Clarisse Bader

Clarisse Bader, née le à Strasbourg et morte le à Paris, est une journaliste, historienne et femme de lettres française[1].

À l’âge de 20 ans, elle se lance dans une importante œuvre historique sur les femmes pour laquelle elle recherche un financement public. Ainsi, en deux décennies de travail, elle publie cinq livres dont quatre sur l’histoire des femmes dans l’Antiquité. Un dernier ouvrage, publié en 1883, intitulé « La femme française dans les temps modernes » achève son projet. Elle maîtrise plusieurs langues, anciennes et contemporaines, et travaille essentiellement à partir de sources littéraires. Elle publie, après son histoire des femmes, plusieurs autres travaux de moins grande ampleur, notamment sur des figures masculines[2].

Biographie

Clarisse Bader a vécu à Paris la plupart de sa vie. Fille d’un officier alsacien, doyen des officiers principaux de l’Intendance militaire (personnage peu connu dont les livres n’ont jamais été traduits), c’était une personne discrète, appartenant à la haute bourgeoisie ou à la moyenne bourgeoisie dont la vie est représentative de la condition féminine au XIXe siècle[3].

De tendance monarchiste, patriote, de formation catholique dans la tradition du catholicisme social, elle a reçu une éducation très forte et soignée[4] : elle connaissait l’anglais, l’allemand et l’italien et elle était capable de traduire le latin et le grec, compétences rares à cette époque. Indianiste et membre de la Société asiatique, studieuse, écrivain, historienne, professeur et dame patronnesse de la Société antiesclavagiste de France[5], elle a travaillé comme collaboratrice de la Revue des deux Mondes, du Journal des Débats, de La Défense et du Correspondant[1]. Bader peut être considérée comme féministe pour certains aspects spécifiques de sa vie et par rapport aux sujets de ses études.

Elle est une des rares femmes à cette époque à exercer les professions d'historienne et de journaliste. Elle doit travailler pour subvenir aux besoins de sa famille : son père avait perdu son emploi.

Elle peut être considérée comme féministe, enfin, en ce qu’elle a passé sa vie à étudier la condition féminine et à plaider, dans ces écrits et par ses articles, pour que les femmes obtinssent certaines améliorations de leurs droits ; mais sa pensée, d'un autre coté, peut être regardée comme l’expression érudite de la mentalité conservatrice, très restrictive et sévère de son temps qui, dans ce moment historique, n’était pas celle de la majorité au pouvoir mais plutôt celle de la majorité des groupes qui formaient la société française.

Cependant, le fait qu’elle soit si représentative de cette mentalité, aussi bien s’il est plus vrai dans la théorie que dans la pratique, n’a pas empêché Barbey d'Aurevilly de lui intituler un chapitre entier dans son livre écrit en 1878 sur celles qui, selon l’auteur, sont les « femmes savantes » d'une pédanterie ridicule[6] de son temps qui se permettaient de faire des professions entièrement masculines, autrement dites des « bas-bleus ». Dans son livre il dit :

« […] Je ne suis point de ceux qui pensent que les femmes puissent faire de l'histoire, dans le sens réel et vigoureux de ce mot. […] De notre temps, elle [Clarisse Bader] est la seule femme d’un esprit consistant et d’une instruction déterminée, qui ait eu […] la prétention d’écrire l’histoire. En général, les prétentions du bas-bleuisme ne sont pas de ce côté. Le bas-bleu fait surtout du roman […]. […] le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très hommes pour l’aborder. »[6]

Œuvre

Clarisse Bader a entièrement dédié sa vie à la recherche sur la condition féminine et à la rédaction d’une encyclopédie de travaux portant sur le rôle et la condition des femmes dans plusieurs pays et époques. Elle a par ailleurs écrit un grand nombre de biographies de personnages importants de son temps.

Son œuvre historique sur la condition féminine se compose de cinq essais :

  • La femme dans l’Inde antique (1864, œuvre couronnée par l’Académie française) ;
  • La femme biblique, sa vie morale et sociale, sa participation au développement de l’idée religieuse ;
  • La femme grecque, étude de la vie antique (1866) (1872, œuvre couronnée par l’Académie française) ;
  • La femme romaine (1877) ;
  • La femme française dans les temps modernes (1883, œuvre couronnée par l’Académie française).

La « femme française » est le dernier travail qui conclut son encyclopédie sur les femmes, et le seul qu’elle a consacré à la modernité.

L'écriture de cette dernière œuvre sur la condition féminine a été encouragée par l'Académie française en attribuant à Clarisse Bader, sous la forme d’une bourse d’étude, une partie de 2 000 francs sur 5 000[7] du prix Botta – du nom de la dame qui a fait une donation de vingt mille francs à l’Académie française pour l’instituer[8]; – institué par décret présidentiel en 1875, attribué seulement à partir de 1883 et décerné de cette date tous les cinq ans jusqu’au 1985 à l’auteur du meilleur ouvrage sur la condition des femmes publié en français dans les cinq ans précédant le prix[9]. Bader a été le premier auteur à recevoir ce prix.

