Cléo de Mérode

Cléopâtre-Diane de Merode, dite Cléo de Mérode[1], est une danseuse, modèle et icône de beauté[2] française née le dans le 5e arrondissement de Paris[3] et morte le dans le 8e arrondissement de la même ville.

Pour les articles homonymes, voir Merode.

Cléo de Mérode
Carte postale illustrée d’une photographie de Cléo de Mérode en costume de scène (1901), cliché Reutlinger.
Surnom Cléo
Nom de naissance Cléopâtre-Diane de Merode
Naissance
Paris 5e ( France)
Décès
Paris 8e ( France)
Activité principale Danse
Formation École de danse de l'Opéra national de Paris
Famille Maison de Merode

Biographie

Origines et débuts dans la danse

Armes des Merode.
Cléo de Mérode dans le ballet Lorenza en 1901 aux Folies Bergère, cliché Reutlinger.

Issue d'une naissance illégitime, elle est la fille naturelle de Vincentia Marie Cécilia von Merode (1850-1899), baronne belge issue de la branche autrichienne de la famille de Merode, abandonnée par son amant, membre de la haute bourgeoisie autrichienne. Cette dernière conserve toutefois le soutien financier de sa famille. Elle étudie chez les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, rue de Monceau à Paris[4].

Formée à l'école de danse de l'Opéra de Paris, Cléopâtre-Diane, dite Cléo de Mérode, crée en 1896 au casino de Royan Phryné, un ballet de Louis Ganne, puis est nommée grand sujet à l'Opéra de Paris et danse dans Coppélia, Sylvia ou la nymphe de Diane de Léo Delibes, Les Deux Pigeons d'André Messager, L'Étoile d'André Wormser et Le Couronnement de la Muse de Gustave Charpentier. Elle quitte l'institution en 1898 puis entreprend une carrière indépendante internationale et danse jusqu'à la Première Guerre mondiale.

Son charme lui vaut alors une foule d'admirateurs intéressés[4].

Elle se produit à l'Exposition universelle de Paris en 1900 dans les « danses cambodgiennes », crée en 1902 à Moscou et Madrid Tanagra sur un poème de Paul Franck puis Phoébé à l'Opéra-Comique à Paris. En 1901, le directeur des Folies Bergère, Édouard Marchand, la recrute pour un ballet pantomime en trois actes dénommé Lorenza. C’est le dernier grand spectacle qu'il organise dans cette salle parisienne[5]. Malgré une rentrée réussie en 1924, elle décide de se retirer du monde de la danse à Paris. Sur la demande d'Henri Varna elle reparaît ponctuellement sur scène en juin 1934 dans La revue 1900 aux côtés du danseur George Skibine[6]. « Je portais une robe de satin rose, baleinée à la taille, très longue, avec un ruché dans le bas. Nous dansions cinq valses à la file ; nous finissions par un grand tourbillon, et Skibine m'emportait dans ses bras au fond de la scène »[7].

Cléo de Mérode vers 1903, carte postale éditée par NPG (de).

Sa beauté délicate, hors des canons de beauté 1900, est restée légendaire, ainsi que les hommages qu'elle reçoit de quelques célèbres soupirants, plus particulièrement le roi Léopold II de Belgique, aventures qu'elle relate dans ses mémoires, Le Ballet de ma vie, publiées en 1955 par les Éditions Horay, à Paris. La rumeur infondée de leur liaison et, par conséquent de son influence sur la politique belge et congolaise[8], a cependant nui à sa réputation[4].

Égérie d'artistes

Alexandre Falguière, La Danseuse (Salon de 1896), marbre, sculpture pour laquelle Cléo de Mérode a posé. Localisation inconnue.

Elle pose pour le sculpteur Alexandre Falguière, pour les peintres Edgar Degas[4], Jean-Louis Forain, Giovanni Boldini, elle est représentée par Henri de Toulouse-Lautrec[4] et a son effigie en cire au musée Grévin dès 1895, façonnée par le chef d'atelier du musée, le sculpteur Léopold Bernstamm.

Elle est une des premières femmes dont l’image photographique, due notamment aux photographes Paul Nadar (1856-1939), fils et successeur de Félix Nadar, et surtout Léopold-Émile Reutlinger (1863-1937), est diffusée à l'échelle mondiale[4]. Elle pose également pour l'atelier photographique Benque (photographies prises à l'Opéra de Paris, à partir de 1890), le photographe Charles-Pierre Ogerau (1868-1908), auteur d'une série de portraits en 1895, et plus tard, Henri Manuel (1874-1947)[4].

Élue « reine de Beauté » sur photographies par les lecteurs de L'Illustration en 1896, parmi 131 célébrités, dont Sarah Bernhardt[4] ; elle accroît sa notoriété la même année avec un parfum de scandale, du fait de l'exposition de la sculpture La Danseuse d’Alexandre Falguière au Salon des artistes français. Ce nu en marbre blanc grandeur nature[9] aurait été taillé d'après un moulage en plâtre de son corps, œuvre conservée à Paris au musée d'Orsay[10],[11]. Si le grain de la peau visible sur le plâtre prouve bien un moulage sur le vif, Cléo de Mérode s'est pourtant toujours défendue d'avoir posé nue. Elle accuse Falguière d’avoir fabriqué une œuvre à scandale en moulant le corps de la statue sur un autre modèle féminin, alors qu’elle n’aurait posé que pour la tête[4].

