Claude-Étienne Hugau

Claude Étienne Hugau (1741-1820), soldat puis officier de l'Ancien Régime, fut député de l'Eure de la première Assemblée législative (1791-1792), avant de devenir Inspecteur des Revues.

Carrière militaire

Soldat et bas-officier (1757-1767)

Né à Paris le , il s'engage le (il n'a pas encore 16 ans) au régiment de Bretagne[1] avec lequel il participe à la guerre de Sept Ans. Affecté à l'armée du Hanovre sous les ordres du duc de Richelieu, puis du marquis de Soubise, il est blessé et fait prisonnier de guerre en à Hoya[2]. Libéré de son camp de prisonniers, il change d'arme et devient cavalier en , au régiment Colonel-Général : avec ce nouveau régiment il fait encore près de 2 ans de campagne et reçoit deux blessures.

En , il est nommé fourrier, puis très rapidement maréchal des logis le 1er avril de la même année, avant d'être promu porte-étendard en , puis responsable de la caisse du régiment avec rang de sous-lieutenant en [3].

Une exceptionnelle carrière d'officier (1767-1789)

Grâce aux réformes du comte d'Argenson, Hugau, simple roturier, devient sous-lieutenant le , puis lieutenant le , à l'arrivée du nouveau mestre de camp du régiment colonel-Général, le marquis Brunet d'Évry[4].

La campagne dans les Grandes Indes (1769-1772)

En , le lieutenant Hugau quitte son régiment pour participer à une mission de soutien du Nabab du Mysore, Hyder Ali Khan, en lutte contre les Anglais aux Indes[5]. Le détachement d'une dizaine d'officiers sous les ordres du lieutenant-colonel Hügel, "sans soutien officiel" part de Bordeaux en  : pour l'occasion Hugau est nommé capitaine de cavalerie. Après une longue étape à l'Île-de-France, le détachement français débarque à Goa le , puis après de très nombreuses aventures rejoint l'armée d'Hyder Ali Khan. Cette dernière est sévèrement battue le , par la cavalerie Marathes qui cherche à reprendre le contrôle de la province du Mysore.

Après cet échec Hugau est désigné pour porter des nouvelles en France et il quitte les Indes en pour rejoindre Brest le . De son séjour aux Indes, Hugau va rédiger un journal de ses aventures[6].

La campagne en Amérique (1780-1783)

Rentré en France, attaché à la Légion Royale comme capitaine à la suite, il va rapidement rencontrer le duc de Lauzun qui a une grande influence sur sa carrière militaire : dès 1774, il accompagne le duc de Lauzun dans un voyage d'étude en Allemagne[7]. À la suppression de la Légion Royale en 1776, il suit le duc de Lauzun dans son nouveau régiment, Royal Dragons.

En 1778, Hugau se marie avec Eléonore Boldelle, fille d'un officier de bouche en poste à Versailles et obtient le grade de major, dans la nouvelle unité mise sur pied pour le duc de Lauzun, le Corps des Volontaires Étrangers de la Marine.

Dès , le duc de Lauzun le propose pour le grade de lieutenant-colonel, mais devant un avancement aussi rapide, il est seulement nommé major-général (rang de lieutenant-colonel) mais sans augmentation de traitement : il obtient aussi la croix de chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis en . La 2e Légion des volontaires étrangers de la marine est transformée en Légion de Lauzun en . Embarqué pour les États-Unis en , il apprend le qu'il est officiellement nommé lieutenant-colonel : début juillet les forces françaises débarquent à Newport.

Après la campagne de 1781 et la victoire de Yorktown, Hugau assure la réalité du commandement de la Légion de Lauzun et ses relations avec le colonel en second, le comte Dillon sont difficiles. Hugau écrira un journal[8] de son séjour aux États-Unis et divers écrits en relation avec son voyage en Amérique[9].

Le régiment des Hussards de Lauzun (1783-1789)

De retour en France en , Hugau, nommé lieutenant-colonel dans le nouveau régiment des hussards de Lauzun, s'occupe de l'organisation du nouveau corps[10], obtient une pension de 600 £ de sur l'ordre de St Louis et de 800 £ au titre du département de la Marine. Comme lieutenant-colonel des Hussards de Lauzun, il demande et obtient plusieurs congés[11]. Il donne finalement sa démission pour raison de santé en (peut-être aussi en raison de la santé de son épouse), ayant conscience que son statut de roturier ne lui permet pas de commander un régiment : il indique dans un courrier de 1804 : né plébien [...], il ne lui était pas possible de devenir colonel titulaire d'après les principes adoptés alors[12]. À cette occasion le duc de Lauzun indique : M. Hugau a toujours servi avec zèle et une intelligence rare . Il est absolument sans fortune, sa santé ne lui permet plus le service actif d'une troupe légère[13]. il obtient finalement une pension de retraite de 2 800 £[14].

