Colchicine

La colchicine est un alcaloïde tricyclique très toxique, extrait au départ des colchiques (plantes du genre Colchicum), principalement le colchique d'automne.

Colchicine
Structure chimique
Identification
Nom UICPA N-[(7S)-5,6,7,9-tétrahydro-1,2,3,10-tétraméthoxy-9-oxobenzo[a]heptalen-7-yl)acétamide]
No CAS 64-86-8
No ECHA 100.000.544
No CE 200-598-5
Code ATC M04AC01
Apparence aiguilles jaune vif,
goût amer
Propriétés chimiques
Formule C22H25NO6  [Isomères]
Masse molaire[1] 399,437 ± 0,0214 g/mol
C 66,15 %, H 6,31 %, N 3,51 %, O 24,03 %,
Propriétés physiques
fusion 155 à 157 °C
Solubilité Soluble dans l'eau,
l'éthanol, le chloroforme.
Presque insoluble dans
l'éther de pétrole
Précautions
SGH[2]

Danger
H300 et H340
Transport
66
   1544   
[3]
Écotoxicologie
DL50 souris 5,886 mg·kg-1

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Sa masse moléculaire est de 399,43 g/mol.

Propriétés physiques et chimiques

Les deux énantiomorphes de la colchicine.

Il existe deux énantiomorphes de la colchicine : la (R)-colchicine et la (S)-colchicine. C'est cette dernière qui a été extraite de la colchique et qui a des fonctions thérapeutiques.

Certaines sources donnent pour le point de fusion de la colchicine différentes valeurs : 142,2 à 150 °C et 156,0 °C[4], d'autres disent qu'elle se décompose au lieu de fondre, à 155157 °C[5].

Historique

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L'extrait de colchique est décrit comme traitement de la goutte dans De Materia Medica de Pedanius Dioscoride (publié entre l’an 50 et 70 de notre ère).

L'alcaloïde, la colchicine, a été isolé en 1820 par les chimistes français Pierre Joseph Pelletier et Joseph Bienaimé Caventou[6]. Plus tard, on l'identifia comme un alcaloïde tricyclique et ses effets sur la goutte, de soulagement de la douleur et d'anti-inflammatoire furent mis en relation avec sa liaison avec la tubuline, une protéine.

Initialement utilisée pour le traitement des rhumatismes, en particulier la goutte, pour ses effets anti-inflammatoires et le soulagement de la douleur que cela provoque, la colchicine était également prescrite pour ses effets cathartiques et émétiques. De nos jours, son rôle se limite au traitement de la goutte (surtout les crises aiguës), de la maladie périodique, la polychondrite chronique atrophiante en première intention ainsi qu'en 2e intention dans la péricardite aiguë après échec de l'aspirine.

Cette molécule est souvent utilisée pour établir un caryotype car en inhibant la polymérisation des microtubules, la colchicine va bloquer la mitose en métaphase, phase à laquelle les chromosomes sont apparents. Ainsi, après la mort de la cellule (induite par la colchicine), on peut établir le caryotype.

Pharmacocinétique

Colchicine
Noms commerciaux
  • Colchicine Opocalcium (Belgique, France)

non commercialisé en Suisse

  • association avec du tiémonium méthylsulfate
    et de la poudre d'opium : Colchimax (France)
Identification
No CAS 64-86-8
No ECHA 100.000.544
Code ATC M04AC01
DrugBank 01394

Par voie orale, l’absorption digestive est rapide avec un pic sérique à une heure environ. La biodisponibilité est d'environ 50 %. La cinétique se caractérise par un deuxième pic à la sixième heure (cycle entéro-hépatique )[7]. Elle se fixe sur l'albumine de manière indépendante à sa concentration[8]. Elle se concentre dans les leucocytes où elle peut subsister durant plusieurs jours[9].

Elle est métabolisée par le Cytochrome P450 3A4, avec les interactions médicamenteuses que cela implique[10], avec une élimination essentiellement hépatique.

Fonction biologique

Elle désorganise le cytosquelette en se liant à la tubuline, ce qui inhibe la polymérisation des principaux constituants des microtubules[11]. Non seulement cela bloque la mitose (division cellulaire), un processus qui dépend fortement des changements du cytosquelette, mais de plus cela inhibe la mobilité et l'activité des neutrophiles, entraînant un effet anti-inflammatoire net. Par ailleurs, elle inhibe l'adhésion de ces dernières à l'endothélium en diminuant l'expression de certaines sélectines[12] ainsi que la production d'anions superoxide induite par les cristaux d'acide urique[10].

Elle a un effet direct anti-inflammatoire par inhibition du NLRP3[13], constituant de l'inflammasome.

Colchicine comme médicament

La colchicine est souvent prescrite pour traiter l'arthrite goutteuse, la fièvre méditerranéenne familiale – « FMF » (aussi connue sous le nom de maladie périodique : elle est alors donnée à petites doses pendant plusieurs années, permettant de réduire le risque d'évolution vers une amylose ou une dégradation de la fonction rénale[14]) ou la maladie de Behçet[15].

