Château de Tocqueville

Le château de Tocqueville est une demeure, de la fin du XVIe siècle, remaniée à plusieurs reprises, qui se dresse sur la commune de Tocqueville dans le département de la Manche, en région Normandie.

Demeure de la famille Clérel, seigneurs de Tocqueville, elle a notamment appartenu à Alexis de Tocqueville. Il est aujourd'hui la propriété du comte et de la comtesse de Tocqueville d’Hérouville qui ont aménagé la tour sud du château en chambres d'hôtes[1].

Le château fait l'objet d'une protection partielle au titre des monuments historiques[2].

Localisation

Le château est situé à 700 mètres au sud-est de l'église Saint-Laurent de Tocqueville, dans le département français de la Manche.

Historique

La famille Clérel de Tocqueville est l'une des plus anciennes de la noblesse normande. Un Guillaume Clérel figure sur trois des plus anciennes listes des compagnons de Guillaume le Conquérant qui prirent part, en 1066, à la bataille d'Hastings.

Le château est édifié à la fin du XVIe siècle[3] et modifié en 1734[2]. C'est alors un gros manoir flanqué de deux tours et d'un pigeonnier de 2 500 boulins[4].

La chambre Bazoches dans la tour sud et le lit du XVIIIe siècle de style Napoléon ou dormait Alexis de Tocqueville.

En 1661, le château devient la possession de la famille Clérel. C'est alors qu'elle ajoute à son nom celui du fief dont elle vient de faire l'acquisition, comme il est d'usage à l'époque. Charles Clérel sera le premier de la famille à être seigneur et châtelain de Tocqueville[5].

En 1833, Alexis de Tocqueville tombe sous le charme du château familial inhabité depuis un demi-siècle. À la mort de sa mère, il obtient qu'il lui revienne plutôt qu'à son frère Édouard et s'y installe à partir de 1836. Sa femme, une anglaise, Mary Motley, dirige les travaux d'aménagement et de restauration[6], et y créée notamment l'étang. C'est dans ce château que médita Alexis de Tocqueville, auteur de De la démocratie en Amérique et de L'Ancien Régime et la Révolution, et lui permettra d'entamer, en 1839, une carrière politique dans la Manche, jusqu'à sa mort survenue à Cannes en 1859[7]. En 1896, Christian de Tocqueville fait construire la tour carrée qui flanque le château côté sud[8].

Ernest Hemingway, en , après la prise de Cherbourg, alors qu'il est corespondant de guerre pour le magazine Collier's et suit les troupes dans leurs progressions, passera quelques jours au château. En souvenir, il emportera le sextant de l'amiral allemand qui occupait avant le 6 juin les lieux[9].

En 1954, un incendie se propage aux décors intérieurs du château, épargnant le chartrier qui contient de nombreuses archives, dont plusieurs pièces provenant de Malesherbes, ministre de Louis XVI et son défenseur devant la Convention et la bibliothèque d'Alexis de Tocqueville, constitué par son aïeul, Bernard Bonaventure de Tocqueville, riche de 2 500 ouvrages des XVIIe et XVIIIe siècles[10].

En 1982, le château était entre les mains du comte de Tocqueville, inspecteur des Finances honoraire. Il est, en 2021, la possession du comte Jean-Guillaume et de la comtesse Stéphanie de Tocqueville d’Hérouville.

Description

Le château marque l'évolution des styles depuis le XVIe jusqu'au XIXe siècle.

La façade principale avec son pavillon central à trois fenêtres hautes et à fronton triangulaire est du début du XVIIIe siècle. La grosse tour, qui la flanque à droite, est du XVIe siècle.

La façade sud est la partie la plus ancienne. Cette construction, très typique du nord de la Manche, se présente sous la forme d'un rez-de-chaussée surmonté d'un étage bas, à cinq lucarnes fortement engagées sous une toiture de pierres de schiste bleu épais qui ondule légèrement au-dessus de chacune d'elles. Cet ensemble du XVIe siècle est complété par une autre grosse tour qui dépasse les larmiers de plus de deux étages. À cela s'accole une vaste galerie à laquelle fait suite un pavillon méridional de style néo-Renaissance carré à deux étages, construit en 1894[2]. Sur celle-ci on peut voir les armoiries sculptées de Christian Clérel de Tocqueville (à gauche) et celles d'Alix Chastenet de Puységur, mariés en 1894, à l'origine de la tour.

