Muses

Dans la mythologie grecque, les Muses (grec Μοῦσαι / Moûsai) sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne qui présidaient aux arts libéraux.

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Étymologie

S'il est établi que leur nom (sing. Μοῦσα [ˈmoːˌsa]) reflète un ancien *montya, l'étymologie de cette dernière forme reste incertaine. Une hypothèse fait dériver le terme de la racine indo-européenne *men- / *mon- présente dans μένος / ménos et dans μνήμη / mnếmê. Mnémosyne dérivant du grec μνήμη, cela ferait des Muses, les Filles de la Mémoire[1]. Tandis qu'une autre hypothèse propose de rattacher le mot à la racine *mont- du latin mons montagne »)[2], et faire d'elles, primitivement, les nymphes des monts Olympe ou Hélicon. Toutefois, la racine grecque μουσ- se retrouve dans des mots tels que μουσική / mousikế (« musique »), μουσεῖον / mouseĩon (« musée »).

Mythe antique

Les Muses apparaissent dans la Théogonie du poète grec Hésiode. Elles font l'objet d'un prologue qui est dédié à leur rencontre avec le poète sur le mont Hélicon. Dans ce prologue, Hésiode, venu faire paître son troupeau sur le mont Hélicon, aurait aperçu les Muses pendant leurs rituels sacrés. C'est à ce moment qu'elles l'auraient doté de sa qualité de poète, et l'auraient chargé d'accomplir une mission sacrée : celle de conter leur Histoire et celle des dieux olympiens.

Dans l’Odyssée, Homère invoque une Muse, sans doute Calliope, peut-être Érato, pour raconter le retour d'Ulysse à Ithaque après la fin de la guerre de Troie :

« O Muse, conte moi l'aventure de l'Inventif : celui qui pilla Troie, qui pendant tant d'années erra […] À nous aussi, Fille de Zeus, conte un peu ces exploits ! » (traduction de Philippe Jaccottet).

Mais dans l’Iliade, où il narre un épisode de la guerre de Troie, il invoque une déesse :

« Chante la colère, déesse, du fils de Pélée, Achille, colère funeste, qui causa mille douleurs aux Achéens […] » (traduction d'Eugène Lasserre, qui souligne dans ses notes que si le poète connait le mot « Μοῦσα », il emploie bien ici le mot « déesse »).

À l'origine (selon Pausanias), elles étaient trois : Aédé (le « chant », la « voix »), Mélété (la « méditation ») et Mnémé (la « mémoire »). Ensemble, elles représentent les pré-requis de l'art poétique dans la pratique du culte.

À Delphes, elles portent le nom des trois premières cordes d'une lyre : Aiguë (Nété), Médiane (Mésé) et Grave (Hypaté).

Cicéron dans La Nature des Choses en compte quatre : Thelxinoé « qui touche le cœur », Aédé « le chant », Arché « le commencement » et Mélété « la réflexion »[3].

La tradition leur attribuait deux résidences : une sur le mont Parnasse, l'autre sur l'Hélicon.

C'est Platon (dans Ion) vers 401 av. J.-C., puis les néo-platoniciens, qui font des neuf Muses les médiatrices entre le dieu et le poète ou tout créateur intellectuel, d'après la conception de l'art selon laquelle le poète est possédé, transi par le dieu. De l'âge pré-socratique à l'âge classique, leurs attributs ont évolué.

Nom usuel Racine Domaine
CalliopeΚαλλιόπη / Kalliópê, « qui a une belle voix »poésie épique
ClioΚλειώ / Kleiố, « qui est célèbre »histoire
ÉratoἘρατώ / Eratố, « l'aimable »poésie lyrique et érotique
EuterpeΕὐτέρπη / Eutérpê, « la toute réjouissante »musique
MelpomèneΜελπομένη / Melpoménê, « la chanteuse »tragédie et chant
PolymnieΠολυμνία / Polumnía, « celle qui dit de nombreux hymnes »rhétorique, éloquence
TerpsichoreΤερψιχόρη / Terpsikhórê, « la danseuse de charme »danse
ThalieΘάλεια / Tháleia, « la florissante, l'abondante »comédie
UranieΟὐρανία / Ouranía, « la céleste »astronomie

Les Muses sont parfois abusivement assimilées aux Piérides, en référence à la Piéride, une région de Thrace dont elles sont originaires[4].

Contrairement à une croyance répandue, il n'y a pas de lien direct entre les Muses de la mythologie grecque et la définition des arts dits traditionnels. Ainsi, le philosophe Hegel, dans son Esthétique, n'en dénombre que cinq : architecture, sculpture, peinture, musique et poésie.

