Compartimentation

Le modèle de compartimentation, compartimentage, Compartmentalization of decay in trees ou Compartmentalization of damage in trees (CODIT) (en français « compartimentation de la pourriture dans les arbres » ou « compartimentation des dommages des arbres ») est un concept énoncé à partir de la fin des années 1970 par le phytopathologiste américain spécialisé dans la biologie des arbres, Alex Shigo, pour décrire la résistance des arbres mise en danger par l'action d'agents phytopathogènes, en les isolant dans des compartiments du bois (formation de quatre « cloisons » agissant comme des barrières physiques  thyllose, gommose, subérisation  ou chimiques)[7].

Pour l’article homonyme, voir Compartimentation.
Les quatre barrières de compartimentage : 1/ barrière longitudinale[1], 2/ barrière frontale[2], 3/ barrière latérale[3], 4/ barrière dans le bois néoformé[4].
À la suite d'une taille ou d'une blessure, parallèlement à la compartimentation, se met en place un processus de restauration : le cambium accélère sa production de sève et édifie lentement, aux rebords de la plaie, un « bourrelet cicatriciel[5] ». Ce cal progresse de l’extérieur vers le centre jusqu’à générer une assise subéro-phellodermique qui reconstitue une nouvelle écorce[6].

Description

Le développement d'agents pathogènes est favorisé par les stress biotiques et abiotiques (taille, pollution aérienne et souterraine, gel, stress hydrique, etc.) qui créent souvent des conditions favorisant le déploiement des agents biotiques, généralement des micro-organismes infectieux phytopathogènes qui s'installent la plupart du temps à la faveur de blessures ou d'un dépérissement. Des agents pathogènes peuvent aussi, plus difficilement, pénétrer directement dans la plante sans profiter des blessures, par les lenticelles, les stomates et d'autres ouvertures naturelles (hydathodes, nectaires)[8].

Le système de défense fait intervenir trois processus distincts[9] : synthèse de substances toxiques pour les pathogènes : polyphénols, tanins, résines...) ; mise en place de quatre barrières physiques et chimiques, compartimentage qui permet à l'arbre d'isoler les parties saines des parties infectées et si possible éliminer ces dernières. Ce processus limitant la propagation des pathogènes semble sous contrôle génétique et être plus ou moins efficace suivant les espèces et les individus eux-mêmes[10]. Les réactions chimiques font changer de couleur le bois de part et d'autre des blessures en formant des colonnes irrégulières, formant le « bois coloré »[11]. Parallèlement à la compartimentation, des mécanismes de restauration se mettent en place : formation d'un bourrelet de recouvrement ou cal cicatriciel[12] qui ferme progressivement la plaie ; émission de rejets.

« Petit à petit, en fonction de la gravité de la blessure et du potentiel de réaction de l’arbre, la blessure va se refermer (grâce au nouveau bois créé annuellement) recouvrant la zone nécrosée qui va peut être continuer à se creuser en cavité qui bientôt évidera l’intérieur de l’arbre[13] ».

Notes et références

  1. L'arbre obstrue les canaux de sève par des gommes et des thylles, freinant la progression longitudinale des pathogènes.
  2. La paroi des cellules du bois final des cernes, plus dense, s’épaissit, freinant la progression frontale des pathogènes.
  3. Une transformation chimique des cellules des rayons médullaires ligneux (en) les rendent toxiques pour les pathogènes
  4. Ce bois néoformé produit par le cambium est enrichi de substances peu putrescibles (tanins, phénols, subérine), formant une zone de barrage qui isole le nouveau bois des pathogènes.
  5. Le terme bourrelet de recouvrement est préférable car la cicatrisation chez les animaux implique une régénération des tissus blessés et infectés alors que chez les plantes, il s'agit de production de nouveaux tissus qui recouvrent la plaie. De plus, « un gros bourrelet a pour fonction, non pas de protéger l'arbre contre les pathogènes, mais de renforcer mécaniquement la partie du tronc affaiblie par une coupe sévère ». Cf Christophe Drénou, L'arbre. Au-delà des idées reçues, CNPF-IDF, , p. 5
  6. Christophe Drénou, La taille des arbres d'ornement, Forêt privée française, (lire en ligne), p. 164 et 196.
  7. Christophe Drénou, La taille des arbres d'ornement, Forêt privée française, (lire en ligne), p. 161-163.
  8. (en) H.S. Chaube, V.S. Pundhir, Crop diseases and their management, PHI Learning, , p. 57
  9. (en) Alex L. Shigo, 100 Tree Myths, PHI Learning, , p. 22
  10. Christophe Drénou, op. cit., p. 228-229
  11. Christophe Drénou, L'arbre. Au-delà des idées reçues, CNPF-IDF, , p. 76
  12. Ce bourrelet s'accroît de façon centripète et se différencie progressivement, formant un phellogène vers l'extérieur, un cambium vasculaire vers l'intérieur. Une taille trop à ras de la jonction d'une branche (en) fait que la plaie est mal irriguée par la sève, formant un cal non circulaire, un cal en U ou un cal en U renversé selon la taille. Une taille trop loin forme un chicot non alimenté par la sève. Ce chicot se nécrose et devient une porte d'entrée pour les pathogènes. De plus, une grosse plaie est beaucoup plus vulnérable car le bourrelet de « cicatrisation » en se développant, se retourne sur lui-même et provoque dans le bois des fissures qui brisent les barrières de compartimentation. Ce bourrelet « cicatriciel » peut également s'étaler insuffisamment à la surface du bois pourri, gardant une ouverture (appelée œil de bœuf, nœud-gouttière ou abreuvoir) qui découvre le bois altéré, lequel se désagrège de plus en plus profondément. Cf « Les blessures des arbres », Annales des sciences forestières, vol. 8, , p. 91
  13. Yvan Gindre, expert ornemental à l’Office national des forêts, « La réaction de l’arbre à une blessure : le C.O.D.I.T. », 26 janvier 2008

Voir aussi

Bibliographie

  • Shigo, A., 1990: Die neue Baumbiologie. Haymarket Media, Braunschweig, (ISBN 3-87815-022-9)
  • Dujesiefken, D. (Hrsg.), 1994: Wundbehandlung an Bäumen. Braunschweig : Thalacker, 160 S. (ISBN 3-87815-052-0)

Articles connexes

Liens externes

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