Défaut souverain

Un défaut souverain est le fait pour un gouvernement ou un État souverain de ne pas payer entièrement sa dette souveraine.

Si des prêteurs potentiels ou des souscripteurs d'obligations d’État commencent à soupçonner que l’État pourrait ne pas rembourser sa dette, ils réclament un haut taux d'intérêt, une prime en compensation du risque de défaut. Une forte hausse des taux d'intérêt en réponse à une inquiétude croissante concernant le défaut d'un État est parfois appelé une crise de la dette souveraine. Les gouvernements sont particulièrement vulnérables à ces crises lorsque leurs dépenses reposent sur un large financement à court terme.

Étant donné qu'un État souverain, par définition, a le contrôle sur sa situation, il ne peut pas être contraint de rembourser ses dettes[1]. Néanmoins, les États peuvent alors faire face à de fortes pressions de la part de ses créditeurs, publics ou privés. Dans certains cas, une nation créditrice peut déclarer la guerre à la nation endettée pour avoir refusé de rembourser sa dette. Par exemple, l'Angleterre a régulièrement attaqué les pays ne remboursant pas leur dette publique extérieure, envahissant notamment l’Égypte en 1882, et Constantinople, à la veille du défaut de l’Empire ottoman en 1876[2]:54.

La diplomatie de la canonnière mise en place par les États-Unis au Venezuela au milieu des années 1890 et l'occupation américaine d’Haïti à partir de 1915, en sont d'autres exemples[2]:54.

Un État faisant défaut peut également se voir refuser l'accès au crédit et certains de ses avoirs détenus à l'étranger peuvent être saisis (les mines chiliennes de cuivre furent notamment saisies par le gouvernement américain en 1977)[2]:54. Il peut également faire face à la pression des détenteurs nationaux d'obligations. Pour cela, un État fait rarement défaut sur le montant total de sa dette. Au lieu de cela, il entre souvent dans une phase de négociation avec ses créditeurs pour s'accorder sur un rééchelonnement ou une décote de la dette, mesures souvent appelées « restructuration de la dette » ou, vulgairement, haircut.

Causes

Dans une étude de 2021 portant sur un échantillon de 56 défauts souverains entre 1870 et 2010, Lennard et Kenny montrent que les défauts souverains sont le plus souvent dus à des causes exogènes, c'est-à-dire que leur origine ne se trouve pas dans le pays même. Il s'agit de 77,5% des défauts entre 1870 et 1945, 47,9% entre 1946 et 2010, soit 61,5% des défauts sur la période complète. Entre 1946 et 2010, quand le défaut est endogène, il est le plus souvent dû à un choc d'offre (37,8%), et non à un choc de demande (10,1%). Lorsqu'il est exogène, il est le plus souvent dû à des évènements de politique extérieure (21,3%) ou du fait du commerce international (18,6%). La contagion, c'est-à-dire le défaut souverain dû à un autre défaut souverain étranger, pèse pour environ 6% des défauts[3].

Conséquences

Les conséquences d'un défaut souverain sont le plus souvent négatives[4]. Il existe des cas où le défaut souverain n'a pas d'incidence particulière sur l'économie du PIB[5]. Les conséquences du défaut sont fortement liées à l'origine du défaut[3].

Dans une étude de 2021 portant sur un échantillon de 56 défauts souverains entre 1870 et 2010, Lennard et Kenny montrent que le défaut affecte le PIB de 1,6 à 3,3 points par an pendant quatre ans, avant qu'il ne se rétablisse et retrouve sa croissance moyenne au bout de cinq ans[3].

Solutions

La réputation du Big Three (en)(Standard & Poor's, Moody's (en) et Fitch Ratings) est largement écornée à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008, ce qui a conduit de nombreuses institutions à remettre en question leurs méthodes de notation. Selon Marc Joffe, ancien Senior Director chez Moody's et actuel consultant chez Public Sector Credit Solutions (PSCS)[6], les économistes et autres chercheurs en sciences sociales, via des modèles économétriques (en) logit et probit, sont mieux armés que les agences de notation pour estimer les risques de défauts souverains[7]. Afin de soutenir de meilleures méthodes de notation, PSCS maintient en partenariat avec Wikirating une base de données publique de défauts souverains, chiffres d’affaires, dépenses, niveaux d'endettement et coûts de ces dettes. PSCS a également développé le Public Sector Credit Framework (en), un modèle de simulation budgétaire open source qui aide les analystes à estimer les probabilités de défaut.