Elle est efficace dans le traitement des péricardites récidivantes ou récalcitrantes lorsqu'elle est donnée en complément des traitements anti-inflammatoires habituels[16], avec une diminution des symptômes et du risque de récidive[17]. Elle diminuerait également la survenue de péricardite après intervention chirurgicale cardiaque[18] ainsi que le nombre de fibrillation auriculaire en post-opératoire[19].

Elle peut aussi être indiquée dans le traitement de cancers (pour ses propriétés antimitotiques). On l'utilise également dans le traitement en première intention de la polychondrite chronique atrophiante. Le thiocolchicoside (Coltramyl, Miorel), un dérivé semi-synthétique, est utilisé comme myorelaxant.

Donnée au long cours, elle pourrait être protectrice contre les maladies cardio-vasculaires, tant en prévention primaire[20] que secondaire[21]. En particulier, donnée à petites doses (0.5 mg par jour) après un infarctus du myocarde, elle permet de diminuer le taux de complications (essentiellement récidive d'angine de poitrine et survenue d'un accident vasculaire cérébral)[22]. Cette efficacité est essentiellement visible si le médicament est donné dans les tout premiers jours de l'hospitalisation[23]. Une explication pourrait être une action anti-inflammatoire, une baisse du taux de CRP ayant été décrite sous ce traitement[24].

Covid-19

Des chercheurs de l'Institut de cardiologie de Montréal affirment dans un communiqué de presse, en janvier 2021, démontrer avec un essai randomisé en double-aveugle sur 4 500 participants que la colchicine permet de réduire significativement les hospitalisations, intubations et décès liés à la Covid-19[25]. Selon Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherches de l’Institut de cardiologie de Montréal, «l’étude Colcorona a fourni des résultats convaincants de réduction de plus de 20 % des hospitalisations ou des décès reliés à la COVID-19 avec la colchicine, comparativement au placebo (...). Quand on a affaire à des patients qui ont eu un test qui formellement prouve leur diagnostic de COVID-19, le résultat avec la colchicine est encore meilleur, c’est-à-dire une réduction de 25 % des hospitalisations, de 50 % du besoin de ventilation mécanique avec un respirateur et de 44 % des décès.»[26] À la date du 15 septembre 2021, l'étude n'a pas encore été publiée. Cependant une étude brésilienne publiée le 4 février 2021 dans le British Medical Journal rapporte le même genre de résultats positifs. Le 5 mars 2021, l'essai clinique britannique Recovery conclut que la colchicine est inefficace sur la mortalité pour les patients atteints de Covid-19[27].

Toxicité et effets indésirables

Les effets indésirables de la colchicine, dose-dépendants, peuvent être parfois graves. Le plus courant est la survenue d'une diarrhée ce qui motive la coprescription quasi systématique d'un anti-diarrhéique.[réf. nécessaire]

  • Effets indésirables réversibles : azoospermie, leuco-neutropénie, urticaire, éruptions morbilliformes.
  • L'augmentation du risque d'infection n'est pas retrouvée dans toutes les études. Ainsi une augmentation (faible) du nombre de pneumopathies infectieuses[28] n'a pas été retrouvée dans une autre étude[29].
  • Toxicité (accidents de surdosage)[30] : diarrhées, nausées ou vomissements constituant les premiers signes d'un surdosage, douleurs abdominales, paralysie neuro-musculaire progressive, leucopénie, thrombopénie, agranulocytose, alopécie au 10e jour, convulsions, atteinte rénale, choc septique et, enfin, détresse respiratoire.

La colchicine est toxique à partir de 10 mg et mortelle au-delà de 40 mg. Le traitement consiste en un lavage gastrique ou une aspiration duodénale avec antibiothérapie et éventuelle réanimation.

La toxicité de la colchicine peut être majorée par l'association à certains médicaments, notamment en cas d'insuffisance rénale préalable[15] :

Usage en laboratoire

En biologie, la colchicine est également utilisée pour modifier les chromosomes et induire une polyploïdie dans les cellules en cours de mitose. Elle est aussi utilisée pour réaliser un caryotype.

Pour doubler les chromosomes d'une variété donnée, les graines sont trempées 24 heures dans une solution de colchicine à 0,15 %. La colchicine étant relativement destructrice, il arrive que nombre de graines ne survivent pas au choc. Celles qui survivent donnent des plants poussant de façon anormale (feuilles difformes ou en surnombre, croissance plus rapide, etc.). Il est souvent affirmé qu'il faut se méfier des fruits produits par la première génération de ces graines car ceux-ci pourraient conserver des traces de toxicité mais ceci est impossible puisqu'il ne peut en rester que des traces infinitésimales et que la toxicité commence chez l'homme à partir de 10 mg : même la graine initiale traitée pourrait être consommée sans danger, elle en contient largement moins qu'un simple traitement médical journalier...

Il est aussi possible d'encourager la formation d'une tétraploïdie sur une variété diploïde en appliquant cette solution de colchicine sur les jeunes bourgeons en tout début de croissance.

En génétique moléculaire et en amélioration variétale, la colchicine est aussi utilisée pour obtenir des individus diploïdes homozygotes directement à partir de gamètes (haplo-diploïdisation). Cette méthode permet d'obtenir des lignées pures en une seule génération.

