Culture talayotique

La culture talayotique (ou période talayotique) est une culture archéologique qui s'est développée dans la partie orientale des îles Baléares (Majorque et Minorque) pendant les âges du bronze et du fer. Ses origines datent de la fin du IIe millénaire av. J.-C., à la suite de la crise et de l'évolution de la société qui la précède (la période pré-talayotique (ca)). Elle tire son nom du talayot, un type de tour mégalithique emblématique de cette période.

Le talayot circulaire n°1 de Capocorb Vell (en), site talayotique de Majorque.

Particularités

Le monument caractéristique de cette culture est le talayot, construction mégalithique de forme tronconique, semblable à la nuraghe de Sardaigne, à la torre de Corse ou à la sese (it) de Pantelleria. Les talayots sont majoritairement de forme circulaire, mais il en existe aussi de forme quadrangulaire. On en connaît 274, disséminés dans la totalité de l'archipel. Leur fonction n'est pas clairement définie, mais les archéologues pensent qu'ils servaient de forteresses militaires ou de tours de surveillance. Néanmoins, leur structure comporte une petite chambre dont la fonction reste encore à déterminer avec certitude.

Les autres éléments importants de cette culture sont :

  • les navetas (navetes en catalan, « navettes »), tombes mégalithiques qui ont des similitudes avec les « tombes de géants » nuragiques. Le terme naveta renvoie à la forme de la construction, semblable à une coque de navire renversée. Elle comporte une petite porte qui mène à une antichambre ou à un couloir donnant accès à une ou deux chambres superposées. La plus connue, la naveta d'Es Tudons, située près de Ciutadella, daterait d'environ 1400 av. J.-C.
  • les taulas (« tables »), monuments mégalithiques, genre de sanctuaires composés de deux blocs de pierre en calcaire taillé, en forme de « T », présents surtout à Minorque. Les taulas sont situées au centre d’un cercle de piliers monolithiques, couverts par une pierre.

Histoire

Origines

Talayot du site de Sant Agustí Vell (ca).

La première preuve connue du développement de la culture talayotique apparaît à la fin du IIe millénaire av. J.-C., alors que la société de l'archipel est menacée par une croissance de sa population, une production de nourriture inefficace et un espace limité. Les techniques agricoles importées par les premiers habitants un millénaire auparavant consistent essentiellement à défricher les forêts par le feu avant de labourer le sol ainsi dégagé, une technique qui conduit à une détérioration rapide du sol.

Jusqu'à la fin du XXe siècle, on suppose que la culture talayotique résulte de l'interaction entre des immigrants provenant de l'est de la mer Méditerranée et la culture insulaire locale, qu'elle prenne la forme d'une invasion agressive ou d'une assimilation pacifique. On estime alors qu'elle est contemporaine des Peuples de la mer et qu'il s'agit d'une culture guerrière, du fait de l'abondance de tours de défenses, les talayots, et de l'existence de villages entourés de murs d'enceinte. De plus, les talayots ressemblent aux nuraghe de Sardaigne, ce qui donne crédit à une origine sarde de cette culture.

Les excavations archéologiques menées à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle établissent toutefois que les talayots ont été érigés au début du Ier millénaire av. J.-C., c'est-à-dire bien après la période des Peuples de la mer et des nuraghes sardes. Il semblerait que la transition entre les cultures pré-talayotique et talayotique ait pris la forme d'une lente évolution sur plusieurs siècles, provoquée par une crise restreinte aux îles Baléares. Cependant, on ne peut pas écarter totalement des influences extérieures : la présence de bronze dans l'archipel, un alliage qui nécessite de l'étain, métal absent des Baléares, indique que des contacts existaient avec le monde extérieur.

Majorque

Les premiers grands monuments talayotiques de Majorque sont les tumulus en escalier (túmulos escalonados), qui ont une fonction funéraire. Ils sont construits à la fin du IIe millénaire av. J.-C. et au début du Ier millénaire av. J.-C., et plusieurs sont associés à un hypogée de l'âge du bronze. Cette société proto-talayotique commence à former des villages.

Les talayots prolifèrent à Majorque à partir du Ier millénaire av. J.-C., parfois isolés ou dans des villages, mais principalement en groupe. À Majorque, ces groupes sont aussi abondants que les villages. Certains sont constitués de plusieurs édifices mégalithiques, alignés sur plus d'un demi-kilomètre.

Les hypogées talayotiques sont plus imposants que ceux de l'âge du bronze, comportant parfois des colonnes excavées du rocher qui les entoure. Majorque compte également une nécropole, la nécropole de Son Real, unique dans l'archipel.

