Château de Turenne (Corrèze)

Le château de Turenne est situé sur le territoire de la commune de Turenne, dans le département français de la Corrèze, en France. Il était le fief de la vicomté de Turenne jusque 1738.

Pour les articles homonymes, voir Château de Turenne (homonymie).

Château de Turenne
Début construction XIIIe siècle
Fin construction XVe siècle
Destination initiale château
Protection  Classé MH (1840)
 Classé MH (1890)
 Classé MH (2015)
Coordonnées 45° 03′ 20″ nord, 1° 35′ 01″ est
Pays France
Région Nouvelle-Aquitaine
Département Corrèze
Commune Turenne
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Nouvelle-Aquitaine
Géolocalisation sur la carte : Corrèze

Historique

Premières mentions du castrum

Une vicaria Torinensis est signalée au VIIe siècle.

Le castrum de Turenne apparaît pour la première fois dans les textes en 767 quand il est donné par Pépin le Bref à Immon, premier comte de Quercy. Pépin le Bref est alors en conflit avec Waïfre, fils d'Hunald Ier, duc d'Aquitaine, qui veut se soustraire à la domination franque. Un acte de l'empereur Louis le Pieux daté de 823 indique que le castrum de Turenne avait été saisi par Pépin le Bref et qu'un certain Lambert dit Agan avait été donné en otage à Louis le Pieux par son père Aganus et un comte Ermenric pour maintenir la paix en Aquitaine. Les biens d'Aganus ont été saisis et son fils, Lambert Agan, a été tenu en otage pendant 50 ans avant d'être libéré au plaid de Compiègne en 823. Au même moment une charte de l'abbaye Saint-Pierre de Beaulieu-sur-Dordogne indique que le comte de Quercy, comes Cartucorum, Raoul (Rodulfus), et sa femme Aiga donnent des biens à leur fils Rodulfus et leur fille Immena qui sont entrés en religion[1]. Raoul est en général souvent désigné comme comte de Turenne[2] mais Louis Moréri indique qu'il était comte de Quercy, apparenté à Wicfred, comte de Bourges (mort en 838), lui-même apparenté aux Pépinides[3].

Les vicomtes de Turenne

En 839 le castrum qui était tenu par Pépin II, roi d'Aquitaine est pris par Louis Le Pieux. Les reliques de saint Martial qui se trouvaient à Limoges sont mises en sécurité dans le castrum vers 842 et en 885-895, peut-être à cause des incursions des Vikings.

Le premier qui soit qualifié de vicomte de Turenne dans un texte daté de 984, après sa mort, est Bernard (v.915-981), fils d'Adhémar de Turenne (899-945), vicomte des Échelles et abbé laïque de Tulle.

Bernard Ier de Turenne a eu une fille, Sépulcie mariée à Archambaud de Comborn. Dans le conflit avec son beau-frère vicomte d'Aubusson pour le contrôle du castrum de Turenne, au cours du combat pour s'emparer du château de Turenne, en 986, le vicomte de Comborn a la jambe brisée, ce qui lui a valu le surnom de « Jambe Pourrie »[4]. Archambaud de Comborn a réuni les vicomtés de Comborn et de Turenne. Son petit-fils, Guillaume a reçu la vicomté de Turenne, son frère Archambaud II a eu la vicomté de Comborn.

L'emplacement du premier château de Turenne a été discuté car dans un acte du cartulaire de l'abbaye d'Uzerche concernant un don fait par le vicomte de Turenne Boson Ier, en 1074, on cite un lieu appelé Vieille Turenne (montem qui vocatur Vetula Torena), qui se trouve à 1,5 km au nord-est de Turenne, au-dessus du village de Gondres[5]. L'historiographie situe maintenant en ce lieu le château carolingien. Ce serait Archambaud « Jambe Pourrie » qui aurait déplacé le château à son emplacement actuel à la fin du Xe siècle ou son petit-fils Guillaume Ier, dans la première moitié du XIe siècle.

Avant de partir pour la première croisade, en 1096, Raymond Ier de Turenne, fils de Boson Ier, a probablement renforcé les défenses du château. C'est sans doute le premier vicomte à frapper de la monnaie d'après Geoffroy de Vigeois. Ces pièces d'argent de faible poids n'avaient cours que dans les diocèses de Limoges, Cahors et Périgueux. Ce monnayage s'est arrêté en 1317[6],[7]. Au début du XIIe siècle, le vicomte de Turenne est dans la mouvance des ducs d'Aquitaine. Celle-ci n'est cependant attestée formellement qu'à partir de 1120. Les vicomtes ont joui dans cette période d'une grande autonomie et ont pu battre monnaie.