Des personnalités contemporaines aussi diverses que les hommes de lettres Jean de Tinan (dans Penses-tu réussir !), Georges Rodenbach (article de presse à propos de La Danseuse de Falguière), ou le peintre Paul Klee (Journal), laissent des témoignages écrits exprimant le pouvoir de fascination qu'exerçait son image, en mouvement sur scène, ou fixée par la photographie.

Jean Cocteau écrit qu'elle est « la Belle des belles », « cette vierge qui ne l'est pas, cette dame préraphaélite qui marche les yeux baissés à travers les groupes. […] Un autre fantôme l'escorte, un fantôme royal avec un bel éventail de barbe blanche. Le profil de Cléo est tellement gracieux, tellement divin que les caricaturistes s'y brisent ». Le poète fait ici référence à sa liaison fantasme avec le roi des Belges[4].

Elle séjourne plusieurs étés de sa vie à Biarritz ou au château de Rastignac à La Bachellerie en Dordogne, chez la famille Lauwick.

Dernières années

Pendant l’Occupation, elle se retire à Saint-Gaultier, dans l’Indre.

Après la guerre, en 1950, Cléo de Mérode gagne un procès contre Simone de Beauvoir qui a fait l'erreur de l'assimiler à une « cocotte »[12] dans Le Deuxième Sexe[13], ignorant par ailleurs qu'elle est encore en vie. Finalement, le juge considère que les propos de la philosophe sont inconvenants, mais ne la condamne qu'à un franc symbolique d'amende, alors que Cléo de Mérode réclamait 5 millions. Simone de Beauvoir doit aussi retirer cette mention de son livre, mais le magistrat considère que l'ancienne danseuse aurait dû publiquement démentir cette rumeur à l'époque. Cette réputation de demi-mondaine la poursuivra dans plusieurs livres, de même qu'en 2015 lors d'une exposition sur la prostitution de la Belle Époque au musée d'Orsay[4].

Tombe de Cléo de Mérode ornée d'une statue par Luis de Périnat, Paris, cimetière du Père-Lachaise.

Elle est morte à l'âge de 91 ans, à son domicile parisien situé au 15, rue de Téhéran (8e arrondissement de Paris), dans le quartier de l'Europe[4], elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (90e division), où elle repose aux côtés de sa mère Vicentia (Cense de Merode[3]). Une statue représentant Cléo de Mérode, sculptée en 1909 par le diplomate et sculpteur espagnol Luis de Périnat qui fut son amant de 1906 à 1919  mais qu'elle avait quitté à la suite de son infidélité[4] , orne leur tombe.

Publication

  • Le Ballet de ma vie, Paris, éditions Horay, 1955, 277 p., ill.

Notes et références

  1. Contrairement à son patronyme, son pseudonyme est orthographié avec un « é ».
  2. Cléo de Mérode, une icône entre Romantisme et Symbolisme
  3. Acte de naissance no 2179 (p. 6), registre des naissances de l'année 1875, mairie du 5e, sur le site des archives numérisées de la Ville de Paris.
  4. Yannick Ripa, « Cléo de Mérode ou la mauvaise réputation », L'Histoire no 455, janvier 2019, p. 68-71.
  5. Édouard Marchand et Cléo de Mérode aux Folies Bergère.
  6. Comœdia, 23 juin 1934.
  7. Marcel Schneider, L'Éternité fragile : les gardiens du secret, Éd. Grasset, 2001 (ISBN 978-2-246-61459-3).
  8. Le roi de Belgique est également roi du Congo.
  9. Localisation inconnue.
  10. « La Danseuse (Cléo de Mérode) », notice no 000SC013913, base Joconde, ministère français de la Culture.
  11. « La Danseuse », notice du musée d'Orsay.
  12. Dans son ouvrage Les années folles, 1918-1939 : le triomphe de l'art moderne, l'historien d'art et écrivain Jean-Jacques Lévèque écrit : « Réputée pour sa grande beauté, plus encore que pour ses talents de danseuse, Cléo de Mérode luttera toute sa vie contre sa réputation de demi-mondaine, gagnant même un procès en diffamation contre Simone de Beauvoir qui la traita ainsi dans Le Deuxième sexe. »
  13. Florence Montreynaud, L'aventure des femmes XXe-XXIe siècle, Nathan, 2011.

Annexes

Bibliographie

  • Christian Corvisier, Cléo de Mérode et la photographie, la première icône moderne, Paris, éditions du Patrimoine, 2007, 127 p., 150 ill..
  • (en) Michael D. Garval, Cléo de Mérode and the Rise of Modern Celebrity Culture, Farnham, Ashagate, 2012.
  • Yannick Ripa, Femmes d'exception. Les raisons de l'oubli, Le Cavalier bleu, 2018.

Article connexe

Liens externes

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