Liste des défauts souverains

La liste suivante recense les défauts souverains ainsi que les restructurations de dette des pays indépendants, de 1300 à 2020[2]:23, 87, 91, 95, 96.

Afrique
  • Afrique du Sud (1985, 1989, 1993)
  • Algérie (1991)
  • Angola (1976[8], 1985, 1992-2002[8])
  • Cameroun (2004)[8]
  • République centrafricaine (1981, 1983)
  • République du Congo (Brazzaville) (2016)
  • Congo (Kinshasa) (1979)[8]
  • Côte d'Ivoire (1983, 2000)
  • Égypte (1876, 1984)
  • Gabon (1999-2005)[8]
  • Ghana (1979, 1982)[8]
  • Kenya (1994, 2000)
  • Liberia (1989-2006)[8]
  • Madagascar (2002)[8]
  • Maroc (1983, 1994, 2000)
  • Mozambique (1980, 2017)[8]
  • Nigeria (1982, 1986, 1992, 2001, 2004)
  • Rwanda (1995)[8]
  • Sierra Leone (1997-1998)[8]
  • Soudan (1991)[8]
  • Tunisie (1867)
  • Zambie (1983)
  • Zimbabwe (1965, 2000, 2006[8])
Amérique
  • Antigua et Barbuda (1998-2005)[8]
  • Argentine (1827, 1890, 1951, 1956, 1982, 1989, 2002-2005,2014[8], 2020[9])
  • Bolivie (1875, 1927[8], 1931, 1980, 1986, 1989)
  • Brésil (1898, 1902, 1914, 1931, 1937, 1961, 1964, 1983, 1986-1987[8], 1990[8])
  • Canada (Alberta) (1935)[8] Canada (1991)
  • Chili (1826, 1880, 1931, 1961, 1963, 1966, 1972, 1974, 1983)
  • Colombie (1826, 1850, 1873, 1880, 1900, 1932, 1935)
  • Costa Rica (1828, 1874, 1895, 1901, 1932, 1962, 1981, 1983, 1984)
  • République dominicaine (1872, 1892, 1897, 1899, 1931, 1975-2001[8], 2005)
  • El Salvador (1828, 1876, 1894, 1899, 1921, 1932, 1938, 1981-1996[8])
  • Équateur (1826, 1868, 1894, 1906, 1909, 1914, 1929, 1982, 1984, 2000, 2008)
  • États-Unis (1790, 1933)[8]
    • 9 États (1841-1842)[8]
    • 10 États(1873-83 or 1884)[8]
    • État Porto Rico (2015-2017)
  • Grenade (2004-2005)[8]
  • Guatemala (1933, 1986, 1989)
  • Guyane (1982)
  • Honduras (1828, 1873, 1981)
  • Jamaïque (1978)
  • Mexique (1827, 1833, 1844, 1850[8], 1866, 1898, 1914, 1928-1930s, 1982)
  • Nicaragua (1828, 1894, 1911, 1915, 1932, 1979)
  • Panama (1932, 1983, 1983, 1987, 1988-1989[8])
  • Paraguay (1874, 1892, 1920, 1932, 1986, 2003)
  • Pérou (1826, 1850[8], 1876, 1931, 1969, 1976, 1978, 1980, 1984)
  • Porto Rico (2016)
  • Surinam (2001-2002)[8]
  • Trinidad et Tobago (1989)
  • Uruguay (1876, 1891, 1915, 1933, 1937[8], 1983, 1987, 1990, 2003)
  • Venezuela (1826, 1848, 1860, 1865, 1892, 1898, 1982, 1990, 1995-1997[8], 1998[8], 2004, 2017)
Asie
  • Chine (1921, 1932[8], 1939)
  • Japon (1942, 1946-1952[8])
  • Inde (1958, 1969, 1972)
  • Indonésie (1966, 1998, 2000, 2002)
  • Iran (1992)
  • Irak (1990, 2003)
  • Jordanie (1989)
  • Koweït (1990-1991)[8]
  • Liban (2020)[10]
  • Mongolie (1997-2000)[8]
  • Myanmar (1984[8], 1987[8], 2002)
  • Philippines (1983)
  • Iles Salomon (1995-2004)[8]
  • Sri Lanka (1980, 1982, 1996[8])
  • Vietnam (1975)[8]