Carrière judiciaire et politique (1789-1800)

4 mois après sa démission de l'armée, il est nommé commandant en second de la Garde Nationale d'Évreux et de sa région. Il participe ainsi à la Fête de la Fédération, à la tête de son détachement le . Il est en même temps nommé juge de paix et président de l'administration du district d'Évreux.

Claude Hugau est élu député de l'Eure et siège à la nouvelle Assemblée Législative à partir d', se spécialisant sur les questions et sujets d'organisation militaire.

En , son mandat terminé, il reprend son travail de juge de paix, mais aussi "d'agent supérieur du gouvernement pour le recrutement" et de "commissaire pour annoncer les secours à domicile aux pauvres parents des défenseurs". En 1798, il devient président du tribunal criminel pour le département de l'Eure[12].

Inspecteur aux Revues (1800-1815)

le , sur recommandation d'un ancien de la campagne d'Amérique, le général Mathieu Dumas, Claude Hugau devient sous-inspecteur aux revues de 2e classe [15], avec un traitement équivalent à celui d'un colonel. Affecté à l'armée du général Moreau le , il participe à la campagne d'Allemagne, puis est affecté à Caen le et enfin au camp de Boulogne le [16]. Dès 1804, la santé de son épouse demande des soins constants : le camp de Boulogne étant considéré comme un service en campagne, Hugau demande un poste d'inspecteur attaché à une école militaire. Il reçoit, au camp de Boulogne, la croix de chevalier de la Légion d'honneur des mains de Napoléon, le .

Sa demande est prise en compte et il devient sous-inspecteur à Fontainebleau (), puis à Versailles : en 1809, à 68 ans, il est promu sous-inspecteur de 1re classe. En , il devient inspecteur aux revues à Nancy, avec rang de général de brigade et obtient la croix d'officier de la Légion d'honneur.

En 1814, devant l'avance des troupes Alliées, Hugau replie sur ordre ses services à Paris où il s'installe le [17]. La 1re Restauration lui donne l'ordre de rejoindre Nancy dès le et il reçoit ordre du lys[18]. Mais à 74 ans, étant le plus ancien inspecteur aux Revues de l'armée, Louis XVIII, décide sa mise à la retraite par courrier du , au grand désespoir de Hugau qui écrit au maréchal Soult : ... recevant ma retraite sans l'avoir demandée, le Public pourrait croire que c'est une disgrâce ![19]. Malgré les Cent-Jours, l'administration continue son travail et c'est Napoléon, de retour à Paris, qui lui accorde sa retraite en , pour 56 ans, 9 mois et 4 jours de service, soit 4 000 Frs, comme un général de brigade.

Son épouse décède à Nancy en , Hugau se retire à Évreux où il décède le . Il y a sa sépulture au cimetière Saint-Louis.