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Numéro index 614-005-00-6 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
  3. Entrée du numéro CAS « 64-86-8 » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 27 novembre 2008 (JavaScript nécessaire)
  4. (en) « Colchicine (compound) : Melting point », sur PubChem (consulté le ).
  5. (de) « Colchicin », sur GESTIS (de) (consulté le ).
  6. Pelletier PS, Caventou J. Ann. Chim. Phys. 1820, 14 : 69.
  7. Ferron GM, Rochdi M, Jusko WJ, Scherrmann JM, Oral absorption characteristics and pharmacokinetics of colchicine in healthy volunteers after single and multiple doses, J Clin Pharmacol, 1996;36:874–883
  8. Sabouraud A, Chappey O, Dupin T, Scherrmann JM, Binding of colchicine and thiocolchicoside to human serum proteins and blood cells, Int J Clin Pharmacol Ther, 1994;32:429–432
  9. Chappey ON, Niel E, Wautier JL et al. Colchicine disposition in human leukocytes after single and multiple oral administration, Clin Pharmacol Ther, 1993:54:360–367
  10. Nuki G, Colchicine: its mechanism of action and efficacy in crystal-induced inflammation, Curr Rheumatol Rep, 2008;10:218–227
  11. Ben Chetrit E, Levy M, Colchicine: 1998 update, Semin Arthritis Rheum, 1998;28:48-59
  12. Cronstein BN, Molad Y, Reibman J, Balakhane E, Levin RI, Weissmann G, Colchicine alters the quantitative and qualitative display of selectins on endothelial cells and neutrophils, J Clin Invest, 1995;96:994–1002
  13. Leung YY, Yao Hui LL, Kraus VB, Colchicine: update on mechanisms of action and therapeutic uses, Semin Arthritis Rheum, 2015;45:341–350
  14. Zemer D, Pras M, Sohar E, Modan M, Cabili S, Gafni J, Colchicine in the prevention and treatment of the amyloidosis of familial Mediterranean fever, N Engl J Med, 1986;314:1001-1005
  15. Revue Prescrire, no 294, avril 2008
  16. Imazio M, Brucato A, Trinchero R, Spodick D, Adler Y, Colchicine for pericarditis: hype or hope?, Eur Heart J, 2009;30:532-539
  17. Imazio M, Brucato A, Cemin R et al. A randomized trial of colchicine for acute pericarditis, N Engl J Med, 2013;369:1522-1528
  18. Imazio M, Trinchero R, Brucato A et al. Colchicine for the Prevention of the Post-pericardiotomy Syndrome (COPPS): a multicentre, randomized, double-blind, placebo-controlled trial, Eur Heart J, 2010;31:2749–2754
  19. Imazio M, Brucato A, Ferrazzi P et al. Colchicine reduces postoperative atrial fibrillation: results of the Colchicine for the Prevention of the Postpericardiotomy Syndrome (COPPS) Atrial Fibrillation Substudy, Circulation, 2011;124:2290–2295
  20. Crittenden DB, Lehmann RA, Schneck L et al. Colchicine use is associated with decreased prevalence of myocardial infarction in patients with gout, J Rheumatol, 2012;39:1458-1464
  21. Nidorf SM, Fiolet ATL, Mosterd A et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease, N Engl J Med, 2020;383:1838-1847
  22. Tardif J-C, Kouz S, Waters DD et al. Efficacy and safety of low-dose colchicine after myocardial infarction, N Engl J Med, 2019;381:2497-2505
  23. Bouabdallaoui N, Tardif JC, Waters DD et al. Time-to-treatment initiation of colchicine and cardiovascular outcomes after myocardial infarction in the Colchicine Cardiovascular Outcomes Trial (COLCOT), European Heart Journal, 2020;41:4092–4099
  24. Nidorf SM, Thompson PL, Effect of colchicine (0,5 mg twice daily) on high-sensitivity C-reactive protein independent of aspirin and atorvastatin in patients with stable coronary artery disease, Am J Cardiol, 2007;99:805-807
  25. Anaïs Brasier, « La colchicine réduit le risque de complications liées à la COVID-19, selon une étude », Radio Canada, (lire en ligne, consulté le ).
  26. « La colchicine, un «espoir important» pour la planète, selon un chercheur de Montréal », Le Soleil, (lire en ligne, consulté le ).
  27. (en) « RECOVERY trial closes recruitment to colchicine treatment for patients hospitalised with COVID-19 », sur Recovery, (consulté le )
  28. Tsai TL, Wei JC, Wu YT et al. The association between usage of colchicine and pneumonia: a nationwide, population-based cohort study, Front Pharmacol, 2019;10:908
  29. Stewart S, Yang KCK, Atkins K, Dalbeth N, Robinson PC, Adverse events during oral colchicine use: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials, Arthritis Res Ther, 2020;22:28
  30. Putterman C, Ben-Chetrit E, Caraco Y, Levy M, Colchicine intoxication: clinical pharmacology, risk factors, features, and management, Semin Arthritis Rheum, 1991:21;143–155
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