Diversité dans le mouvement open source

La diversité dans le mouvement open source représente l’hétérogénéité des profils des personnes qui font partie du mouvement open source. La faible diversité du mouvement est souvent citée comme un problème[1]. À certains égards, il reflète celui de la disparité de genre dans l’informatique, mais il reste plus accentué. Il en va de même pour la diversité ethnique du mouvement. À l'inverse, les personnes appartenant à une minorité sexuelle y semblent proportionnellement plus nombreuses que dans la population générale.

Le sujet a été et continue d'être l’objet de controverses importantes au sein du mouvement open source[2],[3], alors que différentes études montrent que les équipes diverses ont une meilleure productivité que les autres[4],[5],[6].

Contexte

La question de la diversité et de l'inclusion dans les milieux FLOSS survient notamment après une étude publiée par la communauté européenne en 2006 qui indique que le pourcentage de femmes participantes au mouvement du logiciel libre est de 2%, un chiffre à mettre en relation avec les 28% de femmes participants au milieu du logiciel propriétaire[7].

En 2014 Coraline Ada Ehmke, femme transgenre[8],[9], crée le Contributor Covenant, un code de conduite utilisé dans plus de 40000 projets open source, y compris d’importants projets tels que Linux ou Ruby on Rails ; tous les projets de Google, Microsoft et Apple[10],[11],[12]. En 2016, elle reçoit un prix Ruby Hero en reconnaissance de son travail sur ce Covenant Contributor[13],[14].

Obstacles à l'inclusion

Une critique courante adressée à la communauté open source est que les critiques de code contribué aux projets ont tendance à devenir des attaques personnelles[15]. Dans l’enquête GitHub de 2017, 50 % des 5 500 répondants déclarent avoir été témoins d’interactions toxiques alors qu’ils travaillaient sur des projets open source, et 18 % d’entre eux déclarent avoir souffert d’une interaction négative[16]. Les réponses dédaigneuses, les conflits et les propos peu accueillants sont cités comme respectivement les 3e, 4e et 6e plus gros problèmes de l’open source[16]. Une autre étude réalisé sur GitHub cette même année a trouvé que, de manière générale, les contributions des femmes y sont mieux acceptées que celles des hommes lorsque le nom de la personne qui contribue n’indique aucun genre, mais qu’elles sont nettement plus refusées lorsqu’un prénom féminin est utilisé[5],[17],[18],[19].

Un sentiment souvent répété dans la communauté est que le conflit n’est pas répandu, mais rendu très visible en raison de la nature publique des forums et des listes de diffusion. Les statistiques rendent cependant cette idée discutable[20]. Certains membres de la communauté citent la toxicité de celle-ci comme la principale raison du problème de diversité en open source[21].

Sexisme

Le sexisme du logiciel libre[22],[23] et l'invisibilisation des femmes[24] dans ce milieu va de pair avec un récit glorificateur autour de figures masculines comme Richard Stallman et Eric Raymond, alors que le terme d'open source lui même aurait été inventé par Christine Peterson[25],[26],[27]. Angela Byron (en) souligne le rôle des blagues sexistes qui ont tendance à faire partir les femmes[28].

Le sexisme des leaders charismatiques de l'open source est souvent mis en avant comme contribuant au climat empêchant davantage de femmes de s'investir. En 2021 une pétition contre le retour de Richard Stalman à la Free Software Foundation circule, en raison de ses prises de positions passées et polémiques concernant les relations sexuelles entres adultes et enfants et adolescents[29],[30],[31].

Diversités

Diversité des genres

Le déséquilibre des genres dans l’open source est plus élevé que celui qui existe à l’échelle de l’informatique[4],[32]. Il a été observé par un certain nombre d'enquêtes, qui constatent une proportion d’entre 1 et 10 % de femmes dans le mouvement :

  • Une enquête de 2002 auprès de 2 784 développeurs de logiciels open source a trouvé que 1,1 % d'entre eux étaient des femmes[33] ;
  • Une enquête de 2013 auprès de 2 183 contributeurs open source a trouvé que 81,4 % étaient des hommes et 10,4 % des femmes[34]. Cette enquête comprenait à la fois des contributeurs de logiciels et non-logiciels, et les femmes étaient beaucoup plus susceptibles d’être dans la seconde catégorie[35] ;
  • Une enquête de 2017 auprès de 5 500 contributeurs à des projets sur la plateforme GitHub révèle que 95 % des contributeurs sont des hommes et 3 % des femmes[36] ;
  • Une étude de Stefano Zacchiroli de 2020 explorant 120 millions de projets open-source des 50 années précédentes note que les modifications réalisées par les femmes augmentent sur toute la période et atteignent 10 % pour la première fois en 2019[37].