Sources et bibliographie

  • Bodinier (Gilbert), Les officiers de l'Armée Royale combattants de la guerre d'indépendance des États-Unis, de Yorktown à l'an II, Vincennes, SHAT, 1983
  • Bodinier (Gilbert), Dictionnaire des officiers de l'Armée Royale qui ont combattu aux États-Unis pendant la guerre d'Indépendance, Vincennes, SHAT, 1983 et 3e édition augmentée et corrigée chez l'auteur 53420 Chailland.
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 26 Manuscrits, titres et diplômes, Archives de la bibliothèque d'Évreux
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 27 Mémoire pour le sieur Hugau, lieutenant-colonel de Lauzun-Hussards
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 28 et 28 bis Voyage en Asie 1769-1772
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 29 Compilations historiques, politiques et géographiques sur l'Inde
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 30 Détails intéressants sur les évènements arrivés dans la guerre d'Amérique, présentation par Gérard-Antoine Massoni, mémoire de maîtrise sous la direction du professeur Vion-Delphin, Université de Franche Comté, 1996, p. 258 p.
  • Hugau (Claude Étienne), Ms F frn 31, Mémoire sur le commerce entre la France et les États-Unis (Philadelphie, hyver 1781-1782
  • Hugau (Claude Étienne), Rapport fait à l'Assemblée Nationale au nom du comité militaire sur le règlement du , concernant le service intérieur, la police et la discipline de l'infanterie, le , Imprimé sur ordre de l'Assemblée Nationale
  • Labadie (Jean-Yves), "Un Ebroicien d'adoption, Claude Étienne Hugau (1741-1820), dans Connaissance de L'Eure, 1992, no 85 (juillet)
  • Massoni (Gérard-Antoine), "Claude Hugau (1741-1820), lieutenant-colonel des Hussards de Lauzun, membre de la 1re Assemblée Législative, Inspecteur des Revues", dans Vivat Hussar, Tarbes, 1994, no 29, p. 79-96
  • Massoni (Gérard-Antoine), Histoire d'un régiment de cavalerie légère, le 5e Hussards de 1783 à 1815, Paris, Ed. Archives et Culture, 2007.
  • Robert (A.), Bourloton (E.), Cougny (G.), Dictionnaire des parlementaires français comprenant tous les membres des assemblées françaises et tous les ministres depuis le jusqu'au , Paris, Ed. Bourloton, 1890, 5 vol., 1889-1890
  • Turlotte (colonel), "La mission française auprès des Nababs du Mysore" dans Revue historique des armées, Vincennes, 1993, no 1
  • Valence (Françoise de), Le voyage Extraordinaire d'un capitaine de dragons chez Hyder Ali Khan (1769-1772), Paris, Ed. Maisonneuve et Larose, 2001

Notes et références

  1. SHD, dossier Hugau, dossier de retraite de l'inspecteur aux revues Hugau, du 12 mars 1815
  2. dossier individuel Claude Hugau (1791-1847) et Trésor Royal no 2914, S.H.D Vincennes
  3. SHD, dossier Hugau, État des services en 1783
  4. Gérard Massoni, "Claude Hugau (1741-1820), lieutenant-colonel des hussards de Lauzun, membre de la 1re Assemblée Législative, Inspecteur des Revues" dans Vivat Hussar, Tarbes, 1994, no 24, p. 79-96
  5. Jean-Yves Labadie, "Un Ebroicien d'adoption, Claude Étienne Hugau" dans Connaissance de l'Eure, juillet 1992, no 85
  6. Ms Ffrn 28 et 28 bis Voyage en Asie, dans les royaumes de Sonde, Canarat et Maÿssur, Cap de Bonne Espérance, Isle de France, Arabie, Malabar par un capitaine de cavalerie, bibliothèque municipale d'Évreux, publiée par Françoise de Valence, Le voyage extraordinaire d'un capitaine de dragons chez Hyder Ali Khan, Paris, Ed. Maisonneuve et Larose, 2001
  7. Ms Ffrn 26, bibliothèque municipale d'Évreux
  8. Ms Ffrn 30, Détails intéressants sur les événements arrivés dans la guerre d'Amérique, bibliothèque municipale d'Evreux ; présentation par Gérard MASSONI, mémoire de maîtrise d'histoire sous la direction du professeur Vion-Delphin, Université de Franche Comté, 1996
  9. Ms Ffrn 31, Mémoire sur le commerce entre la France et les États-Unis, bibliothèque municipale d'Evreux
  10. Gérard Massoni, "Claude Hugau (1741-1820), lieutenant-colonel des hussards de Lauzun, membre de la 1re Assemblée Législative, Inspecteur des Revues" dans Vivat Hussar, Tarbes, 1994, no 24, p. 79-96 et Histoire d'un régiment de cavalerie légère, le 5e Hussards de 1783 à 1815, Paris, Ed. Archives et Cultures, 2007
  11. SHD, dossier Hussards de Lauzun, Xc 83, revue de 1786 et de 1787
  12. SHD, dossier Hugau, État des services du 27 messidor an XII (16 juillet 1804)
  13. SHD, dossier Hussards de Lauzun, Xc 83, Mémoire du 1er février 1789
  14. SHD, dossier Hugau, brevet de pension du 4 mars 1789
  15. Les inspecteurs aux revues sont chargés de l'organisation, embrigadement, incorporation, levée, licenciement, solde et comptabilité des corps militaires
  16. SHD, dossier Hugau, Rapport fait au ministre de la guerre, le 7 germinal an IX.
  17. SHD, dossier Hugau, courrier du 22 avril 1814 au ministre de la guerre
  18. SHD, dossier Hugau, minute du ministère de la guerre du 30 mai 1814
  19. SHD, dossier Hugau, courrier au ministre secrétaire d'État de la guerre du 18 février 1815


Voir aussi

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