Le château est pris et endommagé en 1188 par Richard Cœur de Lion. Le château est ensuite réaménagé.

Les vicomtes de Turenne et les rois de France

En 1214, dans le conflit entre Capétiens et Plantagenêt, le vicomte Raymond IV s'est délié de la fidélité au duc d'Aquitaine pour se placer dans la mouvance du roi de France Philippe Auguste. En 1224, il participe avec d'autres barons, il aide Louis VIII à ramener le duché d'Aquitaine dans la mouvance du roi de France. En 1242, il se rapproche du comte de Toulouse et participe à la révolte contre le jeune Louis IX et son frère Alphonse de Poitiers. Le château de Turenne est alors saisi et placé sous le contrôle de l'administration royale jusqu'en 1253. Le château a servi un temps de siège à la sénéchaussée créée à cette occasion pour contrôler cette partie de l'Aquitaine.

En 1251 la vicomté de Turenne est coupée en deux par le roi. Hélix, fille de Raymond IV, mariée à Hélie le jeune Rudel, seigneur d'Aillac, reçoit les possessions occidentales de la vicomté avec Larche, Ribérac, Salignac, Creysse, Carlux, Monfort. C'est l'origine de la branche des Pons de Bergerac se prétendant « vicomtes en partie de Turenne ». Raymond VI, neveu de Raymond IV, reçoit la moitié orientale avec Turenne, Montvalent, Saint-Céré et Curemonte. Les deux entités n'ont été de nouveau réunies qu'en 1494 avec le mariage d'Antoine de La Tour d'Olliergues, fils d'Anne Rogier de Beaufort, vicomtesse de Turenne, et d'Annet IV de La Tour, seigneur d' Olliergues, avec Antoinette de Pons, dame de Montfort, fille de Guy de Pons.

La vicomté de Turenne a été vendue par Charles-Godefroy de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, vicomte de Turenne, au roi Louis XV le pour 4 200 000 livres sous la réserve que le vendeur continuerait à porter le titre de vicomte de Turenne[8].

Caractéristiques

Peu de documents permettent de préciser les dates de construction des différentes parties du château et préciser l'usage des différentes parties du château subsistantes après les destructions faites après la vente de la vicomté de Turenne au roi, en 1738, et le rachat du château par le vicomte de Noailles.

Représentation schématique du château sur un sceau de la vicomté.
Les trois tours subsistantes de la roca castri.

De la roca castri, il ne subsiste plus que la base des remparts et trois tours : la « tour de César » au nord, la « tour du Trésor » au sud et des vestiges de la « tour de la Poudrière » qui devait surveiller l'entrée du château. Un acte rédigé et reçu en 1454 à Turenne fait mention de « la chambre qui est au-dessus de la porte d'entrée du château ». Des autres bâtiments construits au XVIe siècle et XVIIe siècle, il ne subsiste rien. Des documents indiquent qu'il y avait un grand corps de logis au nord de la tour du Trésor, un bâtiment adossé à l'est de cette tour, la chapelle castrale Saint-Martial, et un autre bâtiment à côté de la tour de César. Dans la collégiale Notre Dame et Saint-Pantaléon, on peut voir une vue du château dans un médaillon de vitrail qui peut dater du XVIIe siècle.

La tour de César

La « tour de César », donjon circulaire de 20 m de haut, date du XIIIe siècle. Dans l'article sur le castrum de Turenne, Christian Remy et Gilles Séraphin supposent que la forme circulaire de la tour la rapproche des constructions du domaine capétien, ce qui pourrait la rattacher à deux moments de l'histoire de la vicomté :

  • à partir de 1214, quand Raymond IV se met dans la mouvance de Philippe Auguste et aide Louis VIII à ramener le duché d'Aquitaine dans la mouvance du roi de France ;
  • entre 1242 et 1253, quand le château est saisi par le roi de France.

Ils penchent pour une attribution de la construction de la tour à Raymond IV. Ils notent cependant qu'une tour circulaire appelée « tour de César » a été construite entre 1240 et 1250 à Allassac par Archambaud de Comborn[9].

