Comptabilité sociale et environnementale

La comptabilité sociale et environnementale (social and environmental accounting en anglais) est une forme de comptabilité des entreprises visant à prendre en compte leur comportement en matière sociale, notamment à l'égard du droit du travail, et relative à l'environnement et au développement durable. L'intérêt pour celle-ci s'est développé avec la mondialisation et l'importance accrue des multinationales, délocalisant une partie de leur production vers des pays parfois dotés d'un système juridique peu efficace de protection des droits de l'homme [1].

Pour un article plus général, voir Responsabilité sociale des entreprises.

Dépenses environnementales

Elles sont de deux types :

  1. dépenses environnementales directement comptabilisées dans les comptes d'entreprises (en charges ou comme actifs) ;
  2. passifs environnementaux, générant des provisions liées à l’environnement.

Dépenses environnementales (au sens du CNC)

Elles sont en France définies par la recommandation 2003-R02 du Conseil national de la comptabilité (CNC). Ce sont des dépenses « effectuées en vue de prévenir, réduire ou réparer les dommages que l’entreprise a occasionnés ou pourrait occasionner par ses activités, à l’environnement », notamment induites par [2] :

  • l’élimination des déchets et aux efforts entrepris pour en limiter la quantité ;
  • la lutte contre la pollution des sols, des eaux (de surface et/ou souterraines) ;
  • la préservation de la qualité de l’air et du climat ;
  • la réduction des nuisances sonores ;
  • la protection (ou le cas échéant renaturation/restauration) de la biodiversité et du paysage.

Ne seront cependant retenues que les dépenses « supplémentaires » (c'est-à-dire ni récurrentes, ni accessoires à une dépense principale destinée à prévenir, réduire, compenser ou réparer des dommages occasionnés à l’environnement. Ainsi construire une station d'épuration est une dépense environnementale, mais ses coûts d'entretien ne le sont pas). par contre des dépenses nouvelles qui augmenteraient ses capacités seraient classées comme "dépense" environnementale"[2].

Si une dépense supplémentaire est indissociable d’autres coûts (dont elle est éventuellement « partie intégrante ») , elle est estimée si elle vise essentiellement à « prévenir, réduire ou réparer des dommages occasionnés à l’environnement »[2].

Ces dépenses dans les comptabilités de l'environnement se retrouvent en France et dans les autres pays.

Remarque : certaines dépenses d'investissement diffèrent clairement de celles qui sont de simples charges. Pour elles le CNC a défini[3] les dépenses environnementales pouvant être comptabilisées à l’actif si elles cumulent les trois conditions suivantes[2] :

  1. être justifiées par la sécurité des personnes, ou la protection de l'environnement ;
  2. être légalement obligatoires ;
  3. leur non-réalisation impliquerait l'arrêt de l’activité (ou de l’installation concernée) de l’entreprise.

Les coûts de future mise aux normes environnementales d'équipements ne sont donc généralement pas comptabilisés en charges ; mais en dépenses d’investissement venant augmenter la valeur de l’actif concerné (et permettent la continuité de l'activité de l’entreprise) ; ces dépenses sont assimilées à des actifs, car apportant a priori un avantage économique à l'entreprise dans son futur[2].
Parfois la charge et l'actif sont difficiles à distinguer, par exemple quand des dépenses dites ‘environnementales’ sont proches des dépenses opérationnelles courantes (traitement des déchets, gestion de l’eau…). Dans ces cas une certaine liberté d'interprétation et de règles de comptabilisation sont admises[2] mais ceci implique qu'on ne peut pas comparer les efforts financiers d'entreprises en faveur de l'environnement en s’appuyant sur leurs charges et/ou investissements environnementaux (ni sur leur évolution)[2].

Passifs environnementaux

Une norme comptable internationale[4] définit comme provision un passif dont l’échéance ou le montant est incertain (contrairement à ceux de la dette) ; le passif résulte donc d’événements passés et dont l’extinction se traduira pour l’entreprise par des ressources nouvelles[2].

Le passif a une origine légale ou contractuelle, ou est implicite (faisant suite à la vie de l’entreprise) et doit être comptabilisé. Le "passif environnemental" est comptabilisé comme provision si[2] :

  1. l’entreprise a une obligation actuelle, résultant d’un événement passé ;
  2. une sortie de ressources est probable (c’est-à-dire : plus probable qu’improbable) ;
  3. le montant de l’obligation peut être évalué de manière fiable.

Les annexes aux états financiers, donnent des informations quantitatives et qualitatives sur ces provisions dont leur valeur comptable (à l’ouverture et à la clôture de l’exercice) Sauf en contexte de regroupements d’entreprises, le passif environnemental n’est pas comptabilisé si[2]:

  1. l’obligation existe mais il est peu probable qu’une sortie de ressources soit nécessaire pour éteindre l’obligation ;
  2. l’obligation existe mais l'obligation ne peut être faiblement évaluée ;
  3. l’obligation n'est que potentielle (en cas de survenance (ou non) d’événements futurs incertains, qui ne sont pas sous le contrôle de l’entreprise. S'il est important, il doit figurer dans l’annexe des comptes, avec description de la nature du passif, une évaluation (si possible, sans précisions obligatoires sur l’incertitude).

Estimer un passif est parfois délicat, par exemple quand la durée de vie d'un site n'est pas réglementairement défini, ou que son usage futur est encore inconnu. Des scénarios peuvent alors être établis. Selon la norme, l’estimation de la sortie de ressources ne peut être compensée par le montant d’éventuels remboursements attendus[2]. Si un site pollué doit être vendu ou cédé, le montant des provisions ne peut donc être affecté par le montant de la plus-value escomptée pour cette transaction[2].

