression sur les pays voisins pour y développer des systèmes d'asile examinant les demandes sur leurs territoires et une radicalisation des enjeux politiques anti-migratoires dans les pays limitrophes à l'intérieur et à de la frontière commune de l'Union européenne[4].

Demandes multiples et « asylum shopping »

Dans le jargon anglophone des institutions européennes, l'expression « asylum shopping » désigne la pratique qui consiste, pour des demandeurs d'asile, à vouloir choisir un autre pays que celui prévu par les règlements pour y déposer une demande d'asile afin de choisir celui qui lui offrira les meilleures conditions d'accueil, ou de déposer une demande dans un autre pays après avoir été débouté. Cette expression, parfois traduite par marchandage d'asile[5], est utilisée afin d'assimiler certains demandeurs d'asile à des consommateurs (notamment d'aide sociale[6]). Elle apparaît dans des textes officiels[7], des articles de journaux, des analyses, etc. L’« asylum shopping », ou plus précisément le dépôt de multiples demandes d'asile par une même personne, aurait été pratiqué par 12 % des demandeurs d'asile, ainsi qu'affirmait l'ancien commissaire européen à la justice Franco Frattini en 2007[8].

Le système mis en place, obligeant la prise des données d'identité dans l’État d'arrivée (empreintes, etc.), permet la détection des demandes multiples et le renvoi du demandeur d'asile vers l’État de demande initial[7].

Disparités entre les États membres

Les écarts entre les législations des différents États membres sont la principale cause de la volonté des réfugiés à choisir leur pays d'accueil, en effet certains états donnent le statut de réfugié à la majorité des demandeurs alors que d'autres le donnent à moins de 1 %. Le règlement Dublin II permet à un État de renvoyer un demandeur d'asile dans le premier État membre où il a transité. On parle alors de « réadmission ». Cette disposition a été mise en place afin de responsabiliser les États frontaliers dans leur contrôle des frontières. L'effet de cette mesure est un plus grand nombre de demandes d'asile dans les États frontaliers (comme la Grèce, la Slovaquie, la Pologne ou Malte) ainsi que, dans certains cas, le renvoi par ces derniers des demandeurs dans des pays limitrophes comme l'Ukraine[9]. Le Haut Commissariat aux réfugiés a aussi appelé à ne pas renvoyer de demandeurs d'asile vers l'Ukraine, la Turquie ou la Russie où le système de reconnaissance du statut de réfugié est souvent défaillant.

En 2008, le HCR a demandé à l'Union européenne de ne pas renvoyer de demandeurs d'asile irakiens vers la Grèce[10].

Législations restrictives

Officiellement pour lutter contre la fraude, la plupart des États européens se sont engagés dans des politiques restrictives, comme le Royaume-Uni (UK Borders Act de 2007, etc.), les Pays-Bas, qui ont adopté le Vreemdelingenweten avril 2001, l'Italie, avec la loi « Bossi-Fini » de juillet 2002, ou la France, avec différentes lois en 2003, 2006 (loi du 24 juillet 2006) et 2007 (loi du 20 novembre 2007). Ces mesures ont eu pour effet de réduire le nombre d'attributions du statut de réfugié[11].

Dans le cadre de l'adoption en première lecture de quatre rapports de codécision, entre le 4 et 7 mai 2009, les députés européens votèrent le le « paquet asile »[12]. Celui-ci inclut une proposition de révision de la directive « accueil » et une autre proposition visant à améliorer le système de Dublin. Ce paquet asile, a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la gauche au Parlement européen car il ne résout pas tout : il y a toujours « d’énormes divergences dans les pratiques des États membres au niveau des procédures et de l’acceptation des demandes ». Enfin, selon les socialistes, l’harmonisation des procédures d’asile permettrait la création d’un système efficace réduisant les délais et les coûts des procédures[13]. La Commission proposait en outre de réviser le règlement Eurodac (base de données biométrique) et de créer un Bureau européen d'appui en matière d'asile (BEAMA[14]), partiellement financé par les fonds précédemment octroyés au Fonds européen pour les réfugiés. Il fut créé en 2010, et a pour tâche d'assister les États membres dans la gestion des demandes d'asile et de gérer le régime d'asile européen commun (le CEAS)[15].

L’Union européenne s’était fixé comme objectif d’établir un véritable régime européen d’asile commun à l’horizon 2012. Au mois d’avril 2011, le Parlement européen a voté en séance plénière un texte relatif aux procédures communes d’octroi et de retrait du statut de demandeur d’asile. L’eurodéputée socialiste Sylvie Guillaume qualifie ce dossier de « clé de voûte du paquet asile » et juge « essentiel » le dialogue qui va se poursuivre dans les mois à venir entre le Conseil et le Parlement européen. L’enjeu pour la gauche est d’harmoniser les procédures afin de garantir un traitement correct et similaire des demandes d’asile en Europe. Ce rapport, adopté par le Parlement européen, renforce les garanties apportées aux demandeurs d’asile comme le droit à une assistance juridique gratuite ainsi qu’une meilleure prise en compte des demandeurs vulnérables (mineurs non accompagnés…) et un encadrement des délais de recours. « C’est un signal fort adressé à la Commission européenne », estime Sylvie Guillaume[16].

En juin 2014, le Conseil européen a défini les orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle pour les prochaines années, en s’inspirant des progrès réalisés grâce au programme de Stockholm. Ces orientations insistent sur le fait que la transposition intégrale et la mise en œuvre effective du régime d’asile européen commun constituent une priorité absolue. Depuis 2014, la Commission a publié l’agenda européen en matière de migration en mai 2015, lequel propose plusieurs mesures visant à faire face à la pression migratoire (mises en place par le BEAMA, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (anciennement Frontex) et Europol, qui travaillent sur le terrain avec les États membres situés en première ligne afin de procéder rapidement à l’identification et à l’enregistrement des migrants, ainsi qu’au relevé de leurs empreintes digitales.