Attributs

Trois muses sur un bas-relief de Mantinée attribué à l'atelier de Praxitèle, IVe siècle av. J.-C.
Les Muses, bas-relief du pulpitum du théâtre antique de Sabratha.

Les Muses sont facilement identifiables dans l'art, notamment quand elles sont au nombre de neuf et accompagnées d'Apollon. Cependant, leurs différents attributs permettent aussi de les reconnaître dans des représentations isolées.

  • Calliope : couronne d'or, livre, tablette et stylet, trompette, guirlandes, poème épique ;
  • Clio : couronne de laurier, cygne, livre qui a pour titre Thucydide[5] ou rouleau, tablette et stylet, quelquefois trompette[6], parfois le globe terrestre, la guitare, et un plectre ;
  • Érato : couronne de myrte et de rose, tambourin, lyre, viole, cygne, archet, tourterelle ;
  • Euterpe : flûte simple ou aulos, hautbois double, et un autre instrument de musique (trompette), couronne de fleurs, cygne ;
  • Melpomène : cor, couronne de pampre de vigne, épée, masque tragique, sceptre à ses pieds, chaussée d'un cothurne, poignard ensanglanté ;
  • Polymnie : couronne de perles, de fleurs ou de pierreries, orgue, couleur blanche, sceptre, rouleau sur lequel est écrit le mot latin suadere « persuader »[5] ;
  • Terpsichore : couronne de guirlande, instrument de musique à cordes (viole, lyre, harpe, par exemple) ;
  • Thalie : couronne de lierre, instrument de musique (souvent viole), masque comique, rouleau, chaussée de brodequins, clairon ou porte-voix ;
  • Uranie : robe azur, compas, couronne d'étoiles, globe[7], instruments de mathématiques[5].

Phrase mnémotechnique

La phrase suivante[8] permet de se rappeler les neuf sœurs, dans l'ordre « Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie, Calliope » :

« Clame Eugénie ta mélodie, terrible et polonaise, uphonie calculée ! »

Postérité dans l'Antiquité

La poétesse grecque Sappho de Lesbos, qui vécut au VIe siècle avant J.-C., a été surnommée « la dixième Muse » dans une épigramme anonyme (attribuée sans doute faussement à Platon).

Sources

Notes et références

  1. Pierre Chantraine, La formation des noms en grec ancien, Paris, 1933, p. 98 ; voir aussi Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff, Der Glaube der Hellenen, Berlin, 1931-1932, I, p. 252.
  2. Jean Haudry, Courtisanes, Journal Asiatique, 303.2, 2015
  3. Annie Collognat, Au bonheur des dieux : Petit dictionnaire de mythologie grecque, 2015.
  4. Waltz 1999, p. 53, n.1.
  5. Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, Paris, Pocket, , 515 p. (ISBN 2-266-06168-2), p. 90-92.
  6. Eustache Le Sueur, Les Muses - Clio, Euterpe et Thalie, vers 1652-1655.
  7. Irène Aghion, Claire Barbillon, François Lissarrague, Héros et dieux de l'Antiquité. Guide iconographique, Paris, Flammarion, 1994, pp. 195-196.
  8. Alain Lieury, Une mémoire d'éléphant ? Vrais trucs et fausses astuces, Paris, Dunod, 2011 ; voir aussi Alain Lieury, Le livre de la mémoire, Paris, Dunod, 2013, p. 14.

Annexes

Article connexe

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Hésiode (trad. Pierre Waltz, préf. Jérôme Vérain), Les Travaux et les Jours, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « La petite collection » (1re éd. 2006), 65 p. (ISBN 978-2-84205-406-9).
  • Hésiode (trad. du grec ancien par Annie Bonnafé, préf. Jean-Pierre Vernant), Théogonie, Paris, Payot & Rivages, coll. « La Petite Bibliothèque », , 184 p. (ISBN 978-2-7436-2138-4).
  • I. Aghion, C. Barbillon, F. Lissarrague, Héros et Dieux de l'Antiquité, Flammarion, Paris, 1994.
  • Évelyne Saëz, Les Muses. Entre 1850 et 1950, des femmes d'exception, Collection Beaux Arts, Ouest France, 2014, 120 p. (ISBN 978-2737362460).
  • Sidy Diop, L'énonciation homérique et la pratique de l'invocation à la Muse, p. 67-79, Circe, 2011 no XV (ISSN 1851-1724) [lire en ligne].

Liens externes

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