Women in Open Source Awards

Limor Fried, lauréate du prix de la communauté en 2019.
Netha Hussain, lauréate du prix académique en 2020.

En 2015, l’entreprise Red Hat lance les Women in Open Source Awards prix des femmes dans l’open source »). Les gagnantes sont[38] :

  • 2015 :
    • prix académique : Kesha Shah
    • prix de la communauté : Sarah Sharp
  • 2016 :
    • prix académique : Preeti Murthy
    • prix de la communauté : Jessica McKellar
  • 2017 :
    • prix académique : Jigyasa Grover
    • prix de la communauté : Avni Khatri
  • 2018 :
    • prix académique : Zui Dighe
    • prix de la communauté : Dana Lewis
  • 2019 :
    • prix académique : Saloni Garg
    • prix de la communauté : Limor Fried
  • 2020 :
    • prix académique : Netha Hussain
    • prix de la communauté : Megan Byrd-Sanicki

Diversité culturelle

Les personnes noires et latino-américaines sont sous-représentés[39]. Contrairement au biais de genre, le biais culturel (« race and ethnicity diversity » en anglais) ne fait l’objet que de peu de recherche[40].

Diversité des minorités sexuelles

Les membres de minorités sexuelles représentent une part plus importantes des contributeurs dans l’open source que dans la population totale. L’enquête de GitHub en 2017 a révélé que 7 % des contributeurs étaient LGBT contre 4 % dans la population générale[16]. Une enquête menée en 2018 par Stack Overflow a révélé que 6,7 % des 100 000 répondants s’identifiaient comme LGBT+, et 0,9 % comme non-binaire ou transgenre[41].

Plusieurs organisations ont été créées dans le but de renforcer la visibilité des membres LGBT+ dans la communauté open source, telles que Trans * H4ck, Trans*Code[42] et Lesbians Who Tech[43].

Les membres LGBT+ notables de la communauté open-source incluent :

Diversités d’âge

La population contributrice à l’open-source est majoritairement jeune[46].

Bibliographie

  • Christina Dunbar-Hester, Hacking diversity : the politics of inclusion in open technology cultures, (ISBN 978-0-691-19417-2 et 0-691-19417-3, OCLC 1125112179, lire en ligne)