Financement des politiques d'asile

Le Fonds « Asile, migration et intégration » est le premier instrument de financement[17]. Ses crédits pour la période 2014-2020 sont en la hausse pour passer de 3,31 milliards d’euros à 6,6 milliards d’euros. Pour la période 2021-2027, la Commission propose d’augmenter de 51 % le financement du Fonds. D’autres instruments de financement de l’Union, le Fonds européen (FSE, 2.3.2), le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD, 2.3.9) et le Fonds européen de développement régional (FEDER, 3.1.2) octroient également des financements pour soutenir l’intégration de réfugiés et de migrants.

Il existe par ailleurs des fonds fiduciaires pour les mesures extérieures, comme le fonds fiduciaire d'urgence de l’Union européenne pour l'Afrique ou le fonds fiduciaire régional de l'Union européenne en réponse à la crise syrienne.

En dehors du budget de l’Union, il existe le Fonds européen de développement qui se consacre à l’éradication de la pauvreté et à la réalisation des objectifs du programme de développement durable à l'horizon 2030 mais qui est de plus en plus utilisé ces dernières années pour financer les solutions aux problèmes migratoires.

Importance des demandes d'asile dans l'Union européenne

De fait, les pays membres de l'Union européenne n'accueillent que peu de réfugiés : ils ne sont un refuge que pour 6 % d'entre eux (environ 1 million[18] sur 16,7 millions de réfugiés dans le monde en 2013, en incluant les réfugiés palestiniens) alors que la population de l'Union européenne représente 6,86 % de la population mondiale. Selon le rapport sur les tendances mondiales 2013 du Haut Commissariat aux réfugiés[19], cette année-là « les pays en développement ont accueilli 86 % des réfugiés dans le monde, contre 70 % dix ans plus tôt ». Toutefois, les procédures de demande d'asile de l'Union européenne concernent 400 000 demandes environ en 2013[20] sur un total de 1,1 million dans le monde, soit 36 % du total[19].

L'une des particularités des pays de l'Union est de n'accueillir que très peu de réfugiés déjà installés dans un pays tiers en comparaison avec les États-Unis ou le Canada (procédure de réinstallation, c'est-à-dire d'accueil durable de personnes qui ont trouvé un premier asile précaire dans un autre pays : ainsi, les États-Unis peuvent choisir d'accueillir des Syriens déjà réfugiés en Turquie). Selon la Commission européenne (2011), « durant l'année 2010, environ 5 000 réfugiés ont été réinstallés dans l'ensemble de l'UE, chiffre à comparer avec les quelque 75 000 réfugiés réinstallés aux États-Unis la même année. En fait, les États membres de l'UE dans leur totalité acceptent actuellement moins de réfugiés réinstallés que le seul Canada »[21].

En 2018, 580 800 personnes ont demandé l’asile pour la première fois dans l’Union européenne (UE)[22]. Ce nombre est en baisse de 11 % par rapport à 2017 et moitié moindre que ceux de 2015 et 2016, où plus de 1,2 million d’étrangers avaient introduit une première demande de protection internationale. L’Allemagne est le premier pays d’accueil des demandeurs d’asile, avec près de 162 000 nouveaux dossiers déposés, soit 28 %. Elle est suivie par la France et la Grèce qui totalisent respectivement 19 % et 11 % des primo-demandes d’asile. Viennent ensuite l’Espagne (9 %), l’Italie (8 %) et le Royaume-Uni (6 %). Les Syriens, les Afghans et les Irakiens sont les principales nationalités concernées En 2018, 37 % des primo-demandeurs d’asile ont été admis au séjour dans l’UE, soit sous le statut de réfugié ou en tant que bénéficiaire de la protection subsidiaire, soit pour des raisons humanitaires.

Sources

Références

Directives

  • Directive  2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, 32011L0095, adopté le 13 décembre 2011, JO du 20 décembre 2011, p. 9-26, entré en vigueur le 9 janvier 2012 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Directive  2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, 32013L0033, adoptée le 26 juin 2013, JO du 29 juin 2013, p. 96-116, entrée en vigueur le 19 juillet 2013 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Directive  2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, 32013L0032, adoptée le 26 juin 2013, JO du 29 juin 2013, p. 60-95, entrée en vigueur le 19 juillet 2013 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Règlement  306/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, 32013R0603, adopté le 26 juin 2013, JO du 29 juin 2013, p. 1-30, entré en vigueur le 19 juillet 2013 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Règlement  343/2003 du 32003R0343 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, adopté le 18 février 2003, JO du 25 février 2003, p. 1-10 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Règlement  604/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, 32013R0604, adopté le 26 juin 2013, JO du 29 juin 2013, p. 31-59 [consulter en ligne, notice bibliographique]

Ouvrages et articles

Compléments

Lectures approfondies

  • Emmanuelle Bribosia et Andrea Rea, Les nouvelles migrations : un enjeu européen, Paris, Éditions Complexe,
  • Naula Mole, Le droit d'asile et la Convention européenne des droits de l'homme, Strasbourg, Conseil de l'Europe,
  • Bogumil Terminski, « Les migrations, les réfugiés, les droits de l’homme : Un guide bibliographique des publications parues en langue française », New Issues in Refugee Research, Working Paper, Genève, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, no 216,
  • Catherine Wihtol de Wenden, L'Union européenne face aux migrations, Paris, Centre d'études et de recherches internationales,
  • Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Manuel de droit européen en matière d’asile, de frontières et d’immigration, Conseil de l’Europe, (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du droit
  • Portail de l’Union européenne
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.