Position sur le féminisme

À la fin du XIXe siècle, alors que l'ensemble des féministes s'inscrivent contre l’idée de différence des sexes, Clarisse Bader fait exception, et défend l’idée de différence[2]:

« Partant de ce principe que les deux sexes sont égaux moralement, voire même physiquement, les émancipateurs des femmes réclament des droits pour elles, outre l’égalité des droits civils, l’égalité des droits politiques et le libre accès à toutes les fonctions publiques. (…) Tout d’abord, j’avoue humblement que je ne crois pas que l’homme et la femme aient les mêmes droits naturels ; la femme, ayant d’autres devoirs à remplir que ceux de l’homme, a aussi d’autres droits. Quant aux capacités de la femme, je crois avoir suffisamment démontré qu’elles ne valent assurément pas ses qualités morales. Dans l’histoire de notre pays comme dans les annales de l’Antiquité, nous avons pu constater que le passage de la femme dans la vie politique d’un peuple, a été le plus souvent désastreux »

La pensée de l’écrivain s'inscrit dans le féminisme moraliste[10]. Celui ci s'inscrit dans l'un des deux grands courants du mouvement féministe du XIXe siècle, celui de la droite catholique française, dit dualiste. Ce courant, plus discret mais certainement plus représentatif de « la majorité silencieuse » de l’époque, se base sur la préservation des traditions du passé en partant du principe que les deux natures féminine et masculine sont différentes. Ce courant féministe de droite s'oppose à un autre grand courant, dit égalitaire, de gauche. Ce dernier part d'un postulat d’égalité naturelle des femmes et des hommes et voit en le législateur un moteur du progrès susceptible d'ôter la femme de l'influence de l’Église, et de son éducation religieuse, en lui permettant, à travers la lois, de s’instruire d’une façon laïque et de devenir ainsi une libre penseuse[11].

Partout dans les essais historiques de Clarisse Bader on ne regarde les lettres jamais autrement qu’une forme de l’action morale, sociale et chrétienne[12].

Dans La femme française, Bader, qui écrit en 1883, elle dit qu’elle n’est pas d’accord avec l’émancipation politique de la femme promue par les femmes de la Révolution Française et par autres groupes pendant plusieurs moments historiques successifs jusqu’aux mouvements d’émancipation de l’époque contemporaine, ce n’est pas elle qui prétend à l’émancipation politique, « il lui suffit de maintenir à son foyer les traditions de justice, de désintéressement, d’honneur et de patriotisme qui font sacrifier l’intérêt personnel à la voix de la conscience[3]».

En ce qui concerne le travail des femmes, elle dit que la femme ne doit pas sortir de sa maison, pour des raisons de moralité (pas de contact avec d’autres hommes que son mari) et pour que son ménage ne souffre pas de son absence[réf. nécessaire].

Elle admet qu’il y a un certain nombre de métiers où la présence de femmes est souhaitable (les grands magasins, le professorat) et elle reconnaît qu’il existe des femmes sans mari qui sont contraintes de gagner seules leur vie (filles célibataires et veuves), mais pour elle ce qui semble nécessaire avant tout, c’est de multiplier le nombre des professions sédentaires ouvertes aux femmes : travaux à l’aiguille (dont il faudrait augmenter le salaire), artisanat, bureaux de poste, de télégraphie, de tabacs, les fonctions d’inspectrices[réf. nécessaire].

Pour l’art, elle préfère que la femme soit muse qu’artiste, même si elle reconnaît la part de certaines dans la littérature en appréciant surtout celles qui chantent l’amour du foyer. Dans tous les cas, il faut, dans sa vision, que ces artistes restent discrètes et travaillent à la maison. Quant à l’éducation, au début du siècle, l’éducation supérieure des filles n’intéressait pas l’État et était laissée à l’initiative privée[réf. nécessaire].

Elle reconnaît l’autorité du chef de famille mais s’insurge contre les abus de pouvoir contre lesquels l’épouse est désarmée par la loi et, au nom des anciens droits coutumiers, elle demande un amendement du Code civil[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. Sitzmann 1909-1910, p. 73.
  2. Isabelle Ernot, « L’histoire des femmes et ses premières historiennes (xixe-début xxe siècle) » (consulté le ).
  3. Cit. Bloch M., « Clarisse Bader » dans Femmes d’Alsace, Librairie Fischbacher, Paris, 1896.
  4. De Gubernatis 1888-1891, p. 120.
  5. Jouffroy A. (émission proposée par), A la bibliothèque Thiers, à Paris, découvrez Clarisse Bader (1840-1902) et la condition féminine au XIXe siècle – Entretien avec Sylvie Biet, conservateur en chef de la bibliothèque de l’Institut de France et de la bibliothèque Thiers, Canal Académie (les Académies et l’Institut de France sur internet), adresse de l’entretien: http://www.canalacademie.com/ida8547-A-la-bibliotheque-Thiers-a-Paris-decouvrez-Clarisse-Bader-1840-1902-et-la-condition-feminine-au-XIX-e-siecle.html, mise en ligne : 04 mars 2012.
  6. Cfr. Barbey d'Aurevilly J., Introduction dans Les bas-bleus, Société générale de libraire catholique, Paris, 1878.
  7. Cfr. Gazette bibliographique, Documents officiels, Institut : Sociétés savantes, Académie française dans Le Livre, Bibliographie moderne, t. III, p. 431, Paris : 1881.
  8. Bulletin des lois des la République française contenant les lois et décrets d'intérêt public et général, XIIe série, t. 11, p. 1471, Imprimerie nationale, Paris : IIe sem. 1875.
  9. Ibidem, p. 244.
  10. La définition du terme féminisme moraliste à laquelle on se réfère ici peut être trouvée dans Ottonelli V., La libertà delle donne – Contro il femminismo moralista, il melangolo, Genova, 2011.
  11. Cfr. Commission fédérale pour les questions féminines, « Le mouvement féministe du début du siècle à la Première Guerre mondiale » dans Histoire de l’égalité : Femmes Pouvoir Histoire 1848-200, adresse : http://www.ekf.admin.ch/dokumentation/00444/00517/index.html?lang=fr#sprungmarke1_4, mise en ligne : 01 juin 2004.
  12. Sitzmann 1909-1910, p. 74.

Bibliographie

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