Voir aussi

Notes et références

  1. Thierry Noisette, « Le logiciel libre manque de femmes, des femmes réagissent », sur ZDNet France, (consulté le ).
  2. Ariane Beky, « Linux : pour Torvalds la diversité des contributeurs est un détail », sur Silicon, (consulté le ).
  3. « RedHat recommande la « diversité » au conseil d'administration de la FSF pour la succession de Richard Stallman dans une lettre ouverte », sur Developpez.com (consulté le ).
  4. (en) Amiangshu Bosu et Kazi Zakia Sultana, « Diversity and Inclusion in Open Source Software (OSS) Projects: Where Do We Stand? », 2019 ACM/IEEE International Symposium on Empirical Software Engineering and Measurement (ESEM), IEEE, , p. 1–11 (ISBN 978-1-7281-2968-6, DOI 10.1109/ESEM.2019.8870179, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Josh Terrell, Andrew Kofink, Justin Middleton et Clarissa Rainear, « Gender differences and bias in open source: pull request acceptance of women versus men », PeerJ Computer Science, vol. 3, , e111 (ISSN 2376-5992, DOI 10.7717/peerj-cs.111, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Bogdan Vasilescu, Daryl Posnett, Baishakhi Ray et Mark G.J. van den Brand, « Gender and Tenure Diversity in GitHub Teams », Proceedings of the 33rd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems - CHI '15, ACM Press, , p. 3789–3798 (ISBN 978-1-4503-3145-6, DOI 10.1145/2702123.2702549, lire en ligne, consulté le )
  7. Christina Dunbar-Hester, Hacking diversity : the politics of inclusion in open technology cultures, (ISBN 978-0-691-19417-2 et 0-691-19417-3, OCLC 1125112179, lire en ligne)
  8. (en) Coraline Ada Ehmke, « Talk: He Doesn't Work Here Anymore », sur Alterconf, (consulté le ).
  9. (en) Evelin Heidel, « Your presence as a political statement: the story of Coraline Ada », sur GenderIT, (consulté le ).
  10. (en) « Contributor Covenant: A Code of Conduct for Open Source Projects », Contributor Covenant (consulté le ).
  11. Evans, « On the war between hacker culture and codes of conduct », TechCrunch, (consulté le ).
  12. (en-US) Bostick, « GitHub’s Anti-Harassment Tools and the Open Source Codes of Conduct », Hello Tech Pros, (consulté le ).
  13. (en-US) « 2016 Ruby Heroes », Ruby Heroes (consulté le ).
  14. Ruby Hero Awards, RailsConf () Confreaks..
  15. (en) Dawn Nafus, « ‘Patches don’t have gender’: What is not open in open source software », New Media & Society, vol. 14, no 4, , p. 669–683 (ISSN 1461-4448 et 1461-7315, DOI 10.1177/1461444811422887, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « Open Source Survey », (consulté le ).
  17. Delphine Sabattier, « Dites-le aux filles: ça manque de femmes dans le numérique! », sur 01net.com, (consulté le ).
  18. Julien Lausson, « Sexisme informatique : le code source écrit par les femmes est moins respecté », sur Numerama, (consulté le ).
  19. « Dans l’open source, les femmes meilleures codeuses que les hommes », sur Makery, (consulté le ).
  20. (en) Bruce Byfield, « Sexism: Open Source Software's Dirty Little Secret » (version du 6 octobre 2009 sur l'Internet Archive), .
  21. (en) « Acceptance, strife, and progress in the LGBTIQ+ and open source communities », sur www.codethink.co.uk (consulté le ).
  22. Par Thierry Noisette pour L'esprit libre | Modifié le lundi 28 sept 2009 à 09:08, « Le logiciel libre manque de femmes, des femmes réagissent », sur ZDNet France (consulté le )
  23. « Group:Women's Caucus/Documentation/9.19.2009 - LibrePlanet », sur libreplanet.org (consulté le )
  24. (en) Alexis Kauffmann, « Les femmes et le logiciel libre », sur Framablog, (consulté le )
  25. « Where are the women in the history of open source? », sur Crooked Timber, (consulté le )
  26. « History of the OSI | Open Source Initiative », sur opensource.org (consulté le )
  27. (en) Jaijit Bhattacharya, Technology In Government, 1/e, Jaijit Bhattacharya, (ISBN 978-81-903397-4-2, lire en ligne)
  28. « Women in Open Source (Open Web Vancouver 09) by Angela Byron » (consulté le )
  29. (en-US) Timothy B. Lee, « Richard Stallman leaves MIT after controversial remarks on rape », sur Ars Technica, (consulté le ) : « "Many years ago I posted that I could not see anything wrong about sex between an adult and a child, if the child accepted it," he wrote on Saturday. "Through personal conversations in recent years, I've learned to understand how sex with a child can harm her psychologically. This changed my mind about the matter: I think adults should not do that." »
  30. « Richard Stallman de retour au conseil d’administration de la Free Software Foundation », sur Next INpact, (consulté le )
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  45. (en) Sage Sharp, « Binaries are for computers », (consulté le ).
  46. (en) Jennifer L. Davidson, Umme Ayda Mannan, Rithika Naik et Ishneet Dua, « Older Adults and Free/Open Source Software: A Diary Study of First-Time Contributors », Proceedings of The International Symposium on Open Collaboration - OpenSym '14, ACM Press, , p. 1–10 (ISBN 978-1-4503-3016-9, DOI 10.1145/2641580.2641589, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

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