Sur le fronton triangulaire du corps central, on peut voir les armoiries de Catherine-Antoinette de Damas-Crux (morte le ), « d'or à la crois ancrée de gueules » qui le fit construire après le décès de Bernard-Bonaventure de Clérel (1730-1776), « d'argent à la fasce de sable accompagnée en chef de trois merlettes de sable et de trois tourteaux d'azur (alias de gueules) », quelle avait épousé en 1769[11]. Sur la façade du pavillon sud ajoutée en 1894, l'année de son mariage, par Pierre-Marie-Joseph-Christian Clérel, comte de Tocqueville (1862-1924), sont insérées ses armoiries, et celles de son épouse Alix-Clotilde de Chastenet de Puységur, « écartelé au premier quartier d'argent, au lion de gueules, à la bordure du champ, chargée de huit écussons de sinople, surchargés chacun d'une fasce d'argent ; au 2 de gueules, à trois flèches d'argent futées d'or, posées en pal ; au 3 de gueules, à trois pommes de pin d'or ; au 4 d'azur, à trois étoiles d'or ; et sur le tout d'azur, au chevron d'argent, accompagné en pointe d'un lion léopardé de même, au chef d'or[12] ».

La bibliothèque, épargnée par l'incendie de 1954, est restée telle qu'à l'époque d'Alexis de Tocqueville qui en avait fait sa pièce de travail. Elle arbore des boiseries, une cheminée monumentale ainsi que des rayonnages ou alternent les livres des philosophes des Lumières, récits de voyages, etc.

L'avenue est plantée en 1843, un bassin creusé en 1845 et sur l'arrière de la maison un jardin anglais, créé en 1856[2], agrémentent l'ensemble.

Le pigeonnier avec ses 2 500 boulins est l'un des plus vaste du Cotentin.

Armoiries sculptées ou peintes figurées dans le château

Sur le fronton triangulaire du corps central, on peut voir les armoiries de Catherine-Antoinette de Damas-Crux (morte le ), « d'or à la crois ancrée de gueules » qui le fit construire après le décès de Bernard-Bonaventure de Clérel (1730-1776), « d'argent à la fasce de sable accompagnée en chef de trois merlettes de sable et de trois tourteaux d'azur (alias de gueules) », quelle avait épousé en 1769[11].

Sur la façade du pavillon sud ajoutée en 1894, l'année de son mariage, par Pierre-Marie-Joseph-Christian Clérel, comte de Tocqueville (1862-1924), sont insérées ses armoiries, et celles de son épouse Alix-Clotilde de Chastenet de Puységur, « écartelé au premier quartier d'argent, au lion de gueules, à la bordure du champ, chargée de huit écussons de sinople, surchargés chacun d'une fasce d'argent ; au 2 de gueules, à trois flèches d'argent futées d'or, posées en pal ; au 3 de gueules, à trois pommes de pin d'or ; au 4 d'azur, à trois étoiles d'or ; et sur le tout d'azur, au chevron d'argent, accompagné en pointe d'un lion léopardé de même, au chef d'or[12] ».

Blasons peints du vestibule

Dans le vestibule, au-dessus de la porte de l'escalier, on peut voir, sur un manteau d'hermines de pair de France, l'écu peint d'Hervé Clérel, promu pair par Charles X en 1827. Aux murs de droite et gauche les écus peints des familles alliées aux Clérel depuis le XVIe siècle à nos jours[13].

Blason Famille alliée Armes Époux ou épouse
Henriette de Rampan« d'argent à trois merlettes de sable posées en fasce »épouse de Thomas Clérel en 1380
Perrette d'Arclais« de gueules au franc-quartier d'or à senestre chargé d'une bande d'azur, surchargée de deux (allias trois) molettes d'argent »épouse de Robert Clérel en 1425
Jeanne de Parfouru« d'azur à la haute fleur de lys d'or »épouse de Lö Clérel en 1460
Anne de Meurdrac« de gueules à deux jumelles d'or au léopard d'or passant en chef »épouse de Guillaume Clérel en 1498
Jeanne du Mesnildot« d'azur au chevron d'argent accompagné de trois croix d'or, 2 et 1 »épouse d'André Clérel en 1525
Louise Le Roy d'Amigny« d'argent à trois merlettes de sable 2 et 1 »épouse de Michel Clérel en 1546
Jacqueline Le Roux d'Auville« de gueules au chevron d'or accompagné de trois roses d'argent 2 en chef et 1 en pointe »épouse de Pierre Clérel en 1590
Marie Jallot de Beaumontépouse d'Hervé Clérel en 1623
Élisabeth du Chemin« de gueules au lion d'hermine »épouse de Charles Clérel en 1659
Charlotte-Françoise Besnard« d'azur à trois lis d'argent pointés de trois fleurons d'or »épouse de Guillaume Clérel en 1702
Catherine de Muldrac (Meurdrac) de Sainte Croix« de gueules à deux jumelles d'or au léopard d'or passant en chef »épouse de Georges Clérel en 1723
Catherine-Antoinette de Damas-Crux« d'or à la crois ancrée de gueules »épouse de Bernard-Bonaventure Clérel en 1769
Louise Le Pelletier de Rozambo« écartelé, aux 1 et 4 d'azur à la croix pattée d'argent chargée en cœur d'un chevron de gueules et en pointe d'une rose de même, boutonnée d'or ; le chevron accoté de deux molettes de sable sur la traverse de la croix ; aux 2 et 3 contre-écartelé : aux 1 et 4 d'or et d'azur; aux 2 et 3 d'argent, au sanglier de sable »épouse d'Hervé-Louis Clérel de Tocqueville en 1793
Alexandrine Ollivierépouse de Louis Clérel en 1830
Marie-Gabrielle Bérard de Chazelles« de gueules au lion d'or et de vair, à la bordure de vair »épouse de Bernard Hubert Clérel en 1860
Alix-Clotilde de Chastenet de Puységur« écartelé au premier quartier d'argent, au lion de gueules, à la bordure du champ, chargée de huit écussons de sinople, surchargés chacun d'une fasce d'argent ; au 2 de gueules, à trois flèches d'argent futées d'or, posées en pal ; au 3 de gueules, à trois pommes de pin d'or ; au 4 d'azur, à trois étoiles d'or ; et sur le tout d'azur, au chevron d'argent, accompagné en pointe d'un lion léopardé de même, au chef d'or »épouse de Pierre-Marie-Joseph-Christian Clérel en 1894
Marie-Louise d'Harcourt« de gueules à deux fasces d'or »épouse de Jean Clérel en 1932
Guy d'Hérouville« de gueules au chevron d'or accompagné de trois roses d'or 2 en chef et 1 en pointe »époux de Marie-Henriette Clérel en 1957