La tour du Trésor

À l'autre extrémité de la plateforme sur laquelle est construit le château, la « tour du Trésor », donjon à contreforts rectangulaire de 9,50 m par 12,50 m de côté, est daté généralement du XIVe siècle par des similitudes avec le donjon du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte et les tours de l'enceinte du château de Vincennes. Elle a un plan qu'André Châtelain appelle « donjon roman ». Certaines incohérences dans la construction de la tour ont amené Christian Remy et Gilles Séraphin à supposer une origine plus ancienne, peut-être une construction antérieure au milieu du XIIIe siècle qui a été ensuite rhabillée en modifiant sa distribution et en lui apportant des adjonctions. La tour avait initialement trois niveaux :

  • le rez-de-chaussée, qui servait de cuisine au XVIIe siècle ;
  • le premier étage accessible par un escalier extérieur est voûté d'ogives et s'élève à plus de neuf mètres ;
  • le second étage avait une salle autrefois désignée comme la « salle des archives ». Il a été écrêté et constitue maintenant la terrasse sommitale.

Des bâtiments, aujourd'hui détruits, étaient appuyés contre les élévations est, sud et nord.

Les enceintes

Le château était protégé par deux enceintes. L'enceinte extérieure a été « modernisée » en ajoutant des bastions après la conversion au protestantisme du vicomte Henri Ier, en 1574, pour protéger cette nouvelle place forte protestante.

Protection des vestiges

Les vestiges de l'édifice sont classés au titre des monuments historiques en 1840[10], en 1890 pour leur tour de César et leur donjon rectangulaire, connu sous le nom de tour du Trésor, et en 2015 pour les parcelles constituant le terrain d'assiette du château, avec les vestiges archéologiques qu'elles contiennent et les bâtiments qu'elles supportent[11].

Références

  1. Publié par Maximin Deloche, Cartulaire de Beaulieu (en Limousin), p. 257-259, imprimerie impériale, Paris, 1859 Charte CLXXXV
  2. François Aubel, Les comtes de Quercy (fin VIIIe-début Xe siècle), p. 309-335, dans Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, 1997, Volume 109, no 219 (lire en ligne).
  3. Louis Moréri, Grand dictionnaire historique, p. 1031.
  4. Chronique de Geoffroy prieur de Vigeois, traduite par François Bonnély, p. 35-36, Imprimerie de Mme veuve Detournelle, Tulle (lire en ligne)
  5. J. B. Champeval, Cartulaire d'Uzerche, p. 240-241, dans Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, 1891, tome 13 (lire en ligne)
  6. Quand Martel frappait la monnaie du vicomte, Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze (lire en ligne)
  7. Pierre-Ancher Tobiésen Duby, Traité des monnaies des barons ou représentation et explication de toutes les monnaies d'or, d'argent, de billon et de cuivre qu'ont fait frapper les possesseurs de grands fiefs, pairs, évêques, abbés, chapitres, villes & autres seigneurs de France, tome 2, p. 82-85, Imprimerie royale, Paris, 1790 (lire en ligne)
  8. Congrès archéologique de France. 57e session. Brive. 1890, p. 54, Société française d'archéologie, Paris, 1891 (lire en ligne)
  9. « Tour de César », notice no PA00099648, base Mérimée, ministère français de la Culture
  10. « Château de Turenne », notice no PA00099930, base Mérimée, ministère français de la Culture
  11. Liste des immeubles protégés au titre des monuments historiques en 2015

Annexes

Bibliographie

  • Louis Moreri, Le grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane qui contient, en abrégé l'histoire fabuleuse des dieux et des héros de l'Antiquité payenne, les vies et les actions remarquables, etc, tome 6, p. 829-831, 1031, chez Jean Brandmuller, Bâle, 1733 (lire en ligne)
  • Charles-Laurent Salch, Dictionnaire des châteaux et des fortifications du Moyen Âge en France, p. 1189, Éditions Publitotal, Strasbourg, 1979
  • Christian Remy, Gilles Séraphin, Nicolas Faucherre, Le castrum vicomtal de Turenne, p. 381-410, dans Congrès archéologique de France. 163e session. Monuments de Corrèze. 2005, Société française d'archéologie, Paris, 2007

Liens internes

Lien externe

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