Europe
  • Albanie (1990)
  • Allemagne (1932, 1939, 1948[8])
    • Hesse (1814)
    • Prusse (1683, 1807, 1813)
    • Schleswig-Holstein (1850)
    • Westphalie (1812)
  • Angleterre (1340, 1472, 1596)
  • Autriche-Hongrie (1796, 1802, 1805, 1811, 1816, 1868)
  • Autriche (1938, 1940, 1945[8])
  • Bulgarie (1990)
  • Croatie (1993-1996)[8]
  • Danemark (1813)[8]
  • Espagne (1557, 1575, 1596, 1607, 1627, 1647, 1809, 1820, 1831, 1834, 1851, 1867, 1872, 1882, 1936-1939[8])
  • France (1558, 1624, 1648, 1661, 1701, 1715, 1770, 1788, 1797)
  • Grèce (1826, 1843, 1860, 1893, 1932, 1983, 2015[11])
  • Hongrie (1932, 1941)
  • Pays-Bas (1814)
  • Pologne (1936, 1940, 1981)
  • Portugal (1560, 1828, 1837, 1841, 1845, 1852, 1890)
  • Roumanie (1933, 1982, 1986)
  • Royaume-Uni (1749, 1822, 1834, 1888-89, 1932)[8]
  • Russie (1839, 1885, 1918, 1947[8], 1957[8], 1991, 1998)
  • Suède (1812)
  • Turquie (1876, 1915, 1931, 1940, 1978, 1982)
  • Ukraine (1998-2000[8], 2015)
  • Yougoslavie (1983)

Bibliographie

  • Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff (trad. de l'anglais par Michel Le Séac'h), Cette fois, c'est différent : huit siècles de folie financière [« This time is different: Eight Centuries of Financial Folly »], Paris, France, Pearson, , XXI-469 p. (ISBN 978-2-7440-6451-7, notice BnF no FRBNF42335689, lire en ligne)

Notes et références

  1. (en) Eduardo Borensztein et Ugo Panizza, « The Costs of Sovereign Default: Theory and Reality », sur VOXLACEA,
  2. (en) Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff, This time is different : Eight Centuries of Financial Folly, Princeton, NJ, USA, Princeton University Press, , XLV-463 p. (ISBN 978-0-691-14216-6, notice BnF no FRBNF42150316)
  3. Rui Esteves et Seán Kenny, « The aftermath of sovereign debt crises », sur VoxEU.org, (consulté le )
  4. (en) Dmitry Kuvshinov et Kaspar Zimmermann, « Sovereigns going bust: Estimating the cost of default », European Economic Review, vol. 119, , p. 1–21 (DOI 10.1016/j.euroecorev.2019.04.009, lire en ligne, consulté le )
  5. Eduardo Levy Yeyati et Ugo Panizza, « The elusive costs of sovereign defaults », Journal of Development Economics, vol. 94, no 1, , p. 95–105 (ISSN 0304-3878, lire en ligne, consulté le )
  6. Public Sector Credit Solutions
  7. (en) Marc Joffe, « Rating Government Bonds: Can We Raise Our Grade? », Econ Journal Watch, vol. 9, no 3, , p. 350-365 (présentation en ligne, lire en ligne [PDF], consulté le )
  8. (en) Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff, « The Forgotten History of Domestic Debt », NBER Working Papers, NBER, , p. 41 (lire en ligne [PDF])
  9. « L’Argentine à nouveau en défaut de paiement », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  10. « Frappé par une crise économique, le Liban annonce ne pas pouvoir honorer sa dette », sur France 24, (consulté le )
  11. Pierre Breteau, Mathilde Damgé et Delphine Roucaute, « La Grèce, dernier exemple d’une longue histoire de défauts souverains », Le Monde, (lire en ligne[archive du ])
  • Portail de l’économie
  • Portail du droit
  • Portail des risques majeurs
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.