À la différence des normes comptables internationales (IFRS) les normes comptables françaises de comptabilisation des provisions ne rendent pas l’actualisation obligatoire, même quand son effet est significatif[2].

Dans les collectivités

À partir de 2011, les déclarations publiés par le système européen de comptabilité nationale (en tant que comptes satellites), antérieurement basé sur le produit intérieur brut, le produit national brut, le revenu national brut, le revenu national net et la dépense intérieure brute, l'Europe met en place une première comptabilité environnementale intégrée à ses comptes économiques qui intégreront les émissions atmosphériques, les écotaxes perçues (sur l'énergie, les transports, la pollution et la consommation de ressources) et les flux de matières (solides, liquides et gazeuses hormis air et eau)[5]. Un règlement produit un cadre commun de collecte, élaboration, transmission et évaluation des comptes économiques européens de l'environnement, avec un délai de deux ans au maximum laissé aux États membres pour transmettre leurs données[5].
En 2013, d'autres indicateurs pourront être proposés par la Commission (dépenses et recettes liées aux biens et services environnementaux et écosystémiques, à la protection de l'environnement, aux ressources naturelles ou à l'énergie[5]. Certains transferts (de type subventions liés à l'environnement), ainsi que les dépenses liées à l'utilisation ou gestion de ressources (dont l'eau, quantitativement et qualitativement), les déchets...) pourraient être pris en compte. Les comptes liés aux forêts et à certains matériaux pourraient aussi y être inclus[5].

Le , les eurodéputés ont manifesté leur soutien à l'intégration d'un volet social en adoptant une résolution non contraignante sur le thème « Le PIB et au-delà », à la suite de la communication éponyme faite par la Commission européenne en 2009[5]. Ils y souhaitent des propositions concrètes sur l'intégration de ces nouveaux indicateurs dans Eurostat[5].

Responsabilité sociale des entreprises et relations publiques

La comptabilité sociale est un des outils mis en œuvre afin de prendre en compte la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le fait de prendre en compte des critères autres que financiers dans l'établissement de ces bilans vise principalement à améliorer l'image de marque de l'entreprise, tant à des fins commerciales que politiques. Il s'agit donc d'une forme de relations publiques, intégrée afin de répondre aux attentes de consommateurs et d'actionnaires soucieux des modes de production employés dans la confection du produit acheté.

Audits extérieurs

Les bilans peuvent être rédigés par l'entreprise elle-même. Cependant, afin de s'assurer de la véracité des informations, les firmes font parfois appel à des cabinets d'audit indépendant pouvant établir les bilans sociaux et environnementaux. Divers juristes, tels Alec Stone Sweet, prônent davantage ce genre d'audits [1].

Enfin, certaines ONG établissent elles-mêmes des bilans sociaux des firmes, parfois contre leur volonté.

Bilan social et bilan sociétal

Les bilans sociaux, qui sont apparus aux États-Unis dès les années 1950 dans certaines entreprises et ont été instaurés en France par un arrêté du [6], se distinguent des audits actuels prônés dans le cadre de la comptabilité sociale et environnementale en ce qu'ils sont strictement destinés à la communication interne de l'entreprise. Ils n'ont pas vocation à être rendus publics. Dans ce sens, la démarche de comptabilité sociale et environnementale vise à approfondir l'usage existant des bilans sociaux, notamment par leur publication.

En France, le bilan social comporte sept chapitres :

– l’emploi ;
– la rémunération ;
– l’hygiène et la sécurité ;
– les conditions de travail ;
– la formation ;
– les relations professionnelles ;
– les conditions de vie dans l’entreprise.

Il n'intègre donc pas les préoccupations environnementales, et est concerné essentiellement par les conditions de travail. En 2002, le CDJES (Centre des jeunes dirigeants et des acteurs de l’économie sociale) a mis en place le « bilan sociétal », lequel compte 15 critères dont certains concernant l'environnement [7]. Contrairement au bilan social, qui est légalement obligatoire depuis 1977, le bilan sociétal se fait sur une base volontaire.

Enfin, la loi Grenelle II a introduit une obligation de reporting environnemental, le décret d'application étant en cours de rédaction. En Angleterre, le Companies Act de 2006 (en) intègre des obligations similaires.

Références

  1. Alec Stone Sweet interviewé dans le MacMillan Report (en), université Yale, mis en ligne le 10 décembre 2008
  2. La comptabilité de l’environnement Séguret J.P (2008) Président du cabinet Constantin ; Annales des Mines - Responsabilité et environnement | 2008/2 (N° 50) | Pages : 92 | (ISBN 9782747214339) | DOI : 10.3917/re.050.0035 | Éditeur : ESKA
  3. L’avis 2005-D du Comité d’Urgence du CNC
  4. IAS 37 (International Accounting Standard)
  5. Actu-Environnement, UE : une comptabilité environnementale est mise en place Les comptes économiques européens de l'année 2011. Une première étape avant l'ajout d'autres indicateurs, 23 juin 2011
  6. Arrêté du 8 décembre 1977 fixant la liste des indicateurs figurant dans le bilan social d'entreprise et dans le bilan social d'établissement des entreprises de transport, Légifrance
  7. Du bilan social au bilan sociétal, RSE News

Voir aussi

Articles connexes


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