Minorque

La réorganisation de la société de Minorque en villages est similaire à celle de Majorque, mais certains villages de Minorque sont bien plus grands que ceux de Majorque, indiquant peut-être l'existence de changements ou de tensions sociétaux plus importants. Les monuments de l'île sont également plus variés qu'à Majorque. La fin du IIe millénaire av. J.-C. voit apparaître les tombes appelées « navetas ». Quant aux taulas, la date de leur construction n'est pas connue et pourrait dater de n'importe quand pendant le Ier millénaire av. J.-C..

Patrimoine mondial

L'Espagne inscrit en 2013 la « culture talayotique de Minorque » sur la liste indicative de l'UNESCO, préalable à une possible inscription au patrimoine mondial. Cette proposition regroupe 25 sites tayalotiques de l'île de Minorque[1] :

# Site Municipalité Coordonnées Photo
1 Dolmen de Ses Roques Llises (ca) et Na Comerma de Sa Garita (ca) Alaior 39° 53′ 51″ nord, 4° 06′ 45″ est
2 Son Mercer de Baix (ca) Ferreries 39° 57′ 16″ nord, 4° 00′ 22″ est
3 Hypogée de Torre del Ram (ca) Ciutadella de Menorca 40° 00′ 21″ nord, 3° 48′ 34″ est
4 Cala Morell (ca) Ciutadella de Menorca 40° 03′ 27″ nord, 3° 52′ 58″ est
5 Navetas de Biniac (ouest (de) et est (ca)) Alaior 39° 55′ 09″ nord, 4° 10′ 21″ est
6 Naveta d'Es Tudons Ciutadella de Menorca 40° 00′ 11″ nord, 3° 53′ 30″ est
7 Navetas de Rafal Rubí (nord et sud) Alaior 39° 54′ 30″ nord, 4° 11′ 23″ est
8 Grotte de s'Aigua Es Migjorn Gran 39° 55′ 18″ nord, 4° 03′ 11″ est
9 Nécropole de Cales Coves (de) Alaior 39° 51′ 52″ nord, 4° 08′ 46″ est
10 Salle hypostyle de Galliner de Madona (ca) Es Migjorn Gran 39° 55′ 54″ nord, 4° 01′ 47″ est
11 Talayot de Trebalúger (ca) Es Castell 39° 51′ 20″ nord, 4° 16′ 27″ est
12 Talayots de Binicodrell (de) Es Migjorn Gran 39° 56′ 36″ nord, 4° 02′ 47″ est
13 Torralba d'en Salort (ca) et Na Patarrà (de) Alaior 39° 54′ 45″ nord, 4° 09′ 48″ est
14 Cornia Nou (ca) Port Mahon 39° 52′ 53″ nord, 4° 14′ 01″ est
15 Torreta de Tramuntana Port Mahon 39° 57′ 55″ nord, 4° 14′ 41″ est
16 Talatí de Dalt (ca) Port Mahon 39° 53′ 34″ nord, 4° 12′ 55″ est
17 Talayot de Torelló (ca) Port Mahon 39° 52′ 51″ nord, 4° 13′ 14″ est
18 Trepucó Port Mahon 39° 52′ 26″ nord, 4° 15′ 56″ est
19 Tour d'en Galmés (ca) Alaior 39° 54′ 09″ nord, 4° 06′ 54″ est
20 So na Caçana (ca) Alaior 39° 53′ 08″ nord, 4° 09′ 39″ est
21 Village tayalotique de Montefí (ca) Ciutadella de Menorca 40° 00′ 21″ nord, 3° 51′ 50″ est
22 Son Catlar (ca) Ciutadella de Menorca 39° 57′ 14″ nord, 3° 52′ 30″ est
23 Torretrencada (de) Ciutadella de Menorca 39° 59′ 23″ nord, 3° 55′ 32″ est
24 Torrellafuda (de) Ciutadella de Menorca 39° 59′ 56″ nord, 3° 55′ 21″ est
25 Binissafullet (ca) Sant Lluís 39° 50′ 45″ nord, 4° 14′ 05″ est

Annexes

Bibliographie

  • (en) Joan J. Gomila, Minorca, An Architectural Guide, Minorque, Col·legi Oficial d'Arquitectes de les Illes Balears, , 257 p. (ISBN 978-84-930439-1-9)
  • (it) Giovanni Ugas, L'Alba dei Nuraghi, Fabula, , 279 p. (ISBN 978-88-89661-00-0)
  • A. Malgosa, « Étude des crânes de la nécropole « talayotique » de S'illot des Porros (Majorque, Espagne) », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 5, nos 5-3, , p. 179-197 (lire en ligne)

Notes et références

Articles connexes

Liens externes

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