Protection

Sont inscrits[2] :

  • par arrêté du  : les bâtiments du XVIIIe siècle ;
  • par arrêté du  : Le hall d'entrée ; les deux salons du rez-de-chaussée ; l'ancienne chambre d'Alexis de Tocqueville ;
  • par arrêté du  : le parc du château, tel qu'il est délimité sur le plan annexé à l'arrêté.

Sont classés[2] :

  • par arrêté du  : la façade principale du XVIIIe siècle et la toiture correspondante ; les façades et les toitures des communs, y compris la maison du gardien mais à l'exclusion des adjonctions modernes ; les restes du pigeonnier ;
  • par arrêté du  : les façades et toitures du château, à l'exclusion de la façade est et de la toiture classées ; l'escalier et le chartrier ; la bibliothèque d'Alexis de Tocqueville au premier étage, avec son décor ; le portail d'entrée ; les façades et toitures des bâtiments dits « la menuiserie », « la petite boulangerie » et « la petite laiterie » ; la balustrade et les escaliers fermant la cour des communs sud ; la fontaine du jardin nord avec son bassin.

Visite et hébergement

Le parc, les dépendances et parfois la bibliothèque se visitent lors des Journées du patrimoine et par petits groupes avec les offices de tourisme de Barfleur et Saint-Pierre-Église. Dans le parc, l'été, sont organisées différentes manifestations : marché d'artisanat, lectures théâtralisées, etc. Un hébergement en chambres d'hôtes est possible dans la tour XIXe siècle, avec la possibilité de dormir dans le lit d'Alexis de Tocqueville (chambre Bazoches)[9],[14].

Prix Alexis-de-Tocqueville

Le château et le parc accueillent régulièrement la cérémonie de remise du Prix Alexis-de-Tocqueville qui récompense un penseur humaniste attaché aux libertés publiques[9].

Notes et références

  1. Site officiel du château de Tocqueville.
  2. « Château », notice no PA00110618, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Norbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN 978-2-9139-2038-5), p. 145.
  4. « Secrets de châteaux et manoirs - Cotentin - Saint-Lô - Coutances », La Presse de la Manche, no Hors-série, , p. 30 (ISBN 979-1-0937-0115-8).
  5. Collectif, Blasons armoriés du Clos du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 214 p. (ISBN 2-85480-543-7), p. 176.
  6. tocqueville.culture.fr.
  7. Girard et Lecœur 2005, p. 33.
  8. Secrets de châteaux et manoirs, 2008, p. 30.
  9. Secrets de châteaux et manoirs, 2008, p. 33.
  10. « Bibliothèque d’Alexis de Tocqueville, au château de Tocqueville (Manche) »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  11. Blasons du Clos du Cotentin, 1996, p. 180.
  12. Blasons du Clos du Cotentin, 1996, p. 181.
  13. Blasons du Clos du Cotentin, 1996, p. 182 à 186.
  14. Site officiel du château de Tocqueville.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean Barbaroux, 120 Châteaux et Manoirs en Cotentin, Bayeux, Éditions Heimdal, , 112 p. (ISBN 978-2-9021-7157-6), p. 63.

Articles connexes

Liens externes

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